Je marche calmement, discrètement, suivant la piste d’une biche. Ses empreintes sont encore assez fraîches, j’arrive à suivre son chemin même si c’est difficile. L’animal, même si peu imposant, laisse toujours des traces de son passage. Des poils sur un arbre contre lequel il s’est gratté, des brindilles cassées ou encore mieux, le contour de son sabot imprimé dans la boue séchée. Je ne compte pas la chasser, juste user de ce que je sais pour exploiter l’instinct de survie de la biche. De sa grâce naturelle, de sa démarche délicate, la belle créature s’est dirigée vers un point d’eau et c’est typiquement ce que je recherche. J’ai besoin de boire et surtout, de me laver. Voilà trop longtemps que je n’ai pas pu m’occuper de ma peau comme il se doit. Aussi, c’est avec empressement mais surtout beaucoup d’attention que je m’empresse de pister l’animal. Je suis très attentive à ce qui m’entoure et même si j’entends parfois les grondements lointains de certains infectés, je ne cherche même pas à les localiser et continu de suivre la piste de l’animal. Je suis heureuse, heureuse de voir que peu à peu, la végétation est plus verte, plus grasse, plus dense. Ca ne peut signifier qu’une chose, j’approche de plus en plus d’un point d’eau assez imposant, pour qu’il puisse nourrir depuis le sous-sol tant de plantes. Je souris de plus en plus, jusqu’à ce qu’à travers les branches, je puisse identifier le calme plat, la beauté lisse du lac. Accélérant le pas, je ne me précipite pas pour autant. J’attends d’arriver sur la berge, de faire attention à ce qu’il n’y ai aucun bruit autour de moi. Tout est calme, paisible. Aucun infecté ne rôde j’en conclu, car aucun gémissement macabre ne résonne. En souriant, je me déshabille, vêtement par vêtement. Je m’accroupie rapidement sur la berge et commence à frotter avec une pierre plate, la zone sous les bras de mon t-shirt et de ma veste et l’entrecuisse pour mon pantalon, que je savonne ensuite avec mon bloc de savon de Marseille. Je viens étendre le tout, une fois rincé, sur une branche large qui se trouve au soleil et soupir un peu. Rien ne vaut un lavage complet, mais je dois faire sécher le tout rapidement, afin de ne pas rester nue trop longtemps. Et comme l’été tire peu à peu sa révérence, je n’ai pas d’autre choix que de limiter les lavages pour ne pas porter des vêtements mouillés, qui finiraient par moisir ou par me rendre malade à crever. Laissant le tout sur la rive, je rentre doucement dans l’eau, en sous-vêtements. Je ne suis pas folle, si un autre survivant passe par là, il ne pourra pas me voir totalement dénudée. Je ne me retire pas trop loin de la rive, histoire de pouvoir m’agenouiller dans l’eau pour barboter mais être réactive si quelqu’un arrive. A genoux, j’enlève ainsi mes sous-vêtements et commence à les laver, avec attention. Je les frotte comme il faut, consciencieuse de bien laver tout ça. Une fois que j’estime tout ça tout propre, je ressors pour étendre ça avec le reste. Enfin, vient le tour de ma peau ! Toute contente, je me glisse à nouveau dans l’eau et me savonne généreusement. Je me frotte, jusqu’à ce que ma peau soit parfaitement propre et ça, sur la totalité de mon corps. Viens ensuite le tour de mes cheveux, que je rince abondamment. Ma pensée s’égare vers Will. Nous nous sommes retrouvés, mais si vite quittés… Une certaine inquiétude doublée d’une frustration cuisante m’habite, mais je préfère rapidement sortir de ma rêverie, pour éviter la déprime. Je me tourne vers la rive, alors que je considère avoir fini et je me fige. Un homme est là, en face de moi. Je pousse un cri de surprise et cache aussitôt ma poitrine avec mes bras.

- Dis donc !! Faut pas te gêner ! Tournes toi !

