Peter avait fait comme il l’avait promis à son papy. Il avait continué son chemin comme il avait pu. Il avait découvert ce que c’était d’être vraiment seul. Et appris à vivre avec des nuits de terreurs sans personne pour veiller sur lui, à sursauter au moins petit craquement dans l’obscurité, à imaginer des menaces derrière chaque arbre, chaque buisson… et ceux jusqu’à ce que l’épuisement veuille bien lui permettre de fermer les yeux pour le conduire dans un monde peupler de cauchemar. Même son Stitch en peluche ne lui apportait plus le réconfort nécessaire pour s’endormir et échapper à ses angoisses. Réciter dans sa tête les éléments du tableau périodique ou égrener des prières sur le chapelet de papy n’y faisaient rien non plus.

A chaque fois qu’il fermait les yeux il se demandait s’il allait se réveiller avec des zombies autour de lui ou des méchants.

Il avait fini par arrêter de pleurer. Il avait bien compris que ça ne servait à rien, qu’aucune gentille mamie ne viendrait lui sécher et qu’aucun super papy n’accourrait pour le protéger.

Il était seul… même Dieu semblait l’avoir abandonné.

Il savait chasser, attraper du petit gibier, manger sans avoir besoin de prendre trop de risques. Mais à force d’avoir peur d’attirer les morts ou les vivants, Peter n’osait même plus faire un feu.

A plusieurs reprises ils avaient aperçu des gens de loin. Mais le souvenir des méchants l’emportait sur le reste et il préféra rester caché. D’ailleurs, une fois, il avait bien failli se faire avoir. Il avait vu, de loin, des gens qui semblaient gentils et les avait plus ou moins suivis quelques jours en hésitant à les rejoindre. Ils avaient l’air de veiller les uns sur les autres. Un peu comme une famille.

Et puis… une nuit… ces gens ont attrapé un monsieur et l’ont presque mangé vif, comme les morts, sauf que c’étaient des gens vivants !! Peter a paniqué en entendant l’homme hurler et en comprenant ce qui se passait.

Peter s’était, alors, sauvé aussi loin que son vélo lui permit.

Cela faisait plusieurs jours maintenant, peut être des semaines même. Peter ne savait plus. Le temps semblait ne plus passer normalement depuis que Papy n’était plus là.

Lorsqu’il arriva enfin devant le panneau indiquant qu’il était parvenu à Detroit, Peter se sentit vraiment soulagé. Malgré son badge de « s’orienter par les Etoiles », dont il avait été si fier, il avait eu un gros doute sur le chemin à prendre.
Il faut dire que le ciel avait été couvert ces dernières nuits. Et s’orienter par les étoiles quand il n’y a pas d’étoiles… et sans aiguille impossible de faire une boussole. Quant au bâton dans le sol. Avec l’espèce de ciel cotonneux et bas au-dessus de sa tête, il avait renoncé. Bear Gryll, son idole télévisuelle, aurait certainement eu une solution, mais il avait dû rater cet épisode.

Peter grelotta, le climat ne plaisait pas au jeune Texan, mais c’est peut-être aussi la silhouette de la grande ville qui lui donnait la chair de poule. Parce que Papy avait toujours dit d’éviter les grosses villes, sauf que Peter n’avait aucune idée de la route à partir d’ici pour aller au Canada. Jouer a Wow, faire des cartes pour des parties de Warhammer ou regarder Bear Gryll expliquer comment survivre en mangeant du caca d’éléphant tout en jouant à Pokémon au lieu de réviser sa géographie avait été un choix regrettable à l’époque. En même temps il n’avait jamais prévu quitter le Texas…

Peter hésita. Mais avait-il le choix ?

Oui il l’avait, il fallait qu’il réfléchisse. Ses professeurs avaient toujours dit qu’il était intelligent, donc il devait forcement pouvoir trouver une solution autre qu’avoir envie de pleurer ou de se coucher sur place à attendre que quelqu’un veuille bien l’achever pour qu’il retourne auprès du bon Dieu.

Peter plissa les yeux. Non, il n’irait pas auprès du bon Dieu, il avait tué des gens.

Peter regarda ou était l’eau, et estima à peu près le nord en estimant que la mer devant être à sa droite en espérant que c’était bien la mer. Il se remit sur son vélo et essaya de contourner la grande ville en gardant le cap sur ce qu’il pensait être le nord.

Très vite il remarqua que des morts commençaient à le suivre mais avec son vélo, il allait plus vite. Le nombre grandissait de façon inquiétante quand il traversa ce qui avait dû être une petite ville. Peter essaya de ne pas penser au moment où il n’aurait plus la force de pédaler.

Il allait les semer. Voilà… il allait faire ça. Sauf qu’il était déjà épuisé et que les morts n’étaient pas assez loin pour l’oublier.

