Charlie observait la scène à distance, avec un air à la fois curieux et gêné. Contrairement à une bonne partie des américains, la famille Cavendar n'avait jamais été très porté sur la religion. Il faut dire qu'en France, la religion n'avait pas une place aussi importante qu'aux Etats-Unis, du moins cela dépendait des familles. La jeune femme se souvint alors d'une anecdote de son père. Quand il était jeune, il s'était toujours enfui les jours où ses parents avaient tentés de le forcer à faire sa communion. Bref. La religion, ça n'avait jamais été vraiment pour les Cavendar.
Néanmoins, Charlie ignorait si elle croyait en une puissance divine ou non. Elle avait déjà prié, dans l'espoir qu'on lui vienne en aide quand elle n'allait pas bien. Pourtant, un doute persistait. Et à bien observer Doug, ce dernier n'avait aucun doute et se croyait même porteur de la voix de Dieu à n'en pas douter. Elle ne voulait pas lui manquer de respect mais elle ne pouvait s'empêcher d'arborer un petit sourire amusé en le voyant dans sa robe blanche. Au moins faisait-il quelque chose de bien. Une commémoration des morts, c'était une bonne idée et cela pouvait faire du bien à beaucoup d'entre eux.
Ainsi, et même si elle n'assistait pas de près à la cérémonie, Charlie pensait à sa mère et à son frère, Louis, qui lui manquaient énormément. Mais aussi à son père qu'elle n'avait jamais revu. Peut-être réapparaîtrait-il un jour comme Nathan, miraculeusement. Charlie posa un instant son regard sur la bouille de son frère non loin d'elle. Son cœur se remplit de joie une nouvelle fois, trop heureuse de le savoir en vie, en bonne santé et auprès d'elle.
Tous deux se tenaient non loin de la barrière. Même si elle n'était pas de garde ce soir là, Charlie avait ce réflexe de surveiller les environs par moments. Ainsi, elle entendit un léger marmonnement provenant de Cale, qui lui était de garde. Elle se tourna vers lui et laissa échapper un sourire amusé. Dans un sens, il n'avait pas tort.

Pff. Elle ne savait pas pourquoi elle était là. Santana exécrait tout ce qui s'approchait de près ou de loin à la religion, et on ne pouvait pas dire qu'elle portait Doug dans son coeur avec toutes ses remarques racistes et homophobes qu'elle pouvait se prendre en pleine face. Mais bon. Son geste était louable. Et être leader impliquait certainement de faire bonne figure dans ce genre de cas où on honore nos morts.
La brune avait perdu bien des gens, bien des proches. Aujourd'hui tout ce qui comptait pour elle c'était d'empêcher de perdre de nouvelles personnes. A commencer par Charlie, qu'elle protégerait de toutes ses forces, envers et contre tout. Son petit frère aussi, malgré sa difficulté à approcher l'enfant. Mathilde, son amie et collègue, celle qui était la plus à même de la comprendre maintenant qu'elles tenaient les rênes d'un groupe. Bobby, celui qui avait sauvé de nombreuses vies, qui avait aussi dérogé à certaines règles. Elsa, Ruth, Cale, et compagnie, tous ces gens, tous ces personnes qu'elle approchait chaque jour un peu plus. Ils étaient comme une famille, presque, soudé comme pas possible. Parce que l'union faisait la force.

Santana se tenait un peu à l'écart, observant la cérémonie d'un oeil à la fois bienveillant et inquisiteur. Elle était un peu éloignée de tous, certainement rendue mal à l'aise par la présence de Doug et de tous ses sermons religieux qui la dépassait. Elle croisait les bras, son moorhaus à sa place, son fusil pendant à sa lanière comme toujours. Elle ne quittait jamais ses armes, elle affichait une posture sérieuse et prête à tout. Prête à en découdre à tout instant. Si elle savait. La sapeur pompier ne se doutait pas encore de ce qui allait venir...

Bordel mais c'était quoi tout ce merdier ? C'était à peu près la seule chose qu'avait pu penser Santana avant de se retrouver avec un flingue sous sa tronche, un groupe débarquant d'on ne sait où, on ne savait comment, de derrière Doug. Elle aurait bien voulu dégommer le mec devant elle, mais le temps qu'elle ramène son fusil devant elle, c'était déjà trop tard. Tout le monde était cerné, et la sapeur pompier voyait avec horreur le carnage arrivé de loin. Comment ils avaient pu en arriver là ? Elle ne le savait pas. Pourtant, la sécurité était censée être au rendez-vous au labo. Tout ce foutoir était inexplicable.