Je prononce ces mots, avec l’autorité d’une mère qui engueule son enfant, ou même celui d’un maître qui engueule son chien. Mais j’ai été franchement surprise. Rapidement je sors et cours à mon sac. J’en sors un paréo que j’ai trouvé il y a peu dans une maison voisine et fronce le nez en m’enroulant dedans. Le tissu est fin, mais même mouillé, sa couleur sombre ne le rend pas transparent ; tant mieux.

- Pardon de t’avoir hurlé dessus mais … tu ne pouvais pas t’annoncer au moins !

Le jeune homme heureusement, ne semble pas dangereux. Il a même l’air d’être très peu agressif et s’est retourné quand je l’ai demandé, avec pas mal de réactivité heureusement. Faute de plus de tissu, je me permets pour le coup de rester ainsi, toute coincée et légèrement recroquevillée. Je suis fixée sur mes deux jambes, tendue comme une folle et les doigts accrochés sur les extrémités serrées de mon paréo. On peut le dire, je pense qu’il en a vu plus que certains depuis longtemps ! Il a dû voir mes tatouages même les moins visibles et ce n’est pas forcément quelque chose qui me ravit. Ma main se décolle de mon cache-vu, venant effleurer avec lenteur et discrétion ma gorge. Je rabats comme je peux quelques mèches sur mon buste, dans l’espoir secret de cacher la cicatrice qui trône sur ma gorge. En effet, je n’aime pas vraiment qu’on la dévisage, qu’on s’attarde dessus même avec un simple regard. Ceux qui me connaissent le savent mais pour les autres, je ne peux pas vraiment leur en vouloir d’être curieux, de s’interroger sur le comment du pourquoi. Une décapitation ratée, ça laisse forcément des traces indélébiles et la curiosité des uns, comme des autres, en est vite enflammée. Je reste pourtant très calme et gentille, appréciant que l’homme se présente. Jared, c’est mignon. A voir son corps, sa taille, son visage, il doit avoir environ le même âge que moi. Je lance un très bref regard à mes vêtements et il ne m’en faut pas plus. Mes vêtements sont encore mouillés et il va me falloir davantage de temps pour qu’ils sèchent. Vu que j’ai lavé le assez minimalement, les zones à devoir sécher sont assez petites. Cela devrait être rapidement sec et tant mieux.

- Je … Désolée mais je crains que ça ne soit compliqué, mes vêtements sont encore mouillés.

D’un petit geste peu précis et assez large de la main, j’indique un gros caillou voisin à moi-même. Je souris comme je peux à Jared et m’assois délicatement sur ce dernier, gardant soin de serrer l'étoffe contre moi.

- J’en ai encore pour une petite heure je le crains. Je comptais rester dans l’eau mais bon, je ne pouvais pas prévoir qu’un homme surgirait d’entre les arbres ! Je ris doucement avec de lui sourire. Moi C’est Azia.

Je regarde rapidement autour de nous et me détend bien rapidement. La petite frayeur ainsi passée, je me calme peu à peu. Non vraiment, il n’a pas l’air d’être méchant. Il a même l’air assez gentil et surtout, seul. Il est peut-être comme moi ? Totalement solitaire. Personnellement, je suis assez sociable et normalement, je suis accueillante. Ce n’est pas cette petite rencontre plus que inhabituelle qui doit me faire sortir de mon caractère ! Aussi, je décide de me montrer davantage détendue, de rester simplement assise sur mon caillou. Je fixe quelques instants le lac et propose avec douceur.

- Tu peux te baigner si t’es venu pour ça. J’ai un bloc de savon de Marseille si tu veux, je te le prête ? On pourrait rester un peu ensemble, je dois avoir un peu de nourriture dans mon sac si ça t’intéresse. Je ne dis jamais non à de nouvelles rencontres. Promis, je te regarderais pas.

Comme pour joindre mon geste à la parole, je me penche légèrement et ramasse mon bloc de savon que j’avais posé sur mon sac au préalable. Je lui tends d’une main souple avant de sourire très largement. Pour une solitaire, je suis très partageuse. J’estime que la survie passe avant tout par l’entraide. Avec un peu de chance, on va pouvoir se rendre mutuellement service !

