Il fut un temps où Lucas était une personne optimiste et agréable à vivre, cherchant toujours à voir le côté positif des choses et n’hésitant pas à faire passer les besoins des autres avant ses propres désirs. Grandir dans un milieu ouvrier en étant l’un des sportifs les plus prometteurs de votre génération vous oblige parfois à vous comporter comme un modèle pour les jeunes et c’est sans hésitation que le jeune homme a pris cette responsabilité. Exemplaire au point de ne pas fumer ni se risquer à boire un peu trop, il a toujours souhaité être l’homme que les enfants du quartier admire, celui que tout le monde rêve de devenir. Oh certes il avait quelques travers, comme son entêtement légendaire, son amour pour la séduction et les femmes et son humour un peu trop décalé, mais il était travailleur et déterminé et personne n’aurait à l’époque osé dire qu’il n’était pas quelqu’un de bien.

Cependant, on peut dire que l’affaire qui l’a touché il y a maintenant dix ans de cela a terni son image, la presse ayant grandement joué un rôle pour qu’il ait une mauvaise réputation. Traité publiquement de narcissique colérique et caractériel, n’hésitant pas à avoir recours à la violence pour résoudre ses problèmes, l’affaire qui a conduit à son emprisonnement s’est appuyée sur une description faite de lui totalement fausse, le dépeignant comme quelqu’un d’instable et n’éprouvant pas de remords. Et si tout ceci n’avait été que calomnie à l’époque, ses années incarcéré à la prison de Detroit l’ont tout de même un peu transformé. Plus réservé et moins souriant, Lucas n’est plus le jeune homme rêveur et droit qu’il était à l’époque. Beaucoup plus mature et réfléchi, il est plus sérieux et éprouve moins facilement de la peine ou de la joie, gagnant un certain pragmatisme qui lui manquait quand il était encore jeune. S’il y a encore une partie de lui qui se veut protecteur et qu’il n’a pas un mauvais fond, la violence ne lui fait plus peur et il l’assume même complètement, n’hésitant pas à se mettre en travers du chemin de ceux voulant s’en prendre aux siens. Il est également plus méfiant et n’accorde pas facilement sa confiance, encore moins une confiance totale envers quelqu’un. Mais il reste une partie de lui qui aime apprécier les gens, leur sourire et les faire rire, les séduire à sa manière. Il n’aime cependant pas trop s’attacher, surtout en ces temps sombres où tout peut arriver. Il prend souvent les devants, n’aimant pas attendre et réfléchir trop longtemps et acceptant de prendre des risques inconsidérés si cela peut servir le but de son groupe. Son entourage est d’ailleurs ce qu’il y a de plus important et il n’est pas rare de le voir agir pour eux au détriment de bien-être d’inconnus, sauf lorsqu’il s’agit d’enfants.

L’histoire de Lucas est digne de ces succès story qui tournent mal et dont les médias raffolent, ce genre de biographies qui passent régulièrement à la télévision pour raconter le tragique destin de tel prodige prometteur connaissant une funeste fin, ces programmes dont sont friands les hommes et les femmes à la vie morne et se plaisant à voir les déboires de ceux plus talentueux qu’eux mais qui gâchent leur chance. Dans le cas de Lucas, tout commença alors qu’il n’était qu’un très jeune garçon né dans l’un des nombreux quartiers pauvres de Detroit, habitant avec son père, un humble menuisier donnant tout ce qu’il avait pour subvenir aux besoins de son fils. De sa mère, Lucas ne sait pas grand-chose si ce n’est qu’elle est partie peu après sa naissance avec un homme plus riche et plus beau, un étranger lui ayant fait mille promesses si elle abandonnait mari et enfant, ce qu’elle fit sans sourciller apparemment. Enfant d’une famille monoparentale mais loin d’être malheureux de cette situation, il grandit avec tout l’amour que pouvait lui procurer son père et avec une fascination pour ce dernier, le voyant comme son seul et unique héros.