Une voix familière, mais quoi que floue aux yeux de Santana, se démarqua alors de tout le reste. L'homme, le chef de ces crétins à n'en pas douter, haussait le ton, faisait son one man show. La trentenaire avait la vue bloquée par celui qui l'a tenait en joue avec un rictus malsain collé au visage et elle serrait les poings, à défaut de pouvoir agir d'une quelconque autre manière. Elle ne saisissait pas tout de l'échange, la colère résonnant plus dans la tête de la brune que tout le reste.  Elle ne réalisa pas tout de suite que Mathilde venait de se désigner comme le leader du groupe, ne réalisait pas encore que Doug était la cause de cette embuscade, ne saisissait pas non plus que l'ennemi menaçait clairement Mathilde et lui proposait une chose des plus atroces à commettre. Non elle n'avait d'yeux que pour le preneur d'otage devant elle qui tournait de temps en temps la tête aux paroles de son boss, et cela l'horripilait au plus haut point. Mais elle ne pouvait rien faire sans se prendre une balle dans l'action ou bien sans risquer que quelqu'un d'autre ne pâtisse de sa rébellion.

La co-leader réfléchissait à toute vitesse, cherchant à créer une diversion quelque part pour mieux se rapprocher de la source de cet événement. Mais difficile à faire quand tout le monde était au même point qu'elle. Enfin tout le monde... ou presque. Soudainement, un coup de feu résonna et un homme s'effondra. Il n'en fallut pas plus pour que Santana affiche un sourire carnassier alors que l'homme qui la tenait en joue se retournait sous le coup de la surprise, prêt à tirer dans le tas. D'un geste vif, elle se lança sur lui, saisissant ses bras pour lui faire lâcher son arme. L'homme ragea et elle grogna alors qu'il se débattait et tentait de la repousser. Soudainement, l'issue du combat se révéla en sa faveur : elle se saisit de son moorhaus à sa ceinture et le planta dans son bras, ce qui le fit reculer et lâcher prestement son arme pour tenir son membre blessé. Aussitôt elle reprit l'assaut, se jetant sur lui alors qu'elle retirait son couteau de son bras pour le caler sous son cou. T'es à moi maintenant connard, se retenait-elle de dire.

L'affrontement n'avait pas duré plus d'une minute. Cela était suffisamment court pour que les hommes hostiles n'ait pas le temps de trouver le coupable du coup de feu tiré plus tôt, mais suffisamment long pour que des cris retentissent et que des doigts s'apprêtent à appuyer sur des gâchettes. Couvrant le brouhaha déclenché par le petit imprévu du jour, Santana se manifesta enfin, lançant des regards dégoûtés aux hommes qui maintenaient les siens en joue, se frayant un passage en tenant son otage précieusement collé à elle, sa lame sur son cou arrachant une goutte de sang.

« Ce que Mathilde a oublié de préciser, c'est qu'elle est pas seule à gérer ce groupe. Vous avez été mal renseignés mes cocos. »

Santana prenait enfin la parole, et à mesure qu'elle s'avançait un peu plus pour être au centre de l'animation, son regard croisait celui apeuré de ses proches, celui de Mathilde, de Ruth, de Doug qui la rendait malade. Elle désigna son otage alors qu'elle tentait tant bien que mal d'afficher une assurance surfaite, elle aussi inquiétée et dans le fond craintive de ce qu'il pourrait arriver. Elle reprit la parole, d'une voix encore un peu plus forte, sa hargne plus présente alors qu'elle poussait encore son otage vers l'avant :

« Maintenant que vos hommes se révèlent être des fins soumis et qu'on est tous heureux de découvrir qu'ils font magnifiquement bien leur boulot, on peut peut-être discuter un peu du problème, non ? Au lieu de rester là à s'observer avec un otage dans les bras, on peut éviter un drame et repartir du bon pied. Non ?  »

Elle tournait la tête dans tous les sens Santana, essayant de repérer où pouvait être tout le monde vis-à-vis de ce carnage. Enfin, alors qu'elle se taisait pour jauger de la réaction de l'apparent leader de ce groupe, elle leva les yeux vers lui, le show man du jour, cet homme à la barbe prononcée et à la veste en cuire serrée. Et au bout d'un temps, elle laissa échapper un hoquet de surprise alors qu'elle le détaillait pendant encore quelques secondes, murmurant un seul mot :

« Bruce ? »

HRP:

