En plus d’être enfant unique, Abram a été élevé par des parents absents. Malgré tous ses efforts, et parce que le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre, il grandit pour devenir comme eux : egocentrique. Ce trait de caractère est marqué. Il influence donc ses qualités, comme ses défauts.
Abram a toujours été quelqu’un de consciencieux, voire sensible. Il s’intéresse autant aux subtilités d’un paysage, qu’à celles des gens qui l’entourent. Ce qu’ils disent, ce qu’ils font, ce qu’ils pensent. Mais n’est-il pas égocentrique ? Bien sûr. Il ne peut pas vivre sans savoir ce qu’on pense de lui.
Abram est un homme loyal. Du moins, s’il vous considère comme faisant partie de sa famille. Comme n’importe qui, il s’accroche aux gens qu’il aime. Mais si vous êtes distant… Ou incapable de vous lier à lui... Il n’aura aucun mal à retourner sa veste.
Briser la loi pour les beaux d’une femme requiert une certaine dose d’impulsivité. Bien qu’Abram ne recule pas devant le risque, ce trait de caractère ne doit pas être confondu avec celui du courage. Tout dépend d’un calcul coût-bénéfice. Mêlé à une certaine impatience, ce trait de caractère tend à lui causer des problèmes.
Jusqu’ici, le tableau est relativement sombre, n’est-ce pas ? Rassurez-vous, tout n’est pas perdu. Voyez-vous, sa meilleure moitié lui a inculqué un certain amour pour la condition humaine. Qualifiez-le d’empathique à temps partiel.
Abram est un homme qui semble fait sur mesure pour son monde à deux facettes. Personnel soignant, il a un regard vert qui inspire la confiance de ses interlocuteurs. Et, figure d’autorité, il commande le respect de par sa stature imposante.
Avec une taille d’un mètre quatre-vingt-quatorze et un poids de quatre-vingt-onze kilogrammes, on ne peut pas le qualifier de crevette. Et, ça ne s’arrête pas là. Pratiquant quotidiennement un sport qui combine les épreuves de force et la contribution du muscle cardiaque, il s’est forgé un corps mince, puissant et défini.
Légèrement égocentrique, Abram préfère les habits qui mettent en valeur ses caractéristiques physiques. Malheureusement pour lui, la fin du monde ne rend pas cela toujours possible. Ainsi, comme la plupart des survivants, on le verra vêtu de façon utilitaire. Par temps chaud, il portera un t-shirt ou un débardeur qu’il agencera, si possible avec une paire de pantalons cargo. Et, par temps froid, il portera un manteau militaire olive qu’il a dérobé à pauvre bougre qui n’en avait plus besoin. (Il est mort!)
Puisque la mort semble toujours le rattraper, Abram préfère rester en mouvement. Muni d’un banal sac à dos gris, il transporte de maigres possessions d'abri en abri. Dans les bons jours, on y retrouve des vivres et des vêtements propres. Mais ces jours-là se font de plus en plus rares, n’est-ce pas? Trop souvent, une boîte d’allumettes entamée, une lampe de poche et un téléphone portable s’ennuient au fond du sac.
Résumé :
-Yeux verts
-Chevelure châtaine tirant sur le brun
-1m 94
-91 Kg
Pour l’Amour du Paysage – L’enfanceMes parents sont tombés sous le charme d’une magnifique propriété. Blottie contre le versant Est de l’une des Montagnes Cascade, elle surplombe la charmante communauté de Leavenworth (WA). De là, ils pouvaient observer la vie tranquille de ses habitants, regarder les cimes vertes se bercer au gré des vents et suivre le trajet d’un mince cours d’eau aussi clairement que celui d’une délicate veine bleue sur le poignet d’une femme. Et, il y avait cette odeur, celle du vent qui souffle d’Ouest en Est. Caressant d’abord la vallée, il enchevêtre les odeurs de la ville à celle des masses de conifères. Roulant ensuite contre les montagnes, il se charge de fraîcheur jusqu’à retomber se mélanger au vent qui souffle d’Ouest en Est.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Conneries de races urbaines ! Ils ne se sont jamais arrêtés à ce genre de futilités. Non, mes parents étaient d’éternels absents. Obsédés par leurs carrières, ils n’avaient guère le temps d’apprécier la vie … ou leur fils. Compensant leur échec parental par de petites attentions, ils ont implanté en moi un égoïsme impossible à déraciner.
