Wyoming, Parc National de Yellowstone. Tout commence par un coït, 9 mois dans un ventre, des contractions, un accouchement. Et pouf, j’ai été le premier de la lignée des Hogan. D’un père garde forestier et une mère au foyer, tout les deux aimants, doux, à l’écoute. J’ai eu des parents absolument géniaux, et un cadre de vie idyllique. On m’a toujours dit que j’ai été un enfant calme, sans soucis, peu turbulent et toujours très joyeux. Mon père était gardien de la nature, et m’emmenait très souvent faire des tours de ronde. J’ai toujours admiré ce paternel qui m’a surement tout donné. Je me suis habitué à être entouré d’animaux, de feuillage, et j’adorais faire la sieste dans le hamac près de la rivière. J’ai le bruit des oiseaux et le son du vent encore dans mes oreilles. Ma mère était une femme extraordinaire, qui savait faire de la magie comme personne : elle a créé mon monde avec des étoiles dans la tête. M’a inventé les personnages qui m’accompagnent encore à ce jour. Je ne les remercierai jamais assez d’avoir su me comprendre, su me donner autant.

J’ai vite compris que ma passion serait dans le culinaire. Je ne lisais que des bouquins de cuisine, retenait des recettes par coeur. Ma mémoire photographique faisait de moi l’attraction de Livingstone, la ville la plus proche. On disait que c’était « un don ». Je voyais ça plus comme un super-pouvoir.

Je vous épargne le détail de la crèche, de la primaire. Ça m’a déchiré le coeur de quitter ma verdure, mais l’école me plaisait bien. J’étais un élève plutôt bon, j’avais ma bande de copain et ils aimaient venir au chalet dans la forêt. Ils disaient qu’il y avait des monstres et que nous étions les chasseurs. Nous avons passé notre innocente et douce enfance à chercher bigfoot ou la nymphe des eaux. J’ai rencontré mon meilleur ami à l’âge de 10 ans, un jour où j’avais oublié mon goûter à la maison. Un rouquin qu’on surnommait « Ginger », qui était doué au foot et qui se bagarrait même contre les filles. Il portait toujours un pansement sur le nez ou sur le menton. Vous vous doutez bien qu’après ça, nous avons été comme les deux doigts de la main. Comme chez lui ça ne se passait pas vraiment bien, il a souvent été accueilli à bras ouvert par mes parents, devenant presque un frère pour la famille qui s’agrandissait presque chaque année. nous vivions réellement heureux.

Tout c’est compliqué lorsque je suis entré au lycée. La puberté à fait que je me suis renfermée sur moi même, et je n’étais pas non plus vraiment populaire. On me disait « bizarre » « trop louche ». Le gars de la forêt aux yeux verrons, on me disait maudit par la sorcière du coin. Les histoires étant vite répandues dans une petite ville, la solitude fut vite une grande amie, malgré le soutien de Ginger qui savait bien que ces histoires n’étaient que des mensonges. Je n’ai pas cessé d’être qui je suis pour autant. Je travaillais, rasais les murs, déjeunais dans les gradins avec ma musique dans les oreilles. J’en ai un peu voulu à mes parents d’avoir une vie aussi hors-norme. C’était pourtant extraordinaire, mais je voulais juste avoir l’air normal. Mes crises d’adolescence me faisaient faire des conneries, essoufflant la famille de toute part. Ma mère occupée avec mes mini-moi, mon désir de partir de cette ville qui me pesait, les engueulades avec mon père qui ne comprenait pas pourquoi j’avais besoin de péter un plomb sur ce que je vivais à l’école.

Puis un jour, tout a basculé. à 15h32, le 3 mai 2008, je suis mort. Vraiment mort. Il faisait beau, il faisait chaud. Sortant des cours, je rentrais seul, me séparant de Ginger comme à mon habitude. Et il y avait Beth. J’étais le genre de stalkeur bizarre, qui la regardait en cours de langue, ou même faire la cheerleader. Je ne pouvais pas faire autrement que la regarder de loin. Mais là, elle était proche. Beaucoup trop proche que j’en suis mort. Le camion fonçait vite, et elle riait, dans un magnifique son qui m’hypnotisait. Dans ses exclamations, elle s’arrêta  pour essuyer une larme de bonheur. Et le véhicule allait de plus en plus vite, ne voyant pas les étudiants sortir de l’école. Tout c’est passé très vite. J’ai couru, le plus vite possible. En hurlant son prénom. Elle s’est retournée avec étonnement, qu’un garçon qu’elle n’avait jamais vu ni entendu parlé de toute sa vie. Je l’ai poussé un peu trop violemment à mon goût avec mon épaule, et j’ai juste senti le choc un millième de seconde.

Les médecins et les personnes présentes m’ont expliqué que j’avais volé sur quelques mètres, avant de m’écraser violemment contre le trottoir. Que je ne bougeais pas, que je respirais faiblement, que je saignais, que je gémissais. Dans l’ambulance, je suis mort. On parle d’Expérience de Mort Imminente. Oui. Je me suis vu marché dans cette forêt qui m’avait vu grandir. Il y faisait trop blanc, et j’y voyais des formes étranges. Des formes bizarres. Les personnages que m’a mère m’avait inventé pour que je ne me sente jamais seul. Tout a duré une éternité puis juste une seconde. Il y a eu des secrets, des dialogues, des monologues, sans que je les comprenne.

