"T'as pas fini de te plaindre ? Si tu t'activais autant que tu te plaignais, on serait déjà rentrés au chaud avec les autres." J'ai un sourire narquois quand je vois à quelle hauteur est sa tête et je recule d'un pas, non sans un clin d'œil. Des fois qu'il lui prendrait l'envie de se venger physiquement. Non pas que je le mérite jamais ou que je tienne spécialement à mes bijoux de famille, vu l'utilité que j'en ai, mais on sait jamais. "C'est sûr que toi et ton égo, vous avez l'air d'avoir du mal. Allez bouge la grosse, on va pas y passer la journée." Mais non, je suis pas inquiet à l'idée qu'elle pourrait tomber sur un truc une fois à l'intérieur, c'est juste une impression trompeuse. Et je suis pas en train de me ronger les ongles en espérant qu'elle reste pas coincée ou une connerie dans le même genre. On a passé un moment  à écouter tout autour et, clairement c'est safe. Je veux dire, aucun bruit, pas même une mouche qui volette. Remarquez, vu le temps, la mouche finirait congelée. Je pensais pas qu'il pouvait faire aussi froid. C'est peut-être aussi parce qu'on a perdu pas mal de gras, enfin le peu qu'on avait quoi. Alors, forcément, on ressent tout de façon plus prononcée. Ca marche pas qu'avec le froid ça, quand j'y pense. Enfin bref, je garde mon calme et je suis presque crédible. Surtout que je me marre comme un con avec les conneries qu'elle balance.

"Mais oui t'inquiète, je veille. Je te ferais pas le plaisir de mourir à tes pieds, t'en fais pas." J'aimerais autant pas qu'elle vive ça quand même. Bon, elle se magne ou pas là d'ouvrir cette foutue porte ? Y a une part de moi qui souffle que c'était pas l'idée du siècle de venir ici mais l'autre, qui prend le pas sur le reste, se dit qu'on allait pas laisser passer les 21 ans de la puce sans rien faire quand même. Je sais, on a plus la même vie qu'avant mais justement, ce genre de trucs, ça se fête d'autant plus. Enfin, c'est mon avis mais, du coup, j'ai l'impression de pas être le seul à le partager. Donc, pendant que les autres font diversion et essaient de trouver des trucs pour nous prémunir un peu du froid avec Kennedy, nous on essaie de trouver un truc. La porte s'ouvre enfin et je me faufile avec un soupir de soulagement, non sans jeter un regard en coin à Axel. "Que je suis épaté de voir que t'es foutue de prendre du cul alors qu'on a toujours la dalle." Et je l'attrape par l'épaule pour l'embrasser sur le front. "Bien joué la grosse. Pour un peu, j'allais m'inquiéter quand même." Je grimace un peu, en regardant les alentours. Digne des pires films d'horreur qu'on regardait quand on avait rien de mieux à faire sur mon canapé. Le pire dans tout ça c'est que je me suis habitué à ça aussi. A voir du sang tâcher les murs, à deviner dans les odeurs qui flottent s'il y a un cadavre en décomposition ou pas, ce genre de trucs joyeux qui m'auraient filé la gerbe il y a quelques mois. Bon, j'avoue, si je m'écoutais, j'aurais encore la nausée. Heureusement que je m'écoute jamais. J'inspire, histoire de garder une contenance et je reprends, d'un ton tranquille. "Alors, à ton avis. Qu'est ce qui plairait à un arc-en-ciel sur pattes en pleine apocalypse pour ses 21 ans ? A part me mettre un coup de pied au cul évidemment, ça c'est en bonus." Quant à savoir si on va trouver quelque chose d'utile ou d'intéressant, ça j'en sais rien. Et pas besoin de lui dire, c'est pas comme si on avait pas l'habitude de passer notre temps à chercher la plus petite chose qui aurait pas été abandonnée en cours de route.

"Hey c'est pas parce que je te réponds que je t'écoute vraiment. J'ai l'air de comprendre ce que tu me racontes en général ?" Bon, j'essaie de rester cool, comme si elle se mettait pas vraiment en danger, comme si je flippais pas pour elle, pour eux, à chaque instant. On est jamais vraiment en sécurité depuis que tout ça a commencé et, le pire, c'est qu'on peut rien y faire. Rester cloitrés dans une baraque sans jamais en sortir était juste pas possible alors ouais, forcément, faut bien qu'on prenne des risques de temps en temps. Sauf que j'aime pas quand c'est eux. Même si je me la joue je m'en foutiste. J'essaie de pas imaginer ce qui se passerait si on perdait l'un de nous et putain, ça fait mal. A chaque fois qu'on a pas été au complet, c'était comme déséquilibré, comme s'il manquait un truc pour que ça fonctionne vraiment. Et c'est comme ça qu'on tient le coup depuis bientôt deux ans. Parce qu'on est ensemble contre le monde entier, vivant ou mort. "Ma connerie va bien ma grosse, merci de t'en soucier. Et je sais que tu rêves qu'on se retrouve tous les deux à se frotter dans un tuyau mais pas maintenant, j'ai la migraine." Et j'ai une grimace en la voyant disparaitre, même si je continue toujours de l'entendre. Je me raccroche à ça pour garder mon calme, pour me rassurer et je souffle quand même, d'un ton narquois. "Me voilà rassuré sur tes préférences sexuelles. Mais tu sais, j'en avais pas besoin."