- Woven into the fabric of my being, there are no longer loose threads.-----------------------------
Prendre son envol – La JeunesseLeavenworth est une jolie ville, mais quand la population locale compte trois fois plus de vaches que d’êtres humains, il y a de quoi s’ennuyer. À l’âge de 18 ans, c’est la solitude et l’absence d’un style de vie désirable qui m’ont poussé à prendre mon envol. Je rêvais d’une vie à l’antipode de la mienne.
C’est en brandissant une lettre d’admission universitaire que j’ai claqué la porte au nez de mes parents et migré vers le Sud. J’allais étudier en soins infirmiers au Nouveau-Mexique! Il s’agissait d’une occasion en or pour corriger une certaine faille de caractère récurrente. Et accessoirement, l’hiver ne risquait plus de me faire remonter les couilles jusque dans la gorge. Dans mon livre à moi, il s’agit d’un bénéfice majeur.
Albuquerque, je t’aime. Malgré ta population modeste, tu m’as donné tout ce dont j’avais besoin : distractions, filles pas trop moches et une Université peu dispendieuse, mais tout de même assez chère pour me ruiner. J’y étais heureux. Jeune, légèrement vaniteux et submergé par les avantages de la vie urbaine, j’ai développé un goût pour le risque et pour la fête. Je m’y serais perdu, s’il n’avait pas été de mes études. Les soins infirmiers m’ont encré les pieds sur terre en me rappelant la condition humaine, ainsi que ma responsabilité vis-à-vis autrui. J’allais avoir un pouvoir de guérison, et avec de grands pouvoirs, viennent de grandes responsabilités. –
Spiderman.Rejoindre l’équipe universitaire d’aviron s’est avéré être un choix stratégique. Il se trouve que les filles apprécient bien le port du débardeur. Comme quoi, on attrape plus de mouches avec du miel qu’avec du vinaigre. Des mouches séduisantes, de préférence !
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Un Monde Impitoyable – L’HommeQue de contradictions ; égocentrique, fêtard, mais consciencieux. Un compromis devait émerger.
Près de la frontière américano-mexicaine, les années se sont succédé. Désormais infirmier, je me suis taillé une place dans une entreprise impitoyable. D’un côté, je me suis lié d’amitié avec mes collègues, avec leurs familles. De l’autre, je contribuais à l’anéantissement de rêves et d’ambitions. Ce n’est pas exactement ce que j’avais en tête, n’est-ce pas ? C’est avec l’arrivée d’une fille qu’un déclic s’est produit, qu’un compromis s’est fait. De ses baisers est née une passion pour l’humanitaire. Je crois avoir changé pour le mieux, mais j’ai peur d’être gangréné par mon passé.
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Le Calme Avant la Tempête – Les Jours Précédant l’Événement25 Juillet 2014 – 14h 54 : US Border« Evita, réveille-toi. » Soufflai-je en tapotant une délicate épaule brunie par un long séjour au soleil.
Memories : Pouce en l’air et sourire aux lèvres, je me suis arrêté et elle est montée. Ce soir-là, à l’orée des bois et bercé par une chaude et humide brise orageuse, je me suis laissé aller en cette communion. Deux âmes, un lien unique, une nuit sauvage. Je me souviens d’avoir été excité par le risque. Cette chatte pouvait me coûter mon emploi. Pire encore, ma liberté! Mais, il ne s’agit pas que d’une chatte, n’est-ce pas? Non, non et non. Cette fille m'a fait vibrer – entrer en résonance. Et ça continue encore aujourd’hui.
Mais, il y a toujours un mais : une petite formalité administrative qui continue à m’empêcher de mettre son nom sur mon bail, de lui passer un anneau au doigt. Ce soir-là, j’avais, elle avait, nous avions dix années en moins.Doucement, elle écarte son visage de la paroi métallique, mais rendu adhésif par l’absence d’air climatisé, celui-ci refuse de lâcher prise et s’étire comme un chewing-gum. J’esquisse un sourire ; elle fronce les sourcils. Je n’en peux plus! Apercevant l’empreinte humide qu’elle laisse derrière elle, mes lèvres se tordent, retenant misérablement un fou rire. J’essaie d’être charmant et j’ai quoi en retour ? Un regard qui tue. Immédiatement, une grosse goutte de sueur prend peur et se suicide en explosant sur le bout de mon nez.