Tout avait brusquement basculé dans l'horreur. Charlie avait assisté, impuissante, à la prise d'otage de son groupe. Santana étaient parmi eux. Dés qu'ils les avaient vu apparaître, Cale, Elsa, Nathan et elle s'étaient fait le plus discrets possible.
Tout se bousculait dans l'esprit de Charlie. Que pouvait-elle faire? Est-ce que cela signifiait la fin de leur groupe? Alors qu'ils avaient parcourus tant de chemin ensemble? Ces personnes étaient sa nouvelle famille et elle ne pouvait pas la perdre. Elle ne pouvait pas perdre Santana.
Mais pour l'instant, elle pouvait protéger Nathan. Réfléchissant à toute vitesse, Charlie décida qu'elle devait rester auprès de son groupe. Son petit frère, quant à lui, devait à tout prix se cacher. Ainsi, elle lui indiqua une cachette aux alentours du laboratoire qu'elle avait repéré en cas de danger. Ayant confiance en Nathan et à son incroyable sens de l'orientation, Charlie le vit s'éloigner à toute vitesse en faisant attention à ce qu'il ne se fasse pas remarquer. De là où il serait, personne ne pourrait le trouver et il serait bien loin de là où se trouvait l'homme à la batte.
Si Charlie avait employé une voix confiante pour s'adresser à Nathan, elle était en réalité pétrifiée. Pas parce qu'elle avait peur pour elle mais parce qu'elle avait peur pour le groupe et Santana. Elle tentait de réfléchir mais elle fut interrompue dans ses pensées quand Cale abattit un des hommes du groupe adverse. La jeune femme se retint de faire la moindre remarque, redoutant qu'ils ne les aperçoivent désormais. Mais cela ne semblait pas le cas et sans plus attendre, Cale lui passa l'arme leur disant qu'il allait les prendre par derrière. Elle ne put répliquer que déjà il était partit.
Charlie prit son courage à deux mains et, comme Cale le lui avait appris par le passé, plaça l'arme. Regardant à travers la lunette, elle pouvait mieux voir les têtes et les expressions de chacun. Son groupe était terrifié. Elle pointa finalement l'arme sur la tête du leader. Elle aurait pu tirer et mettre un terme à sa vie mais elle ne voulait pas déclencher un carnage. De plus, Santana avait agi et elle était plus en danger que jamais. Par ailleurs, quand le leader avait pointé son arme sur sa tempe, Charlie avait failli tirer, se retenant de toute ses forces.
- Ne lui fais pas de mal... avait-elle grogné dans un murmure.
Apparemment, lui et Santana se connaissaient. Elle ignorait d'ou, mais ça ne suffisait pas à les calmer l'un comme l'autre. Ainsi, Charlie pointait toujours le visage du gars lorsqu'il s'éloigna de sa petite amie.
Elle devait être prudente. Elle devait réfléchir correctement pour que cela ne finisse pas en bain de sang. Mais s'il essayait de faire quoi que ce soit, elle serait obligée d'agir...

Le coup de feu partit et Santana resta pétrifiée alors que son otage tombait lourdement au sol, son couteau suivant le même chemin. A quoi bon retenir l’homme, son corps était désormais sans vie ? Elle avait l’impression que tout tournait autour d’elle alors que le tir avait été déclenché tout près d’elle, trop près d’elle. Elle écarquillait les yeux, portant les mains à ses tempes, le sang giclant sur son visage et la faisant reculer d’un pas. L’hispanique n’avait pas le temps de réagir que déjà elle se retrouvait contre Bruce. Que trop bien elle ne se souvenait des formes de son ancien compagnon. Mais alors qu’il la réchauffait à l’époque, désormais il ne lui inspirait que froideur alors qu’elle se demandait où se trouvait Charlie. Son souffle s’arrêta, coupé par l’enchaînement des actions, et brutalement elle s’infligea des gifles mentales tandis que l’homme lui colla son colt sur le crâne. Les dents serrées, elle lâcha, gagnant du temps pour se remettre mentalement :

« Joli Colt Bruce. On se demande où tu l’as trouvé. »

Elle grogne, pense à se débattre mais songe que cela n’apporterait pas grand-chose. Ses yeux balaient la scène alors qu’elle bénéficie du même champ de vision de Bruce, seulement à une position différente. Automatiquement, elle agrippe le bras de Bruce qui la retient contre lui et reprend son souffle. Lentement, prononçant ses mots avec une certaine lenteur, Santana ouvrait le dialogue, du moins pensait-elle ouvrir quelque chose alors que sa voix brisée murmurait doucement :

« Bruce… Ne fais pas ça. Vous êtes venus sur notre territoire, y a pas besoin de tourner ça en un massacre. C’était de la légitime défense. Mais là, si tu vas plus loin… Ce sera plus réparable Bruce. Je te connais… C’est pas toi ça. C’est plus l’homme avec qui j’ai été… » Ajouta t’elle dans un murmure seulement audible par lui.

Que j’ai aimé, aurait-elle pu dire. Mais les mots restaient coincés dans sa gorge. Pas le moment de pleurer sur une relation passée. D’autant plus que la seule personne qui comptait à ses yeux désormais, c’était Charlie. Les menaces surgirent encore, et alors qu’elle était repoussée par Bruce, son sang ne fit qu’un tour. Brutalement elle se retourna et fit face au chef de groupe, les yeux dans les yeux, écartant les bras comme pour protéger les siens derrière elle.

« Non ! Tu veux tuer quelqu’un, vas-y, je suis là devant toi ! Tu comptes décimer mon groupe un à un c’est ça ? Alors passe-moi avant sur le corps ! »

Pas touche à Robert, pas touche à Ruth, Sloan ou Mathilde. Elle ne pouvait pas le permettre. Cale non plus puisqu'il se joignit bientôt à elle, dans une position similaire. De son côté, Santana agissait à l’instinct, espérant gagner du temps pour que ceux qui n’étaient pas sous le joug des sbires de Bruce puissent s’enfuir ou élaborer un plan pour les sauver. Peu importait. Il fallait limiter les dégâts. Ramener Bruce à la raison.