J'ai quand même un sourire quand je la vois apparaitre à la porte en un seul morceau. Et ce qui me rassure d'autant plus qu'elle a toujours le même sens de la répartie. C'est que tout va bien donc. Je me frotte quand même les bras pour me réchauffer et je tape un peu du pied, comme si ça servait à quelque chose avant de laisser filer un rire. "Le talent ? Tu connais ce mot toi ? Chuis étonné. Remarque, tu sais ptet pas l'écrire." Je peux quand même pas m'empêcher de l'embrasser sur le front, juste pour m'assurer qu'elle est bien là, qu'elle va bien. Et j'ai un sourire quand elle me serre contre lui un instant avant de reprendre, d'un ton plus doux. "J'essaie de m'en persuader ouais. Et si tu pouvais éviter de me prouver le contraire juste pour m'emmerder, j'aimerais autant." Je pique du nez quand elle reprend, incapable de soutenir son regard pour le coup. Et je me sens mal à l'aise l'espace d'un instant, avant de hausser une épaule. "Je… ouais, je suis désolé." Je laisse filer un temps de silence, mâchoires contractées, avant de souffler, d'un ton tout sauf convaincu. "On a grandi. Je suppose. J'aurais préféré que ça évolue autrement. Mais… bref… " Je me tais, incapable de dire quoi que ce soit d'un tant soit peu intelligent et je fronce les sourcils, la mine pensive. "Elle commence à avoir rempli ses carnets ouais. J'aimerais bien lui trouver de la peinture. Ce serait cool ça."

Je laisse filer un sifflement admiratif dans le hall, avant de me tourner vers Axel. "'tain, ça m'impressionne toujours autant de voir ce genre de coin complètement vide. C'est flippant en fait. Oh, pas con la maquette, ça lui ferait plaisir. Et au pire, on peut aussi lui trouver une peluche licorne, je parie qu'elle aimera bien." Ouais, on va trouver son bonheur là-dedans, elle sera contente, non ?

Je lui décoche un clin d'œil alors que je souffle, d'un ton léger. "Je fais bien illusion hein ? J'arrive même à me convaincre moi-même du coup." Depuis le temps, je pense que la personne qui me connait le mieux aujourd'hui est juste sous mes yeux. Pas que j'aurais pas aimé que ce soit Kennedy, mais elle a choisi d'aller toquer chez Drew quand elle est revenue. Du coup, je me dis que j'ai bien fait de m'éloigner d'elle quand je suis sortie de prison. Je sais, j'ai un raisonnement pas super logique mais je peux pas faire autrement. Je réprime un soupir même si je lâche, avec mon sourire idiot habituel. "Ah, je le savais que tu fantasmais sur moi la grosse ! C'est bien d'enfin oser l'avouer." Comme si j'allais toucher Axel pour autre chose que lui faire un câlin ou la repousser quand elle veut m'en coller une. Pourtant c'est une jolie fille hein, faudrait être con pour pas le voir. Mais j'ai jamais ressenti ce genre de trucs pour elle. Pas comme … ouais, on oublie j'ai dit. "J'ai pas dit que j'en avais besoin, tu m'écoutes jamais en fait tssst…" Je lève les yeux au ciel, en mode tragédien raté avant de la voir disparaitre dans ce foutu conduit.

Et cette angoisse qui m'étreint comme chaque fois que l'un d'eux disparait de sous mes yeux et se met en danger. Cette peur presque panique de perdre l'une des rares personnes qui me permet de tenir, qui m'aide à préserver un semblant d'équilibre. Mais elle est là, entière, et on s'en sort plutôt bien. Avant que je souffle, d'un air narquois. "J'sais même pas l'écrire en fait. Mais le dis à personne." Et sa présence me rassure sans que je puisse vraiment le dire à haute voix du coup. "Très longtemps ? Tu crois que je vais te supporter tout ce temps-là? J'ai bien l'intention de gagner au loto et de m'offrir une villa avec vue sur la mer. Une putain de mer chaude où on serait pas obligés de mettre trois pulls pour pas mourir de froid…" J'ai un profond soupir, perdu dans mes pensées l'espace d'une seconde alors qu'on commence à regarder autour de nous et à essayer de réfléchir un cadeau pour Kennedy.  Sauf que là, évidemment, Axel tape là où ça fait mal et j'arrive pas à garder mon détachement, mon flegme habituel.  Je pique un peu du nez et je souffle, d'un ton contrit. "Je sais pas trop non plus ce qu'il y a entre nous. Enfin si… plus rien. Et… c'est ma faute je pense. Même si je voulais en parler, je saurais même pas par où commencer. Enfin tu serais sexy en carpe." Je hoche la tête et je reprends, toujours sur le même ton. "Ouais et pas qu'un peu. Fais chier. C'était tellement plus simple quand notre plus gros problème était de savoir qui cracherait le plus loin." Ou un truc dans le genre oui. Est-ce qu'Axel comprendrait si je lui disais que Kennedy me manque ? J'en sais trop rien, c'est tellement débile comme pensée. "Oh merde, t'as dit un truc intelligent en fait là ou je me goure ? Mais oui, je vois pas trop en quoi balancer de la gouache à la gueule de ces saloperies aurait été utile. Et elle sera contente. Je crois."

Je la suis et je lui rentre dedans alors qu'elle stoppe à l'entrée du hall. Je cille et je regarde autour de moi avant de lui balancer, dans un murmure. "Je m'y fais toujours pas en fait." Je secoue la tête et j'arque un sourcil dans sa direction. "Moi, grand et fort ? T'as bu un truc en cachette toi !" J'inspire quand même et je secoue doucement l'enseigne, la mine sceptique avant de le pousser d'un geste brusque. J'ai beau dire, j'ai quand même gardé quelques muscles en fait mine de rien. Et, j'arrive à le soulever sans problème en fait, c'est même pas coincé. "Allez, enfile-toi là-dedans ma grosse, et chope-moi l'espèce de tube là-bas que je cale tout ça pour te suivre." Et qu'on puisse explorer un magasin de jouets vide depuis des mois. Dans le genre glauque, je pense qu'on est pas mal là.

