John passa la presque totalité de son enfance en la seule compagnie de son père, sa mère ayant succombé à un cancer alors qu'il n'avait que six ans. L'homme travaillait comme mécanicien dans une usine automobile et était rarement en état de s'occuper d'un enfant une fois rentré, compensant la perte de son épouse par la boisson. John apprit très tôt à s'occuper de lui-même ainsi que de son père, se contentant de rares moments de complicité lorsqu'il était invité à rénover la Ford qui prenait la poussière dans le garage. Ces moments l'aidèrent à supporter les épisodes de violence que l'alcool occasionnait fatalement. C'est lors de l'un d'eux, dont John garde encore aujourd'hui une cicatrice au nez, qu'à ses dix-sept ans il décida de quitter le foyer au volant de la voiture de son père. Son diplôme de fin d'études obtenu, il fit brièvement carrière dans le soixante-quinzième régiment de rangers avant de postuler pour entrer dans la police de Détroit, où il trouva un mentor et un ami en la personne de son chef de patrouille. Ce dernier le traîna en randonnée, lui apprit à chasser et lui donna un aperçu de ce à quoi une relation filiale saine pouvait ressembler. Quelques années plus tard il fit la rencontre de la femme qu'il allait épouser. Les deux jeunes gens nouèrent rapidement une relation fusionnelle et la naissance de leur fille finit de marquer un tournant dans la vie de John, lui donna un sens. Lui qui n'avait fait que survivre jusqu'alors avait à présent une famille sur laquelle veiller. Quatre années s'écoulèrent avant qu'un brutal mais banal accident de la route ne lui prenne tout ce qu'il avait entrepris de construire. John ne dût pas seulement faire le deuil de la femme qu'il aimait ce jour là mais également de sa fille et de l'avenir qu'il lui avait anticipé, de l'espoir qu'il avait nourri d'être un jour un père digne de ce nom. Anéanti mais se refusant de céder aux mêmes faiblesses que son père, il se donna corps et âme à son travail. N'ayant plus rien à perdre, il était de toutes les interventions à risques, des braquages aux courses poursuites, gagnant une réputation de trompe-la-mort avant que l'on ne diagnostique chez lui un comportement suicidaire. Il fut suspendu de ses fonctions pour une période de deux mois, le temps qu'il puisse suivre un semblant de thérapie et enfin aller de l'avant. John s'était rendu à la première séance mais n'avait jamais donné suite, n'ayant jamais trouvé les mots pour parler de ce qu'il ressentait même avant tout cela. Le temps depuis s'était comme arrêté. Les rideaux de son appartement étaient restés tirés pendant des jours afin d'échapper à la chaleur suffocante du mois d’août ... Ou peut être simplement afin d'échapper à la Terre entière. Il n'en voyait plus qu'un reflet lointain par l'intermédiaire des flashs d'information à la télévision. Il observait les débordements de foule sans véritablement les voir, perdu dans ses pensées, assailli de souvenirs encore trop douloureux. Les détonations qui retentissaient dans l'écran trouvèrent bientôt écho non loin de son appartement. C'est vêtu d'un simple jean qu'ils les vit la première fois. Des aboiements insistants avaient fini par attirer son attention. Un chien, dans une cour en contrebas, était à présent encerclé. N'ayant certainement jamais attaqué qui que ce soit de sa vie, la pauvre bête était prise à partie entre sa bonne éducation et l'impératif de survivre inscrit dans son ADN. Le premier glapissement décida John à sortir.