31/10/2015
Les rues sont désertes, mis à part les monstres qui errent à la recherche d’une proie. Il fait un froid de canard et je meurs de faim. Heureusement que je porte un petit manteau, parce que l’automne tire à sa fin et bientôt c’est l’hiver qui va arriver. Le p*tain d’hiver! Je me souviens de celui de l’an passé et franchement ça me fou la trouille. Je déteste tellement avoir froid! Quand on n’a pas les vêtements adéquats, c’est vraiment trop pénible. On n’aurait pas pu partir dans les pays chaud, non?!

Je serre Boubou tout contre ma poitrine. Je suis fatiguée et je retiens mes larmes. Je dois être forte et pourtant je ne le suis pas. Aujourd’hui c’est halloween. C’était ma fête favorite, avant tout ça. Pouvoir me déguiser en quelque chose qui fait peur; j’adorais ça! J’aimais particulièrement me costumer en quelque chose de bien dégoutant, alors que les autres filles portaient presque toutes des robes de princesses! Je me souviens que papa m’accompagnait souvent. Il prenait même le temps d’enfiler un costume lui aussi! Il est trop cool, mon père! C’est fou comme ces petits moments insignifiants me manque. On trouvait toujours les moyens de rire aux éclats. Maintenant, je n’ai plus envie de rire…les monstres existent et ça n’a plus rien d’amusant.

Joyeux halloween, mon c*l!

Ça doit bien faire des heures qu’on marche et j’ai franchement envie qu’on s’arrêtent pour manger quelque chose. Je sais bien que l’endroit grouille de monstres et que c’est dangereux, mais faut bien manger, non? À bout de nerf, j’avance à reculons, je soupir et je traîne volontairement les pieds. J’en ai marre, je ne suis pas aussi en forme que papa. Ça lui arrive de se rendre compte que j’ai 12 ans?! Je stoppe soudain ma marche et je marmonne sur un ton sec :

«J’ai faim! Quand est-ce qu’on s’arrête?»

Je reste planté là, en attente de sa réponse. Il est hors de question que je me remette en marche avant que j’ai avalé un petit quelque chose! N'importe quoi! Je sais qu’il nous reste quelques provisions et y’en a marre de tout rationner jusqu’à crever de faim! Non, mais ça suffi! Là je serais même prête à manger mon lapin en peluche tellement je crève la dalle!

31 octobre. L'hiver s'ra bientôt là. Ça enlève l'gout d'rire. J'ai jamais aimé l'hiver... mais si j'aurais su, j'me serais pas plaint à s'moment là. Quand on avait des maisons bien chaude, des couvertures, des vêtements à profusion, des autos pour braver tout ça. P*tain qu'j'aurais jamais cru qu'ça pourrait m'manquer à c'point. Heureusement, pour l'moment mon manteau fait l'affaire. Mais bon. Je sais qu'ça durera pas. J'essais d'me concentrer sur l'présent. Y a rien d'mieux à faire.

C'est tranquille d'ailleurs. Y a qu'les monstres qui rode. Faut donc rester discret. Ma fille à très bien appris c'que j'lui ai montrer. Comment marcher, éviter d'attirer l'attention. Une des choses d'mon ancienne vie qui sert ici. Faut s'avoir écouter aussi. Un détail que certain oublie. Dans l'moment, à part les grondements au loin, y à rien d’alarmant. Y a Lola qui traîne les pieds et ça j'l'entend. J'sais bien s'que ça veux dire... j'la connais. Mais j'fait comme si rien était. J'y peux rien si ce monde est merdique. J'fait mon possible pour qu'on survivre et j'sais que c'est pas facile pour la p'tite. Pour l'instant, ma priorité, c'est d'trouver un endroit sécuritaire. Une place où on pourra crêcher cette nuit. Soudain, les pas derrière moi s'arrête. Ma fille ne suis plus. Je continue d'marcher, espérant l'entendre faire de même, mais elle marmonne :

«J’ai faim! Quand est-ce qu’on s’arrête?»

