« - Mec, cette fille c’est un croisement entre une licorne, un bisounours et un Gremlins !
- Un Gremlins ?
- Ouais, crois-moi. Mais un conseil, fais en sorte d’éviter le côté Gremlins. »

Sinéad, c'est un rayon de soleil. Elle est presque toujours de bonne humeur et c'est communicatif. Elle dégage un truc, une aura de fragilité et de bonté ponctuée d'une force calme. C'est indescriptible, elle a un charisme fou et elle ne s'en rend même pas compte. Le pire c'est son regard. Ses grands yeux bleus ont fait fondre plus d'un cœur de glace. On dit que le regard est le miroir de l'âme. Mais dans son cas, cela va bien au-delà. Il ne s'agit pas simplement de ses yeux, mais de chaque trait de son visage qui trahit la moindre de ses émotions. Mais surtout qui semble vous la communiquer. Son sourire suffit à faire sourire les plus revêche et à redonner de l'espoir. Mais, l'inverse est aussi vraie, lorsqu'elle pleure ou qu'elle ait peiné, cela atteint tout le monde déclenchant une baisse de moral, une envie de la protéger ou encore l'envie de tout anéantir pour éliminer le responsable. Elle est une de ces personnes qui sans même s'en rendre ne laisse pas indifférent les autres. Les avis sur elle sont souvent tranchés et extrêmes. On l'aime ou on la déteste, rarement entre les deux. Considérée par certains comme une jeune fille adorable, à la gentillesse, la bonne humeur et la folie douce touchante et par d'autre comme une petite princesse surprotégée et pourrie gâtée. Oui, elle ne laisse pas indifférente. Capable de faire ressortir le meilleur chez les autres, comme le pire dans certains cas. Son problème majeur reste sa candeur et sa naïveté. Cela vient sans doute du fait, qu'elle est la petite dernière de la famille, toujours choyée et protégée. Elle s'obstine à vouloir croire et voire qu'il y a du bon en chacun et ceux même en ces temps troubles. Autant que ça lui a joué plus d'un tour, provoquant souvent de grande déception ou la mettant souvent dans des situations délicates. Mais, elle ne semble pas tirée de leçons de ces erreurs, comme si les rares victoires suffisaient à compenser. Pourtant, elle est d'une extrême sensibilité. Son éternel sourire et son obstination à vouloir rester dans son univers utopique et rêveur ne sont d'ailleurs qu'une ruse pour masquer cette sensibilité aux yeux de tous. Contrairement à l'image qu'elle renvoit, elle est bien consciente de ce qui se passe, mais affronter cette réalité serait bien trop à supporter pour la jeune fille. Alors elle s'obstine à sourire, à avoir des attitudes parfois enfantines ou à faire comme si la vie était merveilleuse et le monde peuplé de licornes et de bisounours. Parfois, c'est trop. Trop d'horreur. Trop de violence. Alors, elle perd pied. Elle perd son sourire, Toute trace de candeur semble alors la quitter laissant place à un visage anormalement dure et impassible. Sur elle ça donne l'impression d'une grimace qui l'enlaidie. C'est comme si soudain le monde ne tournait plus rond. D'autres fois, elle s'effondre simplement, faisant littéralement des crises d'anxiétés. Le plus souvent ces crises arrivent lorsqu'elles et amené à se surpasser en faisant des choses dont elle se pensait incapable pour survivre. Car oui, à la surprise de tout le monde elle a survécu jusque là et pas par simple chance. Bien sûre, elle en a eu beaucoup mais elle a aussi su dépasser ses limites dans des cas extrêmes, surprenant les personnes présentent et surtout elle-même. En bref, la demoiselle est bien plus surprenante que ce à quoi l'on pourrait s'attendre. C'est sans aucun doute une personnalité extrême dans bien des aspect et pas toujours ceux auxquels on pense.

C'est ce qui fait ton charme : tu souris tout le temps, mais tes yeux appellent au secours.