Et je me suis réveillée, des visages au dessus de moi, me disant que j’étais un champion. J’ai été alité plus d’un an, avec de la rééducation, des séances de psy, des opérations. Et tout a basculé dans ma tête. Ce geste héroïque m’a permis de comprendre les gens faux autour de moi. J’étais devenu l’ami de tout le monde, le héros de gens que je ne connaissais pas. Beth avait été bien gentille de me rendre visite, de me tenir la main, de me dire merci sans s’arrêter. Sa présence m’avait fais du bien, mais jouait-elle un jeu? Je ne l’ai jamais su.

Ginger a été là pour moi, comme toujours. Il a pris soin de mes parents et de mes frères et soeurs, mais aussi de moi. Il m’appelait maintenant « Jolly Coeur », ce qui me collait parfaitement. Le sauveur de ces dames. Il me faisait rire, me faisait espérer que tout irait mieux. Et sans lui j’aurais été perdu.

Après mon hospitalisation, je pu passer mon diplôme sans problème, ayant même reçu une médaille du mérite et du courage dans une cérémonie officielle. Plus personne ne me faisait chier, comme ces histoires de bizutage et de harcèlement scolaire n’avait jamais eu lieu. J’ai détesté ça. Comment les gens pouvaient être aussi faux et hypocrite? Aucune idée.

J’ai pris ma vie en main, j’ai effectué des petits boulots par ci par là pour pouvoir assurer le rêve de ma vie : ouvrir mon propre Food-Truck et bar. J’avais continuer mes exploits culinaires et mes parents m’encouragèrent dans cette voie, si c’était ce que je voulais. Avec l’aide de mes parents, j’ai pu acheté et retapé un camion d’occasion. J’ai monté ma petite affaire, n’étant pas réellement inspiré par des études professionnels réellement poussé. Ginger m’y a aidé, malgré qu’il avait un bel avenir en tant que footballeur américain et ses bourses proposés dans les meilleurs écoles. Nous avons renommé notre Food-Truck « The Fox’s Eye »

Nous avons décidé de quitter notre petite ville de Livingston à nos 22 ans, pour partir pour Chicago, à nos frais. Le départ fut douloureux pour mon père et mon frère, mes soeurs et mes frères. J’ai toujours été très proche d’eux, étant le premier de la lignée. J’ai passé mon temps à essayer de les protéger, les rassurer, les aimer, malgré mon accident.

Cette arrivée dans cette nouvelle ville, grande, peuplée nous a d’abord effrayé avec mon acolyte, mon frère, mon colocataire. Avec nos économies nous avons pris un petit appartement niché proche de Burnham Park. Notre affaire marchait du tonnerre, nous traversions la ville et c’est vrai que deux petits campagnards faisaient du remue ménage chez les filles. J’ai connu les plus belles années de ma vie avec Ginger, où les fêtes, les réseaux d’amis, les expositions, les musées nous ont ouvert l’esprit à une vie citadine qui nous plaisait énormément.

Nous sommes passés plusieurs fois à la télé et dans les journaux locaux, une bonne réputation nous conduisant à étendre notre entreprise dans plusieurs villes comme New-York, Los Angeles, San Francisco et Détroit.

On se faisait pas mal d’argent, mais je n’oubliais pas mes valeurs pour autant : mon enfance, ma forêt, mon père, mon accident. Tout ça me rendait réellement mélancolique, les filles n’y changeaient rien, ni l’alcool, les joints, les potes.

Puis il y a eu ce coup de fil, plutôt terrible qui ravagea mon âme d’un tsunami : un feu de forêt avait ravagé le parc de Yellowstone, et mon père avait péri dans les flammes en essayant de prévenir des campeurs. La cérémonie fut magnifique, la ville ayant mis tout son coeur pour lui donner le plus beau des enterrements.

Après avoir passé deux-trois mois à essayer de trouver un nouveau logement à ma mère, débarrasser la maison des vieilleries de mon père, prendre soin de mes frères et soeurs, j’ai rejoins Ginger à Détroit.

Quelques semaines plus tard, nous avons eu vent d’une maladie qui ravageait la population. Nous n’étions pas inquiet plus que ça jusqu’au jour où nous avons vu cette terrible attaque. Un mouvement de foule a commencé à nous alerter, des cris, des hurlements. Des gens prenaient des vidéos, tout en courant partout. Puis nous avons vu. Le sang, la mort, les morts.

Vouloir joué au héros une seule fois ne m’avait pas suffit. J’ai ouvert les portes de l’arrière du camion pour ordonner aux gens les plus proches de grimper avec nous. Mon meilleur ami, beaucoup plus vif, avait déjà démarré. Ce jour là, la Faucheuse eut pour la deuxième fois presque raison de moi. Une mâchoire claqua proche de ma main, et par le coup d’accélérateur et la rapidité du véhicule me sauva la vie.

Les premiers mois furent compliqué. Nous ne savions pas qui aider, qui tuer, ni à qui faire confiance. Nous distribuions notre nourriture à qui voulait, ne nous doutions pas que cette maladie allait duré. Nous nous trimballions de banlieue en banlieue, donnant aux plus aidants.

Bizarrement, un petit réseau d’habitué commença à se former, malgré les pillages, les menaces et les gangs qui commençaient à traiter avec nous. Le petit « Fox’s Eye », servant nourriture et alcool, passait de point en point pour troquer, marchander. La qualité de notre savoir faire faisait que les repas étaient bons, équilibrés, et nous devenions vite un point essentiel dans la survie des gens : savoir cuisiner, ne pas manger n’importe quoi dans la nature, pouvoir cuire de la viande correctement, et surtout servir des breuvages qui faisaient oublier le mal.

Malheureusement, après une horde et un départ précipité, j’ai perdu la trace de mon meilleur ami, et je suis à sa recherche depuis. Je prie chaque jour qu’il ne soit jamais arrivé à mon frère, ni à ma famille.