Je m'arête net. Moi aussi j'ai faim, qu'est-ce qu'elle croit. J'voudrais bien qu'on mange tant qu'on l'veux. Je ne rêve que d'ça. Mais la nourriture est rare. J'y peux rien. Je lâche un soupire et j'réfléchi au contenu d'mon sac. Si ma mémoire est bonne, on a 3 barres tendres, une canne de fêve au lard, 1 canne de pruneau et ½ paquet de biscuit soda avec le fond d'un pot d'olive. M'ouais... J'espérais étirer ça l'plus longtemps possible. J'me retourne vers ma fille et je fait face à son air piteux. Et merde... Elle tiens bien ça d'moi celle-là.

«Okay. J'te refile un truc. Mais après on s'remet en route.»

Je prend l'temps de regarder autour de moi. Tout semble calme. En lachant un autre soupire, j'dépose mon sac par terre et je l'ouvre, partant à la recherche d'une des barres tendres. Y en restera encore deux. Chacun une pour demain. Ça nous donnera d'la bonne énergie pour trouver un plan. Une fois l'plan trouver, les protéines nous donnerons l'énergie qui faut pour passer à l'attaque. Les pruneaux servirons à attendre une journée d'plus si jamais il le faut. Je grimace à cette idée. Des pruneaux... j'sais bien s'que sa peut faire sur l'système. Mais bon. Quand on à faim, on mange s'qu'on a. Les biscuits, se s'ra se soir. Avec quelques olives, sa passera. Je tasse les objets dans le sac, impatient. Ma dernière cigarette remonte à s'matin et j'crois qu'ma dose de nicotine est bientôt dû. Mais y m'reste que 4 cigarettes.

J'sais pas si tout sa à fait du bruit... j'suppose que oui. Ptêtes parce que j'me suis énervé. Mouais. Reste que j'l'ai pas entendu approcher. Pas tout d'suite en tout cas.

Enfin, il se décide à me donner quelque chose à manger. Il était temps! Alors qu’il se penche pour fouiller dans son sac à dos, je m’amuse à donner quelques coups de pieds à une roche qui trainait par là. Je m’ennuis royalement. La fin du monde, c’est franchement chiant. Je sais que la prochaine étape sera de trouver son ‘’fameux plan’’. C’est comme ça qu’il appelle les gens qu’on vole : des plans. J’imagine qu’il fait ça pour essayer d’oublier que ce sont des gens. Parfois je me demande comment il a pu faire ça toute sa vie : arnaquer d’autres personnes.

Un bruit attire alors mon attention et je me retourne soudainement. Un p*tain de monstres se dirige droit sur papa! Il ne l’a pas vu du tout, il reste penché sur le sac. M*rde! Je brandis mon poignard, hésitant une seconde. Je n’en ai jamais tué un, papa ne m’a jamais laissé le faire. Pourtant je sais que je n’ai pas le choix, il faut que j’agisse et vite! Je cours à toute vitesse vers le rôdeur et je lui donne un coup de poignard de toutes mes forces. La lame s’enfonce dans sa tête pourrie et alors qu’il tombe par terre, celle-ci en ressort comme si elle n’avait été enfoncée que dans le beurre. Papa s’est retourné, je suppose qu’il a tout vu. Je reste planté là, le regard fixé sur mon couteau ensanglanté. Je ne le quitte pas des yeux, sous le choc. Je sais bien que ce n’était plus un humain, mais j’ai tout de même envie de hurler à tue-tête.  Si ça se trouve, quelqu’un a dû faire la même chose pour maman. Cette pensée m’obsède, alors que je fixe toujours ma lame.

Je serre les points pour que mes mains arrêtent de trembler, mais je ne peux retenir un haut-le-cœur et je vomi de la bile.

«M*rde.»

Marmonnais-je, en essuyant ma bouche sur ma manche.

Mon regard s’arrête à nouveau sur papa. J’imagine qu’il doit être bouleversé ou frustré, je ne sais pas trop. Mais ce que je sais, c’est qu’il ne voulait pas me voir en arriver là. Pour lui je suis encore sa petite fille toute fragile. Je suis surement plus forte qu’il ne le pense, même si ce monde est aussi pourri que le rôdeur que je viens de tuer!  

