Né dans une petite ville du Canada, Thompson. James Aaron est le premier enfant d’une fratrie de seulement deux garçons, son petit frère naquit trois ans après lui. Jusqu’ici on pouvait considérer l’enfance du jeune Whitmore comme normal, mais comme vous le savez déjà la vie n’est qu’une succession d’obstacles qu’il faut franchir tout en profitant des petits plaisirs. Voilà donc, James à maintenant cinq ans et ces parents finissent par ceux séparer après quasiment deux ans de disputes violentes et bruyantes. Difficile de se construire convenablement lorsqu’on est gosse dans ce genre d’environnement. Quoi qu’il en soit après le divorce, c’est le père qui a récupéré la garde des enfants suite à la disparition de la mère ayant banni d’un simple revers de la main trois hommes de sa vie. Il me semble bien que ce fût la dernière fois que James voyait sa mère.

Les années passèrent et le père s’était trouvé une nouvelle femme ni gentille, ni vraiment méchante avec les enfants. Elle avait essayé de s’en occuper comme elle pouvait, sachant qu’elle n’aimait guère les enfants. Le père quant à lui, avait développé au fil des années, une addiction à l’alcool qui se faisait de plus en plus marquante. Il était rarement présent à la maison suite à son boulot et quand il s’y trouvait, il sentait l’alcool et s’avérait être autant absent que lorsqu’il était en déplacement. Au final, James se retrouvait à grandir seul malgré son entourage sans compter, que son empathie, l’avait amené à prendre son frère sous son aile. Il prenait soin de lui comme s’il était son propre enfant, s’assurant tous les jours qu’ils n’oubliaient rien pour l’école, lui lisant une histoire tous les soirs pour qu’ils puissent s’endormir, le rassurant lorsque des cris se propageaient dans la maison au même rythme que la verrerie cassée. Bref, comme vous l’auriez compris James ne vécut pas une vie convenable pour un enfant, laissant très peu de place à son propre développement et mettant très rapidement de côté son insouciance et sa naïveté.

Contrairement, à ce que l’on pourrait penser plusieurs années passèrent avant que les effets néfastes de leur environnement commencent à se faire sentir. Le petit frère toujours perdu et marginalisé s’enfonça très rapidement dans la drogue lorsqu’il seize ans. Quant à James, à 19 ans et en échec scolaire au début de la fac, commença à se sentir seul comme il ne l’avait jamais été puis avec ces échecs se fût toute l’image de soi et sa confiance qui s’effondra peu à peu. Le jeune homme avait arrêté de suivre les cours, il eut quelques expériences avec la drogue sans continuer dans cette voie, puis il commença à tout simplement disparaître. Seul, incompris et rabaissé, James décida de partir du jour au lendemain pour une nouvelle destination, peut-être une nouvelle vie espérant mettre derrière lui dix-neuf années ratées.

Montréal, c’est la ville que le jeune homme avait choisi pour débuter sa nouvelle vie. Enfin du moins, il allait essayer. Loin de ses parents de plusieurs centaines de kilomètres, James bien que pessimiste dans cette période gardait au fond de lui, un curieux espoir de pouvoir arranger les choses dans cette ville. Le début fût loin d’être facile malgré l’argent qu’il avait mis de côté, l’hôtel s’avéra être  un gouffre et ceux même avec les petits boulots qu’il enchaînait. Il passa part l’étape du mécanicien, puis du serveur, sans compter celui du vendeur, de la manutention etc. Bref, vous l’auriez bien compris tout était bon pour faire rentrer un peu d’argent sur son compte.

