☣ Caractère

- Calme. C’est une jeune femme qu’on pourrait même qualifier d’impassible.

- Prude. "Coincée", trop innocente. Elle est très vite embarrassée.

- Serviable. La blonde est prête à aider tous ceux qui lui demandent.

- Maladroite. Il ne faut pas laisser Lacey seule plus de dix minutes au risque de faire face à un vrai champ de bataille en revenant. Elle peut aussi être indélicate avec ses mots parfois.

- Modeste. Elle ne se vante jamais, ne parle d'elle, ni ne s'attribue quelconque mérite.

- Naïve. Lacey accorde sa confiance bien trop facilement ce qui la met souvent en danger.

Arme : Crucifix
Objets utiles : Boîte d’allumettes, plantes médicinales
Objets rares : Couverture, protections hygiéniques
Véhicule : X
Possessions personnelles : Sac de voyage, chapelet

Fille d’un pêcheur et n’ayant jamais connu sa mère, Lacey est née et a grandi dans la toute petite ville de Copper Harbor, située dans le nord du Michigan. Son enfance est relativement aisée. Les affaires marchent bien et son père, même si souvent en mer, est aimant. C’est une enfant ni solitaire ni populaire. À cet âge-là déjà, elle a ce côté « mystique » et placide. C’est quand elle avait à peu près dix ans qu’elle découvre Dieu, lors d’une des plus grosses tempêtes que la région ait connu.

La foudre déchirait le ciel et la pluie s’écrasait sur les toits. Encore petite fille, Lacey courut s’abriter jusqu’au perron de bois de l’église. Elle était prise au piège entre la porte en lambris et le déluge. La fillette s’assit sur les marches, résignée à attendre la fin de l’averse. Un grincement la fit se retourner : le père Dellucci, homme qu’elle n’avait que croisé jusque-là, lui souriait. Il lui proposa d’entrer, de venir boire quelque chose de chaud. Elle accepta, plus par curiosité que par soucis d’attraper un rhume. Son père à elle était athéiste, c’était la première fois qu’elle rentrait dans un édifice religieux. En fait, elle ne savait pas vraiment ce qu’était une église ou même la religion. Dieu n’était pas un sujet de discussion très fréquent pour les enfants de son âge et son père n’avait jamais pris le temps de lui en parler.
L’intérieur du bâtiment était bien loin de ressembler à ce qu’elle s’imaginait. Elle apprécia tout de même l’ambiance et le calme qui y régnaient.

Père Dellucci était quelqu’un de très gentil. Un peu malicieux, mais surtout très cultivé. Ils discutèrent, jusqu’à ce que la tempête cesse. Il lui parla à la fois de la création du monde selon l’Evangile et de la théorie du Big Bang. Elle ne comprit pas grand-chose, mais elle s’en fichait. Elle avait l’impression d’être considérée comme une grande personne, rien que ça suffisait à garder son attention. Il ne s’énerva pas quand elle lui demanda si Dieu existait vraiment, il lui expliqua calmement les choses en insistant sur le fait qu’elle devait choisir d’elle-même en quoi (ou qui) croire. En ressortant, Lacey avait le sentiment de s’être fait un nouvel ami.

Beaucoup de choses la travaillaient aussi. L’existence d’un être tout puissant qui veillait sur la Terre entière la faisait doucement rire. Honnêtement, elle trouvait ça un peu gros, même ridicule. Seulement c’était différent quand Père Dellucci en parlait. Toute cette histoire paraissait crédible quand les mots sortaient de sa bouche. Lacey éprouvait une sorte de fascination, elle ne tarda pas à retourner le voir pour lui poser plus de questions.

Passer les fins d’après-midi ensemble devint un rituel pour le duo. La petite débarquait, son cartable toujours sur le dos, et discutait pendant des heures avec le trentenaire. Elle ne le lâchait jamais des yeux, le regardant balayer l’allée, allumer les cierges. Parfois elle restait silencieuse et l’observait répandre de l’encens en murmurant des psaumes. Son innocence lui fit demander si le père Dellucci n’était pas Dieu lui-même. La gentillesse de l’homme le fit seulement rire en entendant quelque chose d’aussi saugrenu.