La grande rue sur laquelle il était pleine de zombies. Il donna tourna donc u plus vite dans une rue adjacente sans avoir trop le temps de réfléchir tant ses poursuivant lui semblait proche. Il déchanta vite en constant que la rue était bouchée par un gros camion retourné. Impossible de passer en dessous. Peter paniqua.

Il y avait bien des échelles sur les bâtiments d’à côté mais elles étaient trop hautes pour lui et il n’avait pas le temps d’essayer de trainer des poubelles ou une de trouver une idée. Il sauta de son vélo le laissant tomber au sol et couru avec toute la force qu’il restait dans ses petites jambes vers le camion. Il fallait qu’il l’escalade. Il commença sa périlleuse quête en essayant de nier la faiblesse de ses bras faute de repas convenable. L’adrénaline aidant, il allait y arriver quand Stitch tomba de son sac.

Stitch… son dernier ami. Non. Il ne pourrait pas continuer sans lui. Il sauta au sol et attrapa la peluche bleu en se baissant pour éviter qu’une main pourrie ne l’attrape. Les morts étaient sur lui. Il bondit dans le trou au ras du sol formé entre la cabine écrasée du camion et le porteur. L’espace était assez confiné pour que Peter puisse s’y tasser et que les rôdeurs ne sachent pas s’y engouffrer. Mais il l’était pas assez profond pour que Peter puisse s’y cacher et se faire oublier. De même, les mains griffues des morts essayant désespérément de l’attraper étaient à la limite de le frôler alors qu’il s’était recroquevillé le plus loin qu’il pouvait.

Il respira un grand coup, mais ça sentait mauvais avec les cadavres. Il essaya de ne pas trop regarder celui qui était le plus désireux de l’atteindre, mit Stitch de côté, serra le chapelet de papy dans une main, puis sa carabine de l’autre et visa.

La détonation retenti, lui faisant mal aux oreilles. La poudre lui piqua les yeux. Il savait que le bruit c’était mal, que ça allait en attirer d’autres, mais avait-il le choix ? Qui plus est dans la rue, cela faisait un écho terrible. Le mort s’écroula la tête explosée.

Un deuxième, gêné par le premier, lança ses mains dans l’abri de fortune de Peter. Il tira de nouveau et poussa des pieds les deux corps pour gagner un peu d’espace et gêner au mieux le 3e sur la liste d’attente de « qui mangera Peter ce soir ».

Maintenant il fallait attendre, avec un peu de chance… ils partiraient ? Peter essaya de regarder "dehors", ils étaient au moins 7 ou 8 dedans. Il arrivait à peine a voir son vélo renversé au début de la rue.

Il prit Stitch contre lui pour le rassurer, lui aussi devait avoir très peur, tout en gardant sa carabine prête a tirer.

Peter avait peur. Il essayait de garder Stitch contre lui pour le rassurer. Et puis, il vit des méchantes morts tomber.

" Viens là gamin, magne toi ! "

Peter leva les yeux de sa cachette pour voir un homme. Il avait une arme comme dans les spectacles avec des chevalier et des cheveux. Peter le regarda enlever sa flèche et voulu le prévenir qu’on vilain arrivait derrière lui. Mais l’homme se retourna et lui planta la flèche dans la tête.

Peter était impressionné. C’était aussi fort que dans les films. Il sorti un peu plus la tête de sa cachette pour mieux voir la scène. L’homme avait l’air de savoir gère les zombies. Seulement Peter était partagé. Comment savoir s’il était un gentil ou un méchant ?

" Magne toi l'cul avant que d'autres arrivent ! "

Peter sursauta. D’autres morts ? Oui l’homme avait raison. Il fallait bouger. Peter le regarda enlever ses flèches du corps putrides des zombies au sol avec curiosité.

" Magne j'te dis ! "

Peter cessa de réfléchir et de chercher désespérément dans ce Monsieur des indices pour savoir s’il allait lui faire du mal ou pas. Pour le moment il avait tué les morts non ? c’était bon signe ?

Il courut de ses petites jambes épuisées derrière l’homme, la carabine de papy remise en bandoulière sur son dos était presque aussi grande que lui et le gênait. Il manqua de trébucher et Stitch lui échappa des bras.

Oh non L’homme était déjà remonté dans sa drôlesse de voiture. Peter allait rester tout seul derrière. Peter se dépêcha de ramasser son ami de toujours et grimpa sur le siège à côté de l’homme, un peu intimidé d’être avec une grande personne.

Il referma la porte et pris soin de bien mettre sa ceinture de sécurité comme papy et sa mamy lui lui avaient appris. Il fut surpris de découvrir un chien. Si le monsieur avait un chien, il devait être gentil ? non ?