Je le regarde faire, alors qu’il semble mille fois étonné de mon geste. Franchement, il ne s’agit là que d’un morceau de savon ! Pas de quoi me remercier, c’est un bien purement matériel, qu’on peut trouver dans toutes les maisons mais qu’on ne pense pas toujours à mettre dans le sac. En l’occurrence, j’y ai pensé, et c’est tant mieux. Je le regard aller vers l’eau et aussitôt, je lui tourne le dos pour ne pas l’accommoder. Je reste sagement assise avant de finalement répondre à sa question, toujours dos à lui.

- Si, bien sûr que j’ai peur qu’on m’agresse. Mais si t’avais voulu me nuire, je pense que tu l’aurais fait quand j’étais nue dans la rivière. Tu n’aurais pas sagement attendu que je me mette à l’abri sous mon paréo. D’ailleurs, si l’envie soudaine te prend finalement de me faire du mal … Saches que tout ce que tu trouveras dans mon sac, c’est des vêtements pour femme ainsi qu’une machette qui commence à être un peu émoussée avec le temps !

Je tourne la tête vers mon sac. En effet, je viens d’y penser mais j’ai un pull dans mon sac. Je pourrais l’enlever pour ne pas rester à nu trop longtemps, mais je viens de me rappeler assez rapidement que je suis en plein soleil et que déjà, habillée normalement j’ai chaud, alors enfiler maintenant mon pull reviendrait à ruiner tous mes efforts pour me laver. Je reste ainsi plusieurs minutes, lui laissant l’intimité que je peux pour qu’il se lave bien tranquillement. Je ne le presse pas, reste assise face aux arbres, montant la garde par la même occasion pour le coup. Je reste attentive à ce qu’il se passe devant, comme derrière moi, consciente que le danger peut surgir d’un peu partout à l’heure actuelle. Je ne me concentre sur l’inconnu, que lorsque je l’entends sortir de l’eau. Il vient s’asseoir à même le sol, juste à côté du caillou sur lequel j’ai pris place. Comme promis, je n’ai pas jeté un seul coup d’œil sur lui pendant toute la durée de son bain. Il est à présent tout propre et revient me tendre le savon. Je le pose sur la pierre à côté de moi sur son torchon dans lequel je le protège pendant mes voyages, afin de le laisser sécher. Je me remets donc à sourire à l’homme qui m’accompagne, tout en écoutant sa question. Resserrant un peu mon paréo contre ma peau, je prends le temps de lui répondre avec sincérité.

- J’avais un groupe de survivants isolés avant. Mais les événements ont fait que je me suis finalement trouvée seule. Donc je vis avec ! Mais partager quelques morceaux de vie ou simplement de nourriture avec d’autres survivants ne me dérange pas. Généralement, on échange nos services afin que tout le monde soit content.

Je tends la main vers la branche où j’ai étendu mes vêtements et les palpe doucement. Décidément, on dirait que le soleil tape un poil plus fort que je ne le pensais. Ça sèche relativement bien ! Sous peu je pourrais remettre au moins mes sous-vêtements et ça, c’est quelque chose qui rentre pour moi dans l’ordre de la bonne nouvelle.

- Tu as à manger ? On peut mettre en commun quelques-unes de nos vivres, on pourrait profiter d’être ensemble pour se reposer un peu, se ressourcer. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut être moitié moins vigilant parce qu’on a une nouvelle paire d’yeux pour veiller au grain !

Attrapant mon sac, j’en sors mon paquet de viande séchée. La dernière fois que j’en ai mangé, c’était il y a quelques jours, quand j’ai retrouvé Will. Aujourd’hui, je propose à ce cher Jared d’en prendre un peu, lui tendant le sachet sous le nez. Je me dis qu’avec un peu d’entre-aide, on peut s’être facilement et rapidement utile l’un à l’autre !

- Et toi, tu es seul ?