Je tenais enfin la barre convoité entre mes mains lorsque j'ai réalisé qu'un de ces foutu monstre était là. Je l'ai réalisé un poil trop tard. J'ai relevé les yeux en vitesse. Juste assez vite pour voir Lola se jeter sur ce type pourrit et lui défoncer l'crâne avec l'arme qu'elle avait volé.

P*tain. J'suis resté accroupi, à r'garder l'type s'écrouler sur le sol. Le sang a giclé quand la lame est sortie d'sa cervelle. Mes yeux ce sont vite précipité sur ma fille. Elle était sous le choc. Elle tremblait. Elle a vomit puis son regard a plongé dans le mien. Elle ma semblé incertaine, mais qui peut savoir s'qui s'passe dans la tête d'une pré-adolescente qui vient d'butter un monstre. J'suis rester là, à pas trop savoir comment réagir. J'crois bien qu'j'étais bouche bée moi aussi. Ma fille venait d'me protéger et ça, j'le réalisais bien. En même temps, C'est pas l'boulot d'une gosse merde! Comment j'pourrais la r'mercier? J'me relève, sans trop savoir quoi dire. Faut dire que j'm'attendais pas à ça. Bordel c'est moi qui aurait dû l'entendre. C'est moi qui aurait dû m'occuper d'ça. C'est moi l'paternel après tout. C'est moi qui lui a tout montrer et voilà qu'j'me montre plus distrait qu'elle. Cherchant quoi faire, j'm'approche du cadavre d'un pas sûr. J'lui donne ensuite un bon coup d'pied, comme pour m'assurer qui sois bien mort. J'sais bien qu'la p'tite a fait s'qui faut, mais c'est comme un réflexe. Enfin, ça ou l'besoin d'agir. Va savoir. Évidement, il ne bronche pas. J'regarde à nouveau ma fille, d'un air sévère.

«saloperie de merde... Lola... à quoi ta pensé!?»

J'attend qu'elle s'explique en sachant très bien qui a pas grand chose à dire. J'ai merdé sur ce coup là. J'aurais dû lui dire non pour sa foutu fringale. Attendre qu'on soit au bon endroit. Ces créature de merde peuvent sortir de n'importe où, à n'importe quel moment. Ça a coûté la vie à d'autre. J'le sais bien. Aujourd'hui, faut être sur ses gardes pratiquement en permanence. Au moins quand on s'déplace en tout cas. S'qui est clair, c'est que j'l'oublirais pas celle-là.

J'me retourne afin d'attraper mon sac qui est rester derrière et j'l'enfile sur mon épaule. La barre tendre, elle, est toujours entre mes mains.

Je suis toujours planté là, alors qu’il me demande à quoi j’ai bien pu penser. Sérieusement? Il semble énervé et du coup, ça m’énerve aussi.

«M*rde, ça va, j’ai plus 5 ans, papa!

C’était dégueu. J’ai vomi. Mais, ça va, je vais m’en remettre. Et puis, j’ai toujours faim!»

Je me dirige vers lui et je lui enlève brusquement la barre tendre des mains.

«En plus je viens de te sauver la vie! Tu voulais que je laisse le monstre te tuer?»

J’ouvre l’emballage de la barre tendre et je l’engloutie à la hâte. Il ne va quand même pas me disputer, parce que j’ai tué ce monstre?! Ce n’est pas comme si j’avais eu le choix. Il préférait peut-être que je le laisse se faire dévorer vivant, sous mes yeux? Ça m’étonnerait. J’ai fait ce qu’il fallait pour nous défendre et je sais bien que je n’ai rien à me reprocher.

Toujours planté là, je le fixe d’un regard noir avant de lui demander d’un ton malpoli :

«Ça va? On peut se remettre en route?»

J’écrase le papier de la barre tendre entre mes mains, avant de le jeter par terre. Je déteste quand il me traite comme une enfant stupide. J’ai grandis, je n’ai plus besoin qu’il me protège de la réalité de ce monde. Je suis capable d’y faire face et de me défendre et je viens tout juste de le prouver. J’espère qu’il va enfin s’en rendre compte!