Peter dévisagea l’homme alors qu’il redémarrait le véhicule. Il avait un air vaguement familier. Peter mit un certain temps à se souvenir des vieilles photos que sa maman avait laissées de son papa qui était au ciel. Le monsieur lui ressemblait, en moins beau et plus vieux.

Il aurait bien aimé lui demander son nom, ou le remercier, en espérant qu’il n’allait pas le manger, mais aucun son ne sortait de sa gorge. Peter senti sa lèvre inférieure commencer à frétiller et ses yeux piquer.

Pour la première fois depuis trop longtemps, lui et Stitch n’étaient pas tout seuls. La tension de ces derniers jours retombait sur les épaules de l’enfant et de gros sanglots commencèrent à rouler sur ses joues crasseuses.

Peter avait peur, il était fatigué, il ne savait pas trop s’il avait fait ce qu’il fallait, il aurait aimé que son papy soit là pour lui dire ce qu’il fallait, ou non, faire. Mais à part aller au Canada, Peter était dans le flou d’autant plus total que la fatigue et la faim s’en mêlait.

L’homme le regarda et poussa un soupire. Il n’avait pas l’air content qu’il soit monté dans la voiture. Peut-être que Peter avait fait une bêtise? Il avait pourtant bien mis sa ceinture de sécurité.

" Comment t'es arrivé là, p'tit ? "

Peter ouvrit la bouche pour parler de papy, des méchants morts, de la route vers le nord… mais aucun son n’en sorti. C’était frustrant et presque douloureux d’essayer sans y arriver et de nouvelles larmes roulèrent sur ses joues sales et creuses.

L’apparition du chien fit sursauter Peter qui était rendu nerveux par la situation.

" Je m'appelle Thomas. Je compte pas te manger, de toute façon, t'es trop maigrichon, je ferai pas grand-chose. "

Peter ne savait pas s’il devait être rassuré que l’homme dise ne pas vouloir le manger ou s’il devait craindre qu’il n’essaye de l’engraisser, comme Hansel et Gretel, pour le faire cuir plus tard. L’entendre rire lui indiquait qu’il avait peut-être loupé quelque chose. L’idée de finir découpé ou mâchonné le terrorisait. Il resta à regarder l’homme, Thomas, avec des yeux épouvantés sachant pas s’il était sérieux ou pas.

" T'as des gens qui t'attendent quelque part ? T'étais avec un groupe qui s'est séparé ? Tu veux que je te dépose quelque part peut-être ? "

Peter hésita, baissa la tête tristement et fit "non" de la tête. Il n’y avait plus personne. Papy était mort, mamie était en voyage loin loin dans le sud, certainement morte aussi, maman était cachée, mais si elle était vivante elle l’avait certainement oublié depuis le temps… Il n’était même pas sûr que le bon Dieu pense encore à lui.

Il n’avait plus que Stitch qu’il sera fort contre lui.

Peter hésita et sorti timidement de son sac son carnet et son crayon. Cette manœuvre suscita un intérêt certain de la grosse tête velue du chien qui était un peu entre lui et son carnet. Certainement à s’assurer qu’il n’y avait pas de la nourriture dans le sac de l’enfant. Peter n’osa pas le repousser et griffonna, comme il pouvait, de ses mains tremblantes.

« Peter. Tout Seul. Avec Stitch. Tu ne nous mangeras pas pour de vrai ?»

Il tremblait tellement que c’était à peine lisible. La tête du chien qui finalement devait chercher un câlin n’aidait pas non plus. Il tendit le papier avec inquiétude vers l’homme du nom de Thomas.

Il trouvait tout de même étrange qu'un gamin comme ça se retrouve seul au milieu des rodeurs, qu'il ait réussi à survivre tout ce temps, seul. Il n'était pas bavard, il ne pouvait pas lui en vouloir non plus, c'était déjà un exploit qu'il ait survécu. Thomas le regardait un moment, ne sachant pas comment faire pour réconforter le gamin, il n'avait pas encore eu à faire face à ce type de problèmes. Comment agir ? Que dire ? Il songeait qu'Ozzy serait plus utile que lui à ce moment là, même si le chien ne sentait pas bon, il ressemblait à une grosse peluche. Il voyait que le gamin n'osait pas lui parler, était-il muet ? Il lui écrivait et il peinait à lire.

" Bien, Peter, si t'es tout seul, je te propose de rester avec moi le temps qu'on trouve quelqu'un capable de s'occuper de toi, je crois pas être la meilleure personne pour ça. On a un peu de quoi manger au fond de la caravane et tu auras un lit pour dormir. Je ne te mangerai pas, même si je le voulais, tu n'as rien à manger, tu es tout petit et tout maigre, même Ozzy n'aurait rien à manger ! "

Il riait un peu en donnant une petite tape sur la tête de son chien puis en l'ébouriffant.

