L'envie et la motivation n'était pas au rendez vous. Le gaillard allait et venait dans tout le labos, cherchant lieu et place à être utile pendant ce bordel sans nom qu'avait créé la tempête. Ses pas le menaient là où son cerveau l'avait décidé, a moins qu'ils ne le menaient que là où ils le désiraient. Comment savoir. L'esprit de l'homme était ailleurs. Dire qu'il y avait encore quelques semaines, aider un groupe n'aurait pas été l'une de ses priorités. Mais dorénavant, tout devenait différent. Un nouveau quotidien dont l'homme assumait difficilement les responsabilités. Car vivre avec d'autres revenaient à faire attention à eux, prendre soin d'eux et partager une vie que le temps lui avait fait découvrir seul. Comme quoi, bien des choses changent dans une vie de survivant.

Sa blessure le picotait de temps à autre, une guérison totale prenait plusieurs semaines voir plusieurs mois. La patience était de rigueur, bien là une notion que Thomass aimait peu. Mais au moins, lorsque la douleur fusait, il pouvait gouter l'espace de quelques heures à la joie d'une dose de sa drogue favorite. Et c'était le cas ce jour là. Un mauvais mouvement et la brulure irradia son être jusqu'à son cerveau pour ne plus le laisser tranquille. Un demi sourire sadique lui donna un air féroce pour la journée entière, de quoi faire douter de sa santé mentale.Mais bon. Le bonhomme n'avait cure de l'avis de ses compagnons. Rester ce qu'il était, avait toujours l'une de ses priorités. Personne ne le changerait.

Ceci dit, le regard de ceux qui le croisait n'en était pas moins dérangeant. Thomass soupira légèrement pour arriver, bras charger dans l'une des ailes de recherche. Chacun devait prévoir de quoi survivre si jamais dame nature l'emportait sur les survivants. Et chaque objet utile, chaque sac, ou autre devenait important pour leur survie. Mais quel ne fut pas la surprise du bonhomme en entrant dans une pièce, de croiser Oliv' surement atteler à la même tache que lui. Son sourire ne s'effaça par pour autant. Thomass posa son fardeau sans grimacer au passage, sa blessure tiraillant ses entrailles pour ne pas le laisser en paix.

En silence, le gaillard s'approcha de sa comparse et vint lui chuchoter à l'oreille.

Bah alors, t'es toute seule ma p'tite Oliv' ?

Ils se connaissaient depuis peu, mais vu qu'elle n'était pas moins que la compagne de son très bon ami Darren, l'homme avait appris à la connaître au fils des semaines.

Liv rangeait les choses mécaniquement. Elle se sentait vide, épuisée, éreintée. L’affrontement avec Darren l’avait tellement épuisé qu’elle avait l’impression qu’elle ne pourrait plus jamais rien ressentir. Comme si ses nerfs avaient cour circuité ses sentiments pour l’empêcher de souffrir davantage. La gorge nouée, elle n’osait plus rien articuler. En moins de vingt-quatre heures, elle avait tout perdu. Tout. Et elle n’avait pas envie de l’admettre. Organisant son étagère sans vraiment se concentrer dessus, elle pinça les lèvres en tentant de contenir ce trop-plein de sentiments qu’elle ne voulait pas exprimer. Ses yeux s’embuèrent, mais elle ravala ses larmes.

Non, elle ne verserait plus rien pour cet abruti. Plus rien… Elle avait déjà trop donné, plus qu’elle n’en était capable à la base. Darren ne méritait pas cette passion folle qu’elle éprouvait pour lui. Elle voulait faire taire son cœur : le bâillonner, le torturer pour qu’il arrête de battre. Mais elle ressentait cette brèche, que l’homme avait provoqué avec ses mots. La douleur à sa mâchoire se rappela à elle. Un bleu commençait à y apparaitre, sans qu’elle ne puisse rien y faire. Il n’y était pas allé de main morte. Grattant son hématome, elle déglutit en ayant l’impression que plus rien ne pourrait passer par sa trachée désormais.