Après plusieurs mois, les choses commençaient à s’arranger. James avait réussi à mettre suffisamment de côté pour s’entretenir, il avait même réussi à trouver un boulot plus passionnant et mieux payé, en tant qu’apprenti fauconnier. C’est d’ailleurs sur son lieu de travail qu’il rencontra celle qui allait devenir l’amour de sa vie, celle qui l’avait attendu pendant près de vingt ans. Il le sût au moment où il croisa son regard, une explosion de sentiments, une tornade d’émotions, une cascade réaction physiologique. Le coup de foudre dans toute sa splendeur. Je vous épargne les détails, mais c’est à partir de ce jour que le jeune Whitmore tel que tout le monde le connaît est né. Très rapidement, il entama une relation passionnelle et s’intégra rapidement à sa nouvelle famille, grande fratrie de sept enfants dont Faith, sa compagne, s’avérait être la cinquième âgée de 19 ans.. En plus de l’amour qui lui tomba dessus, James trouva dans cette famille l’environnement qu’il avait manqué durant toute son enfance et c’est à partir de ce moment que l’homme pu apprendre à se connaître, à se développer.

Continuant pendant quelques temps son travail en tant que fauconnier, il obtint sa certification à 23 ans et continua durant  deux ans. Lentement, mais sûrement le jeune homme commença sa nouvelle vie s’installant dans un appartement  avec sa femme alors enceinte. Un peu plus sûr de lui et se découvrant une véritable passion pour la psychologie. James décida d’allier sa fascination pour le plus bel et complexe des organes existants, le cerveau, avec sa nouvelle passion et contre toute attente après mûre réflexion. James commença de nouvelle étude afin de devenir chercheur en psychologie cognitive afin d’offrir une meilleure condition de vie à sa famille ainsi qu’un travail qui le captiverait jusqu’à la fin de sa vie. Durant de longues années d’études, il s’arrangea pour travailler en parallèle tout en essayant de profiter un maximum de sa femme et de sa fille, Margot. Sept ans plus tard âgé alors de 32 ans, il obtint son diplôme et fut engagé dans le laboratoire dans lequel il avait travaillé en tant que stagiaire durant deux années consécutives avant la validation de sa thèse. Sa fille avait maintenant six ans et le premier cadeau que lui fit son père après l’obtention donc diplôme fut de lui acheter un cheval ressemblant à deux gouttes d’eau à la peluche ou plutôt son « nain-nain », qu’elle n’avait jamais quitté depuis sa naissance. Il se rappelle comme si c’était hier, l’expression de son visage s’illuminant à la vue de son cheval. Il n’y avait rien de plus agréable pour un père de voir le bonheur et l’euphorie emplir son enfant.

Une fois cette longue période terminée, la routine s’installa quelques peu dans la famille Whitmore comme dans tout bon foyer à vrai dire. James avait maintenant plus de temps à passer avec sa famille et il s’y appliquait chaque jour, comme s’il désirait rattraper le temps perdu qu’il n’avait pas pu leur consacrer durant ces dernières années. Tout allaient à merveille dans le meilleur des mondes, c’était bel et bien le cas jusqu’à ce jour fatidique qui bouleversa l’intégrité de l’humanité. Le jour du jugement dernier avait pris la forme d’une épidémie mondiale qui avait, en l’espace de quelques semaines, quasiment transformée l’intégralité de la population humaine en cadavre ambulant assoiffé de sang.

Les premiers jours avaient été particulièrement difficiles, James et Faith avaient décidé de prendre les choses en main à la place d’attendre un gouvernement menteur et dépassé. Ils avaient rapidement emporté le nécessaire et était parti se réfugier chez la belle famille, après avoir réussi à téléphoner pendant qu’il était encore possible de le faire. Ces derniers habitaient à quelques kilomètres en dessous de Montréal, dans une ancienne ferme aménagée, qui offrit quelques jours peut-être même semaine de répit aux groupes. Plusieurs membres de la famille semblaient avoir eu la même idée et étaient venus se réfugier chez leur parent, si bien que le groupe comptait une dizaine de personnes dont la moitié composée d’enfants. Le groupe s’agrandit petit à petit, quelques survivants passaient par la maison et décidaient de rester lorsque James insistaient sur le fait que leur seul moyen de s’en sortir était de tous coopérer pour un même but : celui de survivre à tout ça.