Survivre. Voilà ce qu'était devenu le quotidien de tous depuis le début de l'épidémie. La vie n'avait plus sa place sur cette terre désormais. Du moins, pour un moment. Le temps que tout cela prenne fin. Mais est-ce que cela prendra vraiment fin un jour ? Une chose est sûre, en tout cas, tout le monde n'est pas fait pour survivre.  S'adapter à un nouveau monde d'horreur, de violence ou le confort et les petits bonheurs du quotidien ont disparu. Ce monde qui retourne peu à peu à l'état primitif faisant souvent rejaillir les plus bas instincts de l'Homme. Tel est la survie. Sinéad n'a jamais été taillé pour ce monde. C'est un euphémisme de le dire. Tout en elle crie qu'elle est l'une de ces personnes qui ont été façonné pour la vie. Et encore par n'importe laquelle. La belle vie, la vie facile, la vie heureuse. Tout en elle crie qu'elle est l'une de ces personnes qui auraient du mourir dès le début tout ça. Elle n'est tout simplement pas armée pour ce monde là.  Du moins, c'est l'image qu'elle renvoie. Sans doute y a-t-il plus derrière son sourire angélique et la candeur de son visage de poupée fragile. Parce qu'après tout elle est toujours là. Bien vivante et toujours aussi rayonnante. Elle est comme un putain de doigt d'honneur à ce nouveau monde sombre et ravagé par la mort. C'est sans doute ça qui la rend si attachante, si importante. Elle rappelle à tous que la vie pouvait être belle, qu'elle vaut le coup qu'on se batte pour elle. « Dépêche-toi gamine, on a pas la journée ! » Le ton du quinquagénaire est dur mais on y dénote une pointe de tendresse. Et cela, conclut ses observations silencieuses sur la môme, démontrant une fois de plus, qu'elle parvient à toucher même les âmes les plus endurcies.

La blondinette ne répond pas, elle se contente de saisir son sac à dos multicolore recouvert de badges et de dessins en tout genre et de renverser son contenu sur le comptoir devant elle. Son doudou. Un vieux paquet de bonbon. Quelques cahiers de cours. Un téléphone portable à la vitre fissurée. Des fringues tout aussi colorées que son sac. Des photos.  Un petit couteau suisse à la lame émoussée qui aurait probablement du mal à couper ne serait-ce que du beurre. Et tant d'autres babioles sans intérêt. Le sac de survie d'une adolescente rêveuse à la tête dans les nuages, à peine sortie de l'enfance. Quand tout à commencer à partir de travers, elle était chez une amie. Le temps de rentrer chez elle et la maison était déjà déserte. Plus de parents. Plus de frères. Plus de chien. Plus rien, sauf quelques pillards qui rodaient dangereusement autour de la maison. Elle avait fourré quelques affaires dans son sac à dos avant de partir avec les voisins. Elle s'est contentée de suivre le mouvement, perdue dans tout ce chaos. Puis, elle avait perdue les voisins dans un concours de circonstance sans grande importance. Elle était tombée sur d'autres survivants et les avaient suivis. Pour finir par se retrouver avec les frères Dougherty. Trois irlandais revêche âgés entre quarante et cinquante-deux ans, qui derrière des apparences d'ours mal léchés n'étaient finalement pas si mauvais qu'ils voulaiten bien le faire croire. Ils avaient d'ailleurs entreprit d'aider Sinéad à s'en sortir. Et, cela commençait par le contenue de son sac, d'après eux. Et ce surplus militaire abandonné et à moitié pillé était à leurs yeux une véritable bénédiction. Douglas, le cadet déposa devant l'adolescente un sac à dos militaire kaki, avant de jeter celui arc-en-ciel à l'autre bout du magasin. Elle eut un pincement au cœur mais n'osa pas protester surtout qu'il argumentait. « Ce foutu truc est repérable à des kilomètres. C'est comme avoir une cible sur le dos. » Sin' ne dit rien, se contentant de ranger les affaires que les trois frères lui donnaient dans le nouveau sac, bien morne à son gout. Elle examine le poignard ka bar et son étonnante lame crantée d'une longueur hallucinante avant de le remiser au fond du sac de peur de se blesser. Mais, l'aîné le ressort et lui colle à la ceinture. « Fini les enfantillages, c'est la guerre là dehors. » Là encore, elle ne dit rien, sans doute encore impressionnée par ces trois hommes qu'elle ne connaît que depuis à peine vingt-quatre heures. Et, surtout parce qu'elle sait, qu'au fond, ils ont raison. Elle a besoin de s'armer pour faire face à ce nouveau monde, même si c'est la dernière chose qu'elle désire. Pourtant, quand il lui tend un tomahawk, elle ne peut s'empêcher de lancer joyeusement « Oh cool, comme les indiens dans Pocahontas ! » déclenchant un regard exaspéré des trois hommes, auxquel, elle répondit par l'un de ses légendaires sourires. Finalement, en dix minutes le sac est prêt. Lorsqu'elle le passe sur ses frêles épaules, il est plus large qu'elle. Les trois  hommes la regardent des expressions étranges sur le visage. La tête du doudou, qui partage désormais son espace avec des armes, dépasse du sac et il se demande une nouvelle fois comment elle a bien pu survivre jusque là.



J’ai besoin d’être toujours en mouvement. Au premier arrêt image, je sais que je vais crever.