Pourtant, lorsqu’elle sentit un souffle dans son cou et une voix à son oreille, la blonde bondit comme un chat qu’on venait d’asperger d’eau en lâchant un petit cri strident. Elle se retourna vivement en venant se blottir contre l’étagère, renversant quelques trucs au passage qui tombèrent par terre. Les yeux écarquillés de stupeur, elle fixa Gabriel en essayant de calmer son cœur qui venait de s’emballer à tout rompre dans sa poitrine. Ce type était un grand malade !

« Merde ! » Cracha-t-elle en lui cognant le torse de son poing fermé : « Ça va pas de me foutre la trouille comme ça ?! »

La peur avait laissé place à la colère. Ce qui était bien normal pour Liv. Surtout dans son cas, présentement. Thomass ne devait pas avoir l’habitude de la voir comme ça, mais elle avait l’impression que tout le monde s’était passé le mot pour la faire chier aujourd’hui. Et lui, là, c’était probablement la même chose… Si c’était pour en rajouter une couche, elle passait son tour. Elle préférait encore aller se jeter dans la tempête ; au moins ça règlerait tous ses problèmes.

« Qu’est-ce que t’as ? » Demanda-t-elle un peu plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu.

Ses doigts vinrent remettre une mèche derrière son oreille, avant qu’elle ne se baisse brutalement pour ramasser ses bêtises. Un comble, alors que ça n’était même pas de sa faute…

Le bonhomme écarquilla les yeux sous la surprise de la jeune femme. D'accord, il l'avait peut être piéger mais de là à avoir une telle réaction, y'avait de quoi être étonné. Malgré tout, un sourire moqueur s'afficha au coin de ses lèvres. Thomass aimait foutre le bordel dans la vie de ceux qui l'entourait et puisque Liv avait croisé sa route, ça tomberait sur elle. Bien sur, c'était sans compter sur une nouvelle riposte de la blonde. L'espace d'un instant, son souffle fut coupé et il toussa à s'en faire d'autant plus mal dû à sa commotion. Non mais vraiment, la donzelle y allait un peu fort et son regard lui fit bien comprendre. Le bon vieux regard de l'homme blessé dans son égo et dans sa chair. Sa blessure le faisait quand même bien chier par moment.

Roh ça va. Si on peut plus s'marrer ! T'aurait p'être pu éviter de me frapper là sérieux..

Quelques secondes de plus, le temps de reprendre contenance et le bonhomme toisa la blondinette de toute sa hauteur. Mais plus il la matait, plus quelque chose lui mettait la puce à l'oreille. Rare était les moments où Olivia avait la tête en l'air, d'autant plus lorsque le groupe entier tenait de nombreuses responsabilités vis à vis de leur survie prochaine. Thomass haussa de nouveau un sourcil en remarquant son ton bien sec.

C'est plutôt à moi de te poser c'te question. Il t'arrive quoi Oliv' ?

L'homme se baissa à son tour pour aider la donzelle à ramasser son foutoir. Fallait vraiment avoir deux mains gauches pour tout lâcher de la sorte. Bah oui, Thomass n’avouera jamais que ceci était purement et simplement de sa faute. Non. Après tout, elle aurait pu ne pas s'effrayer si rapidement, il n'y avait eu qu'un chuchotement, sans contact, sans rien, alors bon.  Un soupire passa ses lipses tout en observant le visage fermer de la jeune femme. Ce pourrait il que ... De nouveau une expression taquine prit place sur le visage masculin.

Darren t'as refusé son pieu ? C'pour ça que tu boudes ?

L'homme qui n'en rate jamais une ? Thomass Owens. Pour vous servir ! Son postérieur prit possession d'une chaise pendant que son regard toisait sa camarade d'un air plus que taquin. L'homme était fier de sa connerie, rien ne pouvait lui faire plus de bien que faire chier son monde. Et puis se dérider ne faisait de mal à personne, surtout depuis que la tempête s'était levé. Aller. Qui ne tente rien n'a rien comme dirait l'autre, alors autant creuser pour faire sourire ou juste agiter la demoiselle en détresse. Thomass se pencha légèrement, coude sur la jambe et menton appuyer sur son poing, l'air hautain habituel aux moqueries, surplomber d'un sourire en coin.