*Smack* De retour à la réalité : on est enfermé dans le même four à roulettes. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour une fille ?
« On est arrivé. » Lui dis-je avant de porter mon regard sur la gamine qui est assise devant nous.
« Cariño? » Soufflai-je doucement à son attention.
« ¿Dónde están tus padres? En la otra camioneta? » Les yeux noyés dans l’eau, la gamine terrifiée hocha lentement la tête de gauche à droite. Evita s’empresse alors de lui mettre des mots dans la bouche.
« Son oncle a dit à sa mère qu’il acceptait de la prendre à Seattle. » Je n’arrive pas à y croire : elle est seule.
Froissé, je réponds sèchement et promptement.
« M’regarde pas comme ça. Je ne peux rien faire pour elle. Elle y retourne (…soupir…) Et puis merde, c'était quoi l'idée d'emmener une gamine sans ses parents ? T’as idée de ce qui se passe dans sa tête ? Du trauma ? » Avant qu’elle puisse ouvrir la bouche, le verrou de la porte se défait et quatre agents de l’US Border Patrol apparaissent.
« T’as vu comme il est moche ce hombre ! » Lâche l’un d’eux en blaguant. À la différence de mes collègues, je n’apprécie pas la blague. Pas après avoir passé trois heures assis dans un four ! Haussant les épaules, je lui réponds par une demi-vérité.
« À quarante degrés, je n’ai pas envie de laisser une gamine sans supervision médicale dans un fourgon dégelasse. » Satisfait par ma frustration, il allait tourner le dos lorsque j’ajoutai :
« Je vous rejoins dans une quinzaine pour les examens. Je dois prendre une douche (…) Disons qu’un infirmier détrempé, ça ne fait pas tellement sanitaire. » 15h 10Levant le visage vers la douche, je ferme les yeux et laisse mon esprit vagabonder d’une image à l’autre. Rapidement, le portrait d’une jeune femme à la peau dorée et aux yeux noisette se dessine. Elle est belle. Mi- longs, ses cheveux noirs sont peignés vers l’arrière et coiffés pour retomber en torsades sur sa nuque. Ils mettent en valeur un agréable visage en forme de diamant. La cambrure mignonne de ses sourcils s’agence à ses pommettes pour lui donner une allure chaleureuse et pétillante. Et il y a ce sourire capable de changer n’importe quel homme en idiot pathétique. Cet effet peut probablement être attribué à la petite touche de gencive le couronne : ça lui donne un air adorable.
Rien ne va plus. En un instant, la beauté fait place au chaos et une lame de fond me fracasse le cœur. Voilà des mois qu’on ne s’est pas aimé. Et une fois réuni, je dois prendre tes empreintes et te renvoyer chez toi. Ça m’enrage ! J’ai envie de toi ; de te toucher ; de te vivre. T’es si proche et si loin à la fois.
Les gens ont tendance à croire que l’infirmerie est un domaine noble. Il s’agit d’une opinion parfaitement respectable, si on oublie le fait que je travaille pour l’US Border Patrol. Le payeur de taxes finance un rendez-vous d’une demi-heure, après quoi ma patiente se verra entrer dans la base de données de l’USCIS. Tout est si précipité que ses doigts seront encore noircis d’encre lorsqu’on l’entassera dans l’autobus pour Mexico. Libertad Trabajo Cultura!
Mon emploi est à l’antipode de la compassion, et pourtant, j’y reste fidèle. Pourquoi ? Parce qu’une petite formalité administrative m’empêche de lui passer la bague au doigt. Disons simplement que l’état américain n’est pas chaud à l’idée de munir une Coyotaje de sa carte verte. Cet emploi représente donc le meilleur moyen d’arriver à nos fins.