Foutu fin du monde! Ça nous rend tous à cran. S’il y a une chose que j’ai remarqué, c’est que les gens deviennent rapidement des c*ns quand ils ont faim. Nous on vole les autres, certains meurt en n’étant pas du tout prudent, et d’autres s’entretuent. Je n’ai peut-être que 12 ans, mais je ne suis pas aveugle. Je sais très bien ce qui ce passe.

Ce n’est pas parce que j’ai les mains qui tremblent que je ne vais pas m’en remettre. J’ai eu peur, c’est normal que ça me fasse cet effet. Je respire un grand coup. Je sais que je dois rester forte, sinon il va s’inquiéter et quand il est nerveux il est désagréable. Je sais bien qu’il a peur pour moi, mais j’aimerais qu’il me fasse confiance, b*rdel!

J'ai les nerfs à fleur de peau. J'le sais bien. À quoi elle s'atendait? Que ça m'ferais plaisir d'la voir tuer c'type? M*rde. J'la dévisage lorsqu'elle me répond. Pour couronner le tout, La v'là qui s'empare d'la barre tendre. Je lève un doigt vers elle, la pointant sévèrement.

«Sa va, on reste poli hein. J'suis ton père, oublie pas.

T'aurait pu m'avertir, j'sais pas moi. Un truc du genre. Et puis, c'est toi qui voulais cette foutu barre tendre. C'est pas pour rien qu'normalement on attend.»

Je pèse sur les derniers mots. Non mais... faut savoir être patient dans s'monde. Patient et prudent. C'est comme ça. J'la regarde dévorer sa barre tendre. P*tain. Difficile de protéger un enfant aujourd'hui. 12 ans. Elle a 12 ans et elle vient d'défoncer un crâne. Comment un père pourrait vivre avec cette image? Pourtant, il va falloir que j'mis fasse. Elle a bien eux droit au spectacle elle... J'ai bien dû en tuer quelques un moi aussi.

Ça change pas l'fait que j'sois en colère ouais. S'était pas son boulot et ça, je broncherais pas là d'sus. La prochaine fois, J'me laisserais pas avoir. Elle attendra la p'tite. J'en peux plus. Je fouille dans les poches de mon pantalon et j'sort une cigarettes que je m'empresse d'allumer avec mon briquet. La fumé envahi mes poumons et calme mes nerfs. Ah! C'que sa peut faire du bien.

La v'là qui veux partir. Je regarde le cadavre à mes pieds une dernière fois puis je balais les rues du regard. Avec tout l'boucan qu'on vient d'faire, on est effectivement mieux d'pas trop trainer. Je lui lance donc:

«Ouais. On peut y aller. Si on veux une place à crécher avant qu'la nuit tombe. On a assez perdu d'temps comme ça.»

Sans attendre de réponse, j'me remet en route. Je suis sur mes gardes. Si un d'ces truc est sortie de quek part, y doit en avoir d'autre dans l'coin. Qu'est-ce que j'peux avoir hâte de trouver un endroit où s'poser. Avec tout ça, j'suis crevé. J'me surprend à m'demander si notre vie se résumera à ça. Est-ce qui a un avenir pour ce foutu monde? Est-ce qu'on va juste continuer à errer comme ça... essayant d'survivre de notre mieux? Ouais. B*rdel. Si au moins on pouvais savoir s'qui s'est passé. J'suppose que l'gouvernement a encore essayé d'tout camoufler. Voilà ou ça nous a m'né. Au moins on les a pu dans les pattes ceux-là. J'ai un p'tit sourire en coin à c'idée. Voilà s'que ça a donner d'essayer d'tout contrôler. Un jour, ça nous échappe. La loi d'la nature nous a battue. Enfin, si on imagine que s't'horreur là soit naturel...