Après quelques mois, les choses commencèrent à se gâter un peu. Les armes à feu n’étaient pas nombreuses dans l’enceinte de la ferme, la plupart étaient équipé d’arme blanche permettant d’éliminer les rôdeurs solitaires qui se faisaient de plus en plus nombreux au fil du temps. Tous les infectés de la ville de Montréal commençait à s’échapper vers de nouveaux horizons, ce qui expliquait la présence de plus en plus régulière de ces monstres autour du périmètre. Lorsque vint le moment de la confrontation au sein du groupe pour déterminer s’il fallait partir ou non, la plupart des membres apeurés de ce qui se trouvaient dehors votèrent contre le départ. James soutenu seulement par sa femme et la sœur jumelle de cette dernière, cria au scandale en insistant sur le fait que si les choses tournaient aux drames ils auraient tous leur part de responsabilités. Ne pouvant rester à rien faire, James prépara de son côté un plan de secours au cas où. Il y avait dans la grange un van qu’il prit soin de remplir d’essence, de provisions en tout genre, vêtements, nourriture, eau, arme et autres. Finalement, le jour qu’avait prédit James fini par arriver un peu moins de deux semaines après le vote.

Malheureusement, comme tout le monde en a déjà fait l’expérience, le premier signal entendu dans ce genre de situation est un cri d’effroi annonçant l’arrivée de la faucheuse. Les choses se passèrent alors très vite, une petite horde passée non loin de la ferme et le cri venait d’attirer la majorité en direction de cette dernière. Sous armé, il était impossible de lutter pour conserver l’endroit il ne restait plus qu’à fuir avec le van préparé pour l’occasion. Cependant, il était déjà trop tard pour survivre à cet évènement sans coup dur. Outre un blessé mordu à l’épaule et la perte de deux hommes, on déplora surtout la mort du grand-père de Margot qui préféra mourir chez lui que de vivre en fuyant. On ne sait guère si ce fût un élan de lâcheté ou de folie qui le poussa à agir ainsi, mais James se souviendra toute sa vie de cette scène. Cet homme qui s’est laissé assaillir par la horde à bras ouverts devant les yeux de sa famille, un évènement traumatisant qui le marquera à jamais, mais ce qui l’effraya encore plus c’est qu’il réalisa que le nouveau monde avait commencé à affecter la psychologie des derniers représentants de l’espèce humaine. Le monde n’allait faire que s’assombrir avec le temps, car l’instinct de survie est incontrôlable chez l’homme et comme le dit si bien l’adage : L’homme est un loup pour l’homme.

Une vie de nomade débuta alors pour le groupe. Cela dura plusieurs mois, abandonnant les véhicules les uns après les autres à cause du manque de carburant, fouillant les maisons les unes après les autres à la recherche du moindre objet utile pour la survie du groupe. La route avait amené le groupe plus au sud arrivant dans les environs de Toronto, c’est près de cette ville qu’ils firent la rencontre avec d’autres survivants à premières vues non-hostile avec les âmes en peines. Mais ce jour-là allait hanter à jamais le pauvre James, ce fut le début de l’effondrement de son monde.

L’aube venait de se lever depuis quelques minutes, James beaucoup trop préoccupé à la sécurité de chacun n’avait pas dormi depuis plusieurs jours, faisait le guet tant bien que mal à la fenêtre d’une maison qui leur servait de logement de fortune. Sa fille dormait près de lui, sa tête poser sur les jambes de son père tandis qu’il scrutant minutieusement l’extérieur à la recherche du moindre signe de danger. Un mouvement à l’orée du petit bois, à environ 25 mètres de la maison avait captivé  son attention. Un mouvement fluide et rapide, ne correspondant en rien à un rôdeur, mais plutôt à un humain. Méfiant, James observa encore deux minutes par la fenêtre pour finalement se lever délicatement sans réveiller les siens.  Il glissa sa hachette derrière sa ceinture et pris l’un des rares pistolets que le groupe possédait afin  d’aller jeter un coup d’œil dehors. Il fit lentement le tour, s’enfonçant un peu dans les bois avant de se retrouver derrière l’homme qu’il avait aperçu se tenant adosser contre un arbre pour reprendre son souffle. Ni une ni deux, James leva son arme derrière la tête de l’inconnu tout en déployant se « clic » si caractéristique d’une arme venant de s’armer.