S'tu veux j'peux te consoler et le remplacer. J'ai de la place sous mes draps ! J'suis sur qu'on pourrait bien s'amuser tous les deux.

La gueule d'ange savait pertinemment qu'il y allait un peu fort, mais vu la tête que tirait Olivia, il fallait que sa sorte, et rien de tel qu'un macho en puissance pour faire craquer une gonzesse agacée.

Il lui arrivait quoi ? Liv se mordilla la lèvre inférieure en essayant de se contenir. Tellement de choses… Trop pour vraiment en faire le tour. Et elle ne savait pas si elle pouvait vraiment lui en parler. Pas parce qu’elle ne lui faisait pas confiance – elle ne le connaissait pas assez, de toute façon, mais surtout elle savait comme il pouvait être proche de Darren. Ça l’étonnait surtout de voir qu’il agissait comme s’il n’y avait rien, à croire que son ex-compagnon n’avait pas fait la démarche de lui parler. Ou alors qu’il l’avait fait, mais que Tom n’avait pas clairement compris le message. Est-ce que c’était étonnant ? Non. Tom était un garçon plein de surprise.

Sa remarque manqua de la faire avaler de travers. Refusé son pieu ? SI SEULEMENT ! Au moins, elle ne se retrouverait pas dans une situation aussi compliquée, abandonnée à son propre sort. Liv ne releva pas, ou en tout cas, passé le petit soupir contrarié, elle fit l’impasse sur sa question bête. S’il ne s’agissait que d’une frustration sexuelle, ils n’en seraient pas là, tous. C’était justement parce que Darren et elle ne s’étaient jamais frustrés en compagnie de l’autre qu’elle se retrouvait en cloque et surtout, seule.

Une autre pique. Liv lança à Gabriel un regard assassin.

« Arrête ça… » Exigea-t-elle d’une voix ferme.

Non, elle ne se prêterait pas à son petit jeu. Même si pour le coup, coucher avec Thomas, c’était une vengeance qu’elle trouvait parfaitement mesquine mais aussi parfaitement délicieuse. Pour le coup, même si elle n’en avait pas du tout envie, c’était comme faire un grand doigt d’honneur à ce cher Darren qui l’avait abandonné parce qu’elle était en cloque de lui. La gorge nouée par la colère, elle remit les objets tombés à leurs places avant de poser une main sur sa hanche.

L’ambiance un peu moite dans la pièce n’aidait pas à se changer les idées. Liv avait l’impression d’étouffer sur place : la tempête qui menaçait le laboratoire, plus toutes les mauvaises nouvelles qui s’enchaînaient… Elle ne savait même plus où trouver un petit peu de repos. Gabriel n’était pas vraiment du genre reposant en plus de ça. Une discussion avec lui ? Comme si ça pouvait lui faire du bien. Une main se posa sur sa nuque, elle tenta de détendre ses muscles avant de prendre une grande inspiration.

« On vient de se séparer. » Lâcha-t-elle dans un souffle, sans regarder l’homme qui lui parlait.

Quoiqu’elle n’était pas sûre. C’était la promesse qu’elle lui avait faite : s’il la laissait là, ça n’était pas la peine de revenir. Et il était parti. Liv avait encore un peu de mal à l’admettre, à s’y faire, à réaliser, à comprendre. Elle le disait pour la première fois depuis que ça s’était produit. C’était frais, comme une plaie toujours vive. C’était une cicatrice qu’elle porterait à jamais sur son cœur. Si elle avait l’air indifférente, au fond, elle avait l’impression d’être une sculpture d’argile ébréchée par la main d’un homme qui l’avait rejeté au pire moment de son existence.