Je lui tends sagement le paquet, lui laissant libre choix de manger quelques bâtons de viande. Je souris légèrement, amusée du bonheur que je peux soudainement lire sur son visage alors qu’il mange quelques morceaux. Je souris largement. Je dois avoir le même visage quand je mange un truc que je n’ai pas pu goûter depuis un bout de temps. En parlant de ça, Jared m’annonce qu’il est heureux de ma proposition, bien qu’il n’ait pas grand-chose. C’est couru d’avance et je ne peux pas lui en vouloir, on est tous à ce niveau. D’ici quelques jours, je pense que j’aurais plus grand chose. Je me débrouillerais pour pister un petit groupe de survivant et leur proposer des services en échange d’un peu de nourriture.
Finalement, il s’approche de moi, me tendant une boîte de fruits qu’il vient d’ouvrir, m’offrant un morceau de poire. Je souris très largement, heureuse comme tout alors que je m’empresse de croquer dans le fruit. Franchement, je ne pouvais pas rêver mieux ! Avec un sourire, je déguste lentement, avec de petites bouchées le fruit.

- Je comprends. Vivre en communauté doit être assez contraignant, mais je pense que ça a plus d’avantages que d’être solitaire. Je t’avoue que je n’ai jamais vraiment éprouvé de sentiment de solitude, sauf dans certains moments de solitude. Mais pour l’instant ; errer seule ou alors d’autres par moments, ça me plait clairement. En plus je fais de belles rencontres, parfois un peu moins, mais ça fait partit du jeu !

Je ricane légèrement, alors que toujours en tenant mon paréo contre mon corps, je m’avance vers mes sous-vêtements, que je touche doucement. Ils sont secs ! Avec un peu d’habileté, comptant sur l’inconnu pour ne pas regarder, je les enfile en me tortillant. Gardant le paréo pour me cacher, je reviens m’asseoir. D’ici quelques minutes, mon jean devrait être sec, mon haut et ma veste également. Tout semble se passer tranquillement, aucun soucis n’est présent il faut croire. Notre discussion continue à se dérouler calmement, au détour d’un petit festin. Je le regarde et finis par secouer la tête à sa dernière question.

- Je ne connais pas super bien les alentours. Mais je sais qu’on a des maisons abandonnées pas loin ! Désolée pour le gars qui t’as fait ça. Ce n’est pas cool, mais je crains de ne pas pouvoir réparer ça. Tout ce que je peux te dire c’est que comme tu le vois, on a un lac ici et que pas loin, on a quelques maisons. Je suis sûr qu’on pourrait y trouver des conserves ! Généralement, les survivants partent en prenant des trucs emballés mais pas lourds. C’est exactement ce que j’ai fait !

La personne qui est entrée chez moi après mon départ a vraiment dû se régaler. C’est également grâce à cela que mon ancien groupe et moi avons réussis à manger pendant si longtemps avec de simples excursions. Je souris légèrement, à l’intention de ce jeune homme que j’apprends doucement à connaître. Décidément, ce bain était une bonne idée, car je me dis que nous pourrions aller se trouver des conserves dans le coin. Ça serait plus qu’agréable en vérité, on aurait de quoi se nourrir quelques jours de plus et surtout, une alliance est née. Si jamais on se recroise, on aura gardé tous les deux un souvenir positif de notre rencontre et si l’un de nous a besoin d’aide, on pourra s’aider ! C’est précisément pour ça que je tente de toujours être gentille et aimable avec les gens que je rencontre. J’ai ainsi pas mal de monde sur qui compter si jamais ça va pas.

- Une exploration quand nos vêtements seront secs du coup, ça te dis ? On trouvera peut-être une nouvelle conserve à se partager et avec un peu de chance, d’autres à embarquer pour tenir encore un peu !

Peu à peu, notre discussion se tisse et le temps défile. Nos vêtements sèchent, nos corps avec. Sous peu, nous pourrons avancer un peu, essayé de faire fonctionner nos esprits pour trouver de quoi gâter notre estomac et dans le cas d’un lit, nos corps meurtris. Je suis personnellement, assez d’accord avec lui ! Même si dormir dehors n’est en soit pas gênant pour moi, je trouve que nous pouvons faire mieux que ça. Un lit, dans une maison, ce n’est pas dur à trouver puisque généralement, personne ne part en emportant un lit durant une fuite précipitée. En revanche, des couvertures, des draps, même un matelas c’est plus compliqué. Les matelas sont récupérés et déplacés, parfois utilisés pour bloquer des portes, des fenêtres ect… Aussi, c’est trouvé un matelas non-tâché de sang infecté ou non qui se corse un peu généralement… Je souris malgré tout. Il faut partir du bon pied, être un minimum confiant. Même si ce n’est pas chose facile, on peut espérer y arriver quand même !