"Au moins tout ça ouais. Enfin, c'est pas comme si t'avais espéré faire quelque chose avec moi en même temps." Plaisanter, c'est bien ça, ça me donne l'impression de pas faire que survivre au quotidien. Enfin, avec eux, c'est facile, la vie est un juste un peu plus galère qu'avant mais ils sont là. Ils ont toujours été là depuis que le monde est parti en vrille, même si, souvent, avec Axel, ça vire au n'importe quoi. Comme là tout de suite. "Trop de fantasmes pour toi la grosse, mais par contre faut arrêter avec votre délire de me couper les cheveux." Et je secoue la tête quand elle me balance un jamais bien sonore, retentissant dans le tuyau qu'elle vient d'emprunter. Quelle sale gosse. Ouais, ouais, venant de moi c'est un peu facile.

Je la toise quand elle débarque devant moi et je lui assène une pichenette sur le nez alors qu'elle reprend de plus belle. "Obligée ? Carrément ? Remarque, grâce à moi t'auras enfin des activités saines et…"Je grimace, incapable de trouver une connerie à dire sur le reste. Comme quoi, tout peut arriver. Et, au reste de ses propos, je prends un air faussement outré. "Hey ! Tu mens là ! J'ai déjà gagné des… euh… je… hum… non mais les prix de motocross ça devrait compter non mais." Forcément, si on déconne, si on fait comme si tout allait bien, c'est pas vraiment le cas. Y a toujours des zones d'ombre, déjà parce que tenir bon est difficile, même si on est tous ensemble, ça reste difficile de survivre dans de telles circonstances. Et y a le reste. Kennedy donc. Je vois bien que tout le monde se rend compte que c'est plus comme avant et je vois pas du tout ce que je pourrais dire qui contredise cet état de fait. Vu que c'est le cas. J'ai merdé, elle est partie et elle est jamais revenue. C'est bien qu'elle soit allée vivre chez Drew, j'étais soulagé. Enfin, j'aurais dû l'être. Je l'ai été. Bref, je suis pas au clair dans ma tête mais, au final, on s'en fout vu comment les choses ont fini par tourner. Enfin, je suppose. Je cille, laissant filer un silence avant de souffler, d'un ton pas convaincu. "Ouais, on s'est jamais engueulés. T'es la seule avec qui je me prends la tête la grosse, t'es une privilégiée." Ne pas lui faire une saloperie. Elle en a de bonnes elle. Et je reprend, un peu plus brusquement. "J'en sais rien moi. Et pourquoi pas avec elle ? Je veux dire, je peux être un connard, c'est pas comme si tu m'avais pas vu me tromper de prénom avec les filles au petit matin hein…" Mouais, je suis pas sûr que ce soit le meilleur argument en fait. Je laisse filer un rire sans joie quand elle confirme ce que je dis avant de la suivre sagement.

Pour me masser le bras quand elle me frappe, par réflexe plus qu'autre chose. Comme si elle faisait mal cette petite crevette sur pattes. J'évite quand même de lui dire, elle serait foutue de m'en coller une pour de vraie juste pour me prouver le contraire. "Putain, on est mal barrés si c'est toi le cerveau de nous deux. Il lui faut du papier aussi donc. Un truc pas trop encombrant non plus, ce serait con qu'elle doive le laisser sur place." Ouais, devenir pragmatique pour ce genre de trucs, c'est bien aussi. Toute notre vie tient dans un sac à dos, ça a un coté un peu pathétique non ? "Ce serait cool qu'on se trouve un coin où se poser un peu non ? Ca a l'air de craindre un peu moins dans certains coins." Enfin, je sais pas trop. Pour le moment, je grimace en voyant ce qu'on a autour et je me dis que c'est quand même sacrément glauque. "Arrête, je suis pas une crevette ! J'ai encore des muscles là. Un peu." Je poke mon propre biceps, non sans arquer un sourcil. Mouais, déjà que j'ai jamais été bien épais, là, c'est pire. J'arrive quand même à faire mon mec donc et on s'engouffre dans le magasin de jouets. Pour que je souffle, d'un ton sérieux à Axel. "Je te préviens la grosse. Pas de peluche lapin. Ou je te la fais bouffer." Je hoche la tête au reste de ses propos avant de la fixer un instant et de souffler, à mi-voix. "Je suis amoureux d'elle depuis qu'elle a 15 ans. Voilà pourquoi c'est ma faute." Et je cille, avant de continuer comme si de rien était. "Hey, on dirait des peluches là-bas. Si je crie, c'est qu'il y avait un foutu cadavre au milieu, ça roule ?!" Ouais, je file sans demander mon reste, sans même attendre sa réaction. Je sais même pas pourquoi j'ai balancé ça comme ça en fait. Parce que ça me trotte dans la tête depuis des années ? Que j'ose en parler à personne, même pas à Robin qui pourtant est au courant. Ouais, ça craint un max. Hum. Des peluches donc.

Je lève les yeux au ciel et je secoue la tête, la mine blasée. "T'enflamme pas, c'est peut-être juste parce que j'ai décidé que j'avais pas envie de gaspiller ma salive pour toi la grosse." Et j'ai un rire alors que je la fixe, soufflant, d'un ton amusé. "Espèce de diva tiens." Je prends mon air vexé de circonstance avant de rétorquer, la mine pensive. "J'ai pas gagné un prix au lycée ? Genre le prix de la camaraderie ou une connerie du genre. J'me rappelle plus tiens." Je soupire à la pensée des prix de moto. Ouais, dire que ça me manque est un putain d'euphémisme. Encore plus que le reste. A choisir entre une bonne douche chaude et une virée en moto, autant dire que je resterais encore un clodo pouilleux encore un peu plus longtemps. Bref, j'ai un peu l'impression que je m'égare là. Remarquez ça arrive assez souvent. C'est le souci quand on a plus autant de loisirs ou de trucs qui vous occupent la tête. Genre la télé, la radio et tout ce genre de conneries. Ca empêche de penser aux vrais problèmes et, depuis qu'on a plus ça, c'est devenu vachement plus compliqué. Heureusement que j'ai encore mon lecteur mp3, j'arrive à me vider un peu la tête comme ça de temps en temps.  Avec Kennedy, c'est encore un des rares rituels qu'on a réussi à maintenir malgré les années.