Un procureur parlerait sans doute de trafic humain, mais pour ma part, je préfère croire que nous œuvrons dans l’humanitaire. D’ailleurs, notre modus operandi est simple. De temps en temps, un innocent courriel contenant les itinéraires de nos patrouilles tombe dans sa boîte de réception. Et lorsque tout se passe comme prévu, nos efforts se voient récompensés par notre union. Aujourd’hui, tout ne s’est pas bien passé.
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The happeningDébut Août 2014Pour la première fois depuis le début de la crise, le bruit des bottes résonne sur le pavé : ils sont ici pour appliquer la loi sur les mesures de guerre. Un couvre-feu était en vigueur et il était formellement interdit s’aventurer hors de chez soi. Les instructions étaient simples : verrouillez vos portes et attendez qu’on vous vienne vous chercher.
Les téléphones cellulaires ont cessé de fonctionner dès le début de l’affaire ; les autorités ont dû réquisitionner les réseaux pour aider à organiser leurs efforts. Au moins, les téléphones fixes fonctionnaient toujours. Et heureusement ! Avec les hôpitaux en quarantaine et cette merde qui court les rues, j’étais mort d’inquiétude. Je devais l’appeler.
Lâchant un long soupir, je me décolle de la fenêtre qui donne sur le pavé et migre vers le canapé pour m’y laisser choir. Evita était clouée au lit par la fièvre et lorsque je lui ai demandé ce qui se passait, elle m’a parlée d’une grippe. Normalement, j’aurais été soulagé, mais s’il s’agit de la même ‘’souche’’ qui court ici, putain de merde !
Bientôt, ce fut au tour des lignes fixes de s’effondrer. Je suis sans nouvelles depuis.
Fin Août 2014Le monde s’est écroulé et la mort rôde dans les rues. C’est à rien n’y comprendre ! À ce que je sache, il n’est pas coutume pour un cadavre à moitié déchiré de se tenir de debout devant ma porte ! Et, ayant vu ce qu’il a fait à mon voisin d’en face, ça ne me plait pas du tout. Les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent pas là. Au fil des jours, ses semblables le rejoignent et s’empilent sir mon seuil.
L’inévitable est arrivé en pleine nuit : l’assaut incessant des morts a fini par avoir raison de ma porte. En la voyant basculer, je panique et fais la première chose qui me passe par la tête et me jette par la fenêtre. Mes chaussures couinent sur la chaussée humide et dérapent: je m’écrase. Une douleur aiguë me traverse le crâne, mais je dois me relever et courir.
Je ne me suis jamais senti aussi mal. L’acide lactique noie mes muscles. Et ma tête… Putain, ma tête! En plus du sang qui me coule dans les yeux, j’ai l’impression que le monde me tourne autour. Je souffre, mais ne peux m’arrêter : c’est la peur au ventre qui me l’interdit !
Maccabées à mes trousses ou non, mon corps finit par en avoir assez et mes genoux fléchirent. M’effondrant face contre terre, la rude chaussée me laboure le visage comme le feraient un millier d’aiguilles. J’aurais dû râler de douleur, mais j’en étais incapable parce que mon corps se faisait lourd. Mon environnement s’obscurcit et mes yeux se renversèrent dans leurs orbites.
L’épisode n’a duré que quelques minutes, mais ça m’a semblé être une éternité. J’ai eu le temps de rêver à mon illégale. À ses baisers les plus sauvages. À la sensation de ses lèvres qui glissent sur ma peau vers une destination… masculine ; aux frissons d’anticipations. À notre complicité. À nos meilleurs moments. Et à la merde humaine que je suis. Après m’être terré un mois dans mon appartement sans avoir la moindre intention de braver l’infection pour la rejoindre, j’étais là, allongé… à quelques minutes ou quelques heures de la mort. Je devais agir, même si je devais mourir en essayant. Elle est ma famille.
Septembre 2014Les yeux fixés sur l’horizon, je contemple la tâche qui m’attend. Mon illégale se trouve à une centaine de miles derrière la frontière. À première vue, ça représente un périple d’à peine une semaine, mais en s’y attardant un peu, on se rend compte qu’il s’agit de bien plus. Je devais fouler 160 kilomètres de bitume brûlant sous l’action dévorante d’un soleil de plomb ; respirer l’air surchauffé et poussiéreux qui stagne au-dessus de sa surface ; et éviter de me faire dévorer les tripes par un cadavre ambulant. De joyeuses perspectives !