- Je suis d’accord. Je ne serais pas contre une boîte de thon ou de fruits en sirop comme tu as trouvé. Je raffole de poisson et de fruits, je pourrais me nourrir que de ça !

Et ce n’est pas plus mal. Parce que finalement quand on y pense, c’est mieux que ceux qui étaient accros à la viande de bœuf et aux bonbons ! C’est déjà bien moins facile à trouver. Alors que les fruits, ça se trouve partout si on lève la tête et le poisson, suffit d’approcher d’une rivière et d’avoir les bons outils. Me concernant, si j’avais un genre de harpon, une lance ou je ne sais quoi de long et pointu, je serais capable d’attendre des heures, debout, les pieds dans l’eau pour en attraper à faire cuir. En revanche, ce n’est malheureusement pas possible, parce que pêcher à la machette, risque d’être franchement compliqué.

- Je te propose un truc pour qu’on puisse se reposer. Si on trouve un lit, on a qu’à se relayer. Tu dors la première moitié de la nuit, moi la seconde ! Ça nous fera quelques heures de sommeil dans un certain confort et ça nous reposera bien.

Je proposais souvent ça à des groupes de survivants. Ainsi, on pouvait tous se reposer et manger un peu, se ressourcer avant que de nouveau nos chemins se séparent et que nos vies reprennent leur chemin initiales. Me concernant, je ne suis pas vraiment inquiète de faire l’échange avec Jared seulement. Il ne me fait vraiment pas peur et est même assez peu intimidant. Je suis sûr de ne pas me faire égorger dans mon sommeil avec lui au moins… Je me relève et file à nouveau vers mes vêtements. Ces derniers sont enfin secs ! Je détache mon paréo de mon corps et le pose sur la branche. Récupérant mes vêtements pièce par pièce, je les enfile tranquillement. Me voilà de nouveau vêtue, propre et sentant le savon plutôt que la transpiration. Je reviens vers ma nouvelle connaissance et me rassois en souriant. Mine de rien, cette journée est riche en rebondissements, bien plus que je ne l’aurais soupçonné !

- Si tu es prêt, je le suis ! Je me dis que plus vite on commence l’exploration, plus vite on trouvera de quoi manger ou dormir et plus vite on pourra se poser loin des infectés et de leur sale tronche. T’en dis quoi ?

Toujours souriante, toujours enjouée. Rien de mieux pour mettre quelqu’un en confiance...

Cette rencontre est pour le moins fortuite, mais n’en est pas moins des plus agréables. Je souris légèrement, fière de moi s’est certain. Après tout, cette idée n’est pas mauvaise du tout ! On va pouvoir se rendre service l’un l’autre, tout ira bien, avec un peu de chance nous sortirons de cette rencontre avec l’estomac plein et quelques bonnes heures de sommeil en plus. Personnellement, je peux tenir jusqu’à assez tard je dirais. Vu ses dires, j’ai plus grand intérêt à prendre le premier tour de garde. Parce que même si je ne suis pas sûr de pouvoir le réveiller, je suis sûr qu’au moins, l’un de nous aura les yeux ouverts. Et ça, c’est surement le plus important… Je préfère en chier les prochains jours pour pouvoir rester éveillée que de me réveiller avec un infectés au pied du lit en train de me bouffer le pied. J’espère malgré tout réussir à réveiller l’homme face à moi. Franchement, rien ne me serait plus frustrant tant que de le voir dormir auprès de moi sans avoir le droit moi non plus de fermer les yeux. Je soupir très légèrement, amusée de constater que je pense être tombée sur un genre d’adolescent dans le fond. Il file enfiler ses vêtements. Je souris tout doucement, l’observant revenir vers moi d’un air déterminée. Aussi, je prends soin de n’avoir rien oublié, enfile mon sac à dos sur mes épaules et sourit plus largement encore. En route.