Le regard vif de la blonde ne stoppa pas l'homme en manque de faire chier le monde entier. Tout au contraire, cela le rendait que plus motivé à continuer dans sa lancée. La faire sourire ? Lui changer les idées ? En vérité, après cette expression furieuse qu'elle lui lanca, tout ça fut passé à la trappe pour ne laisser que le simple plaisir d'emmerder quelqu'un. Thomass ricanait intérieurement tout en continuant à observer la jeune femme qui se démenait avec elle même. Le spectacle avait un rien de jouissif pour le gaillard. La torture psychologique demeurait l'un de ses péchés mignons. Observer un visage, une attitude changer du plus léger au pire des scénarios. Les expressions d'agonies, de colère ou d'autres sentiments plus morbides filant à toute allure. Bordel que Thomass aimait ça. Et c'était peu dire comparé au plaisir intense que cela lui procurait. Peut être à la hauteur d'une bonne baise. Quoique... Peut être pas. Mais pourtant tout aussi exaltant !

La gueule d'ange ne put s'empêcher de se lécher le coin de la lèvre. Une attitude de connard pour un connard né. Sauf qu'on le sait tous. Un bonheur si intense soit il pour le bonhomme ne dure que très peu de temps lorsqu'il était question d'une femme. Craquer avant tout le monde et dans toutes circonstances, était leur véritable point faible et la parieur le savait mieux que toute autre chose. Et Oliv' céda comme toute femme qui se respecte. Sauf que les mots résonnèrent comme une prédiction mal interprété. L'esprit masculin arrêta de tourner pour sa propre satisfaction et remit les choses en place en direct live.

Pardon ?

Pour être surpris, Thomass ne le cachait pas. Déjà que la merde leur tombait dessus comme par magie mais en plus d'autres conneries totalement humaines s’inséraient là comme pour foutre le bordel dans une orgie improvisée. Non mais sans blague. La gueule d'ange resta bouche bée puis se ressaisit en s'adossant de nouveau à son siège. Une très forte envie de lui sortir que ça ne pouvait être qu'un canulars le prit sauf que l'expression de la jeune femme -qui l'avait fort délecté- ne pouvait que refléter la réalité de la situation. Sérieusement ? Les sourcils du bonhomme se froncèrent, assez interloqué par la révélation. Pourquoi rajouter des problèmes quand on en avait bien assez ?

Non mais. Sérieusement ? C'est bien le moment. Et c'est quoi la connerie au goût du jour pour que vous en soyez là ?

Parfois, c'est bien que parfois, Thomass savait se montrer logique et avenant pour un connard de première. C'était si rare qu'il fallait en profiter.

Gabriel avait tout l’air de ne pas y croire, comme si elle était en train de lui faire une blague. Il ne savait que le quart de la vérité à dire vrai. Le pourquoi ça s’était produit, Olivia le gardait bien jalousement, parce que ça la faisait encore souffrir de se rendre compte qu’il l’abandonnait par lâcheté, au pire moment de sa vie. De toute façon, maintenant qu’elle cherchait du soutien de ses proches, la blonde ne trouvait absolument rien pour se rassurer. Le comble était que la vraie surprise, la vraie sincérité, venait d’un enfoiré comme Tom, qui tombait des nus devant sa déclaration. Comme si lui aussi ne parvenait pas à comprendre.

Elle devrait forcément venir à admettre la vérité. Que Darren, son grand ami, la fuyait parce qu’elle était enceinte. Que d’ici huit mois, elle accoucherait d’un enfant, et qu’elle devrait survivre à ça avant tout le reste. La connerie au bout du jour ? Liv éclata d’un rire sans joie, avant de partir en fou-rire. Elle se rattrapa à l’étagère à côté d’elle pour tenter de retrouver son souffle :

« Tu vas trouver ça hilarant, mais il m’a foutu en cloque ! » Lui lâcha-t-elle sur le ton de l’humour.

Son rire était, à dire vrai, surtout nerveux. Elle se passa une main dans les cheveux pour les ramener en arrière et se calmer. Il le fallait, parce que sinon elle allait vraiment craquer pour de bon. Mieux valait ça qu’en pleurer, ce dit-elle en retournant à ses affaires comme si elle venait d’annoncer à Tom qu’il allait juste faire un petit moche dehors et qu’il devrait mettre une petite laine pour sortir. Son détachement pouvait surprendre, mais Liv ne savait plus comment gérer la chose pour survivre à tout ça. Entre Nora, sa grossesse et Darren, son monde venait tout simplement d’arrêter de tourner.