Ce qui marqua à jamais Lacey est une discussion qu’ils eurent presque un an après leur rencontre. Contrairement à ce moment-là, il faisait beau. Même un peu trop chaud. Assise sur un des bancs, le Père remarqua qu’elle avait l’air préoccupée. Quelques dizaines de minutes passèrent avant qu’elle se décide à parler :

«Ma mère n’est pas au bon endroit. » Lâcha-t-elle.

Dellucci se mordit la lèvre.
Tout le monde à Copper Harbor savait ce qu’il s’était passé chez les Landrum. La femme débordée par un travail qui ne lui plaisait pas, puis l’arrivée imprévue d’un enfant et enfin le baby blues qui a suivi. Elle n’a pu supporter rien de tout ça.

« Qu’est ce qui te fait penser ça ? Demanda-t-il.
- Des gens à l’école en parlaient, répondit la gamine. Apparemment les personnes qui partent plus tôt ne vont pas au Paradis.
- Ce n’est pas forcément vrai. Il ne faut pas faire attention à ce genre de généralités ma fille, prendre des raccourcis pour quelque chose d’aussi compliqué n’est jamais une bonne chose.»

Il lui sourit et elle baissa la tête. La réponse ne semblait pas la satisfaire.

«À quoi sert la religion si elle ne permet pas de savoir qui envoyer en Enfer ou au Paradis ? » murmura-t-elle.

Le Père mit de côté le vase qu’il tenait. Il s’approcha, sa soutane noire bruissant légèrement derrière lui et il s‘assit à côté de la fillette.

« La religion Lacey, est quelque chose de propre à chacun. Je te l’ai déjà dit, pas vrai ? »

Il la fixa jusqu’à ce qu’elle acquiesce, avant de reprendre.

« Pour faire simple, je dirai que la religion est ce que tu veux en faire. Elle te donnera toute la force du monde si tu en décides ainsi. Elle est souvent déformée, malmenée mais elle restera toujours quelque chose que chacun a au fond de soi. Parce que la religion n’est pas que la foi, ça peut être aussi de la joie, de la détresse même de la colère ! Certains s’en servent et en abusent, d’autres la considèrent avec sagesse.
-Je ne comprends pas où vous voulez en venir… »

Elle semblait perdue mais il leva la main pour lui faire signe de le laisser parler.

« Ce que je vais te dire scandaliserait sûrement un bon nombre de croyants, mais je pense que beaucoup oublie que Dieu nous a transmis des notions d’amour et de paix, et pas la plupart des choses que l’on peut lire dans la Bible. Elle a été écrite par les hommes après tout, pas par Le Tout Puissant. Je ne pense pas que Dieu punirait quelqu’un qui souffre, ni quelqu’un qui a commis une erreur. Parce que ? »

Haussant un sourcil, il la questionna du regard.

« Parce que le Seigneur pardonne ? Tenta Lacey.
-Exactement, approuva le prêtre, Dieu est miséricordieux. Mets de côté ce que tu as entendu et réfléchis : est-ce que tu penses vraiment que ta maman ne serait pas allée au Paradis parce qu’elle est partie plus tôt ? »

La blondinette fixa le mur devant elle pendant quelques secondes, pesant ses mots.

« Je ne pense pas non, finit-elle par répondre. Parce qu’elle ne voulait faire de mal à personne, elle était juste tellement triste qu’elle a fait une bêtise.
- La religion Lacey, elle est là et ici. »

Il appuya ses paroles en pointant du doigt sa poitrine et son front.

« Pas là. Ajouta-t-il en montrant l’ouvrage posé sur l’autel. Garde bien à l’esprit que la seule vérité est celle que tu crées, pas celle que les autres t’imposent. J’espère que tu t’en souviendras, parce que je ne veux plus jamais que tu sois triste à cause de ça, d’accord ? »

Elle hocha une fois de plus la tête et enfouit son visage dans ses mains pour ne pas laisser entendre le sanglot qui la secoua. Il passa son bras autour de ses épaules et attendit silencieusement qu’elle finisse, lui tapotant le dos pour lui assurer qu’il était là pour elle.