Nous commençons à avancer, Jared se met aussitôt à me complimenter, avant de se reprendre, d’un air gêné. En effet, il paraît bien maladroit, voir timide sur les bords. Moi qui m’inquiétais qu’il soit agressif, on dirait finalement que ce jeune homme est un véritable agneau.

On passe quelques temps à marcher, alors que nous nous approchons bien rapidement des maisons abandonnées dont j’avais parlé, que j’avais plus tôt repérés. Au moins, elles n’ont pas l’air d’avoir bougé et le silence qui règne est gage de bonne nouvelle. Avec un peu de chance, on n’aura pas l’ombre d’un rôdeur dans le coin ! D’ailleurs, un mort vivant aurait peu à gagner que de traîner par ici. Très peu de passage, donc très peu de nourriture, j’aime à me dire qu’on est dans la bonne zone pour effectuer des fouilles et songer à se reposer un peu. Au moins ici, nous sommes sûrs de ne subir aucune attaque ; humaine ou déterrée. Avec tranquillité, je m’avance. Sûr de moi, je pousse la porte lentement, du bout des doigts. Je scrute les alentours, alors que je me rends bien vite compte qu’en effet, le lieu semble désert. La maison, est indéniablement inoccupée depuis longtemps. Un rideau gît au sol, la tringle ayant visiblement disparue. Quelques carreaux sont cassés, les chaises semblent renversées, mais en soit, aucune odeur de sang, aucune odeur de chaire pourrie, un silence des plus apaisants règne sur les lieux.

- Personnellement, j’ai faim. La cuisine mérite d’être traitée en première non ?

Je souris légèrement, alors que rapidement je m’y rends. Je m’agenouille devant les placards, commençant à fouiller avec application. Les premières minutes, les premiers tiroirs, tout cela ne mène à rien. Mais que ne fut pas ma joie, lorsqu’enfin, j’ouvris un placard, qui ne semblait pas vide. Deux paquets, furent finalement trouvés. Ecarquillant les yeux, véritablement fière de ma trouvaille, je me retourne pour jeter les deux paquets sur la table.

- Des chips ! Un paquet aux cacahuètes, les autres au fromage ! Déjà, on a de quoi se remplir l’estomac ! T’as trouvé quelque chose ?

Jared me rejoint vite, m’informant que l’étage avait encore quelques nécessaires de confort et d’hygiène si je souhaitais aller y faire un tour. Mais me concernant, à part en effet l’objectif de me trouver une vraie serviette, j’avais plus ou moins un confort assez optimale pour une nomade. On peut dire que fouiller de fond en combles les lieux de chaque maison visitée malgré les heures qui pouvaient parfois défilées, m’avait offert l’opportunité de me faire un stock assez intéressant ! Un gros bloc de savon de Marseille, des vêtements de rechange, tout va bien me concernant. Aussi, il ramasse rapidement deux chaises, jetées au sol très probablement par les précédents voyageurs pour x ou y raison et rapidement, nous prenons place tous les deux autour de la table. Un léger silence nous encercle, alors que j’ouvre les deux paquets de chips avec attention, pour ne pas faire exploser les paquets et faire tomber nos victuailles au sol. Une fois ma missions accomplie, je tourne les paquets vers lui, volant rapidement quelques éléments de nourriture, les gardant dans la main creuse alors que Jared reprend la parole et aborde un sujet qu’il m’étonne d’avoir engagé. Je souris légèrement, alors que ses questions me font évidemment plaisir. Autant qu’elles me gênent un peu à vrai dire parce que mine de rien, il a aussi vu ceux qu’il n’aurait pas dû voir quand on y réfléchit réellement.

- Tu es tombé sur la bonne personne alors on dirait. Parce que figure toi, que tous ces tatouages on me les a fait ou je me les suis moi-même fait avant l’apocalypse ; j’étais tatoueuse.