L’homme totalement apeuré et blessé, ne tenta rien à part essayer de convaincre James de ne pas tirer. Un choix difficile pour James qui oscillait entre la facilité de le tuer pour protéger les siens ou laisser agir son humanité et son altruisme en voie de disparition, pendant que l’inconnu plaidait sa cause racontant qu’il avait été séparé de son groupe pendant un raid et qu’il devait se trouver non loin d’ici. Il invita même les membres du groupe à les suivre, annonçant qu’il faisait partie d’une petite communauté qui accueillait quelques égarés. La main tremblante, le regard sombre plongeait dans celui de l’inconnu James n’arrivait guère à croire en ces propos et lutter à chaque instant pour ne pas descendre cet homme.  Cependant, l’arrivée inopinée de sa fille le força à ne pas tirer. Pris de court par les évènements, James ordonna à l’homme de déposer son couteau avant de lui demander de se tourner pour l’assommer à l’aide de son arme de poing.

Quelques minutes plus tard, James distribua quelques claques à l’étranger afin de le réveiller. Celui-ci avait été préalablement ligoté aux poignets avec une corde pendant que James tenait le second bout de la garde afin de garder un œil sur leur prisonnier et guide. Bien que l’inconnu semblait présenter une certaine animosité envers le père de famille, il commença à marcher en direction de sa communauté valorisant cette dernière à tour d’arguments qui peinait à convaincre le leader. Après une bonne heure de marche, le groupe semblait presque arrivait à destination près d’une zone de rencontre établie au préalable afin de récupérer les membres disparus lors de sorties. Des marques étaient présente sur les arbres afin d’indiquer la direction à prendre. Quelques minutes de marches silencieuses passèrent avant que les bruits gutturaux des rôdeurs ne se fassent entendre, un léger groupe de rôdeur se trouvait en contre-bas. Ces-derniers ne pouvant pas monter, les survivants étaient à l’abri, mais soudainement un coup de feu se fît entendre. Il provenait apparemment du point de ralliement, ce qui affola brutalement l’étranger qui s’enfuit en courant, échappant à James qui tenait la corde et ceux sans manquer, dans sa précipitation de bousculer un membre du groupe. Ce-dernier perdit l’équilibre et commença à dévaler la pente sans manquer d’entraîner dans sa chute la petite fille de dix ans.

Sans hésiter une seule seconde, James avait dévalé la pente à vive allure s’étalant une fois sur le sol violemment, enchaînant une ou deux roulades avant d’arriver en bas dégainant sa hachette à défaut de l’arme de poing qu’il avait lâché durant sa chute. Il se fraya un chemin jusqu’à sa fille, balançant de grand mouvement ample pour frapper les rôdeurs. Margot pleurait de douleur et de peur, serrant contre elle sa peluche, sa jambe avait été cassée durant la dégringolade. James désemparé fracassa le crâne de trois autres rôdeurs avant de ramasser l’arme de poing retrouvé et de prendre sa fille à bras pour s’enfuir. Il était déjà trop tard pour porter secours à leur allié toujours allongé sur au pied d’un arbre alors que les démons l’encerclaient pour se partager le repas. James courait aussi vite qu’il le pouvait, longeant le dénivelé en direction du point de ralliement en attendant de pouvoir remonter. Il avait ordonné au reste du groupe de retrouver le prisonnier et sa communauté avant que l’opportunité d’un endroit sûr ne leur passe sous le nez.