D'ailleurs, en parlant de la Puce, voilà que je me fais un peu… agressif… et Axel me fait son regard noir. "Oh arrête de me faire ces yeux-là, ça va… et non, c'est pas une de mes poules, je confirme…" Et je la fixe, les yeux écarquillés. "Quoi ? Coucher avec elle ? Mais t'es pas bien !" Rien que d'imaginer la scène je… bon, en vrai, je sais pas trop comment réagir en fait. Je préfère chasser cette idée parce que sinon, ça va virer au n'importe quoi. Alors, je recommence à raconter des conneries, histoire de donner le change plus que pour autre chose, même si j'ai un sourire en coin à ses propos. "Nan, je peux pas valider là. Foutus, on est foutus." Autant que ma forme donc. Et mes muscles. Je devrais me vexer pour de vrai ou pas du coup ? Je me rends pas compte. Faut dire que bon, je suis pas vraiment du genre susceptible donc il m'en faut beaucoup. "Genre, tu sais te servir d'un microscope ? A d'autres." Mouais, j'ai déjà fait mieux, j'avoue. Mais elle m'a un peu perturbé là et ça tourne en boucle dans ma tête, sans que je sois capable de faire abstraction. Ca m'arrive souvent mais, en général, j'arrive à m'isoler un peu, histoire de faire le point, de me remettre les idées en place. Et là, je peux pas. C'est con quand même. J'arque tout juste un sourcil à sa question et je secoue la tête. "Jamais. Jaaaamais !" Putain de lapins ouais.

Et d'un coup, paf, ça sort tout seul. Evidemment, elle m'interpelle mais je me retourne même pas, un peu honteux d'avoir balancé ça comme ça. Evidemment que je viens de lâcher une bombe, mais je suis infoutu de l'assumer. Pour autant, je la connais et, quand elle me dit stop, je réfléchis même pas et je m'exécute. J'ai du mal à la regarder dans les yeux et je me demande à quoi elle pense là, de suite. Est-ce qu'elle va se foutre de moi ? Me juger ? Me dire que je suis qu'un con ? Ptet tout ça, ce serait pas déconnant. Mais non, elle vient poser son front contre moi et je me fige un instant avant de passer mes bras autour d'elle. Et j'inspire longuement avant de laisser filer un rire. "Possible. J'essaie de pas trop y penser et…" J'écarquille les yeux quand elle me balance sa bombe à elle. "Putain de merde." Ouais, c'est éloquent hein comme réponse. Mais merde, Drew ? Sérieusement ? Je louche sur son index avant de l'attraper pour le balancer sur le côté d'un geste brusque. "Genre, je vais l'ouvrir. Je te dirais bien que j'y crois pas moi-même mais, quand j'y pense, je me dis que si j'avais été une fille, j'aurais bien flashé sur Drew. Remarque, même sans être une fille…" Je fais mine de réfléchir avant de soupirer longuement. "On est dans la merde hein… comment tu tiens toi ?" Non parce qu'autant j'ai le sentiment que Kennedy me déteste alors ça m'aide à garder tout ça planqué mais Drew est adorable avec Axel.

J'ai un sourire digne d'un gamin de 15 ans quand elle rit. C'est toujours cool de les entendre rire et ça me réchauffe le cœur, même si c'est pas au point de Kennedy. Mais ça fait plaisir. Alors, forcément, je joue un peu plus souvent au con que je le voudrais vraiment, je suis pas toujours mon humeur du moment parce que je veux les voir réagir comme le fait Axel là, tout de suite. "Un prix de la connerie. J'veux ça pour mon anniversaire donc. Et tu peux plus te défiler maintenant." Bref, c'est pas tout ça mais on a une expédition à mener.

Et j'aime bien partir en balade. Parce que ça m'évite de tourner en rond et de commencer à trop les faire chier du coup mais, aussi, que j'aime trouver des trucs qui nous rendent la vie un peu moins merdique. Axel est toujours de super compagnie et on se marre bien en général, même si là, le regard mauvais que je lui jette doit être assez équivoque pour qu'elle évite de trop s'aventurer sur ce terrain-là. Je suis pas sûr de l'avoir déjà regardée comme ça en plus. Mais je secoue une main dans sa direction, sans vraiment retrouver mon sourire. "Ouais, c'est pas grave, oublie. Je… j'aurais jamais fait ça." Surtout pas à elle, quand bien même j'aurais clairement pas dit non si… mouais, on évite de s'aventurer sur ce terrain-là on a dit. J'inspire longuement avant de me focaliser sur le reste de ses propos. Et je laisse filer un rire en secouant la tête. "Pourtant ce rat était énorme. Presque aussi gros que toi, c'est dire." Pourtant, elle a raison, mais je vais pas lui dire, ça serait contre nos principes de base. Je hausse une épaule, l'air de rien. "Je séchais pas les cours, je sélectionnais simplement un panel de cours auxquels je voulais assister. J'en ai eu suffisamment pour me tirer du lycée, le reste autant dire que je m'en foutais." Bon, le reste, personne le sait vraiment à part Drew. Mais à quoi bon leur dire de toute façon. Et puis, c'est pas comme si ça servait vraiment à quelque chose.

