Sujet: Tu t'es fait piquer depuis le début de ce bordel ? - Ft. Ezra Jeu 11 Avr 2019 - 2:13 | |
Après une journée de travail, je me pose sous mon porche une cigarette entamée entre mes doigts. Je ne sais pas si je dois l’allumer, il ne m’en reste qu’une dans le paquet et je n’ai pas envie d’imaginer ces prochains jours sans clope. Les journées sans ont bien faillis me tuer, sur les nerfs, je ne réfléchissais pas normalement. Combien de fois ai-je risqué ma vie pour des paquets de clope ? Cela m’a toujours rendu fou, même avant le début de toute cette merde. Pour ce poison, j’ai volé et j’aurai pu tuer si j’étais obligé. C’est pour ça que je dois m’abstenir d’en fumer une ou même plusieurs par jours. Les clopes sont sur le point de disparaître de notre paysage.
Alors posé sous le porche, je porte ma clope éteinte jusqu’à ma bouche et je regarde la communauté vivre devant mes yeux, en laissant vaguer mes pensées sur tout et n’importe quoi. Pour la première fois, je ne suis pas obsédé par ma survie, ni par les potentiels dangers que peuvent représenter cette communauté. Pour une fois, je me détends, je profite de cette sécurité. Je me repose, je ressens la chaleur d’un soleil qui va bientôt s’effacer de mon horizon. Cela fait du bien de ne pas penser que cette femme passant avec sa poussette tout en me saluant poliment ne va pas mourir bouffer par un mort-vivant, du moins si elle est chanceuse. Non là, je l’imagine mourir tranquillement auprès de ses petits enfants. Je n’imagine pas ce vieil homme se réveillant une nuit pour déguster à petit feu sa femme qui dormait à point fermé. Non, il reste endormi. J’ai du mal à l’accepter mais c’est peut-être une aubaine mon séjour ici. De là à m’imaginer vivre des jours heureux ici ? Non, je n’y suis pas. J’ai peur de m’imaginer perdre cet instinct qui m’a gardé en vie tout ce temps. Je ne veux pas m’y habituer mais là, je me permet de me détendre, sans réfléchir, je suis en train de sourire comme un idiot.
S’il y a 3 ans je m’étais imaginé heureux à rester devant une maison de banlieue à profiter d’une clope éteinte, je me serai baffé, pire encore, je me serai sans doute foutue une balle dans la tête. Je ne suis pas le genre de mec à vivre en banlieue. Je suis un mec de quartier et pourtant… cela est sans doute la preuve que l’apocalypse change les gens… Ici, on est sans doute des personnes aux vies différentes. Sans doute y a-t-il une partie d’entre nous qui ne s’étaient jamais imaginé sous un porche à profiter d’un bon bain de soleil. Sans doute ce mec au corps tatoué ne s’était jamais imaginé promener son clebs dans un quartier aux maisons blanches comme la peau de mon cul et aux jardins aussi bien tondus que ma gueule d’imberbe.
D’ailleurs, en observant ce mec une seule question trotte dans ma caboche : est-ce qu’il s’est fait tatouer avant le début ou est-ce que cette communauté a le luxe d’avoir un tatoueur attitré ? Pour en avoir le coeur net, je m’avance vers lui ma clope éteinte toujours dans la bouche. Salut !
Je laisse un moment de silence, me permettant de reprendre ma clope, cela va être plus simple de parler.
Tu t’es fait piquer depuis le début de ce bordel ? Je lui demande en pointant du doigt ces tatouages qu’il laissait paraître en se promenant torse nu.