Avant de pouvoir m’en réjouir, je devais traverser la frontière. Mais comment ? Une barrière triple de fils barbelés concertina a été étendu par l’armée pour assurer son étanchéité. Il ne s’agit pas de l’inoffensif fil de ronce étendu par les fermiers. Non. Il s’agit d’énormes bobines de fil rasoir qui s’imbriquant les unes dans les autres. Leurs lames ont la forme d’un trapèze inversé dont le rapport hauteur-largeur est bas : l’angle aigu de leurs coins est conçu pour percer la chair et permettre une insertion aisée. Inévitablement, les morts y restent accrochés. Et, compte tenu du fait que les gens ont tendance à fuir le danger, leur nombre augmente drastiquement vis-à-vis les passages frontaliers.
Préférant les barbelés aux macchabées, j’ai longé la frontière jusqu’à l’extérieur de la ville. Je cherchais une zone relativement dégagée pour me mettre en œuvre un ingénieux plan d’action. Une fois cela fait, il me faudra trouver un véhicule disposant d’une garde au sol suffisamment élevée pour que je puisse atteindre le carter de sa boîte de vitesse. À défaut de pouvoir tourner une clé dans le commutateur d’allumage, j’allais actionner un petit levier s’y trouvant pour mettre la transmission au neutre. En le faisant reculer de deux positions, le véhicule allait pouvoir être poussé. Cette technique échappe à la plupart des gens, mais travaillant avec les forces de l’ordre, il est parfois nécessaire de l’utiliser déplacer un véhicule en l’absence de son propriétaire. J’avais l’intention d’aplatir les barbelés avec le véhicule et de m’en servir comme plateforme pour escalader la clôture. Celle-ci a été conçue pour empêcher les gens de grimper, mais je comptais y arriver grâce aux vertus de l’athlétisme.
96 Heures Plus Tard – Sur la RouteVoilà plusieurs jours que je n’ai rien mangé et pourtant, je suis prêt parier qu’il me suffirait d’entrer dans l’une de ces maisons pour y trouver des armoires pleines à craquer. Le problème, ce sont les gens. D’un côté, ceux qui vivent ont tendance à être peu hospitaliers et je n’ai pas envie d’être accueilli par essaim de plombs. Et de l’autre côté, il y a les morts. Cas échéant, ils aimeraient bien m’inviter à dîner, pour dîner.
La nécessité faisant loi, j’allais entreprendre une incursion en territoire infecté lorsque la chance m’a souri. Une voiture est stationnée sur l’accotement, le moteur éteint et les portières ouvertes. Étrangement, son plafonnier est toujours allumé. Et, ça a de graves implications. Le véhicule a été abandonné il y a tout au plus quelques heures et ses occupants pouvaient se trouver dans les parages. S’agissait-il d’un piège ? Ou d’une occasion en or ? Je devais le découvrir avant de m’approcher davantage. Ainsi, je m’accroupis dans la haute herbe en bord de route et examinai la scène pendant de longues minutes.
À l’exception d’un sac à dos gris posé sur la banquette arrière, la voiture est déserte. Pris d’un certain espoir, je m’assois sur le siège conducteur et m’empare d’un double de clé caché sous le pare-soleil comme dans les films américains. Le moteur fit quelques tours, mais refusa de prendre vie : l’aiguille de la jauge de carburant était fermement appuyée sur la broche inférieure. *Merde. * Soupirant, je pivote sur mon siège et m’empare du sac à dos. Il est lourd de promesses ! Je le pose sur mes genoux et l’ouvre pour examiner son contenu. Sur la droite, un atlas routier est rangé entre deux boites de lait maternisé. Et sur la gauche, une petite trousse de premiers soins est écrasée par un bon nombre de boites de conserve. Je salive déjà à l’idée d’engloutir le ravioli au bœuf du Chef Boyardee! Mais, j’ai du mal à croire qu’un survivant puisse abandonner un trésor pareil. Contemplant la possibilité que ce ne soit pas le cas, je passai le sac en bandoulière et repris prestement la route. La survie, c’est chacun pour soi, n’est-ce pas ? Et puis, j’ignorais dans quel état serait Evita. Il y a une possibilité réelle que ce sac lui sauve la vie.