Ce fut le déclic pour Lacey, c’est grâce à ce qu’il s’est passé ce jour-là qu’elle trouva et accepta sa propre foi. Le soir même elle supplia son père pour commencer les cours de catéchisme. C’était une élève assidue, elle se fit vite baptiser mais ne s’arrêta pas là ! Elle passa ensuite sa communion puis sa confirmation.

La religion fit entièrement partie de sa vie et elle essaya de se conduire selon son interprétation, comme le lui avait enseigné Dellucci.

Suite à ça vient son adolescence, qui se déroule sans problème. La blonde continue de se construire sur les berges de sa bourgade, va au lycée le plus proche, a quelques amis avec qui traîner et ramène des notes correctes. Elle continue de parler à son père,  son confident de toujours. Elle lui parle de ses projets d’études, de ses envies de voyage, de grand air. Elle ne comptait pas du tout entrer dans les rangs de l’Eglise à cette époque, malgré la force de ses croyances.

Grandir à Copper Harbor fut sans aucun doute la période la plus heureuse de sa vie.

Seulement, peu de temps après avoir été diplômée, son père eut un accident de bateau. Il sortit de la vie de Lacey, bien trop tôt au goût de la jeune fille. La cérémonie fut simple et brève. Juste après, elle fit ses valises et partit s’enfoncer un peu plus au sud, en plein Wisconsin, où elle entra au couvent.

Un nouveau chapitre de sa vie commença, et encore amère à cause de la mort de son père, Lacey se fit lentement à la vie de nonne. En apparence elle se fondait dans la masse. Jamais en retard, jamais un pas de travers, les corvées toujours bien exécutées. Seulement son esprit vagabondait ailleurs, bien au-delà des murs de sa seconde maison. Elle apprit à s’en contenter. Après les premières années passées là-bas, elle s’investit de plus en plus dans la vie religieuse : organisant des évènements de charité, allant faire de la prévention dans les écoles ou encore en faisant du bénévolat dans les maisons de retraite, les foyers ou les centres pour sans-abris. Elle aimait écrire les jours où elle n’avait rien à faire, se balader, entretenir le couvent et les jardins. Elle s’autorisait parfois des sorties en ville. Lacey aimait ce train de vie, mais s’occuper d’autrui lui permettait surtout de ne pas penser à elle-même et tout ce qui pouvait la préoccuper. Parfois elle se détestait pour ça. Se dévouer aux autres pour oublier sa propre douleur. L'impression d'être entrée dans les ordres pour la mauvaise raison lui collait à la peau.

Environ un an avant l’apocalypse, quelque chose changea. La mère du couvent prit sa retraite et fut remplacée par une autre femme. Une personne acariâtre aux idées et valeurs d’un autre temps.

Les changements furent radicaux. Pour commencer : plus de sorties en ville. Ensuite, le nombre d’œuvres de charité ou de bénévolat chutèrent avant de stopper complètement. Il en allait de même pour les lignes téléphoniques, radios ou le courrier, toutes furent limitées voir coupées. Lacey restait enfermée, à prier et à maintenir l’endroit habitable avec les autres nonnes. Elle avait toujours son petit monde, sa bulle ; la situation était encore supportable. C’était difficile, la nouvelle arrivée l’agaçait au plus au point. Cependant, la jeune fille ne lui donna pas la satisfaction de faire quelque chose qu’elle pourrait regretter par la suite. Les choses ont vraiment dégénéré quand justement la nouvelle mère principale partit avec quelques sœurs à la grande ville la plus proche. Quelques jours après, Lacey apprit que les femmes d’une paroisse de la région avaient bloqué l’entrée d’un planning familial. Elle ignora l’information, elle ne pouvait être sûre qu’il s’agissait de son couvent. C’est ce qu’elle se disait pour ne pas faire face à la réalité. Seulement les faits divers s’enchainèrent. Une manifestation pour les droits des LGBTQ interrompue, des tracts diffamatoires jetés à la sortie d’une synagogue, des panneaux contre l’avortement et le divorce plantés devant les écoles.