On continue d’avancer en silence et l’image du visage pourrie de ce monstre me revient constamment en tête. Je ne peux m’empêcher de me demander si l’homme qu’il était avant, avait une famille. Peut-être que c’était un papa, lui aussi? Il y a peut-être, quelque part, une petite fille qui se demande où est passé son papa, et qui espère qu’il ne soit pas mort. Au moins, pour maman, on l’a su avec certitude. Je refoule une soudaine envie de pleurer, je ne veux pas qu’il me voit comme ça. Je ne veux pas être faible! Mes tremblements ne s’arrêtent pas, je suis encore sous le choc d’avoir dû tuer ce monstre. Je n’avais plus pensé à eux comme des humains depuis la fin du monde, mais là, c’est plus fort que moi.

On arrive enfin devant une petite maison et papa ralenti la cadence. J’ai juste envie d’y entrer et d’aller m’écraser sur une chaise ou, encore mieux, un sofa; mais il va sûrement vouloir aller sécuriser l’endroit avant. C’est plus prudent, je sais bien, mais p*tain ce que c’est long! La faim me creuse encore l’estomac, la barre tendre n’a fait qu’attiser mon appétit. Je le sens qui gronde et hurle famine. Je suis également morte de fatigue. On a marché toute la journée, j’ai mal aux pieds et j’en ai franchement marre! Cette nouvelle vie, je la déteste! Elle craint grave! La colère monte soudain en moi et j’ai envie de frapper tout ce qui m’entoure. C’est tellement injuste! Mais pourquoi est-ce qu’on continue à se battre dans ce monde de m*rde?! Est-ce que ça en vaut vraiment la peine?

J’ôte alors mon sac à dos pour pouvoir en sortir Boubou, mon ours en peluche. Je le serre très fort contre ma poitrine, espérant qu’il me calme un peu. La douceur du tissu me rassure, mais ça me rappelle inévitablement maman. Alors que papa s’est un peu éloigné pour s’approcher de la maison, je n’en peux plus. Je n’arrive plus à retenir mes larmes et je me laisse tomber assise sur le sol, éclatant soudainement en sanglot. J’aurais voulu me retenir encore, rester forte pour papa, lui montrer que je ne suis plus une enfant. Mais en réalité, à l’intérieur, je me sens comme une petite fille perdue et insignifiante. Au fond, je réalise bien que je ne suis encore qu'une petite fille. Une petite fille horriblement malheureuse.

Nous v'la face à une petite maison. Un endroit qui était de toute évidence entretenue dans l'temps et qui a du servir d'abris à quelqu'un, du moins au début d'tout ça. Y a d'jolie volet décoratif qui on été arraché pour être cloué au fenètre. C'est par contre, le seul signe de renforcement sur la structure. L'coins semble calme. Ça à tout l'air d'être un bon endroit. Comme à mon habitude, j'm'avance doucement vers la maison, faisant un p'tit signe d'la main à Lola pour qu'elle reste un peu à l'arrière. Si un d'c'est truc ère la d'dans, y faut qu'j'le repère. Y peut y avoir des vivants aussi. On sait jamais.

J'm'approche donc discrètement d'la maison, tout en étant à l'affut du moindre bruit. Une main déposer instinctivement sur mon flingue, je guette la porte. Alors que j'suis qu'a quelques mètre d'entrer, un bruit derière moi me surprend. Lola? Je fige. Vient t'elle de s'assoire sur le sol? C'est là que je l'entend commencer à pleurer... Je reste là, dos à elle, ne sachant pas trop quoi faire. Et merde! J'ai jamais été à l'aise avec ça. J'me doutais bien qu'se serait trop pour elle. S'type avait beau être d'venu un montre, sa reste que s'est pas drole s'qu'elle à dû faire. J'baisse la tête un moment, cherchant quoi lui dire. Je trouve pas. Qu'elle mot pourrait changer ça? J'vois vraiment pas. Tout s'que j'veux, c'est qu'elle arête de pleurer p*tain. J'fini par me retourner et j'la regarde. Elle fait pitier à voir la pauvre. Là, assis sur le sol, avec son ourson en peluche entre les mains. Elle à beau dire s'qu'elle veux, elle est encore une gamine. Une gamine dans un monde qui est pas fait pour des enfants. Ouais, un monde qui est pas fait pour personne si vous voulez mon avis. Comme elle continue d'pleurer, j'me dit qui faut bien que j'fasse quelque chose. Bordel. Je m'avance vers elle en m'grattant la tête.