216 Heures Plus Tard - Arrivé à DestinationJ’ai envie de fondre à genoux et de laisser s’échapper tous mes maux en un flot incessant de larmes, mais je ne peux m’y résoudre. C’est pathétique, mais j’ai l’impression d’avoir traversé l’enfer pour fouler son seuil.
« ¡Ay, Dios mío! » Bégaya-t-elle avec des larmes dans la voix.
Ses bras se croisent lentement derrière mon cou ; je baisse la tête pour mieux apprécier la chaleur sa peau. Anticipant mon geste, Evita se hisse sur la pointe des pieds et pose ses lèvres desséchées sur les miennes. Je les capture et l’embrasse avec la passion d’un homme qui a survécu à cent-soixante kilomètres de mort, de soleil et de poussière.
Lorsque le baiser pris fin, je pressai mon front contre le sien. Et, le corps tremblant, nous nous laissâmes aller en cette communion pour partager l’inexprimable.
264 Heures Plus Tard - Arrivé à DestinationUn coup de feu déchire la nuit.
1 an Plus tard– Wayne County (MI)Échoué sur le capot d’une voiture, les yeux fermés et la tête remplis d’image, j’essaie de me souvenir des raisons qui m’ont amené jusqu’ici. Seize-cents miles, putain !
Memories : Nous campions dans une clairière lorsque la silhouette d’un homme s’est détachée à l’horizon. Un jeune enfant semblait dormir dans ses bras, alors nous lui avons fait signe d’approcher. Nos sacs à dos étaient remplis de provisions et, ce petit avait sûrement faim. Lorsque l’homme avança dans la lumière du feu de camp, le voile de l’obscurité se leva sur la peau grise du petit cadavre qu’il transportait. Terrifié par son caractère sinistre, j’ai bondi sur mes pieds et me suis dressé devant lui pour qu’il arrête d’avancer.
« Tu as fait ça ! » Aboya-t-il.
Incrédule, j'ai levé les paumes vers le ciel. Et n'y comprenant absolument rien, je n'ai pu réprimer un «What the fuck ?!» bien belligérant.
Rouge de colère, l’homme brandit un pistolet et l’enfonça entre mes côtes. La pression était telle que l’arme aurait pu s’enfoncer dans ma cage thoracique. Lentement, sans même desserrer les dents, il prononça son accusation. « Il est mort de faim. Tu as pris tout ce qu’on avait ! » Sa rage était palpable et impossible à contenir. Les mains tremblantes, il ne lui suffisait que d’un spasme pour m’éclater les organes.
La voiture ? Il parlait du sac ! En réalisant ce que j’avais fait, mes yeux se sont écarquillés et ma bouche s’est entre ouverte. Plaidoyer était futile. J’avais tué son fils et j’allais être mis à mort d’un moment à l’autre. J’ai pensé à ce qui allait m’arriver, à ce qu’il pouvait faire à ma complice. Je n’avais pas le choix. Tenant son fils, il n’avait qu’une main sur l’arme et en l’agrippant à deux mains, j’avais bon espoir de la lui arracher. C’est alors qu’un coup de feu a déchiré la nuit.
L’homme lâcha son arme et fit trois pas vers l’arrière. La couleur avait quitté son visage. Mais étrangement, son expression n’était pas celle de la douleur. J’y voyais… de la consternation ? Je me suis retourné et j’ai réalisé que ma vie venait de basculer. Un liquide carmin ruisselait entre les doigts de la main plaquée sur son abdomen.
« Je suis tellement désolé. Je voulais seulement… »
« You better get the fuck out of here! Because if she dies, I’m gonna kill you.» Aboyai-je avant qu’il ne puisse terminer sa phrase.Je me souviens de l’avoir senti mourir. Mais lorsque je me suis retourné pour abattre son tueur, il avait disparu. Alors, je suis ici parce que j’ai un compte à régler. Je suis ici parce qu’il a documenté ses intentions dans les marges de son Atlas routier. Je suis ici parce qu’il avait l’intention de rejoindre son ex-femme dans une communauté de Wayne County.
Le monde est petit. Et s’il n’est pas mort, je finirai par lui tomber dessus.
À suivre...