« Et comme visiblement, je l’ai un peu cherché, ou je le fais exprès, il m’a largué là comme une sombre connasse. » Elle adressa à son ami un grand sourire ironique, ouvrant les bras pour illustrer tout le ridicule de la situation : « Tu as devant tes yeux la future mère de l’année, qui va probablement y passer à l’accouchement, et qui se retrouve abandonner comme une véritable idiote ! » Lui souffla-t-elle avant de lâcher un petit rire.

Thomass éclata d'un long rire, se pliant en deux tel un piaffe incontrôlable dans son hilarité. Pire qu'une tempête, pire qu'une putain de mère nature déchaîné, on venait d'annoncer à la gueule d'ange la nouvelle que jamais il n'aurait pu s'attendre ! JA-MAIS ! On lui aurait dit je t'aime que ça aurait fait pareil. Le bonhomme se leva, s'esclaffant sans espoir de s'arrêter et posa ses deux mains sur la table qui le soutenait encore. Tous deux riaient et la blonde exposait l'état risible des événements futurs. L'homme n'en pouvait plus. Les crampes abdominales apparaissaient tant le comique de la chose le gardait prisonnier.

Sauf que la cervelle du gaillard ne mit pas deux secondes de plus pour lier les choses et en venir à des conclusions qu'il aurait préférer ne pas envisager. Son rire s'arrêta net lorsque ses mirettes captèrent le sourire forcé d'Oliv'. Une rage sourde monta comme la tempête au dehors. Prête à faire des ravages, prête à souffler tout sur son passage. Sauf qu'en cet instant, la tempête humaine s’abattrait sur une seule personne. La mâchoire masculine se contractait tout comme son poing. L'homme laissa un profond silence s'installer, le temps de mesurer la chose, que son esprit fasse le tri entre l'honneur, l'amitié, la lâcheté et bien d'autres. Abandonner une femme ne posait pas le moindre problème pour la gueule d'ange. Autant avant, qu'encore aujourd'hui. Le seul problème, voyez vous, c'était que l'homme, aussi connard et manipulateur soit-il, avait certains principes. Son poing, serré de rage, prit un élan et creusa un trou dans la table qui le soutenait peu avant. Des morceaux de bois s'enfoncèrent dans sa chair mais Thomass n'en avait cure. La douleur de nouveau remonta jusqu'à son cortex et libéra l'adrénaline. Son souffle s'accéléra et sa voix dérailla, illustré d'un sourire sombre et sadique.

Oliv'. Je sais que tu mens pas et là est tout le problème.

Les pupilles de l'homme se plongèrent, reflet cruel de sa colère, dans celles de la jeune femme. Il aimait Darren. Oh ça oui. Il était ce compagnon que le gaillard avait espérer depuis que la dame en noire lui avait pris sa seconde famille. Les liens tissés pendant ses dernières semaines ne pouvaient être rompus pour une simple bonne femme. Sauf que la dame en question faisait parti de sa famille désormais. Bien moins que Mister survival mais assez pour qu'il puisse se sacrifier pour autrui. La main en sang, l'attitude meurtrière et déterminé, la gueule d'ange s'avança sur Oliva, résolu à appliquer ses principes.

Oliv'. Thomass posa sa main ensanglanté sur la joue de la jeune femme tout en la retenant par le bras. Ton bébé naîtra. Et tu le tiendras dans tes bras. Et Darren... Sa mâchoire se contracta en rythme de son agacement. Je lui ferrais bouffer ses couilles s'il ose se défiler comme une tarlouze.