Je le savais, elle voulait me trouver un foutu truc avec un lapin. Ils abusent tous sérieux, surtout elle. Un jour, je trouverais sa phobie et je lui ferais payer. Ouais, une avalanche de peluches ou un truc dans le genre, tout à fait. Je suis comme ça moi. Je la toise un instant quand elle se fout de moi avec son porte-clés et je la pousse d'une bourrade. Avant que ça vire au drama. Au moins, j'ai trouvé comme lui clouer le bec tiens. Même si j'aurais préféré faire ça autrement. N'empêche que, le câlin, il fait du bien. Enfin elle me laisse tout autant sur le cul du coup quand elle me parle de Drew et de ce qu'elle ressent pour lui. J'ai un rire sans joie et je la serre un peu plus contre moi avant de la relâcher. Ca sert à rien d'avoir pitié ou une connerie du genre vu que je sais que je supporterais pas ça venant d'elle. Alors je raconte une connerie qui la fait rire de nouveau. "Ah mais tu sais, après deux ans d'abstinence, je pense que je trouverais un tabouret avec une jupe sexy donc bon, suis ptet pas super objectif. Enfin sans vouloir ôter tout le sex-appeal de Drew hein…" Je laisse alors filer un silence et je l'écoute avec attention. "Merde, moi qui pensais que tu t'échappais pour faire des trucs sales, tu casses tout Axel." Mais, d'un coup, au reste de ses propos, je me fais plus sérieux et j'effleure doucement sa joue. "T'aimerais lui en vouloir ? Ce serait plus facile ? Ou qu'il soit moins sympa ? Tu sais, je suis persuadé qu'il a vu que t'as grandi, il faudrait être aveugle pour pas le voir. Mais c'est… compliqué pour nous de l'accepter. Quel que soit le lien qu'on ait pu avoir avec chacune de vous."

Et je fixe le vide un instant, avant de souffler, d'un ton inhabituellement calme. "Elle me déteste je pense. Elle le cache plus ou moins bien selon les jours. Et elle a raison. Je l'ai laissée tomber. Et je lui en veux d'être allée frapper à la porte de Drew, de nous avoir laissés sans nouvelles, comme si… mouais j'en sais rien en fait. C'est tellement le bordel entre nous deux." Je secoue la tête et je sautille sur place, comme pour me remettre les idées en ordre avant de reprendre, essayant de pas avoir l'air trop pathétique. "Et pourtant, je serais prêt à me faire courser par la moitié de la terre pour lui ramener un truc qui la ferait sourire. Même si c'est pas à moi qu'elle le fait. Je crains hein ?" Ouais, à mort, je sais.

D'un coup, je me demande si les autres pensent pas la même chose qu'Axel. Que j'aurais fait de la merde avec Kennedy et que c'est pour ça qu'on est plus aussi proches. Enfin, j'ai fait de la merde, qu'on soit bien d'accord hein, mais c'est juste pas aussi grave. Je crois. J'en sais rien en fait. Je grimace à cette pensée, préférant la chasser aussi loin que possible avant de ricaner au reste de ses propos. "Le pire, c'est que ouais, on aurait pu bien bouffer. Ca vaut pas le ragondin de la dernière fois par contre, suis sûr." J'ai quand même une moue vaguement dégoutée, me surprenant à rêver d'un vrai bon gros steak de bœuf. Je vais me faire du mal là. Surtout que je commence à me dire que j'ai oublié quel goût ça a vraiment en fait. C'est encore pire que d'en rêver. Je hausse une épaule quand elle reprend, lui lançant un sourire aussi innocent que possible. "Jamais rien n'a pu être prouvé votre honneur, je proteste."

On finit par se retrouver dans le magasin de jouets alors que je me demande vaguement à quel point je pourrais hurler comme une fillette si je voyais un lapin duracell traverser la pièce. Je pense que je pourrais ameuter tous les morts-vivants de la terre. Donc j'essaie de respirer pour chasser cette image dérangeante. Même si, au final, ma discussion avec Axel est presque pire. Ouais, je lui balance ma petite bombe avant de m'enfuir mais elle fait aussi bien, si c'est pas pire. Et puis là, je me dis qu'on est sacrément dans la merde tous les deux. Parce que si c'est compliqué à gérer pour moi, j'ose pas imaginer ce que ça doit être pour elle. Mais j'essaie d'éviter de prendre ça comme un drame. Parce que ça changerait rien de toute façon. Alors je raconte des conneries et je suis content de la faire du coup, même si je proteste quand elle me frappe, par principe. "Hey ouais, la grande classe quoi. Et oui, j'ai toujours eu beaucoup trop d'imagination, t'imagine pas à quel point c'est handicapant des fois." Je lui serre quand même doucement l'épaule avant de souffler, un rien plus sérieux. "Si ça peut te rassurer, c'est pas plus simple quand la personne en face t'en veux. Ou n'est pas sympa avec toi. Et c'est pas une question de fautif, comme tu le dis si bien. Y a des trucs qu'on peut pas empêcher." Je laisse filer un soupir, hochant doucement la tête quand elle rappelle que certains jours c'est plus difficile que d'autres avant d'arquer un sourcil. "Tu devrais quand même songer à la danse, m'est avis qu'il sera surpris. Et tu devrais avoir ton petit succès." Je lui jette un regard narquois avant de reprendre avec un toussotement. "Peut-être qu'il s'autorise pas certaines choses non plus. Il s'est mis dans la tête de veiller sur nous, coûte que coûte, et il oublie le reste. Tu pourrais essayer de lui rappeler. Je te garantis pas le résultat mais si ça se trouve ça pourrait donner un truc cool non ?"

