Je suis difficile à émouvoir, difficile à cerner. Je manque profondement d'empathie pour les gens qui m'entourent. Enfin, ce n'est pas tout à fait vrai. J'ai du mal à me lier mais quand je le fais, c'est avec force, possessivité et pour la vie. Ma loyauté n'est pas automatique, il faut la mériter et je ne la donne quasiment jamais. Il faut toujours se méfier des gens qui nous entourent et encore plus depuis le début de cette nouvelle vie. Je suis moi-même l'idée qu'il vaut mieux tirer en premier et parfois même avant de parler, qu'on ne peut jamais vraiment être sûr de personne.
De nature plutôt protectrice, je ne mets pas le peu de gens que j'aime dans des situations dangereuses. Ou en tout cas, je ne le faisais pas avant que ce monde ne devienne comme ça. J'ai pris sous mon aile, la jolie Katherine, m'attachant petit à petit sans vraiment m'en rendre compte avant tout cela, rien n'était réellement possible. Ma vie d'avant et surtout mes fréquentations ne me permettaient pas d'avoir une relation normale et saine avec qui que soit. Les choses sont désormais un peu différente.
Je n'ai jamais vraiment eu de moral, sinon je n'aurais pas sorti de prisons des criminels dangereux quand j'étais encore avocat. Si je dois choisir entre moi et quelqu'un d'autre, je sacrifierai toujours l'autre. Exception faite pour Katherine pour laquelle je pourrais me lancer la tête la première dans le danger si cela signifie qu'elle s'en sorte indemne.
Manipulateur et pas franchement jovial, je peux faire un peu peur et j'en joue pour en tirer le maximum d'avantage. Je sais faire parler mon corps pour montrer mes émotions sans devoir les exprimer. D'un regard, je peux faire taire la plupart de mes adversaires.
Plus rien ne me choque vraiment, je suis habitué à la douleur et à l'horreur et je garde donc mon sang froid dans la très grande majorité des situations. Je ne saute pas la tête la première dans une situation si je n'ai pas d'abord pesé le pour et le contre.

« Nous déclarons l’accusé non coupable » annonce la femme plutôt mature au nom du jury.

Un petit sourire presque arrogant se pose sur mes lèvres en entendant le verdict, je me tourne vers mon client qui affiche un air satisfait, j’attrape sa main et la serre d’une poigne ferme. Nevada Ramirez, membre de la mafia locale vient donc d’échapper à une peine de 25ans de prison et peut repartir commettre ses méfaits dans nos rues, je ne suis pas peu fier. Et tout ça pour une erreur dans le dossier qui a invalidé une preuve. Vraiment, le monde était rempli de personnes incompétentes et je n’avais aucune honte à en tirer parti. Ils se rongeaient les ongles silencieusement dans leurs petits appartements minables pendant que je me détends dans un luxe évident tiré des profits de mes affaires criminelles.

La vie n’est pas forcement simple mais j’aime un bon défi. Et j’apprécie également beaucoup le fait que la plupart des criminels de cette ville me doivent une faveur, cela pourrait bien finir par me servir un jour. D’un autre côté, cette vie est également très dangereuse : entre les victimes qui souhaitent se venger du fait que j’ai libéré leur bourreau et les tensions entre les différents gangs, mafias, petits groupes. Je n’ai pas vraiment de loyauté envers eux, je défends ceux qui me payent et très bien. Ma vie privée par contre est extrêmement vide, mes pensées tournées vers une paire d’yeux bleus scintillants et hypnotiques. Je ne pouvais pas décemment lui imposer une vie comme la mienne et ses préférences pour Richard était tout à fait évidente, elle semblait parfois même un peu effrayée par moi.

****

Les choses se sont vite dégradées, trop vite. D’un homme essayant de me mordre le bras alors que les gens hurlaient aux alentours à maintenant. J’avais d’abord cru à un sans-abris un peu fou mais le monstre en question avait des yeux vitreux et un teint blafard de cadavre, j’avais sèchement éloigné mon bras avant de me diriger d’un pas rapide vers mon appartement, allumant la télévision, écoutant les news, découvrant l’horreur.

Katherine et Richard avaient fini par se réfugier chez moi, dans mon appartement extrêmement sécurisé à la limité de l’obsession. Mon cocon où rien ne pouvait techniquement m’arriver, je cherche aujourd’hui désespérément ce sentiment dans ce monde où une seule seconde peut détruire toute une vie. Nous n’avons pas tenu bien longtemps, 15 jours tout au plus et en se rationnant, espérant follement que l’armée, le gouvernement, quelqu’un puissent régler tous nos problèmes. Rien n’avait fonctionné et nous avions du nous rendre à l’évidence, il fallait que nous partions et trouvions un endroit plus sûr, un endroit où ces bêtes ne nous suivraient pas. Nous ignorions alors l’étendu des dégâts sur tout le pays et même le monde entier.

Des centaines de walkers parfois face à deux pauvres humains. Nous sommes une très petite minorité, essayant de survivre dans ce monde infesté par ces monstres. Nous avions commencé à trois cette aventure et nous sommes encore maintenant trois. Mais l’un des membres de notre fine équipe a changé. Du peureux, lâche et pitoyable Richard nous nous étions retrouvés avec le solide, fort et agaçant Logan. J’avais enfin pu avoir Katherine pour moi tout seul, bouclier la protégeant du monde et l’aidant à me voir autrement petit à petit. Je n’avais jamais été un grand romantique mais mes émotions semblent être décuplées, si j’aime je le fais de tout mon corps et de tout mon âme. Et les deux appartiennent inconditionnellement à Kath. L’envie de lui dire, de lui parler m’avait brièvement pris mais je ne suis pas de ces hommes capables d’ouvrir pleinement leur cœur et de dévoiler leurs sentiments aussi ouvertement. Mes action parleront donc plus forts que les mots que je m’efforce de taire.

Les choses en général ce sont détériorées, les hommes mêmes les plus bons n’ont pratiquement plus aucune morale. Je n’en avais jamais moi-même eu mais je n’avais jamais été responsable de la mort d’un être vivant. Je ne l’ai pourtant pas regretté, leurs morts nous avaient permis de survivre et c’était la seule chose qui importait. Les règles, la religion, la société tout nous faisait défaut dans cette anarchie post apocalyptique. S’il fallait tuer, voler, fuir pour survivre j’étais prêt à le faire et à porter Kath sur la distance pour lui faire échapper au sort qui nous tomberait sans doute dessus un jour ou l’autre.

L’hiver approchant notre besoin de survie s’est encore accentué. Nous ne survivrions jamais ces quelques mois si nous ne trouvions pas un endroit où se terrer comme des rats, attendant que le printemps reviennent. La nourriture se faisait de plus en plus rare, les missions pour se ravitailler de plus en plus dangereuses. Nous avions vidé minutieusement toutes les voitures que nous avions vu abandonnées sur les routes, récoltant quelques précieux médicaments, un peu de nourriture et de l’eau potable mais la vie de nomade ne nous permettrait pas de vivre bien longtemps. Nous allions nous épuiser dans le froid et la neige et nous affaiblir de plus en plus les jours où nous n’aurions pas la chance de trouver quelque chose pour nous nourrir correctement. J’avais moi-même perdu plusieurs kilos depuis le début de cette aventure, préférant parfois sacrifier une partie de ma ration pour m’assurer que Katherine aille bien. La caserne de pompier que nous venons d’investir semble être un Eden inespéré, une grotte dans laquelle se cacher en attendant l’arrivée de temps plus cléments.