Gabriel arrêta de rire à peu près en même temps qu’elle pour prendre un sérieux qu’elle n’avait jamais vu chez lui. C’était saisissant, presque effrayant de voir tout le poids qu’avait pris cette annonce pour lui, sans qu’elle ne comprenne pourquoi. Il y avait quelque chose en lui qu’elle ne connaissait pas, un petit rien qui vibrait devant la certitude qu’elle ne pourrait pas être abandonné de tout le monde parce qu’elle attendait un bébé. Elle n’aurait pas dû être rassuré par ce revirement, pourtant, ça lui réchauffa le cœur comme jamais. C’était ce qu’elle avait attendu des deux personnes les plus importantes pour elle, et qu’elle n’avait pas obtenu. Lui, qu’elle connaissait si peu, avait su lui répondre de la bonne manière.

« Tom, tu… » Elle hésita avant de baisser le regard. Son soutien était inespéré, libérateur, mais en même temps, il pesait lourd sur ses épaules fragiles, voûtées par le poids de ses erreurs. « Darren est ton ami. » Lui rappela-t-elle en douceur, avant de forcer un sourire qui n’aurait aucune crédibilité.

Ils étaient amis, tous les deux, avant que lui et Liv ne soient proches. Elle ne pouvait d’ailleurs pas vraiment dire que le bookmaker était vraiment dans ses proches : ils se taquinaient de temps à autres, mais c’était surtout parce qu’ils avaient un lien en commun. Il y avait Darren entre eux. Sans lui, Olivia n’était pas persuadée qu’ils auraient réussi à se lier d’amitié, si on pouvait appeler ça ainsi. Tout comme elle n’était pas persuadée d’être très importante pour lui. Ça ne valait pas le coup de gâcher son lien avec le dresser. Elle n’en valait pas la peine, et son bébé non plus.

« Ne fais rien de stupide. » Lui souffla-t-elle, presque dans une supplique qui tentait de passer à travers cette résolution dont Gabriel faisait preuve. « tu sais… Il a le droit de ne pas en vouloir. Et tout ce que tu pourras lui dire, je lui ai déjà dit. » Elle haussa les épaules.

La fatalité voulait qu’elle accepte maintenant cette certitude. Darren avait le droit de se défiler, pas elle. C’était nul, mais c’était comme ça : une incroyable fatalité.

« Ne gâche rien que tu pourrais regretter pour ça. » Demanda la blonde d’une voix douce, en venant poser sa main sur l’épaule de l’homme en face d’elle.

Ami ou pas, c'est un putain de lâche.

L'homme esquissa un de ses sourires sadiques et soupira violemment, la rage au ventre et la douleur manuelle. Comme d'habitude, son geste excessif lui avait coûté sa main. Évidemment, ce n'était pas la première fois, et les conséquences n'avaient pas la moindre importance. Pour l'instant, la situation le préoccupait bien trop pour analyser les multiples plaie dû au bois. Les mains masculines tremblaient, reculant petit à petit du corps de son amie. Amie... quel mot si bref de sens. L'amitié demeurait importante une fois que la confiance s'établissait. Seulement il arrivait que parfois les gens trahissait ces mêmes principes. Et pour le coup, Darren venait de mettre le pied dans un cercle qui ne se refermerait qu'avec un poing dans sa gueule.

L'endiablé s'appuya sur la surface dure de la table -dû moins ce qu'il en restait- et tourna le regard, son poing blessé et serré prêt de sa bouche. Ce batard, cet enfant de putain, ce chien trop motivé par sa queue pour en voir les responsabilités liés à ses coups de reins, il ne perdait rien pour attendre. Cela dit, au fond de lui, il savait bien qu'il aurait pu être à la place de son ami. Quel aurait été sa réaction alors ? Dorénavant, l'évidence serait d'assumer les conséquences, quel quelles soit. Les paroles de la jeune femme ne changeait pas grand chose, au contraire, ça envenimait les sentiments de l'homme. Une colère contre Darren, contre lui même, contre la fatalité des conneries d'une libido trop active et irresponsable.

Que veux tu que j'gache ? Sa tronche ? Ca s'ra pas une grosse perte. Et puis -Thomass planta son regard furieux dans celui de la blonde, nouveau souriant de manière cruelle- j'préfère sentir des os se briser sous mes doigts qu'une stupide table de merde.