La mère avait pour habitude de rédiger un blog. Un site affreux sur lequel elle déversait toute sa haine. Pour occuper ses jours, Lacey eut une idée : créer elle aussi son propre blog. Un site tout aussi affreux, teinté d’un humour bien noir, sur lequel elle déversait les choses les plus immondes sur tout ce qui n’allait pas selon elle dans la société catholique et le monde en général. Et bien sûr, une bonne dose de piques à l’égard de l’affreuse bonne sœur. Les filles du couvent n’apprécièrent que très peu ses propos. La blonde fut jetée dehors et excommuniée presque aussitôt après la découverte du site web.
Elle sentit qu’une autre page de son existence se tournait. Elle obéit donc et partit sans prendre grand-chose avec elle. Elle voulut de regagner la Copper Harbor de son enfance mais c’est à ce moment-là que le monde s’effondra.

Soudainement, le virus et les morts étaient partout. Le chaos, l’apocalypse encore plus effrayante que celle décrit dans les Textes. Lacey fut prise entre les débâcles militaires et la panique de la population. Elle resta bloquée en une zone de quarantaine pendant de longs mois. La vie y était affreuse : conditions d’hygiène déplorables, familles déchirées, la maladie, la faim aussi ! Elle essaya de changer ça, organisant de groupes pour répartir plus équitablement les rations par exemple, sans grand succès. Même le travail n’arrivait plus à l’occuper, elle ne pensait toujours à la même chose : retourner à Copper Harbor. Elle devait à tout prix sortir de là.

L’occasion se présenta d’elle-même quand l’État fut submergé et leur camp laissé à l’abandon. Chacun dût se débrouiller comme il le put. Une partie décida de rester, l’autre de partir. Lacey faisait partie de cette seconde catégorie. Tout fut tellement rapide, elle avait encore du mal à réaliser ou même à comprendre.

L’extérieur était pire que tout ce qu’elle avait imaginé. On aurait dit que le monde était à l’abandon depuis des dizaines d’années déjà. Rien que ça était effrayant, alors les créatures… Elle se souviendra toujours d’une des premières fois où elle y a été confrontée. Avec d’autres survivants du camp, elle était montée à bord d’un camion militaire pour le nord de la région. Elle se rappelle parfaitement des hurlements et des grognements de la meute qui avait essayé de pourchasser le véhicule. Oh ils ne craignaient rien à bord, mais voir ces monstres défigurés, déchirés et purulents s’obstiner la bave aux lèvres… Ça l’avait marqué. Au cours de son voyage pour regagner sa ville natale, elle vit des horreurs en tout genre. Des rôdeurs tous plus mutilés et agressifs les uns que les autres (la vue de la chair et des entrailles l’oblige encore aujourd’hui à détourner le regard).

Seulement ils n’étaient pas le seul danger de l’apocalypse, il fallait aussi se méfier des autres survivants.

Elle était seule avec le conducteur du camion, tous leurs compagnons étaient déjà descendus, certains avaient même péri. L’homme cherchant à gagner la côte, elle lui proposa de rouler avec elle jusqu’à sa bourgade. Il accepta et ils firent un bon bout de chemin ensemble. Quelques kilomètres seulement avant d’arriver, un énième problème leur barra la route. Littéralement. Un groupe armé avait installé un barrage. Ils leurs avaient refusé le passage, même contraint de faire demi-tour, gardant jalousement le territoire qu’ils s’étaient eux même appropriés. Une parcelle de terre, pas si grande que ça, mais assez pour séparer Lacey et l’homme qui l’accompagnait de leur destination. Le coin était perdu, ils n’auraient pas assez d’essence pour contourner leurs opposants et n’en trouveraient probablement pas à temps.

La nonne était patiente, elle allait trouver une solution. Elle ne s’inquiétait pas trop. Elle envisageait même de négocier !
Mais pas son camarade. Il était fatigué de tout ça, déjà épuisé mentalement par tout ce qu’ils avaient traversé. Sur le point de craquer, prêt à faire quelque chose de regrettable, ce que la jeune femme ignorait alors.

« J’ai en juste assez, vous comprenez ma sœur ? » Lui avait-t-il dit en se massant le front.

