“ Mandy Defus. ”
Mandy a toujours manqué cruellement de confiance en elle, adolescente mal dans sa peau, a cause de ça elle se méfie énormément des autres. Lorsque la confiance est gagnée, elle devient ce qu'on appelle : une bonne amie. Continuellement à l'écoute, elle a ce côté naïf qui fait qu'elle fait passer le bonheur des autres avant le sien. Parfois c'est une véritable maladresse, parce que rare sont les gens qui lui rendent cette gentillesse de s'inquiéter pour elle. Son imprudence était jusqu'à présent un véritable défaut, mais depuis l'épidémie elle considère ça comme une force, elle se considère comme étant une personne courageuse et elle le revendique. Le temps passe, heureusement pour elle, Mandy est patiente, c'est principalement ce qu'elle préfère chez elle. Pour tout, avec tout le monde et peu importe la situation ou le contexte, sa patience est souvent voir toujours récompensée. À l'inverse, elle a toujours eu ce côté dépendant des autres. Malgré ses dix-neuf ans bien tassés, Mandy n'a jamais vécu seule et encore moins sans sa mère. Cette habitude d'être materné et entouré est devenue une faiblesse dans le monde d'aujourd'hui ou la mort est désormais le seul mot d'ordre. Mais c'est avec chance qu'elle a toujours eu la capacité de rapidement s'habituer aux changements, alors même si la situation actuelle lui semble difficile, peu à peu les choses changent et s'améliorent.
Le bruit d'une ambulance, Mandy fronce les sourcils et augmente le volume de la musique sur son téléphone, les écouteurs dans les oreilles, c'est maintenant complètement assourdissant. Elle a toujours aimé traîner sur le chemin du retour après une longue journée de boulot, les mains dans les poches de son blouson, elle porte toujours ce même blouson, celui aux couleurs de l'équipe de basket de son ancien lycée. Elle était pompon girl pendant ses années d'études et elle a toujours adoré le côté épais et ample du blouson des sportifs. En y pensant, elle sourit encore :
C'était les belles années, elle nomme sa scolarité ainsi. Ses parents étaient encore ensemble, son frère aîné vivait encore à la maison avec eux, les Defus étaient soudés, unis, une véritable famille.
Puis le jour J est arrivé, ce matin-là en ouvrant les yeux, Mandy pensait pas que sa vie allait prendre un autre tournant, le midi même ses parents annoncent leur séparation, quelques mois après son frère quitte la maison pour vivre seul et s'en suit sa mère qui rencontre un autre homme. Alors que le monde autour d'elle changeait, Mandy avait l'impression de stagner au même endroit. Vivre seule ? Elle s'y refuse, c'est encore trop tôt, elle n'a donc pas d'autre choix que de devoir suivre sa mère dans une nouvelle maison qu'elle partagera désormais avec cet homme, le nouveau copain de sa mère. Le début a été chaotique, voir un autre homme que son père aimer sa mère de cette manière rendait l'adolescente furieuse jusqu'à ce que l'évidence de leurs sentiment réciproque lui saute aux yeux. Son désir de voir sa mère heureuse était plus fort que cette rancœur du divorce dans son cœur de jeune fille.
C'est sa nouvelle maison, juste là, sur le trottoir d'en face. La jeune femme baisse le volume de la musique et traverse la route, lorsqu'elle rentre chez elle, elle découvre sa mère et son beau-père plantés devant la télévision. C'est les informations ? À cette heure-là ? Elle verrouille maintenant l'écran de son portable après avoir coupé la musique et avoir retiré ses écouteurs.
– Est-ce que tout va bien ? Demande-t-elle.
C'est la télévision qui va apporter des réponses à sa question, l'adolescente s'approche de son beau-père sans plus attendre et pose à son tour les yeux sur l'écran en fronçant les sourcils. La présentatrice télé a l'air perdue malgré ses fiches et son prompteur qu'elle lit.