Bon en vrai, j'en sais rien, mais elle a tout à y gagner si, au final Drew ressentait la même chose. Et elle, avec un mec comme lui ce serait juste parfait. Mouais, vu le contexte, je sais pas trop ce que ça pourrait donner et je suis pas sûr qu'elle ait envie de savoir vraiment à quoi s'en tenir avec lui. Tout comme moi, je suis persuadé de savoir à quoi m'en tenir avec Kennedy. J'ai une grimace à ses propos et je hausse les épaules, toute trace de sourire disparue. "Peut-être ouais. Mais c'était y a tellement longtemps. Et je vois bien que j'arrive plus jamais à la faire sourire, que j'ai tout cassé. Et je sais même pas comment réparer et … en fait j'ai juste l'impression de l'avoir perdue et que jamais je pourrais la retrouver. C'est moche hein." Je laisse filer un silence avant de rire en secouant la tête. "Bordel, y avait pas un rôle plus cool que l'amoureux frustré ? Et va pour les chutes du Niagara. Par contre, éviter de trop parler du tabouret, je risque de vraiment finir par fantasmer dessus… brr…" J'ai un frisson avant de m'éloigner un peu, essayant de reprendre un semblant de contenance. J'attrape un carnet que je feuillette avant de l'agiter vers Axel, avant de siffler en voyant une boite de fusains. "Oh, ça, elle va aimer. Tu crois pas ?"

Et puis là, je me fige. Devant une chaussure qui dépasse de l'étagère d'à côté. Et le corps qui va avec. Je remonte en direction de sa tête et je me rends compte à quel point je suis blindé en voyant que j'ai même pas la nausée devant son crâne explosé. Les bestioles autour par contre, c'est autre chose. Je souffle longuement, respirant par la bouche, avant de pencher vers lui. Et de tirer sur le flingue qu'il tient entre les mains. "Ca se fait d'offrir un flingue pour un anniversaire ?"

Finalement, ça fait plus de bien que je l’aurais cru de balancer ma petite bombe à Axel. Bon ça fait bizarre quand elle me rend la pareille mais, au final, ça a un coté presque rassurant. Du genre, on peut parler de trucs normaux et pas uniquement de penser à la survie. Alors oui, j’aurais préféré que ce soit pas de parler de nos malheurs amoureux mais, au fond, c’est moins pire que prévu. Je grimace à ses propos et je hoche la tête, un brin plus sérieux que d’habitude. "Je suis tombé amoureux d’elle quand je suis sorti de prison et que je suis allé les voir. Je l’ai vue descendre les escaliers et là, paf, c’était comme une évidence, le truc qui aurait jamais dû me passer à côté. Sauf qu’elle avait que 15 ans quoi… Je me suis jamais sentie aussi détraqué que ce jour-là je crois." Je me frotte l’arrière du crâne avant de balancer une connerie à Axel. "Bah quoi, tu seras débarrassée de l’étiquette au moins ! C’est pas le moment où je te raconte que je me suis déjà tapé une collègue à toi dans les chiottes alors hein…" Mais c’est marrant qu’elle soit autant à cheval sur le fait qu’elle veuille pas que Drew sache. En vrai, je pige pas trop pourquoi mais je suis pas sûr que je doive lui dire. Je laisse filer un silence à ses propos avant de souffler, d’une voix bien plus douce que d’ordinaire. "Le statut quo te va aussi bien qu’à moi je parie. Je sais que j’aurais jamais ce que je veux avec Kennedy mais vous deux, c’est différent. Je dis pas que tu dois lui grimper dessus, même si une part de moi trouverait ça super drôle. Mais juste, lui rappeler qu’il n’est pas que notre grand frère. Et aviser."

Et je me renfrogne un peu quand elle dit qu’elle-même ne sait pas trop si c’est pas irréversible avec Kennedy. "… je suis pas idiot. Pas autant que je veux bien le faire croire. J’aimerais juste… qu’elle me déteste un peu moins. Ce serait un bon début. Et je demande pas plus en fait. Enfin si, qu’elle sourit un peu plus. Ce serait chouette ça." J’ai une moue penaude, comme un gosse qui lit sa liste au Père Noël après avoir appris qu’il existait pas. Je sens mes mâchoires qui se contractent alors que j’ai un gros coup de cafard là, d’un coup et je secoue la tête avant de reprendre, d’un ton plus léger. "On va bientôt virer au mélodramatique si je continue comme ça. Et le rôle de l’idiot me va comme un gant c’est ça ?" Et je lui décoche mon plus beau sourire avant d’ajouter, comme si de rien était. "J’suis capable de tout, je croyais que tu l’avais assimilé ça."

Du coup, je préfère fouiller un peu. Histoire de me vider la tête et d’arrêter d’avoir toujours les mêmes questions qui tournent en boucle. Avant d’agiter le flingue que je viens de trouver, attendant son verdict. "Déjà, si tu sortais tes mains de tes poches la grosse, tu trouverais des trucs. Et j’ai jamais eu des goûts de chiotte, je m’adapte à la mode actuelle. Tu veux que moi, je lui apprenne à tirer ? Tu me fais un compliment détourné ou c’est juste pour la voir m’en coller une quand je vais lui dire que je vais lui montrer comment on tire ?" Et je hoche la tête au reste de ses propos. "Ouais, comme tu dis. Je pensais m’être habitué mais en fait, pas vraiment."

Je me masse la nuque et je jette un regard un peu paumé à Axel avant de souffler, à mi-voix. "Ouais, juste tiquer, bin voyons. Ces connards en auraient pas profité pour dire aux flics que je faisais dans le détournement de mineure ou un truc dans le genre s’ils avaient su. Je sais que vous avez jamais été des gamines, c’est pas le problème. Et… ouais, on peut pas revenir en arrière, ça j’avais bien deviné." Mais, quand même, l’espace d’une seconde, je me demande ce qui aurait pu se passer. Et je sens ma mâchoire se contracter alors que mon regard se perd dans le vide. Fait chier tiens. J’ai une grimace à la répartie d’Axel avant de hocher la tête. "Tu marques un point. D’autant que oui, la transition risque d’être un peu trop brutale et il va être un peu mal à l’aise." Et pas qu’un peu j’imagine mais ça, on le serait très bien tous les deux. "Et, je sais pas, tu veux pas que je lui glisse que t'es sacrément mignonne ou un truc du genre ?" Je laisse filer un silence un peu sceptique, me demandant s'il serait pas foutu de me dire de tenter ma chance avec elle avant de lâcher, avec un sourire. "Oh merde, tu me fais un compliment là ? Je me rends pas compte. Y en a pas eu tant que ça. Au club en tout cas… bref. C’est le genre de détails qu’on peut éviter de raconter aux autres hein."