N’ayant pas d’autre option pour le moment, ils décidèrent de s’arrêter pour se reposer et de voir comment passer le lendemain.

Lacey dormait donc à l’arrière quand les roulis du camion la réveillèrent. Il faisait encore nuit. Surprise, elle tenta de se mettre debout mais ses jambes, encore endormies, ne supportèrent pas son poids. Elle tomba à genoux et releva la tête en remarquant une vive lumière, qui se rapprochait de plus en plus vite. Elle se frotta les yeux, les plissa, ne comprenant toujours pas ce qu’il se passait. Elle appela le conducteur : aucune réponse.

Elle comprit.

Le véhicule fonçait à toute vitesse sur le barrage, les coups de feu se mirent à siffler quand ils furent assez près, ricochant sur la carrosserie. Elle hurla, roula sous la banquette par réflexe et eut juste le temps de se recroqueviller sur elle-même avant l’impact.
Il y eu un bruit énorme, le choc l’était d’autant plus. Lacey le ressentit même à l’arrière, la carcasse entière trembla. Sa tête heurta violemment le banc au-dessus d’elle. Elle cria de plus belle, de douleur cette fois.

Quand elle se sentit immobile, bien que sonnée, elle se força à sortir de son abri. L’avant du camion était complètement défoncé, aucune chance que le conducteur ait survécu. D’ailleurs le moteur ne faisait plus aucun son, il avait sans aucun doute était bousillé au moment du crash lui aussi. Les occupants du barrage ne se faisaient pas entendre. Elle s’approcha de l’arrière du camion, jetant un rapide coup d’œil. Un trou béant crevait le milieu de la construction, le reste commençait déjà à s’effondrer.

Elle pensa en déglutissant difficilement qu’il ne devait pas avoir de survivants. Elle était seule. Elle sauta à terre, se réceptionna comme elle put et regarda les environs d’un air hagard. Une partie d’elle voulait juste prier pour que ça cesse, l’autre l’inciter à se calmer pour procéder par étape. La blonde se donna une claque sur les joues pour se reprendre et s’approcha des ruines. Si elle trouvait un véhicule et qu’elle partait maintenant, elle avait une chance d’échapper aux autres membres du groupe qui n’allaient sûrement pas tarder à rappliquer avec le fracas qu’avait causé l’attentat.

En lisière de la forêt, il y avait une voiturette de golf. C’était mieux que rien. De toute façon sans le permis il aurait été compliqué de conduire autre chose.

Elle prit la fuite, évitant les routes principales. À l’aube, elle atteignit Copper Harbor.
La zone était relativement épargnée par les créatures. Le groupe juste avant devait faire un ménage assez efficace pour que si peu atteignent la ville.
Par contre, quelque chose clochait. L’église était barricadée, une véritable forteresse. Chaque fenêtre étaient condamnées et la porte avait été solidement renforcée. Le  cœur de Lacey se mit à battre à la chamade.

Elle klaxonna une dizaine de fois et abandonna la voiturette en marche pour attirer les monstres, puis courut jusqu’au parvis. Elle sentait son sang battre à ses tempes, elle n’entendait plus que ça.

Une fois sur le parvis, elle profita de la courte diversion que lui offrait son plan pour tambouriner à la porte en appelant à l’aide. C’était tout au rien. Soit on lui ouvrait et elle survivait, soit il n’y avait plus personne depuis longtemps et elle se ferait dévorer par la dizaine de monstres qu’elle avait attiré.

Les gonds grincèrent et un petit passage s’offrit à elle. Elle écarquilla les yeux, étonnée, et s’y engouffra précipitamment avant de refermer la porte tout aussi rapidement, la poussant avec son dos. Sa respiration était haletante, elle expira un bon coup. La jeune fille crut qu’elle allait s’évanouir avec l’adrénaline.

Ce qu’elle fit pour de bon, quand elle croise la regard de son vieil, vieil ami.

Père Dellucci avait été tout aussi surpris de voir Lacey arriver en trombe dans son église, qui plus est en habit de religieuse. Il ne l’avait pas revu depuis la mort de son père. Leurs retrouvailles tenaient du miracle. Il lui offrit un bon repas et la prit dans ses bras quand elle reprit connaissance.