Sans aucun doute trop sur d'eux ou simplement parce qu'il prenait peut-être un peu trop de plaisir à foncer dans le tas, les frères Dougherty sont morts. Ces trois-là semblaient pourtant fait pour ce monde, ils avaient même l'air de l'apprécier, comme s'ils étaient nés pour toute cette violence. Pour eux, c'était un exutoire, mais à force de trop jouer, ils ont fini par perdre. Mort, tous les trois. Les uns après les autres comme dans un remake de mauvais goût des dix petits nègres. Sinéad, elle, a survécu, défiant une fois de plus la nature. Sans doute parce qu'elle était plus prudente. Sans doute parce que quand ils lui ont dit de courir, de fuir, elle l'a fait. Et croyez-moi, cette gamine court vite. Très vite. Déjà avant, elle était rapide. Mais elle a rapidement découvert que l'on peut toujours aller plus vite, surtout quand on a quelque chose à fuir.  Après quelques jours passés seule, elle était tombée sur Ice, ou plutôt c'était l'inverse. Il était tombé sur elle. Gamine, seule, effrayée, accrochée, comme si sa vie en dépendait, à son doudou et un flingue dont elle savait à peine se servir dans l'autre. Une image surréaliste. Mais, qui n'était pas si étonnante que ça dans ce monde. Allongée sur le sol enneigé, les yeux rivés sur le ciel, un sourire angélique aux lèvres alors que sa chevelure blonde s'étale tout autour d'elle, elle repense à ses quelques mois passé en la compagnie de Ice. Elle aurait aimé rester avec lui. La vie à ses cotés était certes tout aussi dure mais beaucoup plus supportable. Il était tellement plus facile de continuer d'ignorer toute cette horreur à ses côtés. Plus facile de faire semblant que tout allait bien dans le meilleur des mondes, que la vie était toujours belle. Plus facile de rester cloitrer dans ce monde merveilleux dans lequel elle se réfugiait. Plus facile de sourire, de rire ou encore de danser sur une musique imaginaire. Plus facile d'être une enfant. Plus facile de faire comme si rien n'avait changé. Comme si elle était toujours la même gamine insouciante qu'avant tout ça. Mais, toutes les bonnes choses ont une fin paraît-il.

Ce matin-là, Ice n'était pas à ses côtés quand elle s'était réveillée. En attendant son retour, elle avait commencé à ranger ses affaires dans son sac de l'armée en chantonnant, comme si le monde était merveilleux. Quand elle avait entendu du bruit derrière elle avait cru que s'était lui qui revenait. Elle ne s'était pas méfiée une seule seconde, faisant encore preuve de toute la naïveté qui la caractérise. Mais, en l'espace d'une seconde, elle s'était retrouvée prise au piège. Une main plaquée sur la bouche pour étouffer son cri et plaquée au sol, alors qu'il ne lui restait plus que Bunny à ranger. Rapidement, elle se retrouvait les deux mains attachées et bâillonnée. Elle venait de faire la connaissance du groupe ‘Le Havre' et terminerait probablement la journée comme leur repas. Mais ces messieurs n'ayant pas faim à cet instant, ils préférèrent garder leur gibier bien en vie par soucis de commodité. Ça leur évitait d'avoir à la porter et en plus, ils pouvaient lui faire porter dans son sac à dos, les quelques trouvailles pillés sur la route. Ils passèrent donc une bonne partie de la journée à marcher allant de magasins en maisons vides traînant Sinéad derrière eux comme on promènerait un chien en laisse. De temps en temps, l'un d'eux la détaillait du regard, semblant déjà découper soigneusement sa chair en pensée et imaginait le goût qu'elle aurait. L'un d'eux fit même part de sa déception en la voyant si maigre. « P'tain, va pas y avoir grand chose à se mettre sous la dent ! » C'est à ce moment-là, que l'adolescente compris ce qu'ils allaient faire d'elle, ouvrant de grands yeux horrifiés d'où ruisselaient un flot de larmes ininterrompu. Mais, malheureusement pour elle aucun d'eux ne semblaient être sensible à sa détresse, comme si sa foutue capacité d'attendrir les autres s'était soudainement mis en veille. Il faudrait qu'elle s'en sorte autrement.