La jeune fille continuait de pleurer alors que James essayait désespérément de s’enfuir, mais les choses se gâtèrent rapidement et un nouveau groupe de rôdeurs leur bloquait la route. Il n’y avait à ce moment aucune issue possible, il déposa sa fille au sol lui ordonnant de rester juste derrière lui pendant qu’il la protégerait de ces monstres. Un coup de feu. Puis deux, trois et ceux jusqu’au septième et dernier. Les rôdeurs étaient toujours trop nombreux, saisissant sa hachette c’est au corps-à-corps que James continua le combat. Déchaînant sa rage, sa colère, sa haine rendant ses coups de plus en plus puissants, ses cris de plus en plus sauvages pendant que le sang remplaçait peu à peu le blanc de son T-shirt. Puis un cri strident de douleur le fit brutalement sortir de sa frénésie alors qu’il se tenait debout victorieux. Margot s’était lentement éloignée de son père, peut-être par peur de le voir ainsi, mais elle avait suffisamment reculé pour qu’un rôdeur finisse par l’attraper et la mordre. Désemparé, perdu et en pleure, le trentenaire libéra sa fille après avoir éliminé son agresseur. C’était son épaule qui avait été mordue, il était trop tard. Implorant le pardon de son enfant, se considérant coupable de cette tragédie, il prit cette dernière dans les bras afin de la serrer une dernière fois dans ses bras. Elle offrit alors à son père un dernier sourire, un je t’aime et lui confia sa peluche pour qu’il en prenne soin. Et puis, dans un élan de courage abominablement ravageur James enfonça la lame de son couteau dans la tempe de son enfant tout en éclatant en sanglot. Il resta quelques minutes à se lamenter, à se haïr, à contempler l’implosion de son univers avant de décider de rejoindre le reste de son groupe, en portant le corps inerte de sa fille.

Le regard vide, comme si aucune expression, aucune émotion, aucune vie semblait habiter l’esprit de James. Il avançait en direction du point de ralliement, tout le monde était là. Le groupe, les membres de la communauté et le prisonnier qui était maintenant libre de ses mouvements. L’ambiance changea du tout au tout lorsqu’ils aperçurent de loin un seul homme revenir vers eux, Faith poussa un cri puissant de douleur et de tristesse avant de s’effondrer tandis que James, les larmes aux yeux et silencieux déposait le corps de sa fille. Il s’arrêta quelques secondes admirant une dernière fois les traits de sa fille avant de se diriger vers l’homme qu’il les avait guidés jusqu’ici. Dans le plus grand excès de rage qu’il ait connu de sa vie, l’ancien père de famille frappa l’homme au visage de toutes ses forces enchaînant alors sur un coup de pied au même endroit. Plaquant alors l’homme au sol, il continua à le frapper sans jamais s’arrêter, l’accusant en hurlant qu’il avait tué sa fille. Entré dans un état second, James continua à frapper ne se souciant à peine des plaies sur ses mains. La douleur, la raison rien ne semblait pouvoir le sortir de cet état. Finalement, se fût la fatigue musculaire qui l‘emporta faisant lâcher prise James,  laissant alors au sol un homme défiguré en pleine convulsion. L’altruiste, le bienveillant et attentionné Mr Whitmore venait de tirer un trait sur son ancienne identité en tuant pour la première un être vivant.

Quelques semaines plus tard, les choses avaient bien changé. James avait chuté de sa position de leader et avait laissé l’homme en charge de la communauté gérer cette dernière maintenant que le groupe avait été accueilli ici. Comme pris de mauvaise nostalgie, le trentenaire se retrouvait de nouveau solitaire, seul dans son coin, dans son cœur. Il n’avait toujours pas trouvé la force de passer outre cet évènement et revoyait la scène devant ses yeux à chaque fois qu’il essayait de fermer ces derniers. Bref, l’ancien leader n’était aujourd’hui qu’un homme détruit qui ne se rendait utile au groupe seulement lors des raids. Les autres membres de la communauté avaient entendu de la rumeur racontant que l’un des leurs avait été battu à mort par l’homme brisé qu’était James, forcément peu de gens semblaient vouloir l’approcher et ceux qui l’avaient connu avant ne semblaient pas non plus se préoccuper beaucoup de lui. Ils semblaient tous avoir trouvé leur bonheur ici, même Faith semblait accepter la disparition de sa fille plus facilement. Peut-être était-ce tout simplement parce qu’elle avait rejeté la faute sur son mari et qu’elle n’approuvait ni son comportement actuel ni certain de ses choix passés. Alors qu’en contrepartie, elle semblait s’investir de plus en plus dans la communauté et semblait tout autant se rapprocher du chef des lieux, homme charismatique et respecté qui voyait en James en danger depuis le premier jour, mais qu’il avait accepté de le laisser vivre avec eux sans que l’on sache la raison de ce choix.