«Écoute Lola. J'suis navré d'm'être emporté.»

J'la fixe, l'air débile. Aww, si sa mère était là. Elle à toujours été plus doué qu'moi pour ça. Rassurer un enfant, c'est pas trop mon truc.

«Lève toi okay. J'vérie l'coin et on va s'installer ici. On s'fait un bon pt'it repas chaud et on s'repose tout les deux. J'crois qu'on en a d'besoin.»

J'la regarde attentivement. J'sais pas si ça suffira s'que j'viens d'lui dire. Faite qu'elle se calme... j'sais pas quoi rajouter d'plus.

Je suis toujours assise par terre, à chialer comme une gamine, quand papa revient vers moi pour s’excuser de s’être emporté. Il me demande de me lever pour qu’on puisse manger quelque chose et aller se reposer. Par moment j’aurais presque envie de le frapper, mais bon, je sais qu’il fait de son mieux. Même si, des fois, il ne comprend rien du tout! Parfois je me demande pourquoi il tient tellement à ce qu’on reste tout seul. Je l’aime beaucoup, mon papa, mais à force d’être seule avec lui, ont fini par se taper sur les nerfs.

J’aurais aimé que maman soit là. Elle savait toujours quoi me dire quand ça n’allait pas. Elle me prenait dans ses bras et elle me consolait. Des fois elle me chantait même une chanson. Sa voix me manque tellement. Je ne me souviens même plus à quoi elle ressemble.

Là, j’en ai gros sur le cœur et tout explose :

«J’en ai marre de ce monde de m*rde! J’en ai marre de crever de faim et de me balader d’une cachette à l’autre. La fin du monde ça craint grave! Ça donne quoi de continuer, comme ça, hein? On va tous finir par crever de toute façon!»

Je me relève quand même, donnant un violent coup de pied dans le vide avant de me diriger vers la maison. J’en ai marre, c’est vrai, mais je ne vais pas me laisser mourir de faim pour autant. Ça ne doit vraiment pas être cool comme mort. Est-ce qu’un jour ça va s’arranger ou si le monde va toujours rester comme ça? Parce que franchement je ne sais pas encore combien de temps je vais pouvoir endurer ça.

Me retournant pour attendre papa, j’essuie mes larmes et le fixe avec un regard rempli de tristesse. Je sais bien que ce n’est pas de sa faute si les monstres ont envahies le monde. Je vois bien dans son regard qu’il est triste lui aussi, mais il ne veut pas me le montrer. Il est planté là et il ne sait pas trop quoi faire, alors je décide de faire les premiers pas et je m’approche pour venir me blottir brusquement contre lui.

J'ai juste besoin de sentir ses bras autour de moi. Je sais que ça va me donner un peu de courage, et peut-être qu'à lui aussi, qui sait? Je le serre de toute mes forces contre moi. Je n'ai pas envie de lui dire que je suis désolée, parce qu'au fond je ne le suis pas vraiment, mais au moins comme ça, il saura que je l'aime encore.

La v'la qui pique sa crise. Ça y est. J'la regarde, sans rien faire et sans rien dire. J'sais qu'ça fait du bien d'crier parfois. Faut qu'ça sorte... j'crois bien qui a rien d'mieux qu'laisser la merde sortir par moment. Ça change pas l'fait qu'ça m'blesse d'la voir réagir comme ça. Elle y va fort la p'tite. Pourtant, j'comprend bien. C'est vrai qu'ce monde, il craint. Mais bon, c'est pas moi qui va renchérir la d'sus hein. J'la laisse donc faire, attendant qu'elle se calme. J'dois pas avoir l'air du meilleur père en s'moment faut dire... heureusement, y a personne pour nous juger. D'toute façon, j’enverrais ch*er c'lui qui oserai dire quek chose.