Affichant un sourire, je mâche une nouvelle chips, la faisant craquer inévitablement sous l’assaut de ma mâchoire. Je souris malgré tout, amusée d’entendre ça. Il me confirme vouloir un tatouage mais qu’avec les temps actuels, c’est effectivement compliqué de trouver quelqu’un. Personnellement, je suis plutôt pour affirmer que cet art ne disparaîtra pas, que des gens comme moi et d’anciens tatoueurs pourront perpétuer la chose. Tout ce qu’il me faudrait retrouver un jour, c’est une machine et tout ce qui va avec évidemment.

- Soit certain que si un jour je me trouve le nécessaire, ça sera avec plaisir que je t’en offrirais un !

Lancée sur le sujet, il est toujours très compliqué de m’arrêter. Surtout que j’apprécie grandement en parler, que je trouve ça merveilleux de pouvoir marquer les idées des gens sur leur peau, que cela soit un souvenir, un rêve, une conviction ou tout simplement de dessiner quelque chose que le client aime.

- Tu sais quel genre t’aimerait ? On a plusieurs raisons de vouloir un tatouage. Que ça soit juste artistique ou pour marquer quelque chose de façon définitive sur son corps !

Me remplissant peu à peu l’estomac de chips et la tête de milles idées colorées, je souris finalement.

- Et toi d’ailleurs. Que faisais-tu avant l’apocalypse, t’avais un métier ?

Je me demande en effet ce que chacun des survivants vus aujourd’hui, faisaient avant que la fin du monde ne frappe la terre. On peut rencontrer de tout, des médecins, des militaires, des tatoueurs et j’en passe. Peut-être qu’il était dans une branche plus originale, moins commune. Dresseur de tigre peut-être ?

Jared me glissa une idée, une idée des plus symboliques… Il voulait ou du moins songeait aujourd’hui à une tête de mort en guise de tatouage. Un tatouage pouvant avoir milles significations à mes yeux… On peut en tatouer plusieurs, de milles formes et de milles couleurs sur la peau de plusieurs personne et aucun d’entre eux ne donnera la même signification de son tatouage. Il y a ceux qui veulent un crâne, pour faire peur. Ceux qui donnent un thème poétique à la chose, comme ceux qui se font tatouer les [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] pleines de couleurs. Et tant d’autres qu’on ne pourrait pas les citer… J’avais déjà fait quelques tatouages avec une tête de mort dedans. C’est assez courant, mais c’est ce qui est beau avec ce motif. Personne ne l’interprète pareille, personne ne veut exprimer la même chose. J’avais une fois tatoué sur le corps d’une femme, une carte de [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] tout en couleur. La mort, est une carte représentant un grand changement, nous avions adapté la carte à sa vision du changement. A savoir, un changement beau et plein de couleurs, un futur sans le moindre doute très radieux.

- Tu aimerais quoi comme tête de mort ? Quelque chose de coloré ou de gris ? Tu as milles façons de rendre ta tête de mort unique je trouve… Tu n’as pas idée du nombre de tatouages avec des têtes de morts que j’ai pu voir. Aucun d’eux n’était le même… C’est ce qui est beau je trouve.

Je me mis à manger à nouveau quelques chips, mâchant doucement, espérant caller mon estomac un peu plus efficacement que d’habitude. J’écoute sagement Jared me raconter, mais étonnement je ne suis pas vraiment surprise, plutôt offusquée. Comment peut-on se traîter de loser pour ça ? Ne pas trouver sa voie, son chemin du premier coup c’est quelque chose de complètement naturel. Combien de personnes se sont réorientés professionnellement parlant quand ils ont remarqué que leur vie n’était pas joyeuse, qu’ils n’étaient pas comblés de leur activité ?

- Tu sais, je ne crois pas que tu sois un loser moi. Avant d’être tatoueuse, attention rien à voir, j’étais avocate. On ne peut pas trouver sa vocation du premier coup. Si tu te définis comme un loser c’est juste que tu n’étais pas encore tombé sur ce qui te faisait vraiment vibrer. Tu sais comment je me suis réveillée tatoueuse ? En regardant une émission à la télé un soir d’insomnie !