Je me sens tellement idiot de parler comme ça de Kennedy. Comme si ça allait changer quoi que ce soit, comme si je pouvais arriver à vraiment la faire sourire de nouveau ou qu’elle me déteste moins. Enfin remarquez, elle me parle plus qu’avent déjà, y a du progrès, surtout ces derniers temps. Mais bon, c’est toujours à fleur de peau entre nous et ça, je vois pas trop comment je pourrais le changer. "Disons que je sais qu’il se passera jamais rien. Alors à choisir, j’aimerais quand même un peu moins de franche hostilité pour le coup. Mais je peux comprendre ce que tu veux dire. Tu finis par te demander si c’est juste fraternel ou si au final, y aurait peut-être moyen de plus et tu finis par t’emballer ? Avant que ça retombe quand il te tapote la tête ou un truc du genre ?" J’ai un ricanement, même s’il est pas super naturel, quand elle essaie d’alléger l’ambiance et je secoue la tête. "Nan, Sid est pas aussi con que moi quand même. Je veux garder la palme. Et l’espoir c’est surfait, surtout me concernant ma grosse."

Je finis par m’éloigner, pour fouiner un peu, vu qu’on est là pour ça quand même à la base, mais aussi pour me remettre un peu les idées en place. D’habitude, je mets ce que je ressens pour Kennedy de côté mais là, d’en parler, ça m’a quand même sacrément foutu le bourdon. Et quand Axel se rapproche, je la poke entre les sourcils avant de lui décocher mon plus beau sourire. "Tu sais pas, ptet que je pense à plein de trucs avec tes mains !" Je tique quand même au reste de ses propos et je fronce les sourcils avant de lâcher, comme si de rien était. "Ouais alors, je tire plus grand-chose depuis un moment, donc ouais, on peut éviter de parler de ce genre de trucs. Pour le reste… ça… ouais ça pourrait être l’occasion. Ou une occasion de plus de me prendre un coup de crosse parce que je lui prends la tête, va savoir." J’ai une grimace en me frottant l’arrière du crâne sans même faire gaffe et j’ai une moue compatissante à sa réaction. "Moi, j’arrive jamais à m’habituer. Ptet parce qu’ils sont morts pour de bon. Ca a un côté sacrément définitif quand même. Je sais pas trop."

Je vois bien à sa tête qu’elle sait que j’ai raison. Et qu’il y a pas beaucoup d’arguments qui pourraient aller contre ça. Enfin, dans la mesure où, très hypothétiquement, elle aurait dit oui. Ce qui à mon avis, ne serait jamais arrivé. Elle se serait probablement marrée. Ou m’aurait cogné. Ou les deux. Bref, ça aurait pas été terrible quoi. Alors, je hausse une épaule, esquissant un sourire un peu triste. " … t’es une p’tain de guimauve en vrai Axel, je le savais même pas. Moi j’aimerais bien qu’elle soit heureuse, ce serait déjà pas mal. Et… ça aurait pas collé, j’suis qu’un crétin et elle méritait déjà mieux qu’un crétin y a cinq ans. C’est encore pire maintenant." Enfin bref. J’ai quand même un peu envie d’aller me foutre en PLS dans un coin à force de balancer à haute voix ce que je ressasse tout le temps ou presque. Parce que je suis un peu fatigué de tout ça, que j’aimerais juste que ça aille, pour tout le monde, d’une façon ou d’une autre. En fait, je suis aussi guimauve que la grosse. J’arrive quand même à lâcher un rire en hochant la tête. "J’avoue que… ouais, moi je t’ai déjà vue comme ça donc je suis habitué. Et je m’en cogne surtout. Lui, j’en ai pas la moindre idée. Pas qu’il soit habitué ou pas à voir des filles fringuées comme tu l’étais hein… mais… bon t’as pigé quoi." Je renifle un coup avant de grimacer en la dévisageant de bas en haut. "Te draguer ? Plutôt me faire manger par une armée de lapins. Le pire c’est que ouais, il serait capable de me dire ça. Le con." Je secoue la tête comme pour appuyer mes propos avant de lui ébouriffer les cheveux. "Merci de ? D’être un boulet de pas savoir comment t’aider ? T'sais ce qui est le pire, c’est que je me dis que t’es ptet pas la seule à avoir succombé à son charme." Je laisse filer un silence avant de souffler, avec une pointe d’amertume à laquelle je m’attendais pas. "J’suis un connard, j’ai bien une image à entretenir non ?"
Ouais, ouais, le sarcasme, c’est mal, tout ça tout ça. Mais j’y peux rien moi, si c’est aussi naturel que de respirer là, de suite. "Pourquoi je suis sûr ? Parce qu’elle m’en veut trop pour ça. Elle… je suis pas sûr qu’elle pourrait jamais oublier ce qu’elle a vécu et ça crève les yeux qu’elle m’en veut plus qu’à vous. Sans compter le fait que, si ça se trouve, je lui plais pas du tout. Alors que toi, c’est juste qu’il doit ouvrir les yeux. Je sais, dit comme ça, c’est facile. Et en vrai ça l’est pas du tout. Quant à savoir ce qui est le pire des deux. En vrai, j’en ai aucune idée. Ca fait mal, dans tous les cas." Ouhlala, c’est qu’on fait dans le supra festif là non ? Je suis pas un spécialiste, mais je suis pas sûr qu’on pourrait plomber encore plus l’ambiance en fait. Du coup, j’attrape la balle au bond quand elle balance une connerie. "Tu sais pas, j’ai pas utilisé toutes mes cartes encore ! Tu pourrais être surprise."