J'la laisse faire quand elle se lève et j'la regarde sans un mot frapper dans l'vide. C'est là qu'elle décide de m'surprendre, encore un fois. Elle se blotti contre moi sans rien dire, et sans que j'mis attendre. J'reste figer quelques instants. J'suis pas l'type le plus affectueux. J'crois bien qu'sa mère à du m'reprocher ça un millier d'fois. Pourtant j'faisait des efforts... mais elle voyais rien. C'est comme si s'était jamais assez pour elle.

Lola, c'est différent. Pt'êtes que j'suis pas du genre à faire les premiers pas, mais je refuserait sur'ment pas un câlin à ma fille. J'l'entour d'mes bras, un peut maladroitement. Elle est si minuscule que j'ai quasiment peur d'la casser. Mes mains touche à son dos amaigri. J'sens les os sous sa peau et j'ai une boule qui r'monte dans mon estomac. Elle à raison... on manque de nourriture dans s'foutu monde. Malgré tout mes efforts pour en trouver, c'est jamais suffisant. On survis, c'est sur... mais c'est tout juste. J'ravale ma salive, comme pour me r'saisir. J'voudrais surtout pas qu'ma voix tremble. Alors qu'elle est encore contre moi, j'lui parle doucement.

« Lola... J'sais qu'c'est pas facile... J'tassure qu'je fait mon possible pour qu'on y arrive... J'vais tout faire pour qu'ça s'améliore okay.»

J'lâche mon emprise afin d'la regarder. Elle à l'air triste alors j'prend son visage dans mes mains et j'la fixe, attendant qu'elle me r'garde elle aussi. J'veux qu'elle me crois. Faut qu'elle me crois. Mais bon, la vérité c'est qu'j'ai d'la misère à y croire moi même. Qu'est-ce qui pourrait faire qu'ça aille mieux? Sérieux j'en sais rien. Mais c'est vrai qu'si j'trouve quelques choses, j'le ferais. Malgré tout mes doutes, j'peux pas m’empêcher d'la rassurer.

«J'te l'promet Lola... un jour sa ira mieux.»

Je suis toujours dans les bras de mon père, alors qu’il tente de me rassurer en me disant qu’il fera tout pour que ça s’améliore. Franchement je ne vois pas trop ce qu’il pourrait faire. Changer complètement sa stratégie, peut-être? Bon, j’avoue que je n’ai pas vraiment mieux à proposer pour l’instant.

Papa se penche finalement vers moi, prenant mon visage dans ses mains pour me parler. P*tain, je déteste quand les adultes font ça, mais bon, je comprends que ce qu’il veut me dire est sûrement important. Le voilà qui me regarde dans les yeux et me promet qu’un jour ça ira. Comme s’il pouvait le savoir! Je sais bien qu’il fait tout ce qu’il peut, mais il n’a aucun contrôle sur ce monde pourri. Je vois difficilement comment ça pourrait aller mieux, même si au fond de moi, j’espère qu’il a raison. Je le regarde en face, n’hésitant pas à lui dire ce que j’en pense.

«Ouais, c’est ça.

T’en sais rien de si ça va aller mieux. Je sais que tu fais de ton mieux, papa…mais c’est dur. J’suis tellement fatiguée, en plus. J’espère que t’as raison, parce que j’en peux plus moi…»

Je me reblottie dans ses bras pendant un moment, puis je me recule un peu, enfin calmée. Bon, je ne suis pas fière d’avoir piqué ma crise, mais j’imagine qu’il fallait que ça sorte. On ne peut pas continuer comme ça, c’est invivable. Quand est-ce qu’il va le comprendre?

Je me dirige à nouveau vers la maison et je m’assoie sur le perron, attendant que papa aille inspecter l’intérieur. J’aurais aimé qu’il me fasse confiance et qu’il ose m’apprendre à me servir d’une arme, mais il est bien trop papa poule pour ça! Il ne veut pas voir une arme à feu dans les mains de sa précieuse petite princesse. Je soupir. Remarque, j’en ai tellement marre de ce monde, que me refiler une arme ne serait peut-être pas la meilleure des idées. Pas que j’oserais vraiment me suicider, mais bon, parfois j’en viens à comprendre ceux qui ont choisi d’abandonner. C’est la solution facile.