Je ris légèrement, me rappelant de ces choix compliqués que j’avais dû faire, parce que quoi qu’il arrive j’étais lié à mon mari et que si je changeais de vocation, j’étais certaine de le perdre.

- Le changement, je l’ai assez mal vécu. Mais heureusement, je suis tombée sur un petit groupe de survivant, avec un militaire qui m’a pas mal aidé. Il m’a endurcit et j’ai pu survivre grâce à ce que j’ai appris avec lui et l’aide d’autres amis.

J’attrape une chips que je mords sans scrupule. Prenant quelques instants pour vider ma bouche, je finis par soupirer et me redresser.

- Continu sur la voie que tu empreintes Jared. Tu es quelqu’un qui m’a l’air motivé, dur à cuir. Tu n’as pas l’air d’un mauvais gars. Profite de la mort de ce monde et de la totale liberté qu’on a pour faire que ce qui t’éclate… On ne peut pas vraiment dire que quelqu’un sera là pour t’en empêcher.

Il est hésitant, je pense que c’est plutôt logique. Je le prends un peu au dépourvu, il ne devait pas s’attendre à ce qu’aujourd’hui, il tombe sur une ancienne tatoueuse qui le relance sur ce sujet. C’est visiblement un sujet piquant, surtout lorsqu’on sait que le tatouage est sans conteste, un métier en voie de disparition certaine. Je finis par me redresser légèrement, l’écoutant parler avec évidemment, grande attention. Il me raconte son parcours, s’apparentant finalement très vite aux jeunes que j’avais pu rencontrer en ma profession d’avocate. Ils n’avaient envie de rien, ne voulaient et ne désiraient rien d’autre que de traîner et de faire des conneries en tout genre. Heureusement, je me suis bien vite éloignée de ce métier déprimant. Défendre des hommes et des femmes qui n’ont pas la moindre raison de l’être, m’a finalement vite mise à terre.

- L’apocalypse est salvatrice pour certains, je ne peux pas dire le contraire. Même si elle n’a pas vraiment aidé les défavorisés et les corps faibles, on peut au moins lui trouver qu’aujourd’hui personne ne nous gouverne. Nous sommes libre d’agir comme on le souhaite, c’est surement le principal.

Je me prends une nouvelle petite poignée de chips avant de me mettre à les mâcher tranquillement, l’écoutant finalement me proposer de changer de sujet. C’est bien dommage, car personnellement je trouve que c’était un beau sujet à développer, sur lequel j’aurais pu trouver des trucs sympas à dire des heures durant c’est certain ! Je me redresse légèrement sur ma chaise et croise les jambes en dessous de la table. Quelque chose de plus joyeux, quoi qu’il puisse arriver, je sais faire. Je fais le choix de rester positive aussi, je pourrais très bien pinailler des heures durant sur mille choses positives sur la fin du monde même si évidemment, il y a aussi mille choses négatives à en dire…

- Dans l’idéal. Tu te vois où dans cinq ans ? Qu’est-ce que tu aimerais faire maintenant que tu es parfaitement libre ?

Je ne peux m’empêcher de sourire et aussitôt, pour l'inciter à imaginer, je m’empresse de lui narrer en totale improvisation, comment j’imagine ma vie dans cinq ans.

- Je suis sûr que je pourrais ouvrir un nouveau salon de tatouage un jour. Tout se passera à l’étage évidemment, avec un rez de chaussé impossible d’accès. Je vois bien mes clients monter à l’échelle ou quelque chose du style… Ma fenêtre serait ainsi toujours ouverte, j’entendrais tout depuis l’intérieur et les infectés auraient beau essayer, ils n’arriveraient pas à me rejoindre. Je pourrais ainsi refaire naître cet art et c’est avec plaisir que je formerais les plus curieux ! C’est un art si ancien, que je refuse clairement de le voir disparaître de ce monde. J’aurais aussi un chat, voire deux. Je suis sûr de pouvoir amadouer deux jolies bêtes à poils et au cœur tendre.

Je ris doucement avant de l’indiquer du menton.

- Et toi ? Projet d’avenir ?