Alors qu’elle n’est plus qu’à quelques centaines de mètres de l’entrée de Fort Hope, Harriet prend quelques instants pour se remémorer les évènements qui l’ont ramenée jusque là. Elle avait des graines. Des graines qui pourraient être très utiles à certains, mais pas à elle. Alors, une idée avait germé dans son cerveau encore pas totalement terrassé par la solitude : et si elle emportait tout ça et allait l’échanger contre des choses qui lui seraient plus utiles ? Elle avait d’abord songé à l’arène, seulement voilà, elle n’étais pas du tout sûre que ça les intéresserait, ni qu’ils auraient des choses intéressantes à lui offrir en retour. Elle avait déjà été à Fort Hope, son groupe avait même été leurs "alliés" en quelque sorte, avant qu'Else... Elle ne voulait pas y penser.
Peut-être que ses anciennes connexions avec la communauté lui permettraient de rentrer. Elle connaissait Logan. Elle lui avait rendu service par le passé, et inversement. Elle était prête à recommencer. Aider au jardin, aux cultures, peut être contre le droit d'asile quelques fois. À vrai dire, n’ayant aucune idée de comment fonctionnait Fort Hope depuis leur victoire sur les Punisher, elle s’aventurait clairement en terrain inconnu. Elle ne savait pas du tout s’ils faisaient même du troc, ce qu’ils avaient à échanger, mais bon. Au moins, si elle parvenait à se faire bien voir en amenant quelques graines de plantes médicinales, ça lui donnerait l’occasion d’y revenir. Certes, dans l’absolu, ça n’était pas grand-chose. Cinq paquets de graines en plastique transparent, dont deux paires qui contenaient la même chose. Les graines en question ne lui étaient d’aucune utilité, puisqu’elle n’avait, à l’heure actuelle, aucun endroit où les planter. Alors autant les échanger contre quelque chose d’utile ou une nuit au chaud. Peut être qu’un de ces quatre elle tenterait sa chance dans un Walgreen, histoire de trouver de vrais médicaments et pas seulement de quoi faire des infusions. Mais, mine de rien, ça pouvait toujours servir à d’autres. La voix guillerette d’Else, proposant son aide à n’importe quel inconnu qu’elles croisaient sur la route, résonnait encore dans sa tête. De toute façon, ces plantes ne lui servaient pas à grand-chose à l’heure actuelle. Et puis, elle pourrait peut être essayer de voir Logan. Ils en auraient, des choses à se raconter. Peut être aussi des choses dont elle n'aurait pas envie de parler.

Pendant que ces pensées se bousculaient dans sa tête, ses jambes l’ont menées près de l’entrée surveillée par des gardes. Elle se dirigea vers le plus proche, en faisant bien attention d’avoir l’air la plus vivante possible (si tant est que ça veuille dire quelque chose par les temps qui courent), et le salua d’un signe de tête à travers la grille. « Euh… Je dois faire comment si je veux rentrer ?» L’homme haussa les épaules, l’air blasé, comme si on lui posait cette question tout le temps. « Faut juste que vous nous montriez vos armes et l’intérieur de votre sac. » Harry acquiesça. Pas pire qu’un aéroport avant… Bref. Elle montra sa batte, qu’elle déposa au sol avant de s’accroupir pour montrer l’intérieur de son sac. Rien de bien intéressant à par les innombrables végétaux. Le garde hocha la tête. « Vous venez pour quoi ? » « Eh bien, j’espérais échanger des graines contre autre chose… Peut être apporter mon aide aux cultures.» Il haussa un sourcil. « C'est quoi vot'nom?  » interrogea-t-il. « Harriet Green. J'étais avec Else Green il y a un moment. » Il y eut un silence, puis le grésillement d'une radio. Elle ne distingua pas exactement ce qui se disait, mais après quelques instants, la porte s'ouvrit. «Bon, bah, rentrez. Et vous irez voir le leader. » On se serait cru à un post frontalier au bon vieux temps plus qu’en plein milieu d’une apocalypse. Mais bon, c’était peut être mieux comme ça. Harry remis son sac sur son dos avant de s’avancer à l’intérieur en pressant le pas. Inutile d’attendre que des rôdeurs débarquent ou viennent s’accumuler par ici. Elle fit un nouveau signe de tête au garde puis haussa un sourcil interrogateur. « Pour le troc, c’est… » « Pour le troc, c’est à l’entrepôt. Par là bas » déclara-t-il en désignant une direction en biais, vaguement vers la gauche. « Prenez Essex Drive puis tournez à droite sur Whittier Road. Ensuite vous verrez tout de suite les bâtiments. » La jeune femme aux cheveux blonds acquiesça une nouvelle fois silencieusement.