Ils passèrent la nuit à relater les évènements des dernières années. Il expliqua qu’il avait refusé de quitter le village quand les choses ont dégénéré, même si l’armée avait offert une protection. Il lui fit part aussi de ses craintes, des morts de plus en plus nombreux qui arrivaient. Que le gibier se faisait rare avec leur venue et du ravage qu’ils causaient dans le petit potager qu’il avait créé pour survivre. Il était désolé mais Lacey arrivait trop tard : Copper Harbor n’appartiendrait bientôt plus aux vivants.

La nouvelle fut difficile à avaler. Le prêtre lui expliqua qu’il n’était pas nécessaire de rester plus longtemps, qu’il avait de toute manière décidé de partir bien avant son entrée fracassante. C’était dur pour la blonde, mais dès le lendemain ils firent leurs bagages. Le duo récupéra une vieille jeep dans un garage du voisinage et encore une fois, Lacey quitta son chez elle. Cette fois elle ne le reverrait plus jamais.

Ils trouvèrent leur havre de paix dans le Wisconsin. Une ferme isolée de tout, complètement perdue sur une colline (idéal pour voir le danger arriver de loin) et entourée par la forêt pour le reste.  Elle avait une bonne clôture, un puit et du bétail (redevenu sauvage mais qui avait pu survivre grâce à la richesse de la terre). Les propriétaires avaient sûrement laissé les bêtes derrière eux dans la précipitation. L’endroit était pour l’instant inoccupé par les rôdeurs. Un vrai paradis !

Ils eurent beaucoup de travail au début : reconstruire ce qui n’avait pas passé l’épreuve du temps et surtout renforcer, barricader, protéger. Le prêtre et son amie retrouvèrent leur complicité. Il plaisantait sur le fait qu’elle était entrée dans les ordres, elle répondait qu’il ne se faisait plus tout jeune. Tout se passait pour le mieux.

Ils accueillirent leurs premiers voyageurs quelques mois après. Ils leurs offrirent gîte et couvert. Bien sûr tous visiteurs n’avaient pas de bonnes intentions. Une fois notamment, l’endroit fut dévasté par une dizaine de personnes, leur jeep volée par la même occasion. Lacey et Dellucci furent laissés en vie parce qu’ils savaient s’occuper de la ferme. Ils furent ordonnés de fournir tous les mois une quantité de vivres exubérante. Seulement ses personnes-là ne revinrent jamais. Aucun d’eux n’en parlèrent, mais ils savaient très bien pourquoi personne n’était venu réclamer le tribut.

Ce monde n’était plus sûr et même les mieux armés avaient du mal à s’y faire une place. La mort d’autant de personne, aussi détestables soient elles, donnait la nausée à la jeune fille.
Environ deux ans passèrent, la ferme était toujours habitée. Les deux comparses n’avaient plus eu de véritables ennuis avec d’autres survivants si ce n’est une razzia de temps en temps, par des gens à bout de force. Ce n’était pas grave, Dellucci et elle s’étaient mis d’accord. Il fallait donner à ceux qui en avaient besoin. Ils étaient même attristés quand ils ne revoyaient plus les mêmes personnes pendant un temps. La plupart d’entre eux avaient dû finir comme le groupe qu’ils avaient premièrement rencontré. Dans ces cas-là, ils laissaient exceptionnellement brûler une bougie pendant la nuit.

Aussi, quelques monstres venaient troubler leur « tranquillité » mais c’était loin d’être aussi chaotique qu’en ville selon les voyageurs de passage. C’était tout de même assez pour dégoûter profondément Lacey, contrainte de s’en charger quand le Père ne pouvait pas. Elle espéra même construire un endroit autonome pour rassembler et protéger ceux qui auraient envie de s’installer durablement.

Or pendant ce temps-là, les morts ne pouvaient plus se contenter de la chair de villes. Bientôt, ils eurent encore faim et s’avancèrent dans les campagnes. À la fin de l’été 2016, une horde atteignit la ferme. Les créatures marchèrent pendant des jours, l’encerclant progressivement. Ils étaient déjà sur eux quand le duo s’en rendit compte. La forêt qui les avait abrité les retenait maintenant prisonniers. Ils n’eurent d’autres choix que de tenter une sortie à pied dans la précipitation.