Du coup, fouiller un peu, ça me détend. Même si je rumine, je ressasse, appelez ça comme vous voulez. Je finis par appeler Axel pour lui faire partager ma découverte et j’ai un rire à sa réplique. "De la pâte à gâteau ? Ce serait du gâchis, même pour ma jolie petite gueule." Même si mon ventre gargouille juste à l’évocation d’un gâteau. La vie est parfois dégueulasse, sachez-le. Je lui jette un regard en coin et je soupire avant de lâcher, avec un rire sans joie. "Alors, je tente comment ? Je m’amène en mode beau gosse et je lui propose de tirer ? Je la joue prof appliqué et sérieux ? Sérieusement Axel, quelle que soit la méthode, je suis baisé. Et pas comme j'aimerais." Je vois quand même sa tête et je grimace alors qu'elle se planque contre moi. Je passe un bras autour d'elle et je souffle, d'une voix beaucoup plus douce. "Je sais. T'es pas la seule à imaginer ça. Mais on va bien. On tient depuis deux ans, contre vents et marées, pourquoi ça changerait ? Et si tu veux faire dans le morbide, on abandonnera jamais un de nous comme ça. D'autant que même toi t'as plus de gueule que ce flic." Mais je la berce un peu tout en lui parlant, histoire de la rassurer, de lui rappeler qu'elle est pas toute seule. Parce que même moi, des fois, j'ai tendance à l'oublier.

Pour le coup, Axel a droit à mon plus beau sourire colgate. Celui qui marche à 100% avec toutes les filles du monde sauf les trois que j’ai dans ma vie depuis toujours ou presque. Elles ont toujours eu tendance à me coller des taquets ou pire encore. « Venant de toi, je prends ça pour un compliment ! » Et j’ai un bref haussement d’épaules au reste de ses propos, me faisant plus sérieux, volontairement ou non. « Jouer au crétin ça a un côté vachement pratique tu sais. Les gens attendent moins de trucs de toi et sont surpris quand tu remplis la moindre de tes obligations. » Mais je sais qu’elle est pas dupe. Même si j’en ai jamais parlé, elle a bien dû voir trainer des bouquins de mécanique appliquée et autres joyeusetés dans l’appart. Et si je hoche la tête, je finis par souffler, d’un ton à peine audible. « C’est elle que j’aimerais rendre heureuse. Mais je crois que c’est pas au programme. » Pathétique, je suis tellement pathétique. Je soupire, avec une vague envie de me coller des baffes à moi-même avant de secouer la tête. « T’es ma petite sœur aussi. Et je m’en fous. Comme je me fous de voir Robin avec ses justaucorps qui cachent rien du tout de sa silhouette. Par contre, j’aimerais pas voir Kenny. Ou j’aimerais trop. Hum. Bref… tu vois l’idée ? Je suis sûr qu’il te dirait rien et qu’il serait pas… déçu de ce que ça t’a fait. C’est ça qui te fait flipper hein. C’est pour ça que t’es venue chez moi quand tu t’es tirée ? Je me suis toujours posé la question en fait. » Et je la toise un instant en secouant la tête. « Tout autant que je pourrais mal le prendre que tu baves pas devant moi la grosse. Chacun son problème. » Et j’ai un bref soupir en haussant de nouveau les épaules, la mine pas franchement convaincue. « Ouais, je sers pas à grand-chose du coup mais tu sais qu’on est quand même sacrément pathétiques hein. » Et je vois bien à sa tête qu’elle y avait jamais pensé. Sauf que moi, ça me trotte tout le temps dans la tête, depuis le jour où j’ai appris qu’elle était allée chez Drew et pas chez moi. C’est con, je sais bien mais j’y peux pas grand-chose. Le pire c’est que je pourrais tellement rien dire s’il se passait un truc entre eux. Et que je me rends compte que je me rajoute du drama alors qu’avec le bordel dehors, on en a clairement pas besoin. J’ai envie de casser un truc un peu, là, de suite, mais je peux rien faire alors que je me contente de ricaner. « Arrête, on dirait presque que c’est cool présenté comme ça. »

Et j’ai un profond soupir alors que je hoche la tête, la mine dépitée. « T’imagine même pas à quel point je rêverais de finir ivre mort dans un coin en ce moment. Je me demande quand même des fois, quand est-ce que ça a dérapé. » En vrai, je sais moi, c’est quand elle m’a souri du haut de ses 15 ans. Depuis, je cumule connerie sur connerie. En gros. Mais je secoue la tête, laissant filer un ricanement. « Tu serais trop malheureuse sans moi, qui est-ce qui t’enverrait chier à longueur de journée ? Qui te dirait que tes fesses sont aussi énormes que l’Etat de New-York ? T’y pense à ça ? » Et mon sourire se fait plus franc à l’évocation des batailles qu’on a pu faire dans l’appart. « J’ai cru qu’elle allait nous tuer ce jour-là. Elle fait flipper la petite quand elle est en colère mine de rien. Mais on se marrait bien ouais. » Je lui décoche un clin d’œil, même si je suis carrément moins enjoué qu’en temps normal et j’ajoute, à ses propos. « Probablement les deux chérie, c’est ça qui est drôle. Ou pas. Et ouais, j’ai que ça en magasin, parce que je suis incapable de me comporter autrement que comme un crétin de première quand je suis avec elle. Bon, pas qu’avec elle, d’accord. Et tu sais que je vais finir par te dire que si je tente un truc, tu devras faire pareil ? » Je finis quand même par trouver un truc un tant soit peu intéressant mais visiblement, la petite sœur a besoin d’un câlin. Alors je m’exécute et je la serre contre moi. « Tu penses souvent à ce genre de trucs on dirait non ? Et… on fera ce qu’il faut si ça arrive à l’un d’entre nous. On laissera jamais personne en plan. » Même si ça nous bousillera probablement tous à ce moment-là. Et pas qu’un peu.