La position est plus qu'inconfortable. Etendue sur le béton sale et froid, son sac à dos sous elle, lui surélevant le tronc alors que sa tête retombe en arrière. Les poignets liés par un épaisse corde, si serrée que la journée, passée à tenter de se délivrer de ces entraves, avait suffi pour commencer à marquer sa peau.  Ses terminaisons nerveuses totalement déglinguées après cette journée à encaisser les coups. La balle qui avait transpercé de part en part de son épaule droite. La même épaule démise après sa chute. Le coup asséné au visage si violent que son œil gauche et sa pommette étaient désormais gonflés et teintés de nuances d'un violet sombre. L'arrière du crâne ouvert après avoir percuté le sol et le sang qui s'échappe doucement, mais surement teintant sa chevelure blonde angélique. Trop d'informations à traiter d'un coup, foutant le bordel dans son organisme. Oscillant entre l'impression d'avoir tout le corps anesthésié et celle où chacune des fibres de son être semble sur le point d'exploser. Oscillant entre conscience et inconscience.

Elle a terminé sa course au pied de l'amas de gravas qu'elle a dévalé, reliant le premier étage au rez-de-chaussée. Elle est dans l'une de ses anciennes fabriques automobile qui avaient fait la renommé et la gloire de la ville à une autre époque avant de finir par être abandonné. Les affres du temps et de la nature ayant fini par avoir raison d'une grande partie du toit qui avait fini par s'effondrer, emportant avec lui une partie des planchers des étages supérieurs. Laissant un trou béant en plein milieu de l'édifice, dans l'indifférence la plus totale. A la fois triste et poétique. Une aubaine pour Sinéad. Au moins, elle mourra en voyant le ciel. Soyons réaliste, elle va mourir cette fois, du moins c'est ce qu'elle pense. Dans son esprit, elle n'envisage que trois possibilités, chacune aussi peu réjouissante que la précédente et se terminant de la même façon.  Option un : ‘Le Havre' a fini par se débarrasser de tous les rôdeurs et décide de venir la rechercher. Alors, elle finira  en diner du soir pour une bande de barbare. Option deux : des rôdeurs la trouve et elle termine déchiqueter, dévorer par une bande de mort insatiable. Option trois : personne ne la retrouve, mais elle est ligotée et blessée. Même si ces blessures ne sont pas mortelles, si elles ne sont pas traitées alors elle finira tout simplement par mourir. Hémorragie, infection ou simplement de faim ou de soif puisqu'elle est pour l'instant incapable de bouger. Bref, rien de réjouissant en soit, à moins qu'elle ait une chance inouïe. une fois de plus.

Son œil valide est rivé sur le ciel cotonneux. La neige commence à tomber et quelques flocons s'engouffrent dans la plaie béante du bâtiment pour venir jusqu'à elle. L'adolescente se tortille légèrement, laissant échapper des gémissements de douleur, alors qu'avec ses mains ligotées, elle vient tirer sur son bâillon. Après un temps, elle finit par l'ôter de sa bouche et le laisse retomber mollement autour de son cou. La douleur fut intense, mais ça valait le coup, non ? Hors de question de crever en étant incapable d'un ultime sourire, comme un dernier doigt d'honneur à ce monde d'horreur. Des larmes silencieuses roulent sur ses joues, mais ses lèvres s'étirent en un délicat sourire. Voilà, maintenant, elle peut attendre l'inévitable. Oscillant toujours entre la conscience et l'inconscience, mais toujours souriante.