C’était comme si l’enfer de 2014 recommençait : la débâcle et la peur. Elle courut, tenant fermement la main du Père Dellucci, plus vite qu’elle ne l’avait jamais fait. Fuyant sous les cris du troupeau et des rôdeurs qui étaient sur leurs talons. Seulement son ami se faisait vieux comme elle avait l’habitude de lui dire pour plaisanter. Il trébucha et s’écroula sur le sol, rompant le contact. La nonne se retourna voyant un premier monstre se jeter sur lui en hurlant. Elle attrapa de justesse son bras et le tira de toutes ses forces pour le relever. Elle s’enfonça dans les bois, gémissant sous le poids du prêtre qu’elle trainait presque.

Survivre ce oir-là était un autre miracle. Trouver cette petite cabane de chasse aussi. Seulement le mal était déjà fait, Dellucci avait été mordu. Elle passa la nuit avec lui, n’arrivant même pas à le pleurer. Au petit matin, l’homme qui peinait à rester conscient, lui demanda de partir. Ils n’avaient pas distancé les sangs noirs de beaucoup et ils finiraient par retrouver sa trace en continuant dans cette direction. Les deux amis se dirent au revoir une dernière fois, elle prit ses affaires et son chapelet en souvenir, ne lui laissant qu’un couteau. Elle bloqua la porte comme elle le put pour être sûre que personne ne viendrait le déranger. Elle ne se retourna pas une seule fois, utilisant sa foi pour se donner de la force, comme on lui avait appris. C’était dur, tellement dur qu’elle crut qu’elle n’y arriverait pas.

Elle erra un certain temps dans la forêt. Si elle n’avait pas eu connaissance des lieux, elle y serait sûrement passée. Elle prit conscience des choses et décida qu’elle ne s’en sortirait pas toute seule. Il fallait qu’elle rejoigne la civilisation. Mais où ? Comment ? Pour la première fois depuis longtemps, elle sentait qu’elle était danger. Plus que ça : elle était perdue, ne sachant ni où aller ou quoi faire.

Elle n’avait plus rien, alors elle improvisa.

Lacey avait peur. Son expression indéchiffrable était toujours là, mais son sourire avait fané. Jusqu’à des mois de trajet l’attendaient, elle n’avait aucune idée de comment survivre aux créatures et aux survivants hostiles tout ce temps-là.

Elle choisit d’être prudente : pas de feu la nuit, des périodes de sommeil très courtes et surtout hors de question de passer par la grande route, quitte à faire un détour. Il était bien plus facile pour elle d’échapper à des personnes mal intentionnées au milieu des arbres. Et surtout, elle pouvait se procurer à manger et à boire ici quand elle n’aurait plus de vivres.

Son aventure prit une toute autre tournure quand quelques jours après elle rencontra deux sœurs, des vagabondes que Dellucci et elle avaient logé pendant quelques jours. Elles lui parlèrent de Detroit. Apparemment la ville s’organisait, des groupes y voyaient le jour. Elles essayaient d’ailleurs d’en rejoindre les abords pour voir si la vie là-bas en valait le coup.

C’était inespéré ! Lacey demanda à faire la route avec elles. Les jumelles acceptèrent, plus pour ne pas avoir une mort sur la conscience que pour les capacités de la bonne sœur.
Elle n’aurait sûrement pas survécu sans les vagabondes, et elle n’aurait certainement pas atteint Detroit. Pour échapper aux rôdeurs ou à d’autres, il n’y avait pas mieux que ces filles. La blonde se demanda même si elles n’étaient pas d’anciennes militaires, elles avaient ces manières et cette façon de penser propres aux soldats.

Elle finit affamée, assoiffée et épuisée mais après des mois de fuite, les contours de la ville se dessinèrent au loin. Ses escortes la laissèrent ici, avec les bâtiments en vue, préférant en faire le tour et voir s’il n’y avait pas d’autres installations.

Lacey soupira, elle y était enfin.