Finalement, peut être que tout ça n'était qu'une simple excuse pour satisfaire son ego de mâle, son manque d'action et assouvir ses pulsions meurtrières. Ou juste de se prouver à lui même qu'il était meilleur homme que Darren. Meilleure personne que son géniteur qui avait engrossé sa catin de mère. Quelle grosse blague. Derrière cette démonstration d'amour et de charité, touchante à souhait, bien qu'en partit motivé par son cœur, Thomass n'en restait pas moins un homme comme Darren, attiré par ses créatures du diable qu'ils pouvaient enfourné à leur bon vouloirs.

Ses tremblements s'atténuaient à mesure que sa conscience prenait en compte ces certitudes. L'hypocrisie lui faisait crisser des dents, et satisfaisait son sadisme intérieur, mais il n'en était pas moins sincère.

Écoute. T'as raison. Ca sert à rien que j'lui en parle. Mais j'le trouve con de laisser une perle comme toi. Sous entendu ? mais non, jamais !J'te fais au moins cette promesse. Tant que j'serais parmi vous, j'prendrais soin de toi et de ton marmot.

Oui, Darren était un lâche. Liv ne pouvait pas le nier, pas le contredire. C’était exactement ça qu’elle éprouvait, et qu’elle avait envie de lui balancer à la figure. Il n’était qu’un putain de lâche, et c’était injuste qu’il l’abandonne alors qu’elle avait bien plus peur de l’avenir que lui. Parce que oui, Olivia en était là, à essayer de quantifier sa peur, et elle était exponentielle à ce moment précis. Elle avait la trouille de mourir, la trouille d’avoir mal, la trouille d’être seule. Et c’était des sanglots entiers qu’elle tentait de contenir dans le fond de sa gorge, de ravaler, parce que sa fierté lui interdisait d’être faible.

Elle attrapa avec précaution la main de Gabriel, pour ne pas frôler les blessures qu’il venait de se faire par sa faute. Les yeux embués de larmes, la blonde fit tout de même au mieux pour ne pas que l’homme puisse voir cette lueur dans son regard, celle qui trahissait son chagrin :

« Tu es bête… » Souffla-t-elle doucement avant de sortir de sa poche un mouchoir qui vint éponger le sang, jusqu’à rougir à son tour. « Il faudra peut-être que tu ailles voir Diane… » Ajouta-t-elle d’une voix étranglée.

Elle relâcha sa main doucement en pinçant les lèvres, relevant ses deux pupilles bleus vers son ami :

« Merci de ton… Soutien, Gabriel. Mais ne rentre pas en conflit avec lui pour ça, c’est… ça n’en vaut pas la peine. » Lui souffla-t-elle. « Il a ses raisons pour partir, il n’en veut pas, on ne peut pas le lui reprocher. Il a fait son choix, j’ai plus qu’à… assumer les nôtres, maintenant. »

Elle se mordit la lèvre inférieure, en essayant de se contenir. Les nôtres ? Oui. Ça ne tenait pas qu’à elle, mais elle assumerait pour deux. Pour trois, bientôt. Elle en était capable, elle rivaliserait de ressources pour que ça marche. D’ici quelques semaines, on verrait la grosseur de son ventre, l’arrondit de ses courbes, et d’autres seraient au courant de sa situation. Peut-être que là, elle trouverait d’autres alliés. Et ses vrais amis.

« T’es un gars bien, Gabriel… » Lui souffla la blonde en venant doucement passer une main sur sa joue.

Elle lui adressa un sourire sincère. Elle le pensait.

L'homme ne cessait de soupirer. L'engrenage qui s'était formé dans son crâne le torturait alors qu'il n'y avait raison de l'être. Après tout, ce n'était ni sa dame, ni son gosse qui allait naître. Pourquoi se prenait t-il autant la tête pour ça ? Au fond, Thomass le savait. Sa réaction exacerbé n'était que le reflet de la colère qu'il pouvait ressentir pour lui même et l'éventualité que cette situation pouvait être la sienne. Tranquillement, il se laissa faire. La blondinette était gentille et douce, et son attention avait eu l'air de lui faire du bien. Ses mirettes fixèrent ses articulations écorchés et sanglantes. Encore une cicatrice qu'il allait traîner. Une de plus dans sa collection.

