La journée s’annonce mal, très mal. Après avoir du quitter notre abris de fortune : la grange. Dans laquelle nous étions, Trompette et moi, absolument tranquille, grâce à l’aspect abandonné de cette dernière, la paille nous tenant chaud et l’espace protégé. A cause de l’attaque de dépravés, nous avions du fuir. Encore. Je devais avouer que parfois, cette situation me fatiguait. C’était les aléas de la liberté et de la solitude que j’appréciais tant. Mais parfois, les points négatifs que cela engendrait pouvaient être pesant. Les derniers jours, nous n’avions fait que bouger, ne passant aucune nuit complète. Tromp’, comme moi, étions au bord du gouffre. Je n’avais pas mangé depuis un bon petit moment, plusieurs plaies écorchaient mes bras, mes jambes et mon visage.
Tromp’ réussissait à s’alimenter avec le peu de verdure que nous trouvions, mais la jument avait déjà perdu du poids, je le voyais. Le peu de repos que nous avions était bien moindre comparé à nos besoins. Alors, avec tous ces éléments contre nous, il fallait bien que quelque chose arrive. Nous avancions au pas, dans la forêt, non loin d’une ville. J’avais abandonné la possibilité de me repérer, j’avançais donc.. Ou tout du moins, nous avancions. Mes paupières étaient lourdes, se fermaient parfois plusieurs secondes, ce qui laissait le temps au danger de rappliquer.
C’était exactement ce qu’il s’était passé. Tombant de fatigue, j’étais montée sur Tromp’ qui continuait de marcher vaillamment. J’en avais profité pour fermer les yeux un instant. Du moins, ce qui m’avait paru n’être qu’un instant. Lorsque j’avais ouvert les yeux, il était déjà trop tard. Trompette ruait, envoyant un coup de sabot dans la tête d’un mort qui lui explosa la caboche. Je n’eus pas le temps de me rattraper à sa crinière. Je me vis dégringoler de son dos, et heurter lourdement le sol. Tout le paysage autour de moi s’était brouillé, le son était devenu de plus en plus lointain, jusqu’au trou noir.
Lorsque j’avais réussis à ouvrir de nouveau les paupières, j’étais congelée. Littéralement. Je tremblais de tout mon corps, alors que mes lèvres s’étaient colorées d’une teinte bleue frappante. Mes doigts arboraient sensiblement la même teinte. Mais, miracle, j’étais indemne. Aucune morsure, aucun mort à proximité. Les derniers bruits que j’avais entendus étaient les hennissements de trompette qui galopait loin de moi. Elle avait du les éloigner.
- Trompette ?
Soufflais-je en tentant de me relever. Je du m’y reprendre à plusieurs fois pour réussir à m’asseoir. Quelques longues et dures secondes plus tard, j’étais debout, encore tremblante. Aucune réponse, aucun bruit autour de moi. Rattrapant quelques flèches qui s’étaient échappées de mon carquois, je tachais de suivre les traces dans la neige qui semblait encore fraîche. Titubant, je marchais comme je pouvais, profitant de mes mouvements pour me réchauffer.
Quelques minutes plus tard, j’arrivais à la frontière d’une ville. Les traces se faisaient plus confuses, les dépravés avaient du cerner Tromp’. A cette idée, mon cœur se serra, alors que les larmes me montaient aux yeux. Je n’étais pas du genre à me laisser prendre par mes émotions, mais si Trompette disparaissait... Je serais définitivement seule. Sans personne sur qui compter. Avec le cœur brisé.
Des pas lourds, et une ambiance mortuaire, j’avançais, perdant presque déjà espoir à cause de la situation et de ma fatigue. Heureusement, ou malheureusement, les bruits des morts me firent lever la tête. Ils cernaient quelque chose. Quelque chose avec des oreilles et..
Sans réfléchir une seconde de plus en découvrant la robe ébène de Trompette, je fonçais vers le petit groupe, armant mon arme en décochant deux flèches à la vitesse de l’éclaire. Deux dépravés s’écrasèrent. Je n’étais plus fatiguée, plus triste, simplement remplie de rage. Une rage qui allait se solder par la mort définitive de ces connards. Une troisième flèche fusa, se plantant dans la porte en bois derrière Trompette et.. Un inconnu. Voyant la distance se réduire entre les dépravés et moi, je sortis une flèche pour l’utiliser comme arme blanche et l’enfoncer dans la tête des derniers survivants. A en voir les cadavres par terre, l’homme avait très certainement du combattre également.
- LAISSE LA !
M’emportais-je en reprenant mon arc pour armer une flèche qui visait sans aucun doute visible la tête de l’homme proche de la jument. S’il lui faisait du mal, ou s’il tentait de me la voler, je n’aurais aucun scrupule à décocher cette flèche. Malheureusement, mes mains tremblaient. Par l’émotion. Par la fatigue. Par la peur qui m’avait gagné. En voyant que l’homme ne semblait pas agressif, je me ruais sur la jument, attrapant sa tête entre ses mains pour lui frotter le chanfrein.
- Ils l’ont blessés ? Elle a été mordue ?
M’enquis-je en jetant un œil à sa robe. Elle était légèrement tâchée de sang, mais je n’avais pas l’impression qu’il s’agissait du sien. Je pris soin de tourner autour d’elle, pour vérifier chaque centimètre carré de sa peau. Aucune blessure, simplement quelques éraflures des branches.
Je rassemblais les dernières forces qu’il me restait pour attraper ses rennes et la faire avancer. C’est là que la réalité me frappa. Elle boitait. Il semblait que le miracle que j’avais espéré ne se soit pas réalisé. La réalité me frappa de nouveau en pleine face alors que je murmurais.
- Merde..
Je du m’adosser contre le mur pour ne pas tomber. Ma tête tournait encore. Beaucoup trop pour que je puisse tenir encore debout. J’allais devoir prendre un peu de repos. Je finis par monter ma main sur mon front, qui me lançait depuis un petit moment. Lorsque ma main redescendit dans mon champ de vision, elle était couverte de sang.
- Très bien, c’est pas ma journée...
black pumpkin