Passionné par le basketball, Lucas fut longtemps fan de ce sport et pratiqua grandement dans la cour d’école comme sur le terrain communautaire de son quartier. Ayant grandi à l’époque des grands comme Michael Jordan, Magic Johnson ou pour les fans des Detroit Pistons, Isiah Thomas, il a rêvé comme de nombreux jeunes d’intégrer la NBA et de faire des prouesses. Mais l’époque voulut que malgré l’ouverture d’esprit de certaines personnes, le sport était encore assez connoté racialement parlant et son père, aussi tolérant soit-il, lui proposa plutôt de faire du baseball. Etrangement, ce choix paya puisque ne souhaitant décevoir son paternel, Lucas s’avéra être très talentueux dans ce domaine, intégrant bien vite l’équipe de son lycée avant d’obtenir une bourse pour l’université. L’avenir semblait lui sourire et bien vite tout sembla s’enchaîner. Repéré par certains recruteurs des plus grandes équipes de Major League, il signa à ses vingt ans un contrat avec les Detroit Tigers au poste de lanceur, devenant bien vite un prodige que de nombreux experts suivaient avec intérêt. Déménageant pour le centre-ville, il débuta sur le banc avant de bien vite faire partie des membres indispensables sur le terrain. Comme pour toute succès story, des rumeurs sur ses relations avec d’autres célébrités locales comme lui et de nombreux interview circulèrent à son sujet : la renommée de Lucas Montgomery sembla s’étoffer et être en plein envol. Le jeune garçon des banlieues rêvant d’être basketteur et devenant l’un des lanceurs les plus prometteurs de la Major League Baseball ? Un titre très vendeur pour les journaux !

Pour autant, Lucas n’en oublia jamais d’où il venait, cherchant par-dessus tout à être un modèle pour les jeunes, ceux dont il avait été à la place des années plus tôt. Revenant régulièrement dans son quartier pour faire de bonnes actions ou jouer avec les enfants, il se sentit comme un grand frère dont la responsabilité était de leur offrir un meilleur futur. Il prit son rôle très à cœur, encore plus lorsque le fils de son voisin, un enfant de huit ans fan de Lucas, fut renversé à la sortie d’un match par un chauffard qui fut arrêté un peu plus tard. L’enfant, grièvement blessé, finit dans un fauteuil roulant pour le restant de ses jours, ses rêves et son moral totalement brisés. La nouvelle frappa grandement Lucas qui prit cette affaire très à cœur, la suivant avec attention alors qu’il entrait dans l’année de sa consécration, celle qui ferait de lui l’un des meilleurs jeunes joueurs de la MLB. Sans qu’il ne sut réellement pourquoi, les charges contre le fautif furent abandonnées et l’homme s’en sortit indemne, retournant à sa vie comme si de rien n’était. Sentant toute l’injustice de la chose, Lucas se rendit à Detroit la veille du match qui allait assurer les qualifications de son équipe en finale de conférence, cherchant la demeure de l’homme pour lui rendre une petite visite. Une altercation s’ensuivit durant laquelle le jeune prodige brisa la colonne de son opposant avec sa batte, l’envoyant directement à l’hôpital : il terminera sa vie dans un fauteuil roulant lui aussi, comme un juste retour des choses. Arrêté avant le match, Lucas fut par la suite incarcéré et condamné à dix ans de prison ferme, refusant catégoriquement d’expliquer les raisons de son geste et personne n’ayant fait officiellement le rapprochement entre l’accident du petit garçon et son acte. D’étoile montante du baseball, Lucas devint le sujet d’un scandale médiatique qui le plaça dans le rôle du fou ayant ruiné les chances des Detroit Tigers cette année-là, du malade violent qui s’en prend à un fan innocent.

Durant les dix années qui suivirent, Lucas resta en prison, connaissant ainsi les horreurs du milieu carcéral, luttant pour sa survie sans pour autant parler de l’affaire l’ayant mené à être emprisonné. Bien évidemment, de nombreux fans se retournèrent contre lui et seules quelques rares personnes continuèrent à l’apprécier pour sa juste valeur. La femme avec qui il était depuis un an, une actrice montante du cinéma, le laissa tomber aussi et il se retrouva seul. A cette époque, il consulta la psychologue de la prison, seule personne avec qui il pouvait discuter tranquillement. Rapidement, ils éprouvèrent une certaine affection l’un pour l’autre avant que cette dernière ne décide d’aller travailler en ville, dans un hôpital. Les années s’écoulèrent durant lesquelles il mûrit, attendit patiemment qu’on le relâche. Cela arriva quelques semaines avant l’épidémie, avant que tout le monde ne se transforme en zombies. Ne souhaitant pas rester à Detroit, Lucas rejoignit son père et lui proposa de déménager avec lui à Miami où vivait sa tante, lui faisant prendre un avion pour la Floride et restant pour s’occuper de l’acheminement des biens de la famille, la vente de leur maison. Une fois cela fait, il resta encore une semaine pour profiter une dernière fois de la ville et c’est à cette période-là que tout dégénéra. Il ne comprit pas tout de suite ce qu’il se passait, luttant contre la foule avant d’essayer de se trouver un abri. Heureusement pour lui, il avait séjourné dans un Diner-Hôtel la veille et décida s’aller se barricader là-bas. Avec quelques survivants, il investirent les lieux pour en faire leur QG le temps que les choses se calment. Peu à peu, ils furent rejoint par d’autres réfugiés et depuis, ils vivent là-bas en attendant de trouver un moyen de s’en sortir, luttant pour le moment pour leur survie…