La vie ne tient qu’à un fil.

Avant l’épidémie, Lucas avait une famille. Il avait un père, une mère, une petite sœur et un chien. Des personnes qu’il aimait plus que tout au monde, des visages rassurants lorsque le monde autour d’eux commençait à s’écrouler et une raison valable de se battre pour survivre.

Il avait désormais presque tout perdu et sa famille n’était plus qu’un lointain souvenir, à la fois mélancolique et douloureux. Il se rappelle souvent de ce qu’était sa vie avant tout ceci.

Son père était originaire d’Afrique-subsaharienne, cherchant à fuir les fléaux qui frappaient ce continent par bateau et finissant par accoster au Brésil, où il y commença sa nouvelle vie. Après avoir fini un cursus d’études simples, il rencontra quelques années plus tard celle qui serait sa future femme, sa mère, elle brésilienne de naissance et policière aguerrie.

C’est donc au Brésil qu’il est né, en 1996. La vie là-bas lui paraissait maintenant si simple. Son enfance avait été tranquille, élève discret se dirigeant lui aussi vers un avenir simple. Tout ce qu’il voulait, c’était de vivre sans avoir à se soucier du regard des autres. Très libre dans sa manière de pensée, on pouvait dire que malgré tout ce qui s’était passé, il n’avait pas beaucoup changé.

Sa mère était une femme si forte, si pleine de vie, on aurait dit que rien ne pouvait l’abattre et il avait voulu prendre exemple sur elle, comme sur son père. Lui qui était un homme aimant, calme et attentif. C’était une famille parfaite, en soit. Il se souvient que quand il avait une dizaine d’années à peu près, ses parents lui avaient une nouvelle qui l’avait réjoui.

Ils avaient déménagé à Detroit dans l’année qui suit, sa mère mutée à un autre poste. L’état du Michigan était tout nouveau pour lui et curieux de tout à son âge, il s’était parfaitement adapté à son nouvel environnement. C’est à treize ans que Lucas se fit confier un chiot, qu’il appela Snoop.

C’est un cursinu qu’ils avaient adoptés dans un refuge pour animaux, encore si jeune... mais qui lui ressemblait tant. Très rapidement, un fort lien lia les deux êtres et il passa la fin de son enfance et le début de son adolescence avec lui, devenus inséparables. Une vie parfaite, n’est-ce pas ?

A quatorze ans, ses parents lui annoncèrent une seconde grande nouvelle. Neuf mois plus tard, sa petite sœur était née. Ravi, contrairement à beaucoup d’enfants à cet âge là, de l’arrivée de ce nouveau membre dans la famille, entre ses études et Snoop, Lucas passait son temps à veiller sur la petite fille.

A dix-huit ans, il prit un poste de vendeur dans une épicerie du coin. Sa petite sœur était désormais âgée de quatre ans et son fidèle Snoop de cinq ans. Tout allait pour le mieux, encore a ce moment-là... Mais la situation dégénéra de plus en plus.

L’épidémie arriva aux États-Unis. S’étendant à une vitesse folle, Détroit fut bientôt assailli et sa famille se retrouva cloîtrée chez elle. Sa mère fut la seule à partir du fort qu’était devenue leur habitation, ne pouvant faire autrement que se rendre en ville pour essayer, tout comme les autres policiers, d’arrêter cette invasion.

Lucas ne revit jamais sa mère. Il ne sait même pas si elle est morte, vivante, disparue ou il ne savait quoi encore. Mais elle ne revint jamais auprès d’eux et plus les jours passaient, plus l’arrivée de ces morts affamés fragilisait les structures de la maison.

Le choc de la perte de sa mère avait rendu Lucas muet pour une bonne période. Rassurant sa petite sœur qu’il ne quittait plus, entouré de son père et Snoop, ils vécurent des mois dans leur petite maison aux abords du fleuve. Mais la situation empira, encore et encore et une soirée, les morts réussirent à faire tomber leurs derniers remparts.

Son père lui ordonna de prendre un sac et des affaires et de partir avec Snoop et sa petite sœur. Sans un regard en arrière, sans ralentir. Obéissant sans discuter, Lucas crut avoir son père sur ses talons durant tout le temps où il s’échappa de l’étreinte mortelle des revenants... pour seulement retrouver un vide derrière lui, quand enfin il s’arrêta de fuir.

Désormais seul avec sa petite sœur et son chien, Lucas dût prendre sur lui pour avancer et survivre. Chaque seconde de sa vie, il se souvenait de sa mère et de son père. Il se souvenait de ce qu’ils lui disaient, de ce qu’ils lui avaient enseignés. Garder la tête haute, c’était ce qu’il devait faire. Ne jamais se laisser abattre.

Au bord de la Rivière Detroit, Lucas marcha. Encore, toujours. Il aperçut de loin la Fisher Mansion et continua la route, jusqu’à ce qu’il arrive à longer la rive gauche de cette interminable rivière. Il survivait avec ce qu’il pouvait trouver et ce que Snoop pouvait lui rapporter, ses talents de chasseur lui sauvant la mise un grand nom de fois.

A trois, ils partagèrent les vivres, les nuits angoissantes et les longues marches. Ils allaient survivre ainsi. Du moins, le croyait-il, jusqu’à ce que sa petite sœur commence à montrer des symptômes tels qu’une fièvre importante et une toux de plus en plus fréquente. Elle tomba malade aussi soudainement que ça.

Refusant de la laisser mourir à son tour, Lucas se mit à accélérer le rythme. Malgré le poids de l’enfant, il coursa le temps aux abords de la rivière, tentant d'utiliser une petite partie du matériel de la trousse de soins, mais qui fut sans effets. Quand il fut arrivé parallèlement au niveau du Maheras-Gentry Park, sa petite sœur succomba. Encore une fois, il avait failli à son rôle. Encore une fois, il avait perdu un membre de sa famille.

Lucas l’enterra aux abords de la rivière et fut forcé de continuer son chemin, le cœur incroyablement lourd. Dans un piteux état, ses vêtements déchirés et les courbatures des journées interminables de marche commençant à se faire durement sentir, le seul être à qui il dût sa survie fut Snoop, son chien.

Il lui donna la force de poursuivre sa route, de se relever encore une fois. C’est plus proche encore qu’ils ne l’étaient auparavant qu’ils se dirigèrent vers le laboratoire sans en avoir conscience, espérant trouver rapidement un abri.

Ou même des survivants.