La main valide du gaillard passa dans ses cheveux. Tout ça l'avait retourné pour rien. Prise de tête de nanas auxquelles il n'aurait jamais voulu avoir à se frotter. Peut être que ça lui arrivera un jour, qui sait. Et là, qui pourrait bien le résonner ? L'homme laissa ses pensées dérivés en évitant de croiser le regard de la jeune femme. Seulement les mots qui sortirent des lippes pulpeuses le firent tiquer au plus profond de son estomac. Son expression changea légèrement. Les traits de son visage se durcirent mais avec assez de contrôle pour ne pas faire une chose regrettable.

Que...

Ca ne sentait vraiment pas bon. Non. Vraiment, vraiment pas. Thomass s'écarta légèrement de sa compagne du moment, sourcils froncé et mâchoire crispé.

Comment tu m'as appelé ?

Plus rien n'avait d'importance. La trahison de son ami ou l'état de la future mère ne pesait même plus dans la balance. Pourquoi avait elle prononcé ce mot maudit ? Ce mot infâme qu'une seule personne connaissait en ses lieux. Bordel de merde, Jordan. Cette garce. Elle avait divulgué l'un de ses secrets les mieux gardé. Le poing masculin se serra de nouveau alors que la conscience du bonhomme se contenait le plus possible pour ne pas déraper.

Oliv'. Je t'adore. Mais ne m'appelle plus jamais comme ça. Je ne suis pas aussi gentil que tu le penses.

Ouais. La merde dans laquelle on les avait plongé de force avait décuplé les envies de meurtres de la gueule d'ange. Sauf que déversé sa cruauté sur elle n'était pas dans ses plans et surtout ne devait même pas se produire par simple inadvertance. Thomass devait absolument retenir son envie de meurtre à cause d'une autre femme. Une grosse inspiration suivit puis une expiration, si bien contrôlé que son souffle dérailla légèrement. Avec la plus grande délicatesse possible dans son état, ses paluches se posèrent sur les joues de la blonde, une lueur inquiétante dans le regard.

Promet moi que tu ne rediras plus jamais. Et je te promets qu'il ne t'arrivera jamais rien.

Belle promesse pour un connard.

Passé l’angoisse, la honte, le chagrin, Liv ne put s’empêcher de rire devant la moue sérieuse et boudeuse de son vis-à-vis. Elle savait comme il détestait quand elle l’appelait Gabriel. Elle ne comprenait pas pourquoi, mais elle voulait juste le taquiner.

Gabriel, c’était un beau nom. Le nom qu’une mère lui avait donné, une mère qu’elle ne connaissait pas. C’était peut-être elle que Tom fuyait, ou cherchait à oublier en mettant de la distance entre eux. Elle esquissa un sourire, venant presque chasser la peur qui lui tenait le ventre. Ça n’était qu’un baume à appliquer, qui calmerait brièvement la douleur. Un onguent, une pommade qui ne règlerait pas l’histoire. Elle ne pensait pas trouver un allié chez le meilleur ami de son amant. Elle ne pensait pas qu’autre chose pourrait naitre entre eux.

Mais il lui fit une promesse, qui lui arracha un sourire supplémentaire.

« Promis, Tom. » Fit-elle en plantant son regard bleu dans celui de son vis-à-vis.

Ils avaient un pacte désormais. Un pacte qui prendrait de l’importance, qui en avait déjà pour Olivia, même si elle le nierait probablement si on lui posait la question. S’attacher faisait mal. Faire confiance, faisait mal. Croire en l’autre, faisait mal. Elle ne savait pas si elle pouvait s’y autoriser, mais elle devait au moins croire en elle. Et si Gabriel Thomas Owens y arrivait, et s’il lui promettait de toujours être à ses côtés, malgré tous ses travers, alors…

Pourquoi pas elle ?