Au début de l'après-midi, ils firent une pause dans une ancienne zone industrielle déserté depuis déjà bien longtemps avant l'épidémie. Un groupe de rodeur se tenait sur leur route et ils n'avaient visiblement pas envie de s'y frotter. Après tout se serait dommage que leur diner finisse dévoré par des marcheurs. Alors, qu'ils cherchaient un moyen de les éloigner, Sinéad, elle fixait les anciennes usines alentours qui elle le savait était de véritable labyrinthe. Elle devait simplement de s'engouffrer dans l'un d'eux. Elle savait qu'elle pourrait les semer ou se cacher. Il lui fallait simplement une diversion. Il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour agir, elle n'avait pas le luxe de perdre du temps. Sans réfléchir vraiment à ce qu'elle faisait, elle se mit à marteler la benne ordure métallique à côté d'elle, provoquant un raffut qui attira les rôdeurs. Malheureusement, pas assez rapidement pour éviter l'insulte et le coup de poing en plein visage que lui asséna l'un de ses bourreaux. Sous le choc, elle s'effondrait contre la benne alors qu'ils dégainaient leurs armes n'ayant désormais plus le choix que d'affronter les monstres. Celui qui la trainait depuis le début de la journée, fut donc contraint de lâcher la corde qui lui servait de laisse. Et, tandis qu'ils se battaient, elle s'était relevée péniblement, titubant légèrement. Elle n'avait pas d'autre choix que de foncer à travers la mêlée en priant pour que personne ne l'atteigne ou ne la rattrape : rôdeur ou cannibale. Et, miraculeusement, elle parvint à atteindre son objectif, non sans quelques frayeurs. Elle avait gravit un premier escalier d'une ancienne fabrique de voiture qui avait la renommé de la ville à une autre époque. La porte avait disparu laissant place à un trou béant dans le mur. Visiblement, le toit et les différents étages s'étaient effondré. Ainsi, un énorme trou crevait le plancher à quelques mètres. Des tonnes de gravas en tout genre s'y engouffrait en une pente raide. Elle aurait surement dû aller dans l'immeuble voisin. Mais, il était trop tard, elel devrait simplement faire attention où elle mettait les pieds et contourné l'obstacle en priant pour ne pas croisé de rôdeur. Mais, pauvre idiote qu'elle est, elle s'était retournée avant d'entrer dans l’immense batisse,  juste pour vérifier que ses geôliers étaient encore vivants. C'est le problème quand on s'appelle Sinéad Reed, c'est qu'on ne peut pas se résoudre à faire du mal à quelqu'un ou à en être responsable, aussi mauvaise soit cette personne. Bien qu'en difficulté, ils étaient encore alerte et continuaient de se battre avec une colère grandissante qui s'accentua encore plus quand ils aperçurent leur repas du soir hors de portée en train de se faire la belle. De rage, l'un d'eux pointa son pistolet dans sa direction délaissant son adversaire pour tirer sur l'adolescente. Erreur. Le rôdeur en profita pour planter ses dents dans son bras et en déchiquetée la chaire. Pétrifiée, Sinéad n'eut pas le réflexe de s'écarter. Heureusement, le rôdeur avait dévié la balle en s'attaquant au tireur et la blondinette fut atteinte à l'épaule. Le choc propulsant, tout de même, son corps frêle en arrière. La faisant reculer et trébucher pour finalement tomber en arrière sur les gravas et s'enfoncer dans la brèche pour finir sa course un étage plus bas, où le sol semblait intacte.

Voilà, comment elle s'était retrouvée allongée là. Etendue sur le sol en béton enneigé à cause du trou béant dans l'édifice qui laissait entrevoir un morceau de ciel nuageux. Les mains toujours liées, son sang teintant lentement la neige et la poussière en rouge. Elle allait probablement mourir ce soir. Donnant raison à tous ceux qui ne la trouvaient pas à sa place dans ce monde. Elle était parvenue à faire glisser son bâillon autour de son cou, au prix d'un effort douloureux, mais ça valait le coup. Hors de question, de partir sans un foutu sourire aux lèvres comme un ultime doigt d'honneur à toute cette merde. Elle s'était probablement cognée la tête dans la chute et sans doute démis l'épaule, ce qui en soit lui permettait d'oublier la douleur de la balle qui avait transpercé sa chair. De toute façon, elle sombrait lentement dans l'inconscience. Par moment, elle reprenait vaguement ses esprits. La nuit commençait à tomber et la neige aussi, ce qui eut pour effet d'agrandir son sourire. Avant de sombrer encore et de revenir une nouvelle fois. Elle perçoit une voix qui lui semble lointaine. Une forme floue penchée au-dessus d'elle, lui parle. Nan, pas Le Havre, espère-t-elle, qu'il la laisse crevée en paix sous les flocons de neiges. Mais, elle n'a pas la force de protester. Elle sombre à nouveau, ne sachant pas si elle reprendra à nouveau ses esprits. Pensant probablement finir dans le système digestif d'une bande de barbares dégénérés. Pourtant, à cet instant, elle a eu de la chance. Une fois de plus. Elle reviendra bien à elle, mais elle l'ignore. Plongée dans les limbes de l'inconscience, elle ignore encore qu'elle verra son quinzième anniversaire.