05 : 00 – J’abandonne l'idée de dormir, principalement à cause de la respiration de ma sœur. Elle avait déjà un peu de fièvre hier soir, mais son état semble d'être aggravé pendant la nuit. Je ne sais pas si c'est parce que nous sommes jumelles, mais je me sens très mal pour elle.

05 : 34 – Le bruit d'un moteur me fait sursauter. C'est juste mon père, partit faire quelque chose, aucune idée de quoi mais c'est sûrement illégal. Je recale mon oreiller.

06 : 12 – Ma mère s'est levée pour aller au chevet d'Elize. Elle doit vraiment être dans un état lamentable, j’entends des pleurs. Je ne supporte plus cette symphonie dramatique, et attrape mon casque pour l'enfoncer sur ma tête. Je met la musique à fond.

07 : 21 – Je me sens un peu mieux, et l'heure me paraît plus décente pour me lever. Je me dirige vers la cuisine, pour mieux constater que ma gorge et mon estomac sont complètement noués. Découragée, je retourne dans ma chambre.

07 : 26 – Fait chier. Normalement j'adore les samedis.

07 : 30 – Bon, j'ai craqué. J'ai pris ma guitare pour me distraire, en espérant que ma sœur apprécierait d'entendre un peu de musique à travers la mince cloison qui sépare nos deux chambres. J'entame Hurt, de Johnny Cash sur ma vielle guitare sèche. Je crois que ma mère pleure un peu moins.

08 : 47 – Un hurlement a déchiré l'air. Affolée, je lâche brusquement ma guitare sur mon lit et entre dans la chambre de ma sœur. Elle agrippe à ma mère, et du sang dégouline du coup de cette dernière. Elize est méconnaissable. Ses yeux sont vides, comme couvert d'une pellicule blanchâtre. J'essaye de m'interposer entre les deux, mais la force de ma sœur est considérable. Une terreur des plus abjecte s'empare de moi, et je sort de la chambre en courant et en claquant la porte. Je fonce dans la mienne, et m'enferme dans l'armoire.

?? : ?? – Des grognements me parviennent de la chambre, ainsi qu'un bruit étrange. Ma mère ne fait plus aucun bruit.

?? : ?? – Je vais mourir ici, pas moyen que ça se passe autrement. D'autres grognements se sont joint à ceux de ma sœur, sûrement ma mère. J'ose à peine respirer, les larmes coulent silencieusement sur mes joues. Je fais mon propre deuil, me résignant petit à petit. Les regrets succèdent à la peur. J'aurai dû protéger ma sœur hier soir, quand le clochard s'est jeté sur elle. J'aurai dû être avec elle cette nuit, ce matin, la voir avant qu'elle ne se transforme en cette chose. Ou j'aurai juste dû partir avec mon père ce matin.

?? : ?? – Des pas, puis un nouveau hurlement, d'homme cette fois. Je reconnais la voix de mon père, qui a dû ouvrir la porte de la chambre d'Elize. Deux détonations cèlent le destin de ma mère et de ma sœur. Encore des pas, puis la porte de l'armoire s'ouvre. La lumière m'aveugle, mais je peux enfin me serrer dans les bras de mon père. Du sang macule son pantalon, ainsi qu'une sorte de boue croûteuse, mais peu importe. Je sors de ma cachette, puis de l'appartement.

10 : 03 – Je suis à l'arrière de la moto, les bras autour de la taille de mon père. Le vent fouettent mes joues, et j'essaye d'oublier. Je me demande à quoi va ressembler ma vie maintenant. Je crois savoir qu'il y a un refuge militaire pas loin, mais les relations entre mon père et les forces de l'ordre ne sont pas exactement au beau fixe. Il préfère rejoindre un bar, pour être à l'abri avec son gang.