Oups ... I wasn't really watching, you know ?

L'hiver était vraiment une saloperie. Non content d'essayer de vous geler en face, il s'amusait à tenter de vous crever d'ennui par derrière. Certes, il y avait pléthore de choses à faire dans cette caserne et Alex n'était pas en reste quand il s'agissait de s'activer. Cependant, qui disait grand froid signifiait que certains travaux ou aménagements n'étaient tout simplement pas envisageables pour le moment. Autant que des walkers, ils étaient devenus tributaires des caprices de la nature. Constat qui n'aurait pas dû beaucoup déranger la jeune femme, si on y réfléchissait bien. Après tout, n'avait-elle pas été une de ces militantes - trop - actives à la voix haute et aux pancartes bariolées ? Une de ces personnes réclamant le respect de la Terre et de ses Enfants ? Si, dans une autre vie. Le genre où il vous suffisait de vous rendre au magasin pour faire vos courses, où retrouver vos amis dans un café n'était qu'à deux stations de métro, où porter des talons n'était pas une aberration et où, surtout, vous pouviez prendre des douches chaudes quand bon vous semblait.

Depuis, l'eau courante n'était plus monnaie, stilettos signifiaient mort assurée, magasins n'étaient plus que débris, quant à vos amis ... S'il vous en restait un encore en vie et à portée, alors vous étiez bien chanceux. Comme beaucoup de survivants, la brune s'était adaptée à la chute de leur civilisation, seul moyen de ne pas finir à l'image de ces gémisseurs ambulants, coquilles vides et mâchoires mortelles. Rongeant son frein, elle avait fini par oublier la crasse qui formait une couche presque chaude sur sa peau et lui démangeait le cuir chevelu. Ainsi était-elle parfois, rivière faisant tranquillement son lit, quand d'autres, un pet de travers suffisait à la réveiller de son apparente torpeur et à la transformer en volcan. Et la tempête Alex Collins avait décidé de souffler, aujourd'hui.

Elle était sortie aux prémices de l'aube, emmitouflée dans un ces manteaux de pompier beaucoup trop grand qu'ils avaient déniché dans la réserve de la caserne. Avec difficulté, les mains engoncées dans des gants ignifugés qu'une paire de maniques pour manipuler un couteau, elle avait commencé à rassembler des petits tas de neige dans une vieille casserole chapardée dans la cuisine et l'avait porté jusqu'à l'inutile salle de bain. La tuyauterie mal entretenue n'avait pas résisté à l'apocalypse et l'hiver avait fait le reste, gelant l'eau dans les cylindres métalliques. A défaut de pouvoir s'en servir, néanmoins, les bacs à douche, eux, n'avaient rien perdu de leur céramique. Elle avait déniché une bassine plus grande que les autres où elle versait la neige au fur et à mesure qu'elle la rapportait. La fonte allait prendre des heures, ce qui ne lui posait pas le moindre problème. Ainsi, elle avait tout le temps de réfléchir à un moyen sommaire de réchauffer ce qui serait bientôt de l'eau glacée. Faire un feu étant totalement exclu, il lui fallait quelque chose de plus ... Scientifique. L'idée lui vint en milieu d'après-midi, alors qu'elle était assise sur le rebord d'un lavabo, les yeux fixant le contenant miroitant. Comme une évidence, en réalité. Elle avait sauté de son siège de fortune, filant récupérer l'un des nombreux extincteurs que comptait la réserve. Après avoir recouvert la bassine d'un couvercle à la bonne taille, elle avait prudemment commencé à asperger le métal. A défaut de feu, l'azote était un excellent moyen de faire bouillir une certaine quantité d'eau. Là encore, il faudrait plusieurs heures pour que le changement de pression à l'intérieur du récipient fasse son effet, mais ce n'était pas comme si elle avait plus intéressant à faire. A dire vrai, son regard brillait d'excitation. On pouvait aisément affirmer que c'était l'activité la plus excitante qu'elle ait pratiqué depuis des semaines !

Tandis que le soleil déclinait doucement dans le ciel, elle avait retiré ses frusques empestant la poussière et la vieille sueur et, à l'abri d'un vieux rideau de douche, avait débuté la meilleure toilette de tous les temps. Elle s'était savonnée à l'eau gelée d'une première bassine, réservant l'autre, chaude, pour se rincer. Serrant les dents et poils se dressant de malaise, elle avait versé petit à petit l'onde glaciale sur ses cheveux et son corps, ses mains tremblantes peinant à retenir ensuite le pain de savon qu'elle avait trouvé trainant dans un placard. Ce n'était pas une douche à l'ancienne et encore moins une sinécure. Son entreprise relevait sans aucun doute de la folie, d'ailleurs. Qui se souciait de l'hygiène en ces temps troublés ? Personne, à part elle, prise d'une lubie soudaine qu'heureusement, aucun de ses compagnons n'avait surpris - ou du moins, ne s'y était intéressé. Quand le moment de la récompense bienheureuse vint, elle lâcha un soupir de soulagement lorsque l'eau tiède remplaça la mousse irritante. Sa peau se couvrit aussitôt de plaques rouges dues au choc thermique, cependant, elle ne le remarqua pas, trop occupée à apprécier les tourbillons marrons qui s'échappaient de sa silhouette pour aller se perdre dans le bouchon d'évacuation. Une légère vapeur s'élevait autour d'elle, les splash et autres bruits de goutte caractéristique crevant l'atmosphère intimiste.

Intimiste mais pas trop. Elle rinçait ce qu'il restait de savon lorsqu'elle crut sentir une présence fixe dans son dos. Aussitôt sortie de sa torpeur, elle se retourna vivement et sans autre préambule, tira sur le rideau quitte à l'arracher. Pour se retrouver nez à nez avec un barbu blond aux yeux écarquillés. " Lïnko. " le salua-t-elle le plus naturellement du monde, un sourire tranquille aux lèvres, comme si elle n'était pas complètement nue devant lui. " Préviens, la prochaine fois, j'ai cru qu'une de ces saloperies avait réussi à s'introduire dans la caserne. " Elle le détailla un instant, son bras retombant le long de son corps. Ses sourcils se froncèrent légèrement alors que son regard tombait sur son épaule ensanglantée. " Accident de chasse ou morsure ? " Sa pudeur n'aurait pu supplanter sa méfiance. De toute façon, la première était quasi inexistante.



 

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