Et les choses ne s’arrêtèrent pas là, le solitaire continuait doucement sa descente aux enfers. La dernière partie de son monde, de son univers s’effondra à son tour le jour où le rapprochement de sa femme, ou bien ex-femme, et du chef des lieux se conclut par une véritable relation. James les avait surpris s’embrassait puis disparaître tous les deux quelques instants. S’il avait pensé au début se laisser emporter par la colère pour cette offense, cette trahison il laissa finalement passé cet acte sans broncher. Au fond de lui, il pensait que c’était un juste retour des choses, sa punition pour la mort de sa fille dont il se sentait responsable. Cependant, s’il y a bien une chose que James apprit avec le temps, c’est que dans ce nouveau monde les choses ne sont pas faites pour durer qu’elles soient bonnes ou mauvaises et que la situation peut toujours empirer. Ce deuxième il l’apprit à ses dépens dans le dernier paragraphe que je vais vous narrer.

Une sortie était prévue afin de fournir quelques denrées nécessaires à la communauté. Jusque-là rien d’anormal excepté peut-être que le groupe partant pour l’expédition, était un peu plus nombreux que d’habitude on comptabilisait six hommes au total, dont le leader de la communauté prenant la tête de l’expédition. Pour un homme méfiant qui s’y connaissait en psychologue humaine son instinct aurait dû le mettre en garde, mais en raison de son état émotionnel et psychologique ce ne fut pas le cas. Aucune alerte physiologique ne prépara James à ce qui allait se dérouler.

Comme à son habitude, le trentenaire restait silencieux ne s’abandonnant pas à des discussions futiles auxquelles il ne désirait pas prendre part. Seul John, un membre de la communauté toujours optimiste et bienveillant coéquipier d’expédition de James depuis son arrivée, arrivait à établir une conversation avec ce dernier. Une fois sur place les hommes furent séparés en trois groupes de deux après avoir reçu une liste de fournitures et une heure de rendez-vous. John et James étaient donc partis fouiller les environs à la rechercher de médicament. Ils commencèrent par sécuriser et fouiller une à une quelques maisons dans lesquelles ils ne trouvèrent pas grand-chose mise à part deux flacons d’antidouleur. Une fois la rue terminée, ils aperçurent un petit centre commercial à environ 800 mètres plus bas. John s’empressa alors de prévenir par radio les deux autres binômes de leur trouvaille et de leur plan d’action. James avait pris les devants et avait commencé à descendre la rue en prenant soin de se placer à l’orée du bois légèrement en contre bas sur côté droit de la route. Une manière simple de pouvoir observer à distance l’activité urbaine tout en se dissimulant. Alors qu’il se trouvait à environ 150 mètres du centre commercial, son attention fut attirée par des bruits gutturaux fort et sourd. Comme si un groupe de rôdeurs étaient coincé dans une zone restreinte. Il ne restait plus qu’à espérer que tout ce grabuge ne se trouvait pas coincé à l’intérieur de leur destination.

Par chance, car oui au début de cette journée elle semblait bien sourire à James, le groupe de rôdeurs préalablement entendu était coincé entre deux rues par un épais grillages. Un soulagement qui allait permettre au duo d’aller inspecter l’intérieur du bâtiment à la recherche d’une pharmacie peut-être encore intact. Et comme je vous le disais plus haut la chance fut particulièrement plaisante au début de cette journée. Ils trouvèrent un stock de médicament considérable dans une petite pharmacie et ceux sans trop d’embûches à part quelques rôdeurs solitaires tapis dans l’obscurité du lieu ayant donnés quelques sueurs froides à nos deux acolytes. Les deux hommes commencèrent à s’organiser afin de récupérer un maximum de médicaments. Ils commencèrent par remplir leur propre sac puis s’empressèrent d’ouvrir et remplir quelques sacs poubelles trouvés durant l’expédition. Puis prévenu que le reste du groupe arrivait avec le véhicule pour le charger directement James continua à remplir les deux derniers sacs poubelles tandis que son collègue les amenaient un à un pour les déposer devant l’entrée du centre commercial.

La fin du dernier sac venue, James s’empressa de remplir ses poches avec quelques médicaments avant de mettre le sac sur son épaule droite et la hachette dans sa seconde. Il courut se hâta d’atteindre la sortie, car avouons-le cet endroit commençait à se faire inhospitalier. Des rôdeurs cachés dans le magasin commençaient à se faire entendre probablement attirer par l’activité devant l’entrée.  Le père de famille fut d’abord éblouie par la lumière en sortant puis d’un seul coup l’obscurité totale accompagné d’une violente douleur sur le côté droit du visage.

James reprit ses esprits quelque secondes plus tard, il venait de se prendre un coup de crosse en plein visage de la part de l’amant de sa femme. Doublement douloureux, non ? Essayant de se relever James reçu quelques coups de pieds supplémentaire avant que son agresseur ne se baisse à son niveau.

-Excuse-moi l’ami, je récupère tes jolies trouvailles. S’exprimait-il en attrapant le sac les yeux plonge dans ceux de son interlocuteur. N’y voit absolument rien de personnel. Enfin quoi que, ça fait longtemps que j’avais envie de t’infliger une bonne correction pour ce que tu as fait à mon cousin. Bien qu’il était un peu idiot, il restait mon cousin et je n’apprécie véritablement pas que tu lui ais fracassé le crâne avec tes mains pour une erreur que TU as commi…

Ne pouvant plus supporter ces conneries James venait de lui couper la parole avec un coup de boule aussi rapide que puissant. Puis dans la foulée, il se releva et lança son poing droit en plein visage avant d’être finalement arrêté par deux autres hommes qui le passèrent à tabac.

-Arrêtez ça !! S’écria John en s’interposant. Je veux bien comprendre que vous avez des comptes à régler, mais ça ce que vous faites, ce n’est pas un comportement humain. Ce n’est pas comme ça qu’on s’en sortira et que l’on repartira ce qui a été perdu.

-Mon pauvre John toujours aussi optimiste… mais maintenant je commence à croire que tu es stupide. Nouveau monde, nouvelles règles, ce à quoi tu t’attaches, n’est qu’une illusion. Tu es un cas perdu toi aussi John, mais j’ai la solution ne t’en fais pas... S’exclama cet homme dessinant un sourire malsain sur son visage tout en portant son pistolet sur John.

Le coup de feu raisonna dans les rues adjacentes et leur corps inerte de John s’écroula  devant les yeux de James. Injustice la plus totale de tuer un homme innocent aussi bon avec les siens. Le genre d’acte qui pouvait rendre fou James. Ce dernier se débattait, mais restait un impuissant face à la situation, il arrêta ses mouvements puis leva la tête en direction du bourreau lui jetant un noir.

-Je vais te tuer. Je te tuerai toi et tous les pourris qui se laisseront corrompre par ce monde. S’exprima-t-il d’une voix grave et confiante.

Un court silence s’installa avant que le bad boy ne se mette à rire de vive voix.

-Mon dieu, mon dieu, mon dieu… je ne t’imaginais pas aussi drôle mon cher James. Tu sais quoi ?! Je t’aime bien comme gars, t’es combatif, courageux et t’as ce truc en toi. Putain, je sais pas ce que c’est, mais ça te rend spécial. Tu sais quoi ?! Je crois que je t’apprécie vraiment James.. . à un tel point que je pensais être indulgent avec toi, c’est vrai j’en ai assez fait. Te voler ta femme après ce qui est arrivé à ta fille en plus d’avoir réussi à faire en sorte qu’elle t’en tienne responsable… je t’ai détruit l’ami ! Finit-il en riant.

Cet homme, James le haïssait. Comme il détestait ce monde et ce qu’il faisait aux derniers représentants de l’espèce humaine. Sans rien dire, il revit devant ses yeux tout ce qu’il avait vécu depuis le début de l’épidémie. Empli de toutes les émotions d’une année complète dans ce nouveau monde, son cœur s’emballait, l’adrénaline coulait à haute dose dans ses veines, il bouillonnait littéralement. Et soudainement, tout ça disparut comme s’il avait intériorisé, pris le contrôle. Toujours sans rien dire, l’homme leva son regard jusqu’à atteindre celui de son nemesis.

-Je promets que je te tuerai. Je ne sais pas quand, je ne sais pas où, mais je te tuerai avec ça là-bas. S’exprimait calmement James en montrant sa hachette sur le sol à quelques mètres.

Son interlocuteur fut presque déstabilisé, il ne ricana pas comme à son habitude. Il restait silencieux à fixer James d’un air sérieux. Puis vint finalement la fin du silence révélateur, le bourreau se leva et commença à se diriger vers la hachette.

-Tu vois, je savais bien, que tu avais quelques choses de spécial. Tu n’es pas comme ce pauvre John, tu comprends finalement, même si tu en as mis du temps. Il se baisse pour ramasser la hachette et revient lentement vers son opposant tout en faisant signe à l’un de ses hommes de démarrer le camion. Mon cher James, je crois que c’est pour nous le moment de nous dire adieu. Il est temps que l’on  s’en aille. Tu n’entends pas comme ces monstres là-bas sont déchaînés ? Non.. ? Il pointe son arme sur James et lui tire dans l’épaule. Et maintenant, tu vois comme ils sont excités ? C’est vraiment inquiétant les gars, on devrait y aller.

Les deux hommes lâchèrent James qui s’écroula au sol, se tordant de douleur suite à la balle qui avait transpercé son épaule. Tout ce beau monde monta dans le camion tandis que le nemesis prit une dernière fois la parole:

-Ah ouais, j’ai failli oublier. Je crois que tu vas avoir besoin de ça… Sayonara l’ami. Ah et surtout n’oublie pas : Nouveau monde, nouvelle règles, nouvel homme… S’exprima-t-il en lançant la hachette en direction du bois avant de claquer la porte du camion.

Le camion démarra en trompe dans un boucan d’enfer qui risquait d’attirer l’intégralité des rôdeurs se trouvant dans la ville. Laissant James agonisant sur la route à côté du cadavre de John. Puis le camion s’arrêta à nouveau, les hommes détachèrent la chaîne et reprirent la route. À quoi était attachée cette chaîne ? Elle était attachée à cette grille qui retenait le petit groupe de rôdeurs coincé dans une ruelle. Un petit groupe qui se dirigeait maintenant sur James. Il hésita un moment, restant allonger sur le sol regardant tour à tour la horde se dirigeant vers lui et le corps inerte de son ami. Il pesa le pour et le contre, cela valait-il le coup de continuer à se battre alors qu’il avait tout perdu ? Son petit monde autrefois bâtit autour de sa famille avait tout simplement disparu, il était de nouveau seul. Puis finalement, James se leva tant bien que mal. Son épaule le faisait souffrir, son visage boursouflé et saignant le lançait, tout son corps le faisait souffrir, mais le nouveau James semblait déterminé à ne pas abandonner. Il avança peu à peu en direction de la forêt ramassant sa seule et unique arme au passage. Il prit le temps de regarder une minute derrière lui, la voie était libre la majorité des rôdeurs s’étaient jetés sur le cadavre de John laissant une chance à l’ancien père de famille de prendre le large. Tourner la page et entamer une nouvelle vie, repartant de zéro comme dans le passé afin d’apprendre à connaître le nouvel homme qui sommeillait en lui. Et comme il le fit par le passé en  aménageant à Montréal, James prit une direction qui allait l’amener loin d’ici et qui l’aiderait probablement à mieux survivre. Il lui suffisait juste de marcher sur plusieurs centaines de kilomètres pour atteindre la frontière américaine...