Épidémie.
État d'urgence.
Restez chez vous.
Les matins ont suivi, la situation dehors avait l'air de s’aggraver et Mandy refusait de reposer les yeux sur la télé, elle annonçait qu'horreurs et cauchemars. Le nombre de morts augmentait d'heure en heure, mais les réponses aux vraies questions ne venaient jamais. Elle était obligée de subir la voix tremblante et le ton incertain de la présentatrice des informations chaque fois qu'elle descendait au rez-de-chaussée pour déjeuner en famille. Un semblant de famille, car sa mère et son beau-père n'échangeaient pas un mot, ils étaient absorbé par les dernières nouvelles à la télé. Le bruit de sa fourchette dans le fond de son assiette puis un sursaut, le téléphone fixe sonne. Tous les regards se posent sur ce dernier, personne n'ose bouger. Mandy s'apprête à aller décrocher mais sa mère la devance en l'invitant à se rasseoir. Au bout du fil, c'est Max, le fils aîné des Defus. Mais ça, Mandy ne l'apprend que quand sa mère raccroche.
– Max nous demande d'aller le chercher.
– Est-ce qu'il va bien ? Demande Mandy, inquiète.
– Pour l'instant il n'a rien mais il n'est pas rassuré seul chez lui.
Et ils sont partis le chercher, mais Mandy a dû rester à la maison sous les consignes de sa mère : ferme à clé, ne répond plus au téléphone sauf si c'est le numéro de ton frère qui s'affiche et garde les volets fermés, ne fais pas de feu dans la cheminée, si tu as faim il y a tout ce qu'il faut dans le frigo et dans le garage. Le temps de faire l'aller-retour jusque chez son frère, ça prend environ deux bonnes heures... L'adolescente regarde sur sa montre : ils sont partis depuis plus de six heures, pas de nouvelles, aucun appel et personne ne répond aux sms.
La petite brune s'endort d'épuisement sur le canapé après avoir passé une bonne partie de la nuit à attendre des messages qui ne sont pas venus. Lorsqu'elle rouvre les yeux, la lumière du jour passe déjà à travers les volets, il est deux heures de l'après-midi et elle n'a reçu aucune nouvelle.
Un mois aujourd'hui que la jeune femme est dans cette maison devenue trop grande pour elle seule. Elle s'affame d'inquiétude, ce n'est pourtant pas la nourriture qui manque, elle a juste plus d'appétit, elle aimerait un signe de vie de la part de sa mère, un appel de son frère peut être ou un petit SMS de son beau-père, même un "tout est OK" l'a rassurerait mais personne ne lui répond.
Mandy refuse de s'imaginer le pire, pas question d'accepter cette idée ou d'y penser. C'est mardi, il est bientôt midi et elle prend un sac à dos assez grand pour y mettre de quoi manger, de quoi boire, elle n'oublie pas non plus son téléphone avec son chargeur portable et la trousse de secours caché sous l'escalier qui mène au premier étage. À défaut d'avoir de quoi se défendre, elle embarque un couteau de cuisine qu'elle enfourne dans le fond de son sac et une batte de base-ball qui traînait dans le garage et qu'elle garde en main. Elle est prête : son éternel même blouson sur le dos, lacets de chaussures noués, sac sur le dos, elle ferme sa maison à clé et regagne discrètement le trottoir. C'est anormalement calme dehors pour un matin en plein milieu de semaine. Aujourd'hui en se levant, elle a allumé la télé et a constaté que plus aucune chaîne émettait de programme, les informations ne sont plus diffusées, c'est à peine si elle arrive à avoir un signal via la radio, comme si le monde venait de s'éteindre.
La petite brune regarde à droite, puis à gauche. Elle inspire une longue bouffée d'air en partant finalement sur la gauche : direction le domicile de son frère, c'est le dernier endroit où elle espère retrouver les siens.