En chemin vers l’endroit indiqué, elle croise des gens aux allures presque… Normales. Bon, sales et fatigués, mais rien à voir avec les survivants de l’extérieur. On dirait qu’ici c’est organisé, que les gens y vivent mieux, ce qui n’est pas nécessairement très difficile, qu’il y a presque un semblant… De civilisation. Si Else était encore là, peut être qu’elle songerait à rester, mais ce n’est pas le cas. Elle n’a pas grand chose à apporter à une telle communauté de toute façon, pense-t-elle en soupirant. Néanmoins, elle finit par arriver à l’entrepôt, où un certain nombre d’habitants semblent être plutôt occupés. Une personne semble occupée à faire l’inventaire de certains produits, aussi elle s’avance d’un pas déterminé jusqu’à elle, et pose son sac sur la table en face d’elle. La femme d’une quarantaine d’années lève les yeux vers elle et lui sourit. « [color=#339999Je peux vous aider ?[/color] » Demande-t-elle avec un air sympathique. « Euh, oui, je… Euh… J’aimerais faire du troc, ou quelque chose dans ce genre. » Balbutie la jeune femme, qui lutte pour conserver sa détermination. « D’accord » déclare la femme. « Qu’est-ce que vous auriez à troquer ? » Harry ouvre son sac, en sort trois des cinq paquets de graines. Sur chacune il y a une petite étiquette. Arnica. Calendula. Echinacée. « Ces graines. » Elle les pose sur la table et la femme examine les sachets en plastique avec attention, les sourcils froncés. « Comment je sais que les graines correspondent bien à ce qu’il y a marqué ? » Harry hausse les épaules froidement avant de se rappeler qu’ici, c’est elle qui est en position de faiblesse. Elle s’applique ainsi à répondre avec douceur. « Vous n’avez pas quelqu’un qui s’y connaît en plantes ? » « Pas de disponible dans l’immédiat. » Harry soupire. On va lui dire de repasser. Mais qu’est-ce qu’elle va faire pendant ce temps ? « Ecoutez. » tente-t-elle de tempérer. « Ce sont des plantes médicinales. Je m’y connais en plantes, c’est moi qui ai ramassé ces graines. Regardez, dans le sachet d’echinacée, y’a encore le centre de la fleur. Je sais de quoi je parle, je suis botaniste. » Elle a un instant d’hésitation. Sa situation se rappelle brusquement à elle. « Enfin… J’étais. »

Un court silence s’étire avant que la quadragénaire ne reprenne la parole. « Bon. Si c’est médicinal, voyez avec le Doc, à l’infirmerie. J’dis pas qu’il pourra faire quelques chose pour vous, mais il sera mieux placé que moi. » Harry hoche la tête avec reconnaissance. « Merci. » Elle rempoche les graines, et se prépare à partir. « L’infirmerie, c’est juste à côté. À gauche quand vous sortez. » La jeune femme aux cheveux en meule de foin hoche la tête, fait un fin sourire et se dirige vers la sortie. Elle s’engouffre rapidement dans l’infirmerie, qui semble étrangement plus calme que l’entrepôt, et s’adresse à la première personne valide qu’elle croise, un jeune homme aux cheveux sombres, lui tapotant le bras pour attirer son attention. « Euh… Je cherche le Doc. Enfin, la personne qui est reponsable ici. » Le jeune homme bredouille quelques mots, et la guide à travers des couloirs jusqu’à lui indiquer une porte ouverte. Elle hoche une nouvelle fois la tête en guise de remerciement et s’engouffre dans la pièce, où un homme de très grande taille est dos à elle. « Bonjour ? » hasarde-t-elle. Ça lui fait toujours un peu bizarre d’utiliser des formules de politesse alors que la civilisation s’est globalement effondrée, mais ici c’est un peu moins bizarre, en quelque sorte. L’homme se retourne et Harry oublie pendant quelques instants de respirer. « Noah. » Souffle-t-elle, presque trop bas pour qu’on l’entende. « Qu’est-ce que… » Elle ne sait pas par où commencer. Cela fait déjà plusieurs mois qu’elle a quitté le groupe dont faisait partie Noah. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Ouais, elle n’a pas vraiment de question plus intelligente à poser, là, tout de suite. Elle n’est pas totalement sûre du comportement à adopter. Tourner les talons, s’enfuir loin d’ici et aller se morfondre dans sa honte et sa solitude ? Lui sauter au cou ? Lui donner une claque virile sur l’épaule comme à un vieux camarade ? Pour l’instant, elle décide de ne rien faire du tout.