" Il est gentil, t'inquiète pas, il adore qu'on lui fasse des caresses sur la tête, lui aussi j'l'ai trouvé abandonné sur la route et tout maigrichon. "

Et maintenant il semblait plus en forme. Il voyait le gamin encore stressé et il ne savait pas quoi dire de plus pour le mettre à l'aise, lui-même ne l'était pas en présence d'enfants et ne savait pas comment on devait s'occuper d'eux, ce qu'on devait leur dire et ce dont ils avaient besoin. Il devrait trouver quelqu'un sur la route, peut-être lui confier le gamin, mais il ne se voyait pas gérer un enfant de cet âge seul, il se savait trop peu responsable pour ça et hors de questions de se sentir coupable s'il lui arrivait quelque chose, il ne se voyait pas assumer la responsabilité de la vie de qui que ce soit, son chien c'était déjà quelque chose, mais un humain, qui plus est, un enfant ? Il soupirait en regardant à nouveau la route et tapotant nerveusement son volant, se demandant encore et toujours comment on avait pu laisser un gamin seul en pleine apocalypse. A moins qu'il ait été assez rusé pour se cacher ? Mais comment aurait-il réussi à se nourrir ? Il n'arrivait pas à comprendre. Etait-il une proie ? Est-ce qu'on se servait de lui pour amener d'autres personnes dans un piège ? Arrête ta parano Larkin, se disait-il intérieurement. Il soupirait à nouveau en regardant l'horizon. Il ne savait même pas où ils devraient aller, mais visiblement, la ville, c'était encore bien trop tôt pour qu'il y songe.

« Bien, Peter, si t'es tout seul, je te propose de rester avec moi le temps qu'on trouve quelqu'un capable de s'occuper de toi, je crois pas être la meilleure personne pour ça. On a un peu de quoi manger au fond de la caravane et tu auras un lit pour dormir. Je ne te mangerai pas, même si je le voulais, tu n'as rien à manger, tu es tout petit et tout maigre, même Ozzy n'aurait rien à manger ! »

Peter regarda l’homme un peu incrédule. Fut une époque ou il savait ce qu’était l’humour, mais ces derniers temps, après toutes les horreurs qu’il avait vues et vécues, il ne pensait même pas savoir encore rire. Alors la petite note d’humour le laissa inquiet. Mais avait-il le choix de toute façon que de le suivre et attendre de voir s’il devrait fuir ou pas ? Il devait faire confiance dans les plans de Dieu qui ne l’avait peut-être pas encore complètement oublié.

La grosse tête velue d’Ozzie était insistante à tel point que Peter se laissa tenter à une gratouille qui en entraina vite une autre.

« Il est gentil, t'inquiète pas, il adore qu'on lui fasse des caresses sur la tête, lui aussi j'l'ai trouvé abandonné sur la route et tout maigrichon. »

Peter regarda tours à tours l’homme puis le chien. Lui aussi allait-il rester avec eux ? Non il avait dit qu’il allait le donner à quelqu’un. Mais à qui ? Aurait-il son mot à dire ? Est-ce que cet homme avait vraiment le droit de décider pour lui sous prétexte que c’était un adulte et qui l’avait sauvé ?

Peter avait un peu de mal à contenir l’enthousiasme d’Ozzy, trop content d’avoir trouvé un copain de gratouilles alors que son maitre le délaissait pour le volant.
L’enfant était vraiment épuisé et la chute de l’adrénaline mêlée a tant de questions était un terrible appel au sommeil. Pourtant il devait être fort, comme papy lui avait appris. Il était un Collins.

Il repoussa gentiment l’envahissant Ozzy, réussi à dégager l’arme de son grand père, bien plus grande que lui et toujours en bandoulière. Avec maitrise il s’assura que la sécurité était bien mise et qu’il ne pouvait pas faire d’accident par maladresse. Il ne le savait pas, mais il avait été la fierté du vieux Collins ces derniers mois. Pas seulement parce qu’il était débrouillard mais aussi parce que malgré la tourmente, il avait réussi à rester consciencieux. Il la posa avec précaution au sol et l’appuya contre la portière.
Ozzy prit ce mouvement pour une invitation et vint s’installer sur les genoux de Peter qui resta la bouche ouverte de surprise sans savoir émettre un seul son de protestation.

Il fit une moue résignée devant la tête du cabot sans gêne. Une drôle d’équipe dans cette caravane, un homme qui avait l’air mal à l’aise avec un enfant, un chien croisé poulpe et un enfant perdu.

Par-dessus le gros corps velu il réussit à griffonner.

« Je suis grand. Je peux m’occuper de moi tout seul. Stitch et moi on veut bien dormir un peu avant de partir. »

L’homme allait il le laisser dormir avant de le déposer ou devrait il reprendre la route seule et a pied au prochain virage ?

HRP: