31 mars 2016 - Juliet venait tout juste de sortir de la salle de bain, les cheveux encore mouillés, lorsqu’elle arriva dans le salon, où elle alla directement mettre de l’eau à chauffer, pour se faire une tasse de café. La maison était calme, bien trop calme. C’était toujours l’effet que cela lui faisait quand Maddie partait, et que la tornade rousse n’était plus là pour répandre sa bonne humeur et son optimisme à toute épreuve. Et autant dire que Juliet n’aimait pas trop ça. Pourtant, elle préférait garder ses remarques pour elle, et se contenter de lancer un grand sourire ravi à la rousse à chaque fois qu’elle lui disait qu’elle s’absentait pour aller courtiser Rajesh, son scientifique qui lui avait tourné la tête. Si bien qu’aujourd’hui encore, elle avait presque poussé la jeune femme vers sa voiture, en lui intimant de s’amuser, et de ne surtout pas penser à elle. Juliet allait donc passer la soirée en tête à tête avec le livre de premiers soins offert par Alair, et une bonne tasse de café, avant d’aller rejoindre son lit en espérant y passer une meilleure nuit que la précédente. Une fois l’eau frémissante, elle la versa sur le café soluble en tournant en même temps, avant de laisser là la tasse fumante, et de remonter rapidement à l’étage pour aller y chercher son bloc-notes.

La brune était en train de tourner les pages pour trouver ses dernières remarques, lorsqu’elle s’arrêta brusquement en plissant les yeux. Elle aurait pourtant juré qu’elle avait laissé sa tasse de café sur le comptoir…où elle ne se trouvait manifestement plus. A la place, elle la trouva sur la table basse, là où la brune ne se souvenait absolument pas de l’avoir laissée. D’ailleurs, elle ne se souvenait pas non plus d’avoir laissé la fenêtre de la cuisine ouverte. Jules laissa son regard traîner partout autour d’elle, à la recherche d’une explication qui peinait à parvenir à son cerveau. « -Maddie ? » Mais la rouquine n’était pas rentrée, et elle avait beau tendre l’oreille, rien d’autre qu’un profond silence régnait dans la maison. Les sourcils froncés, Juliet essaya de se remémorer si la fenêtre était ouverte lorsqu’elle était montée à l’étage, mais elle était incapable de s’en souvenir. Elle la referma finalement, avant d’aller vérifier la porte d’entrée, sans trop savoir pourquoi d’ailleurs.

Juliet resta immobile quelques secondes, avant de lever les yeux au ciel face à sa propre attitude. Elle se faisait des idées, ou alors, le manque de sommeil était en train de lui jouer des tours, il n’y avait pas 36 explications possibles. Elle était seule dans leur maison, et dans un quartier aussi sécurisé que le leur, elle ne voyait pas vraiment ce qui pourrait lui arriver. S’intimant d’arrêter ses conneries, elle rejoignit le canapé, puis enroula le plaid autour de ses épaules comme si cela pouvait la protéger des dangers imaginés par son esprit, et reprenant le livre offert par Alair, Juliet poursuivit sa lecture, en essayant de ne plus faire attention à ce qui se passait autour d’elle. Mais c’était peine perdue, elle s’en rendait bien compte, preuve en était que c’était au moins la quatrième fois qu’elle lisait la même ligne, sans en comprendre le moindre mot. Son esprit était sur le qui-vive, à mille lieux de ce qu’elle était en train de lire, comme s’il était à l’affût d’un événement qui n’arriverait probablement jamais. Elle avait la sensation désagréable qu’une paire d’yeux était en train de la fixer, lourdement, mais à chaque fois qu’elle se retournait, il n’y avait bien sûr rien de menaçant. Les nerfs à vif, la brune ferma les yeux quelques secondes, en se forçant à se calmer, et d’arrêter d’être aussi ridicule pour si peu.

Pourtant, lorsqu’un bruit sourd se fit entendre à l’étage, Juliet ne put s’empêcher de sursauter, ses yeux se rouvrant brusquement. Elle se figea, avant de tendre l’oreille, parvenant même à se persuader qu’elle entendait désormais des bruits de pas dans le couloir du haut. « Maddie, t’es en haut ? » Au fond, Juliet savait bien qu’elle n’entendrait pas la voix guillerette de la rouquine retentir, mais elle n’avait pas pu s’empêcher de demander, avec un certain espoir. Son cœur battait un peu plus vite dans sa poitrine, et avant même qu’elle n’ait eu le temps de comprendre ce qu’elle faisait, elle se retrouva au bas des escaliers, aux aguets. Avec mille précautions, elle grimpa les marches, l’une après l’autre, en faisant le moins de bruit possible, puis elle passa lentement sa tête dans l’angle du couloir…qui était bien sûr vide. Les poings serrés, ignorant le nœud dans son ventre, Juliet poursuivit sa route, entrant dans chaque pièce, pour y constater de ses propres yeux qu’il n’y avait personne tapi dans l’obscurité, prêt à lui bondir dessus. Elle s’apprêtait à sortir de la chambre de la rousse, quand un craquement dans les escaliers lui figea le sang dans les veines, craquement bientôt suivi d’un bruit de vaisselle brisée. Elle dévala les escaliers en courant, avant de se stopper net sur la dernière marche en voyant sa tasse de café, fracassée sur le sol, le liquide répandu tout autour.

Et avant que son esprit ai compris ce que son corps était en train de faire, la brune se retrouva à l’extérieur de sa maison, dont elle venait de refermer la porte derrière elle. Une fois dehors, Juliet ne se donna pas le temps de réfléchir plus longtemps, et elle n’avait toujours pas pensé à se poser quelques secondes que ses pieds l’avaient déjà conduit devant une maison à quelques mètres de là, tandis qu’elle tambourinait désormais sur la porte, en lançant des regards en arrière, vers sa maison, comme si elle s’attendait à ce que quelqu’un finisse par sortir de chez elle, et par prouver que non, elle n’était pas tarée. La porte venait à peine de s’entrouvrir que Juliet se faufilait à l’intérieur de la maison, avant de refermer elle-même derrière elle. Son regard remonta doucement vers l’occupant de la maison, tandis que la jeune femme finissait par lancer un « -Salut… » affreusement gêné. Et ce qu’elle s’apprêtait à dire désormais ne la mettait pas vraiment plus à l’aise, tant elle se rendait compte que ça devait avoir l’air stupide. « -Je crois que…y’a peut-être quelqu’un chez moi… » Elle fronça les sourcils, avant de glisser son regard dans celui de Logan, sans parvenir à cacher son inquiétude.

Après une longue bataille rondement menée contre les câbles emmêlés derrière l'écran de télévision, Logan eut enfin la joie de voir que tout était en place : l'écran plat affichait une très belle image de neige comme on en avait pas vu depuis les vieux postes de télé à tube cathodique et trois beaux zéros verts clignotaient sur la façade du lecteur DVD en lieu et place de l'heure. Il ne manquait plus qu'à glisser un film dans l'appareil pour voir si  les projets du barbu pour la soirée iraient plus loin qu'une simple installation. Il aurait peut-être du avoir honte de pomper allégrement dans les réserves des batteries supposées servir à tout le groupe dans l'unique but de se réchauffer et de s'éclairer, et de conserver la nourriture dans la réserve, mais ça ne le troublait même pas un tout petit peu. De toutes façons, qui le saurait ? Il était seul, maintenant. Même Octavia l'avait abandonné pour la soirée, réquisitionnée plus ou moins de force par Alex qui prétendait avoir besoin d'elle pour préparer ses cartons s'il voulait réellement que la jeune femme vienne vivre avec eux. Un bébé de neuf mois étant absolument incapable de tenir ne serait-ce qu'un rouleau de scotch et Alex n'ayant presque rien à ramener avec elle, il avait parfaitement compris qu'elle le forçait à prendre une soirée de repos après qu'il se soit plaint si longuement la veille. Ça lui avait un peu arraché le cœur de s'éloigner de sa fille, il s'était habitué à se retrouver en tête à tête avec elle et il ne la laissait plus vraiment s'éloigner de gaieté de cœur. Mais bon... Il n'allait pas se mentir, il avait vraiment besoin de repos.

C'était un peu étrange quand même, de se retrouver seul dans une si grande maison, chose qui ne lui était pas arrivé depuis... depuis trop longtemps pour qu'il s'en souvienne, en fait. Mais il ne se laissa pas démonter et se rendit avec une détermination parfaitement démesurée vers l'étagère à côté de la télé, où reposait la collection de DVDs des anciens propriétaires de cet endroit. Il avait eu l'idée de profiter de son statut de chef et d'outrepasser les règles strictes concernant l'utilisation de l'électricité un peu plus tôt dans la journée, quand, alors qu'il s'ennuyait tellement qu'il s'était mis à faire du ménage, il était tombé sur une copie de Vendredi 13 dans la large collection de films. Toute personne ayant déjà eu l'immense honneur de tirer plus de trois mots d’affilé à Logan qui ne forment pas une remontrance savait qu'il entretenait un goût singulier pour les films d'horreur des années 80, bourrés de clichés et d'effets spéciaux ridicules. Bref, il avait été heureux de voir ce film sur l'étagère et s'était dit qu'il méritait bien de se faire une soirée télé devant son film préféré. Tout seul et sans pop-corn, ça n'aurait pas la même saveur, mais ça l'occuperait probablement assez pour qu'il n'y pense pas.

Enfin, bon... Logan attrapa la boite du DVD et la télécommande et continua ses préparatifs, mettant le CD dans le lecteur et pointant la télécommande dans l'espoir de faire fonctionner le tout. Mais il eut beau massacrer les boutons un à un, il ne se passa rien et c'est avec une certaine pointe de déception qu'il reposa l'objet sur le meuble T.V en se demandant comment il avait fait pour survivre tout ce temps sans une petite dose de technologie dans sa vie. Enfin la bonne nouvelle, au moins, c'était que le lecteur se lança tout de même lorsqu'il le démarra manuellement, faisant disparaître la neige pour la remplacer par un écran bleu dégradé de toute beauté pour quelqu'un n'ayant pas eu l'occasion de voir l'interface d'un lecteur DVD depuis presque deux ans.

Il était en train de trifouiller les boutons sur le lecteur pour naviguer dans le menu et lancer le film quand un coup à la porte le fit sursauter. Il fronça les sourcils, se redressant pour regarder par la fenêtre, mais à part le ciel chargé de nuages prêts à exploser, il ne voyait rien de là où il était. Peut-être qu'Alex en avait déjà assez de jouer à la maman d'un soir pour Octavia ? Connaissant la jeune femme, ça n'aurait pas vraiment étonné le barbu de la retrouver de l'autre côté de cette porte, les cheveux dans tous les sens et un air de suicidaire sur la face. Mais la connaissant, il se serait plutôt attendu à ce qu'elle entre sans attendre d'y être invitée et qu'elle lui colle la gamine dans les bras sans lui fournir une explication quelconque. L'homme abandonna rapidement ses affaires pour rejoindre l'entrée et ouvrir la porte à son visiteur impromptu, mais il eut à peine le temps d'ouvrir vraiment qu'une tornade brune s'incrustait déjà à l'intérieur. Si c'était pour faire ça, pourquoi avoir pris la peine de frapper avant d'entrer, en fait ?

Son regard perplexe se posa sur la jeune femme qui venait plus ou moins de forcer son entrée chez lui. « Euh... Salut à toi aussi ? » C'était plutôt rare que Juliet vienne lui rendre visite, il fallait bien l'admettre, surtout en soirée. Ils se croisaient régulièrement dans Fort Hope et les tensions semblaient s'être apaisées pour de bon entre eux, mais... De là à débarquer comme une furie dans sa maison, il n'était pas sûr. Surtout qu'elle n'avait pas l'air dans son assiette. « Ça va ? On dirait que t'as vu un fantôme. » Elle commençait un peu à l'inquiéter à se comporter comme ça et il le fut d'autant plus quand elle lui avoua enfin ce qu'elle faisait là. Quelqu'un chez elle ? Comment est-ce qu'il pourrait y avoir quelqu'un dans sa maison ? Ils n'étaient peut-être pas des pro, mais il y avait des gardes partout à l'entrée et un immense mur qu'il avait passé des mois à construire tout autour du camp. Si un intrus était entré, quelqu'un l'aurait remarqué, tout de même. « T'es sûre que c'est pas juste Maddie qui se fout de toi ? » demanda-t-il dans une tentative désespérée de faire de l'humour. Mais... en y réfléchissant bien, ce n'était peut-être pas si impossible que ça. Il n'avait pas la moindre idée de par où un intrus aurait pu pénétrer dans le camp, mais avec ce que lui avait raconté Maddie la dernière fois... Il se passait définitivement quelque chose d'étrange à Fort Hope.

Logan fronça encore les sourcils en observant la jeune femme une seconde. Bon, que ce soit juste le vent ou un problème plus grave, il n'y avait qu'une seule chose à faire... « On va aller jeter un coup d’œil. » proposa-t-il avant de se détourner pour retourner dans le salon, où il récupéra son khukuri, juste au cas où. Il retourna auprès de son ex dans le couloir, mais ne lui accorda guère plus qu'un regard avant de sortir de la maison et d'ouvrir la marche jusque chez elle. « Qu'est-ce qui s'est passé ? » demanda-t-il tandis qu'ils traversaient les quelques mètre séparant leurs deux demeures.

Maintenant qu’elle se trouvait devant Logan, Juliet se demandait sérieusement ce qu’elle fichait là. La porte avait été à peine ouverte que la brune s’était engouffrée dans la maison, sans même attendre d’y être invitée, pour échapper à une menace pour l’instant tout ce qu’il y avait de plus imaginaire. Elle n’avait pas réfléchi longtemps, elle ne s’en était pas donné les moyens, et ses pieds l’avait conduit tout droit chez leur Leader, sans qu’elle ne sache exactement pourquoi d’ailleurs. Et maintenant qu’elle se trouvait là, la brune ne pouvait pas s’empêcher de se dire qu’elle aurait peut-être dû se poser quelques instants au lieu de laisser son instinct prendre le dessus. Elle ne se sentit pas vraiment plus à l’aise lorsqu’il lui demanda d’un air peu convaincu s’il ne pouvait pas s’agir tout simplement de Maddie, qui lui faisait une farce, Jules se sentant encore un peu plus bête. Elle lui fit non de la tête, avant de détourner le regard : « -Elle est avec Rajesh… » Comme si cette simple explication suffisait à expliquer pourquoi ça ne pouvait pas être la rouquine qui se sentait d’humeur à faire de mauvaises plaisanteries à sa meilleure amie. Et puis, Juliet l’avait appelé plusieurs fois, et connaissant Maddie, elle ne l’aurait pas laissée mariner aussi longtemps sans finir par avouer qu’elle était là, et sortir de sa cachette en étant morte de rire. Sur ce point, Jules était catégorique, la rouquine était totalement innocente.

Après qu’il lui ait dit qu’ils n’allaient pas tarder à aller voir ce qui se passait chez elle, Juliet l’observa revenir du salon avec une arme à la main. Cette idée n’était pas vraiment pour l’enchanter, mais elle ne broncha pas et marcha dans les pas de Logan tandis qu’ils quittaient la maison du barbu pour se diriger vers celle de la brune et la rouquine. Lorsqu’il lui demanda ce qu’il s’était passé, Jules glissa un regard en biais vers lui, fronçant doucement les sourcils. « -Je… » Elle ne savait même pas où commencer, ni même faire la part entre ce qui aurait pu être de la main de Maddie, et ce qui aurait pu être fait par une tierce personne. Dans le doute, elle tâcha de se rappeler de tout ce dont elle avait assisté, et qu’elle ne parvenait pas à expliquer. « -La fenêtre de la cuisine était ouverte quand je suis descendue, et je suis pas vraiment certaine qu’elle l’était au moment je suis montée. Mes affaires ont bougé mystérieusement de place. » Bon…ce n’était peut-être pas avec ça qu’elle allait parvenir à le convaincre qu’un inconnu s’était effectivement infiltré chez elle. « -J’ai entendu du bruit à l’étage…comme…des bruits de pas. Alors j’ai été voir, j’ai commencé à vérifier les chambres, et quand j’allais sortir de la chambre de Maddie, y’a eu du bruit dans l’escalier, et quand je suis arrivée en bas, ma tasse à café s’était explosée par terre. » Bon…elle n’était pas certaine qu’elle avait vraiment réussi à se montrer vraiment plus convaincante. Elle évita de lui parler de cette sensation qu’elle avait eu de se sentir épiée, et que quelqu’un surveillait le moindre de ses mouvements. Avec le recul, il n’était pas impossible que Juliet ait réagi au quart de tour, et se soit peut-être un peu emballée plus que de raison.

Ils arrivèrent bien vit devant chez elle, tandis que Juliet fronçait les sourcils, cherchant ce qui clochait dans la vue de sa maison. « -La lumière était allumée quand je suis partie… » Mouais…il n’était pas certain que si quelqu’un de malveillant se soit introduit chez elle, il aurait pris la peine d’éteindre la lumière, et de ménager l’électricité du groupe. Mais la lumière ne s’était pas éteinte toute seule, pas vrai ? Quoiqu’il en soit, ils ne tardèrent pas à monter les marches du perron, et à pousser la porte d’entrée de la maison. La brune laissa Logan passer en premier, allumant les lumières dès qu’elle entra chez elle, avant de tendre l’oreille pour voir si elle entendait de nouveaux bruits suspects. Ils entrèrent ensuite dans le salon, où Juliet se figea subitement. A l’endroit où la tasse s’était fracassée par terre, il ne restait…plus rien. Plus la moindre goutte de café au sol, pas un seul morceau de vaisselle cassée. Sous le coup de la surprise, la brune dépassa Logan, et marcha jusqu’au lieu du crime, en fronçant les sourcils, sans comprendre ce qu’il était en train de se passer. Elle n’avait pas rêvé, quand elle était descendue, la tasse était bel et bien par terre, alors où était-elle passée, et qui avait bien pu ramasser ? Elle ne se l’expliquait pas. « -La tasse…elle était là. Juste ici, par terre ! » Elle montrait l’endroit en question d’un doigt, sans parvenir à cacher le malaise qui la saisissait. Elle tourna son visage perdu vers Logan, persuadée qu’il devait être en train de la prendre pour une tarée à l’heure qu’il était. Il devait se demander ce qui lui avait pris d’être venue toquer chez lui, et si ce n’était pas un prétexte bidon.

Ils allèrent malgré tout vérifier l’étage, Juliet laissant le barbu vérifier les pièces en haut, tandis qu’elle restait dans le couloir, même si à chaque fois qu’il finissait par l’y rejoindre, il semblait clair qu’il n’avait rien trouvé de suspect. La chambre de la brune, la dernière pièce au fond du couloir, fut le dernier endroit qu’ils devaient vérifier, et Juliet s’y engouffra peu après le mécano, posant ses yeux sur tout ce qui se trouvait dans la pièce…jusqu’à cette fenêtre qui était ouverte, et qui ne l’était bien sûr pas avant. Elle donnait sur un gros arbre, dont l’une des branches tendait vers ladite fenêtre, et la jeune femme s’imagina sans mal que quelqu’un avec un minimum d’expérience en grimpe y aurait trouvé un bon moyen d’entrer, ou de sortir, en douce de la maison. « -C’était fermé quand je suis partie… » Ca l’était, pas vrai ? Elle en était persuadée. Elle alla ferma la fenêtre, avant de se tourner pour affronter le regard de son ex. Mis à part les dires de Juliet, il n’y avait aucune preuve que quelqu’un d’autre que Maddie ou elle était entré dans les lieux, aucune trace d’un inconnu avec de mauvaises intentions. Elle ferma les yeux quelques secondes, avant de lâcher un petit rire désabusé, sans aucune joie. « -D’accord…je me doute de quoi ça doit avoir l’air…mais je t’assure que j’ai rien imaginé… » Elle ne savait plus trop qui elle essayait de convaincre là, Logan, ou bien elle-même. Elle n’était pourtant pas une flippée en temps normal, et ce n’était pas la première fois qu’elle passait la soirée, voire la nuit, seule dans la maison. Juliet fronça les sourcils, avant de s’assoir au bord de son lit. Elle devait avoir l’air vraiment maligne à présent. Maligne, et toujours pas vraiment rassurée, au fond. Elle avait eu la preuve qu’il n’y avait personne d’autre qu’eux deux dans la maison, et pourtant, Jules ne pouvait pas chasser la sensation qu’elle avait eu qu’un étranger se trouvait sous son toit. Et sa tasse à café ne s’était sans doute pas précipitée seule sur le sol du salon. « -Je suis désolée de t’avoir embêté pour rien. Y’a rien de suspect ici visiblement…» Elle secoua légèrement la tête de droite à gauche, avant de relever son regard bleuté, une expression gênée au possible, vers le visage de Logan.

Sans rien dire, Logan écoutait les explications de Juliet, mais il avait un certain mal à retenir le masque soucieux qui s'installait sur ses traits. Tout ça était bizarre, mais était-ce réellement inquiétant ? Il pouvait penser à des dizaines d'explications différentes pour justifier ce que lui racontait Juliet et la plupart n'étaient pas si extravagantes et certainement pas inquiétantes. Pourtant, l'homme restait terriblement sérieux et même très concentrés quand ils arrivèrent chez la jeune femme. Il avait toute confiance en Juliet et il ne croyait pas une seule seconde qu'elle se soit tournée vers lui en désespoir de cause pour une simple histoire de courant d'air. Même si ça n'était rien de plus que ça, il préférait aller vérifier par lui-même si ça pouvait la rassurer.

Il entra donc le premier dans la maison, sa lame pointée devant lui et avança prudemment dans les lieux, en regardant autour de lui avec attention. Hélas, il n'y avait rien à voir, même pas la tasse de café brisée que la jeune femme lui avait promis. L'homme fronça les sourcils alors que son ex le dépassait pour lui affirmer une fois de plus que la tasse était bien là avant qu'elle ne vienne le trouver. Elle ne semblait vraiment pas bien et il ne savait pas trop comment réagir. « T'es sûre que tu l'as pas ramassé ou... » Il ne savait même pas comment finir cette question, mais c'était quand même étrange, non ? Si quelqu'un était entré ici sans y être invité et que ce quelqu'un avait eu de mauvaises intentions, pourquoi prendre la peine de faire le ménage ? Ça n'avait aucun sens et pourtant, même en essayant très fort, il n'arrivait pas à se convaincre que Juliet mentait pour une raison obscure. Ça n'était pas son anniversaire ou Dieu sait quelle connerie du genre et à part une fête surprise ou une mauvaise blague, il ne voyait vraiment aucune raison logique pour que la brune se donne autant de mal pour l'attirer chez elle. Très franchement, elle n'aurait eu qu'à demander pour qu'il la suive jusqu'au bout du monde et il était plutôt certain qu'elle le savait. D'autant qu'elle lui paraissait vraiment perdue et effrayée. Perdait-elle la tête ? Un peu trop de café, pas assez de sommeil... Pour peu qu'elle n'ait pas assez dormi ces derniers temps, elle pouvait avoir oublié quelques trucs, mais ça lui semblait quand même assez peu probable. Rien de tout ça n'avait le moindre sens. « Reste près de moi. » ordonna-t-il sans y faire attention, alors qu'il se déplaçait dans la pièce pour regarder un peu partout.

Sauf qu'il n'y avait vraiment rien. Pas de traces d'une tasse brisée où que ce soit et encore moins celles d'un visiteur. Rien ni personne ne se cachait sous les meubles, il n'y avait vraiment rien à voir et pourtant, Logan mettait un zèle inhabituel à bien tout vérifier. De plus en plus dubitatif, il décida quand même de faire subir la même inspection poussée au reste du rez-de-chaussé, allant même jusqu'à vérifier dans la poubelle de la cuisine au cas où la tasse en morceaux aurait été jeta là, mais non. Ça commençait à devenir vraiment gênant, mais il prit quand même la peine de faire la même chose à l'étage, de visiter chaque pièce, de regarder sous chaque lit, dans chaque armoire, même dans la douche. Et quand il se retrouva dans la chambre de Juliet sans n'avoir rien vu d'inhabituel, Logan fut bien obligé d'admettre qu'il perdait son temps et que la jeune femme s'était inquiétée sans raison.

Il était en train de refermer la porte de son armoire quand elle vint le rejoindre à l'intérieur de la chambre et qu'elle lui assura que la fenêtre était fermée avant qu'elle ne quitte les lieux. Il regarda ladite fenêtre, mais il commençait sûrement à douter trop de ce qu'elle disait. Peut-être qu'elle n'avait tout simplement pas fait attention à la fenêtre avant de sortir ? Lui-même aurait été bien incapable de dire si celle de sa chambre était fermée ou non en ce moment et pourtant, ça ne faisait pas trois heures qu'il l'avait quitté pour la dernière fois. Ce n'était que de petits détails, si on oubliait la tasse portée disparue, pas suffisant pour prouver qu'il y avait un problème ici. Mais même si Juliet s'excusait piteusement, visiblement gênée et mal à l'aise, elle ne semblait pas beaucoup plus rassurée par l'inspection qu'il venait de faire subir à toute sa maison. Il se sentait un peu mal de la laisser avec cette conclusion, il voulait bien chasser tous les monstres et tous les fantômes du monde pour elle, mais s'ils ne se montraient pas, il ne pouvait pas faire de miracle non plus.

« J'ai rien trouvé, en tout cas... » assura-t-il, presque aussi dépité qu'elle, comme s'il aurait préféré voir quelque chose d'anormal juste pour lui donner raison. Il poussa un soupir et plongea son regard dans celui de la jeune femme, penchant légèrement la tête sur le côté. « Tu veux venir chez moi ? J'ai réussi à faire fonctionner la télé, j'allais me regarder un film. Y a pas de pop-corn, mais... au moins tu seras pas toute seule en attendant que Maddie rentre. » Bon, il allait peut-être se retrouver obligé de changer ses plans et accepter de regarder un autre film que celui qu'il avait prévu de visionner, mais s'il ne fallait que ça pour la rassurer, il pouvait y consentir.

Assise sur le lit, on ne pouvait pas vraiment dire que Juliet se sentait particulièrement à l’aise. Elle ignorait de quoi elle avait eu l’air, à aller tambouriner à la porte de Logan en criant à l’intrusion, alors qu’il n’y avait aucune preuve de la présence de qui que ce soit dans sa maison. Pourtant, elle n’avait pas imaginé les bruits de pas, les grincements de l’escalier, la tasse au sol…n’est-ce pas ? Il devait bien y avoir une explication à tout ça, même si elle échappait clairement à la jeune femme pour l’instant. Logan ne tarda d’ailleurs pas à lui confirmer qu’il n’avait rien trouvé de suspect, tandis que la brune relevait son regard vers lui, et hochait lentement de la tête. Elle aurait sans doute dû se sentir plus rassurée à cette idée, mais elle ne parvenait pas à chasser le mauvais pressentiment, ou l’inquiétude, qui ne voulait plus la quitter. Et puis…elle s’en voulait un peu d’avoir forcé le barbu à venir jusqu’ici pour chasser une menace qui n’existait visiblement que dans l’esprit de Juliet, il avait sans doute des choses plus importantes à faire que cela. Elle haussa une épaule d’un air impuissant, avant de détourner le regard sur la fenêtre. Malgré l’absence évidente de menace, Juliet ne se voyait pas retourner dans son salon comme si de rien était pour y poursuivre sa soirée, et elle s’imaginait bien s’enfermer dans sa chambre, en attendant sagement que Maddie rentre.

La brune se releva, s’apprêtant à quitter sa chambre, pour retourner en bas. Après avoir dérangé sans raison Logan, la moindre des choses qu’elle pouvait faire était sans doute de lui proposer un café, ou un verre de ce qui lui ferait envie. Mais à peine cette idée traversa l’esprit de la jeune femme que la voix du barbu s’éleva une nouvelle fois dans la pièce, tandis qu’il proposait à Juliet de venir passer la soirée chez lui, en attendant le retour de la rouquine. Si la proposition surprit la brune, elle ne prit pas vraiment la peine d’y réfléchir, tandis qu’elle hochait déjà vivement la tête d’un air convaincant. « -Oui, je veux bien…merci. » Elle lui était reconnaissante de l’accueillir comme ça chez lui, alors même qu’ils semblaient tous les deux avoir la preuve qu’elle ne craignait rien dans cette maison. Juliet attrapa un gilet sur le fauteuil de sa chambre, avant de montrer la sortie de la pièce, et de le suivre dans le couloir, puis dans les escaliers. C’était la première fois qu’elle se sentait aussi pressée et presque contente de quitter sa maison, qu’elle prit bien soin de refermer à clés, sans même savoir pourquoi. Après tout, ce n’était pas comme si un survivant du camp allait venir farfouiller dans sa maison pendant son absence.

Quoiqu’il en soit, la brune suivit Logan jusque chez lui, tandis qu’ils refaisaient le chemin parcouru quelques instants plus tôt. Elle entra à sa suite dans sa maison, avant de le suivre jusqu’au salon, en se passant la main dans les cheveux. Elle n’était pas venue souvent ici ces derniers temps, encore moins depuis que Joy était partie, et pourtant, elle avait l’impression que quelque chose n’était pas à sa place. Ou plutôt…que quelque chose manquait. Jules fronça les sourcils en regardant autour d’elle, avant que ça fasse enfin « tilt » dans son esprit. « -T’as vendu ta fille ? » Elle tenta un petit sourire en coin, comme si inconsciemment elle essayait de dédramatiser la situation, qui aurait pu avoir un petit quelque chose de gênant. Elle se doutait bien qu’il avait dû confier Octavia à l’un des survivants du camp, elle avait d’ailleurs cru comprendre, d’après les paroles du gamin, qu’Isha avait souvent la petite chez lui. Quoiqu’il en soit, Juliet posa son gilet sur le canapé, avant de se tourner vers la télé. Ça faisait une éternité qu’elle n’avait pas eu l’occasion de profiter d’une soirée télé en toute simplicité, pas depuis que le monde était parti en vrilles, ça c’était certain. Juliet remarqua rapidement la pochette d’un DVD déjà sorti qui traînait là, et qu’elle ne put s’empêcher d’attraper, avant de se tourner vers Logan en agitant la pochette. « -Je vois que le programme de la soirée est tout trouvé ! Ça colle vachement bien à l’ambiance en plus ! » Vu son état d’esprit actuel, il y avait fort à parier que Juliet ne mettrait pas longtemps à s’immerger dans le film. De toutes façons, ce n’était pas la première fois qu’elle allait le regarder, loin de là même, elle avait arrêté de compter toutes ces fois où, des années plus tôt, Logan tenait à ce qu’ils le regardent dans l’appartement qu’ils partageait à l’époque. C’était sans doute de bonne guerre, vu qu’elle lui imposait elle-même assez fréquemment son film préféré, Titanic. En tout cas, cela faisait un sacré bail qu’elle n’avait pas vu Vendredi 13, mais Juliet était quasiment sûre de se souvenir encore de la plupart des scènes, même si elle ne prétendait pas connaître le film par cœur, et ça lui éviterait peut-être de sursauter à la moindre musique un peu trop stressante.

Aussi convaincant que possible, Logan adressa un sourire à Juliet alors qu'elle acceptait son invitation, peut-être pas avec autant d’enthousiasme qu'il l'aurait cru. Il n'allait pas la forcer non plus à le suivre, mais bon sang ce qu'elle lui semblait tendue, en ce moment ! Pas question de la laisser toute seule à sursauter à chaque coup de vent qui ferait trembler ses fenêtres. Elle allait venir avec lui au moins pour ce soir et il finirait bien par trouver un moyen de la convaincre qu'elle n'avait plus rien à craindre. Enfin bon, au moins, elle acceptait son invitation, que ce soit avec joie ou non et il lui répondit par un simple hochement de tête. Un sourire rassurant plus tard, Logan quittait la pièce, Juliet sur ses talons, pour refaire le chemin inverse jusqu'à chez lui.

Il fila directement jusqu'à la télévision quand ils entrèrent dans son salon, prenant soin de fermer les rideaux des fenêtres, histoire de les mettre dans l'ambiance, mais surtout pour que d'éventuels visiteurs supplémentaires comprennent rapidement qu'il n'avait aucune envie de les voir ce soir. Une seule interruption, ça suffisait bien comme ça, ou très vite, cette petite soirée en tête à tête avec Jason Voorhees allait se transformer en soirée tv pour tout Fort Hope... Le barbu était occupé à régler le film en reprenant son petit manège avec les boutons du lecteur DVD quand Juliet lui posa une question qui lui arracha un petit rire, juste le temps d'une seconde. « Elle est chez Alex pour la nuit. » répondit-il assez évasivement. Il allait lui épargner les salades que lui avait balancé sa meilleure amie et s'en tenir au strict minimum. Quoi que... Il se détourna du lecteur pour observer son ex une seconde. Il ne croyait pas vraiment avoir de comptes à lui rendre, mais il valait peut-être mieux qu'il l'informe tout de suite des changements qui s'apprêtaient à prendre place dans sa vie, non ? Sans arrêt, Maddie revenait à la charge en lui balançant à tout va que Juliet continuait de brûler d'amour pour lui dans un coin et même s'il avait un certain mal à l'admettre, la rouquine était au moins parvenue à semer le doute. « Elle va venir s'installer avec moi... » lâcha-t-il en se retournant devant la télévision. Peut-être que Maddie racontait n'importe quoi, c'était ce qu'il se disait pour éviter de se prendre trop la tête en ce moment. Mais s'il y avait la moindre petite chance que les dires de la rouquine soient vrais, il préférait que Juliet sache maintenant ce qu'il en était plutôt que de tomber sur Alex en petite tenue en venant frapper chez lui un matin et qu'elle se fasse des idées sur ce qui se passait. « C'est pas... enfin, tu vois, c'est juste pour me donner un coup de main avec la petite. Elle aura une chambre rien qu'à elle, très loin de la mienne. »

Tout cela commençait à devenir gênant, aussi, Logan arrêta de dire n'importe quoi et de parler comme un ado débile le ferait à la pompom girl du lycée et retourna à ses affaires, lançant enfin le film. Il avait déjà oublié qu'il était parfaitement disposé à proposer autre chose à Juliet quelques minutes plus tôt, il faisait juste quelque chose pour s'occuper et pour se taire. Elle manqua de le faire sursauter, alors qu'il se traitait d'abruti dans son coin, en l'interpellant de nouveau. Il retourna vers elle, alors que les messages d'avertissement s'affichaient à l'écran. « Ça ira, tu vas pas nous faire une syncope au premier mort, hein ? » demanda-t-il, moqueur, en s'installant dans le canapé. « En plus, t'as de la chance, c'est la version originale, pas le remake craignos de 2009. Les effets spéciaux sont tellement kitch que même toi, tu pourras pas avoir peur. » Il parlait vraiment pour parler, étant donné qu'il avait du forcer la jeune femme à voir ce film et tous ceux de la série au moins un million de fois. Chaque fois qu'il passait à la télé, chaque fois qu'ils n'avaient rien de mieux à faire ou rien de mieux à voir et que c'était son tour de choisir le film, son choix se portait immanquablement sur un film de ce genre. Freddy ou Jason, tout dépendait de son humeur du moment. Dans tous les cas, Juliet devait connaître le film aussi bien que lui, maintenant et il doutait que qui que ce soit puisse vraiment avoir peur en le regardant.

À vrai dire, lui-même le connaissait tellement par cœur qu'il commençait déjà à sourire quand le film commença vraiment et pire encore, il se redressa après à peine trois minutes, prêt à déjà abandonner son poste sans aller mettre pause. « Je manque à tous mes devoirs... Tu veux boire quelque chose ? De l'eau... De la bière ? J'ai rien de plus fort, je crois même pas pouvoir te faire un café. » avoua-t-il avec un certain dépit, surtout en pensant qu'il n'aurait rien pour se réveiller demain matin. Et aussi que sans cette nana, il n'aurait jamais eu envie de boire un café au réveil, si ça n'avait pas été pour ses beaux yeux, jamais il ne se serait mis à cette cochonnerie et il était persuadé qu'elle ne se sentait même pas coupable de l'avoir rendu accro à la caféine. Enfin bref, Logan alla à la cuisine dès que la jeune femme eut passé commande et il revint rapidement, déposant les verres sur la table basse, près de son khukuri toujours à portée de main, au cas où Voorhees se déciderait soudainement à sortir de l'écran pour attaquer l'étrange duo rassemblé dans ce salon.

Le barbu se réinstalla auprès de son ex pour regarder la jeune Annie Phillips chercher désespérément son chemin vers Camp Cristal Lake, laissait un silence s'installer entre eux alors qu'il ne s'intéressait plus qu'au film. Mais c'était tellement... étrange, de se retrouver là avec elle, à regarder ce film comme si de rien était après tout ce temps. Ce n'était pas vraiment gênant, ça n'avait même pas à l'être, ils avaient fait ça tellement souvent. Mais plus depuis dix ans et il y avait peut-être un peu trop de moments de ce genre entre eux ces derniers temps. La petite séance de dessin et maintenant la soirée film... Les choses avaient changé, dernièrement, leur situation à tous les deux était différente et quand bien même ils s'en sortaient très bien pour l'ignorer, Maddie avait réussi une fois de plus à semer des doutes désagréables dans l'esprit de Logan. Ce qu'il pouvait la détester, parfois ! Elle et son insupportable besoin de dire tout ce qui lui passait par la tête et de balancer des grands discours comme si c'était la seule grande vérité. Logan faisait tout son possible pour s'occuper l'esprit au maximum depuis le départ de Joy. C'était en totale contradiction avec son projet de base de se recentrer sur lui-même et de régler les trop nombreux problèmes qui l'assaillaient de toutes parts, mais il était parvenu à ne plus penser à rien qui concerne sa vie amoureuse de près ou de loin au cours des deux dernières semaines. Et ça fonctionnait, il se sentait assez bien pour ne pas se prendre la tête plus que de raison, il commençait à se sentir un peu plus lui-même, parler avec le docteur Wakeman l'aidait aussi. Mais ce soir, il n'avait rien de mieux à faire que de regarder un film qu'il connaissait déjà par cœur et se retrouver seul avec Juliet pour un moment tellement banal l'empêchait de se concentrer.

À la seconde où Maddie passerait les portes de Fort Hope le lendemain, Logan lui sauterait dessus pour l'assassiner, il s'en faisait la promesse. Mais pour le moment, il venait de rater au moins trois bonnes minutes du film à garder ses yeux fixés sur le profil de Juliet, le coude posé sur le dossier du canapé, la tête appuyée contre sa main. Et il se posait un milliard de questions auxquelles il savait déjà qu'il ne trouverait pas de réponses. Est-ce que le départ de Joy changeait réellement quelque chose ? Il redressa la tête et laissa retomber son bras, posant sa main sur le dossier, beaucoup trop proche de la jeune femme pour que ce soit totalement anodin. Était-ce ce qu'il voulait ? Être ici avec elle, faire une énième tentative pour que les choses fonctionnent entre eux après que leur histoire ait échoué aussi souvent ? Son regard avait beau peser sur la jeune femme sans ciller, il n'arrivait pas à trouver une réponse claire. C'était horripilant de ne pas savoir, ça l'était même de se poser la question.

Plantée devant Logan, Juliet lui avait montré la pochette du DVD, s’amusant de constater qu’après toutes ces années, le choix du barbu se portait encore sur ce film qu’il connaissait déjà par cœur. La petite taquinerie du brun lui arracha cependant un sourire en coin : « -Je vais essayer de prendre sur moi. » Elle tâcha de garder un air sérieux, avant de reposer la boîte vide sur la table basse, et d’aller s’installer à son tour sur le canapé. Elle était prête à lui répondre qu’avec la fausse frayeur qu’elle s’était faite toute seule quelques instants plus tôt, elle ne garantissait pas qu’elle ne sursauterait pas à la moindre occasion, tout aussi kitsch qu’était le film. La tension générée par la peur qu’avait ressenti la jeune femme était toujours bel et bien présente, et ce n’était pas en voyant des gens se faire massacrer sur un petit écran que ça allait sûrement s’arranger. Mais il n’y avait pas à en douter, elle préférait être ici, en compagnie de Logan, et de tous les tueurs en série fictifs du monde, plutôt que toute seule chez elle, à laisser son imagination lui jouer des tours.

Quoiqu’il en soit, les premières images du film apparurent à l’écran, tandis que la brune retirait finalement ses chaussures pour s’installer en tailleur sur le canapé du mécanicien, aussi confortablement que possible. Ils n’étaient pas assis depuis plus de cinq minutes que Logan se relevait déjà, lui demandant si elle voulait boire quelque chose, et il ne fut pas bien long à revenir avec son verre d’eau, et sa boisson à lui, quelques instants plus tard. La brune ne décollait plus son regard du petit écran. Ça faisait tellement longtemps qu’elle n’avait pas vu de film, et il fallait bien dire que se concentrer sur l’histoire lui permettait d’oublier un peu ce qui c’était passé chez elle. Peut-être même qu’elle se sentait un peu plus détendue que plus tôt, contre toute attente. Jules avait néanmoins conscience que les débuts de films d’horreur n’étaient en général pas ce qui posait le plus de problèmes à ses nerfs, et que dès que les ennuis des personnages commenceraient à arriver, son trouillomètre allait s’agiter de nouveau.

Juliet se pencha pour attraper son verre, dont elle but quelques gorgées, avant de le reposer, et de poser un regard autour d’elle, plissant le nez face au silence des lieux. Le silence, chez elle, elle n’y était pas vraiment habituée, Maddie faisant autant de bruit que toute une famille réunie. Ici, avec seulement Octavia, elle n’imaginait pas autre chose que du silence, brisé parfois par des pleurs, et un papa tâchant de réconforter son bébé comme il le pouvait. A cette simple pensée, Jules repensa à ce qu’il lui avait dit un peu plus tôt, au fait qu’Alex allait bientôt emménager avec lui, ici, dans cette maison. Sur le moment, Juliet n’avait pas vraiment su comment réagir, et c’était probablement toujours le cas. Elle s’était figée, sans même savoir pourquoi, et elle était bien contente qu’à cet instant, Logan était dos à elle, incapable de voir sa réaction. Elle ne savait pas pourquoi il avait tenu à lui faire part de cette information, encore moins pourquoi il avait semblé insister sur le fait que la chambre de la jeune femme serait très éloignée de la sienne. Elle ignorait également pourquoi elle avait ressenti une pointe de soulagement à cette précision, aussi fugace et inattendue fut-elle. Juliet préféra éviter de repenser à cet instant, sans doute parce que ça impliquait qu’il allait falloir qu’elle s’interroge sur le pourquoi d’un tel ressenti, et qu’elle n’avait aucune envie de se perdre dans les méandres de son esprit, et encore moins de ses sentiments. Et puis, ça ne ferait que compliquer les choses si elle se lançait dans une telle analyse maintenant, ça soulèverait des questions auxquelles elle n'était pas certaine de savoir donner de réponses, pas certaine de le vouloir non plus. C’était étrange de se trouver là, Jules en était bien consciente, et ça la renvoyait des années plus tôt, quand ils avaient fait de ce genre de soirées leur quotidien, à une époque où les choses étaient bien moins compliquées entre eux.

Lorsque Logan laissa retomber sa main pas très loin d’elle, le regard de Juliet fut attiré par le mouvement, si bien qu’elle tourna furtivement son regard vers lui, avant de fixer une nouvelle fois très vite sur la télé. Sauf que le barbu était manifestement en train de l’observer, elle sentait son regard peser sur elle, et après une brève seconde de plus, les yeux bleus de la jeune femme se posèrent de nouveau sur le visage de Logan. Elle resta comme ça, silencieuse à l’observer en train de la regarder pendant quelques secondes, avant de lui faire un petit sourire en coin : « -T’es en train de louper tout le film là… » Et on devait parler de ce qui était sans doute l’un de ses films préférés. Juliet ramena l’une de ses jambes contre elle, enserrant son genou de l’un de ses bras, sans quitter Logan du regard. Le film devint subitement le cadet des soucis de la brune, dont le sourire fana peu à peu, tandis qu’elle fronçait légèrement les sourcils. « -Ça va ? T’as l’air…pensif… » Elle le fixa en plissant légèrement les yeux, la tête penchée sur le côté, se demandant ce qui pouvait bien se passer dans l’esprit du mécano, pour qu’il en oublie de regarder son psychopathe préféré œuvrer à la télé.

Mais qu'était-il en train de faire ? Logan lui-même n'arrivait pas à répondre à cette question. Il n'était même plus vraiment là, il entendait encore le film se jouer à côté de lui, il aurait même presque réussi à suivre l'histoire s'il s'était concentré un tout petit peu dessus, mais... Non, il restait seulement là à fixer Juliet et ses pensées se bousculaient et perdaient en cohérence à grande vitesse. Il repensait à tout ce que Maddie lui balançait depuis des mois, à tout ce qui s'était passé entre Juliet et lui depuis le retour de sa meilleure amie et ça ne faisait que l'embrouiller un peu plus. Maddie pouvait bien dire tout ce qu'elle voulait, lui, il était soit trop stupide pour voir les signes, soit il ne les voyait pas parce qu'il n'y en avait pas. La seule conclusion à tout ça restait qu'il ne savait pas et qu'il n'avait pas envie de tout foutre en l'air une fois de plus.

Finalement, Juliet remarqua qu'il l'observait avec un peu trop de zèle et elle se décida à se tourner vers lui, juste pour lancer une petite remarque que Logan entendit de loin. Il lui adressa un sourire, sans rien dire. Oui, il était en train de manquer tout le film et alors ? Il le connaissait par cœur, sérieusement. Elle pouvait couper le son qu'il serait probablement capable de continuer les dialogues tout seul... Ce qu'il ne connaissait pas par cœur, en revanche, c'était elle. Plus maintenant et c'était logique, après tout, ils s'étaient pas mal perdus au cours des dix dernières années. Et pourtant, ce fait le perturbait, là. Il aurait voulu être encore capable de la comprendre sans avoir besoin de chercher plus loin, ne serait-ce que pour savoir s'il devait dire quelque chose ou non. De nouveau, la jeune femme se tourna vers lui et elle semblait... nerveuse ? Il devait avoir l'air flippant, cela dit, à la regarder comme ça. Mais il n'arrivait même pas à dire si elle était vraiment nerveuse ou s'il s'imaginait des choses ou s'il fallait qu'il arrête de réfléchir et de chercher à comprendre. Cette dernière solution se révélait sans doute être la meilleure option. En tout cas, cette fois, il n'allait pas se lancer dans une conversation basée uniquement sur les paroles d'une rouquine ayant la sale habitude de mettre son nez partout et d'arranger la réalité selon ses désirs.

« Maddie... » Doucement, Logan sortait de ses pensées pour essayer quand même de dire la vérité. Mais pas assez vite pour que la jeune femme ne se mette pas à croire tout à coup qu'il la confondait avec une autre. Il se redressa un peu, récupérant sa main pour la passer dans ses cheveux alors qu'il réfléchissait à comment expliquer la suite sans être trop... Il ne savait pas vraiment ce qu'il voulait, en fait. Seulement savoir s'il y avait une conversation qu'ils devaient avoir tous les deux ou pas. « Elle est venue me voir l'autre jour et... Enfin, tu connais Maddie. » lâcha-t-il comme si ça expliquait tout. Après tout, si lui se faisait harceler sur ce sujet, il y avait fort à parier qu'il ne soit pas le seul. « Est-ce que... Il y a quelque chose dont tu as envie de me parler ? » Bon, d'accord, c'était peut-être un peu nul de remettre tout ça entre ses mains à elle, mais au moins, une fois qu'elle aurait contredit les paroles de Maddie, Logan pourrait retourner à sa petite retraite spirituelle sans que plus rien ne vienne se mettre en travers de son chemin. Parce qu'elle allait forcément contredire les paroles de son amie, il ne s'attendait vraiment pas à ce qu'elle lui dise la même chose que la rouquine. C'était Juliet, après tout. Ils jouaient à ce petit jeu depuis presque toujours, tous les deux. Que ce soit vrai ou non, elle dirait qu'il n'y avait rien et ils continueraient comme ça jusqu'à la fin des temps.

Tournée vers Logan, Juliet le fixa à son tour, son sourire ayant disparu malgré elle, alors qu’elle trouvait que le barbu semblait étrangement…ailleurs, visiblement, très loin de ce salon. Son regard ne la quittait plus, et la brune ne pouvait nier que cela l’intriguait au plus haut point. Elle ne pensait pas être plus intéressante que son film préféré, et pourtant, force était de constater qu’il ne lui accordait plus un seul regard. Lorsque le brun prononça le prénom de sa meilleure amie, Juliet fronça les sourcils d’incompréhension, ne voyant pas vraiment où il voulait en venir. Et le fait qu’il garde le silence pendant quelques secondes après ce simple mot ne manquait pas de soulever tout un tas de question dans l’esprit de la jeune femme. Maddie, quoi Maddie ? Qu’est-ce qui se passait avec elle ? Ca y est, elle était arrivée au bout de la patience de Logan, qui ne voulait plus voir sa tête rousse, ni entendre parler de son optimisme agaçant, et voulait la voir quitter Fort Hope ?

Au bout de ce qui ressemblait à une éternité, le barbu reprit enfin la parole, mais sans que cela n’éclaire vraiment plus Juliet sur la situation. Elle fronça les sourcils, ne quittant pas Logan du regard, ne voyant pas vraiment où il voulait en venir. Oui elle connaissait Maddie, parfois elle avait même l’impression de la connaître sur le bout des doigts, mais ça ne l’aidait pas vraiment à comprendre ce qui se passait actuellement dans la tête du mécano. Elle était venue le voir quelques jours plus tôt, ça n’avait en soi, rien de vraiment étonnant, si ? Elle ne voyait pas très bien où il voulait en venir, avant que subitement, elle semble comprendre ce dont il pouvait s’agir. Ce à quoi elle aurait dû penser directement en connaissant Maddie. « -Oh…je vois… » Les mots quittèrent les lèvres de la brune, sans même qu’elle ne s’en rende compte, tandis qu’elle arborait un air gêné immédiat. Elle détourna le regard pour le poser sur ses mains, alors qu’elle maudissait sa meilleure amie dans sa tête. Punaise, c’était une chose qu’elle parle du sujet Logan à Juliet quasiment matin, midi, et soir, mais ça en devenait un brin plus gênant si elle avait le même genre de discours avec le mécano. Et puis, la brune était certaine que Maddie savait que Juliet n’approuvait pas son comportement, et que c’était sans doute exactement la raison pour laquelle elle avait préféré ne pas lui parler de cette conversation qu’elle avait visiblement eu avec Logan. Jules ne put s’empêcher de se faire la remarque qu’elle allait sans doute étriper sa meilleure amie, même si ça devait lui fendre le cœur, juste pour qu’elle arrête de se mêler de sa vie privée.

Juliet ne pouvait cependant s’empêcher de trouver cela surprenant que le barbu décide de lui parler de la visite de sa meilleure amie, et elle ne put s’empêcher de relever vivement la tête vers lui, lorsqu’il demanda s’il y avait quelque chose dont elle voulait discuter avec lui. Ben mince alors, elle ne pensait pas vraiment que la soirée allait prendre cette tournure-là, et que leur innocente petite soirée cinéma prendrait subitement cette direction…bien plus délicate. La brune se mordilla la lèvre inférieure, et resta silencieuse encore un long moment, comme si elle réfléchissait à la façon dont elle devait réagir maintenant. « -Donc j’imagine que toi aussi tu as eu droit au…Juliet est la femme de ta vie, le bonheur est pas très loin, à quelques mètres, juste là, et que t’as le droit d’être heureux…oh, et qu’elle en a marre de nous voir nous louper bêtement, et toutes ces choses-là ? » Elle plissa le nez en imaginant Maddie ressortir à Logan le même discours que celui qu’elle avait avec elle chaque jour, puis au bout de quelques secondes, elle releva ses yeux bleutés vers le visage de son ex.

Un jour, Jules finirait par perdre patience avec la rouquine, qui pensait sans doute bien faire, elle n’en doutait pas, mais qui ne se rendait pas vraiment compte du mal qu’elle pouvait faire avec ses mots. « -Je suis désolée qu’elle soit venue t’embêter avec tout ça, avec ce que tu…traversais… » Elle avait buté sur le dernier mot, parce qu’elle imaginait que le départ de Joy était sans doute un sujet sensible, et qu’elle doutait d’être la personne la mieux indiquée pour l’aborder. A la place de Logan, Juliet aurait sans doute été furieuse de voir la rousse débarquer chez elle si rapidement pour la pousser dans les bras d’un autre. Mais Maddie était Maddie, et il y avait pleins de choses qu’elle ne faisait pas comme la plupart des personnes. Quoiqu’il en soit, après quelques secondes de silence supplémentaire, Juliet pinça les lèvres, fronçant doucement les sourcils tandis qu’elle essayait d’ordonner ses pensées : « -J’imagine qu’elle voulait bien faire…mais…elle se rend pas compte qu’elle met les pieds dans le plat à chaque fois… » Elle parlait à mi-voix, comme si elle faisait cette remarque à elle-même, plutôt que de la partager avec Logan. Cependant, de là à savoir s’il y avait quelque chose dont elle voulait parler avec Logan, elle n’était pas certaine d’en avoir envie…ou plutôt, d’en être capable. S’ouvrir, ça n’était pas vraiment la spécialité de la petite Whitman, et elle doutait que ça le devienne un jour. Et c’était encore pire dans tout ce qui touchait, de près ou de loin, ses sentiments. Mais puisque Logan avait semblé prêt à se montrer honnête avec elle, elle pouvait bien essayer de faire ce petit effort pour lui. « -Ecoute Logan...je suis pas certaine de ce que t’as envie d’entendre…ou au contraire, de pas entendre… » Juliet secoua doucement la tête de droite à gauche en fronçant les sourcils, avant de relever un regard un peu perdu, un peu gêné aussi, sur Logan. Elle se mordilla la lèvre inférieure, haussant une épaule, comme pour signifier encore plus à quel point elle n’était pas tout à fait à l’aise, là, tout de suite.

Elle voyait ? Hum, il n'était pas certain que ce soit une bonne chose, en fait. Ça venait avec la manière dont elle l'avait dit, dont elle paraissait encore plus mal à l'aise que quand il la fixait sans rien dire. C'était une mauvaise idée. Il aurait mieux fait de se concentrer sur le film et d'oublier toute cette histoire, comme il en avait le projet au début de cette soirée. Tout ça ne servirait à rien de plus qu'à recréer un froid entre eux et ils parvenaient tout juste à recoller les morceaux et à passer du temps ensemble sans que ce ne soit gênant. Ils ne pouvaient pas se permettre de passer le reste de la fin du monde à s'éviter sous prétexte que Maddie voulait jouer les entremetteuses à tout va. Se taire aurait été mieux.

Si Logan en avait douté, il en fut convaincu à mesure que la jeune femme continuait sur sa lancée. Sans s'en rendre compte, le barbu s'était redressé pour écouter Juliet lui faire un résumé incroyablement précis de ce que Maddie lui racontait chaque fois qu'elle se retrouvait face à lui. Il ne manquait plus que les grands yeux remplis d'espoir et il s'y serait cru. Ça répondait au moins à la question qu'il n'osait pas poser à voix haute : non, Juliet n'était pas l'instigatrice de ces conversations qu'il avait beaucoup trop souvent avec la rouquine. Tout comme lui, elle n'était qu'une pauvre victime innocente de la cruauté de sa meilleure amie. Sauf qu'elle, elle avait au moins la présence d'esprit de ne pas prendre Maddie au sérieux, même inconsciemment et surtout de ne pas venir lui demander son avis à ce sujet. Il retint un soupir en se mordant la lèvre, détournant le regard bien malgré lui. Ce qu'il pouvait être idiot, pas vrai ? Qu'espérait-il, exactement ? Que Juliet confirme les paroles de la rouquine ? Qu'elle démente ? Si au moins il avait pris la peine de répondre à cette question avant d'ouvrir sa bouche ! « J'y ai droit à chaque fois que j'ai le malheur de croiser son chemin. » se força-t-il à répondre dans sa plus belle imitation d'indifférence moqueuse. « Mais, c'est pas ta faute. »

C'était agaçant, oui. Logan passait un temps fou à prendre sur lui pour ne pas juste pousser la rouquine sous une horde quand elle revenait à la charge. Mais visiblement, Juliet n'y était pour rien, alors ses excuses n'étaient pas nécessaires. Il n'avait même jamais douté des intentions de Maddie et c'était sûrement pour cette raison qu'il restait patient et évitait de se montrer réellement désagréable. Elle voulait bien faire, mais ne disait-on pas que l'Enfer est pavé de bonnes intentions ? Car en ce moment, Logan s'en voulait vraiment d'avoir abordé ce sujet, alors que la soirée aurait pu être agréable, qu'ils auraient pu simplement regarder un film et passer un bon moment ensemble et juste... laisser les choses suivre leur cours. Une très désagréable sensation commençait à le gagner, son regard se faisait fuyant et il cherchait désespérément un moyen de mettre fin à cette conversation avant que ça ne tourne mal. La nervosité gagnait jusqu'à ses doigts qui pianotaient à un rythme un peu trop effréné sur le coussin du canapé, jusqu'à ce que Juliet dise son nom et qu'il se force à la regarder de nouveau, stoppant tout mouvement.

Tout ce qui allait ensuite était juste... Ce qu'il avait envie d'entendre ? Il ne comprenait pas trop ce retournement, en fait. Et il ne se connaissait que trop bien, il savait déjà qu'il allait merder, mais il n'arrivait juste pas à s'en empêcher quand il s'agissait de Juliet. « Je crois que j'ai déjà entendu ce que je voulais entendre. Ou au moins ce que je m'attendais à entendre. » lâcha-t-il en tentant un piètre sourire. Après tout, c'était la vérité. Elle venait de lui confirmer que Maddie leur jouait exactement le même numéro à l'un comme à l'autre. Donc, il n'y avait rien de plus à dire, Maddie lui avait menti, exactement comme il l'avait soupçonné sur le coup. Ça le faisait se sentir bizarre, en fait. Il n'arrivait pas à savoir si ça lui convenait ou s'il était déçu. « On devrait regarder le film. » Un nouveau sourire se fana aussi rapidement qu'il était venu, pourtant, il ne se tourna pas vers la télé. Si elle avait quelque chose à ajouter, c'était sûrement le bon moment.

A voir la tête que faisait Juliet à cet instant, il n’était pas vraiment compliqué de se rendre compte qu’elle était un peu perdue. Pour elle, il n’était pas imaginable, pas une seule seconde, que cette soirée se transforme en autre chose qu’une simple soirée télé anodine. Quelque chose de banal…de tellement plus normal que ce qu’ils vivaient désormais, tous les jours. Elle n’était pas très à l’aise, pas franchement contente non plus, d’apprendre que Maddie allait embêter Logan avec les mêmes discours que ceux qu’elle avait avec elle. Elle avait peut-être oublié que le barbu était marié et que sa femme était partie depuis peu de temps, mais Juliet, elle, s’en souvenait parfaitement. Et elle ne comprenait pas que sa meilleure amie ne se rende pas compte qu’elle compliquait les relations déjà pas simples qui existaient entre les deux ex quand elle intervenait comme elle le faisait visiblement de manière quotidienne, si la brune en croyait les paroles du mécano.

Juliet fronça les sourcils face à la réponse de Logan, sans doute aussi vague que celle qu’elle lui avait elle-même fournie un peu plus tôt, et qui ne faisait que semer un peu plus le trouble dans l’esprit déjà embrumé de la jeune femme. Comment ça, elle lui avait dit ce qu’il s’attendait à entendre ? Elle n’était déjà pas certaine de savoir où il avait voulu en venir un peu plus tôt, mais là, autant dire qu’elle était d’autant plus larguée. Pourtant, lorsque Logan finit par dire qu’ils devraient plutôt regarder le film, Juliet ne détourna pas le regard de son visage, pas plus que lui, d’ailleurs. S’il tenait tant que ça à regarder son film, pourquoi continuait-il à la regarder comme ça ?

Pendant quelques secondes, elle fut tentée de faire exactement comme il venait de le dire, et de simplement se contenter de regarder cet abominable tueur massacrer joyeusement les protagonistes à l’écran. Ce serait plus simple ainsi, ils ne risquaient pas de se lancer dans des discussions houleuses, de dire des choses regrettables qui dépasseraient peut-être, sans doute même, leurs pensées. Malheureusement, un nombre non négligeable de leurs récentes conversations c’était terminé ainsi, provoquant l’éloignement des deux survivants, qui avaient pris bien soin de tout faire pour s’éviter après ces disputes. Et Juliet ne pouvait nier qu’elle appréciait ces instants de calme assez récents qu’ils partageaient de nouveau. C’était agréable, c’était même plus que ça, et elle aurait préféré que cela dure plus que quelques semaines. Pourtant, elle pouvait sentir le malaise qui existait désormais entre eux, bien palpable. Les mimiques de Logan ne lui avaient pas échappé, pas plus que ce petit sourire fictif qu’il avait tenté de visser sur ses lèvres. Elle n’était pas dupe, elle se rendait bien compte que l’atmosphère n’était plus aussi détendue qu’elle l’était quelques minutes plus tôt. Faire comme s’il ne s’était rien passé aurait sans doute été la solution la plus simple, et pourtant, Juliet fut incapable de faire face à la télévision comme si de rien était.

Au lieu de quoi, elle pinça les lèvres et se tourna davantage vers Logan, comme pour lui signifier silencieusement que non, ils ne devraient pas continuer à regarder le film, ou du moins, qu’elle n’en avait plus envie désormais. « -Et qu’est-ce que c’est ? Ce que tu voulais entendre ? » Elle glissa son regard dans celui de Logan, les sourcils légèrement haussés d’un air interrogatif. Ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient, décider de retourner effectivement au film, mais Juliet ne pourrait pas se quitter ce moment de la tête, tout comme elle ne pourrait pas s’empêcher de se poser mille et une questions. C’était comme ça avec elle, à la moindre petite chose, elle ne pouvait pas faire autrement que d’y repenser, en boucle, même si concrètement, cela ne lui apportait jamais aucune réponse, et qu’au contraire, ça soulevait plus de questions que jamais. Et autant dire que quand le sujet concernait Logan, de près ou de loin d’ailleurs, ses pensées ne lui laissaient aucun répit. Il fallait dire qu’avoir une discussion avec le barbu pouvait parfois s’avérer frustrant, tant ils semblaient avoir désormais des problèmes de communication. Oh, et puis… « -Peut-être que pour une fois, on pourrait juste…mettre de côté les non-dits, et discuter comme de vrais adultes ? » L’espoir faisait vivre comme on disait, et dans ce qui était désormais leur monde, sans espoir, ils n’iraient pas bien loin. Elle ne prétendait pas que c’était un exercice dans lequel elle excellait, loin de là, mais il était peut-être temps de faire quelques efforts, non ?

Que voulait-il entendre ? Devait-il réellement répondre à cette question ? Ce que Logan voulait, en ce moment, c'était surtout faire marche-arrière et ne pas continuer cette conversation qui n'apporterait rien de bon. Il aurait du y penser avant, il laissait Maddie prendre beaucoup trop de place dans sa tête, c'était à en devenir fou. Il avait l'impression qu'elle était toujours là dans un coin, à lui raconter ses bêtises et il n'avait pas envie de ça, surtout en ce moment. Mais Juliet ne voulait pas regarder le film et lui non plus. Il venait de briser quelque chose, l'ambiance principalement, mais il y avait des chances que ça ne soit pas que ça. Et Juliet qui voulait discuter comme de vrais adultes... Ce n'était donc pas ce qu'ils faisaient habituellement ? Bon, elle avait peut-être raison sur ce point, ils tournaient un peu trop souvent autour du pot et préféraient deviner que demander.

Logan prit une profonde inspiration et bougea un peu pour se mettre plus à l'aise et faire vraiment face à la jeune femme. Parler comme des adultes... Honnêtement, cette idée lui foutait la frousse à un point inimaginable. S'il disait la moindre connerie, ce serait encore la guerre et cette fois, il ne se sentait pas d'attaque à l'affronter docilement. « Je voulais seulement savoir s'il y a la moindre part de vérité dans ce que me raconte Maddie ou si elle s'amuse seulement avec mes nerfs pour le plaisir ou pour assouvir je ne sais quel fantasme à la con pour son prochain roman. » expliqua-t-il aussi sincère que possible, légèrement méfiant tout de même. C'était la partie facile, pour le moment, mais il ne savait pas exactement jusqu'où ce serait aussi simple. En fait, il avait presque envie de s'arrêter là, de donner tout le temps à Juliet de répondre et surtout d'en gagner beaucoup pour ne pas avoir à dire des choses qui gâcheraient tout. Mais elle voulait qu'ils oublient les non-dits, alors...

« Elle prétend que tu as toujours des sentiments pour moi, que tu lui as dit très clairement, sans aucune obscurité ou je ne sais quoi. » reprit-il donc, toujours très mesuré, observant le visage de son ex avec une attention particulière, pour guetter le moindre signe qu'il devait la fermer et qu'il était en train de créer un désastre d'envergure. « Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, je sais même pas ce que je préférerais que tu dises... Seulement la vérité, j'suppose, même si ça risque de... compliquer les choses. »

Il s'en voulait vraiment de s'être lancé sur ce terrain. Le film en fond sonore lui rappelait gentiment que s'il avait juste fait ce qu'il faisait toujours et laissé tomber, il serait en train de faire quelque chose d'agréable, sans prise de tête et sans risquer de blesser encore une fois quelqu'un à qui il n'avait jamais voulu faire de mal. Saleté de rouquine qui ne pouvait pas se mêler de ses affaires ! C'était probablement injuste de reprocher cette situation à Maddie, mais... Il n'arrivait pas à en vouloir à quelqu'un d'autre pour l'instant. Si seulement elle acceptait de se taire, parfois. Si seulement tout le monde ici parvenait à garder pour lui l'opinion qu'il se faisait de la vie des autres. Mais chacun avait son opinion et chacun se croyait en droit de la partager avec quiconque se trouvait dans son champ de vision au moment où ça lui venait. Et voilà que Logan se retrouvait abreuvé de personnes bien pensantes, persuadées de lui faire une fleur en lui disant quoi faire de sa vie. Ça n'était pas le cas, il ne se sentait pas serein en ce moment, bien au contraire. Il n'avait pas l'impression d'aller dans la bonne direction et il se retrouvait submergé de pensées et de sentiments contradictoires à lui en donner des vertiges. Tout ça parce qu'un coup de vent avait mis Juliet sur sa route et qu'une tornade aux cheveux flamboyants se croyait investie de la mission de sauver ses amies à tout prix. « Mais j'ai l'impression que Maddie nous sert les mêmes salades sans arrêt, alors... Il n'y a peut-être même rien à dire. En tout cas, si ça peut t'aider, moi je ne lui ai rien dit à ton sujet depuis un bail. J'estime que si je dois en parler à quelqu'un, c'est à toi, pas à elle. »

Non, elle n’avait plus envie de regarder le film, plus maintenant en tout cas. Elle ne pourrait pas faire comme si rien ne s’était passé, même si au fond, c’était sans doute le cas. Logan avait simplement posé une question qui avait semé le trouble en elle, et dont elle n’était pas certaine d’avoir une réponse adéquate. De toutes façons, il semblait que le barbu n’était pas vraiment décidé à regarder le film lui non plus, alors qu’il finissait par prendre une grande inspiration, comme pour se donner du courage, et se mettre un peu plus en face d’elle. Ils allaient peut-être avoir une discussion, finalement. Aux paroles du brun, Juliet sentit que ses épaules se raidissaient, un peu malgré elle. Elle fronça légèrement les sourcils lorsque Logan suggéra que la rouquine aimait jouer avec ses nerfs, et elle était prête à lui répondre qu’elle ne ferait jamais ça, parce qu’elle le voyait réellement comme un ami. Mais Juliet devait bien avouer que quand il s’agissait de Maddie, elle n’était jamais totalement neutre, et qu’elle avait souvent la mauvaise habitude de défendre sa meilleure amie, même quand celle-ci ne le méritait pas toujours.

Quoiqu’il en soit, elle voulait qu’ils passent outre les trop nombreux non-dits qui existaient entre eux, et elle devait bien admettre qu’elle était servie, alors que Logan continuait sur sa lancée, parlant des éventuels sentiments de la brune à son égard, et qu’elle aurait confié à la rouquine. Bien que l’opération lui coûtait un peu, Jules ne baissa pas le regard, et continua de regarder son ex, tandis qu’il en faisait autant, comme s’il semblait guetter la moindre réaction sur son visage. Mais la brune tâcha de rester neutre, alors qu’il avouait finalement que la seule chose qu’il voulait entendre, c’était la vérité. Juliet hocha imperceptiblement de la tête à cette annonce, en se disant que c’était bien légitime. Et puis, au fond, c’était elle qui avait eu l’idée stupide d’avoir une discussion à cœur ouvert, pas vrai ?

La vérité…Jules elle-même n’était pas certaine de la connaître vraiment. Ou de l’accepter. Elle préférait éviter de se poser la question de ses sentiments pour Logan, parce que comme il le disait, ça ne servirait qu’à compliquer les choses. Elle aurait presque pu sourire à l’idée de constater que toute leur relation aurait pu être estampillée « compliqué », mais elle n’en fit rien. Au lieu de quoi, elle se perdit un instant dans les méandres de son esprit, réfléchissant à ce qu’elle pourrait bien dire maintenant. Logan ne demandait pas grand-chose, seulement un peu d’honnêteté. Mais à quel prix ? Et si tout ce qui ressortait de cette conversation, c’était de nouveaux cris, ou une nouvelle période de froid entre eux ?

Il la tira de ses pensées en reprenant la parole, tandis que Juliet relevait vers lui un visage qu’elle n’avait pas vraiment eu l’impression d’avoir baissé. Elle se mordilla la lèvre en l’entendant dire qu’il n’avait pas parlé à Maddie d’elle depuis longtemps, et la brune eut la très forte envie de répondre à Logan que non, ça ne l’aidait pas vraiment. Au contraire, d’ailleurs. Elle garda le silence quelques secondes, peut-être même quelques minutes, elle n’en savait même rien. Mais quand elle se décida enfin à prendre la parole, ce fut d’une voix hésitante qu’elle avait du mal à reconnaître : « -Je…ça fait longtemps que je n’ai pas parlé de toi à Maddie non plus. En fait, la plupart du temps, c’est elle qui aborde le sujet, et je me contente de lui répondre. » Mouais…c’était un pitoyable début, et Juliet se demanda pendant quelques instants si elle parviendrait à faire mieux. Elle sentait une petite boule se former au creux de son ventre, une sensation de froid engourdir le bout de ses doigts, et son cœur battre très vite dans sa poitrine.

Elle voulait une vraie discussion d’adultes, sans non-dits, il allait peut-être falloir qu’elle fasse les efforts qu’elle semblait attendre de la part du brun. Si bien qu’au bout d’un petit moment supplémentaire, Juliet reprit : « -Je lui ai jamais dit que j’avais encore des sentiments pour toi, parce que… » Elle hocha une épaule, avant de relever lentement son regard vers celui de Logan. Dieu, ce qu’elle se sentait mal à l’aise. A son tour, elle prit une inspiration, avant de continuer : « -Parce que même si c’est le cas, ça n’avait pas d’importance. T’étais en couple, marié même. T’avais l’air heureux, et c’était suffisant à mes yeux. » Même si cela lui avait coûté au début, Juliet avait fini par se faire à la relation qui unissait Logan et Joy, peut-être même à l’accepter. Et même si elle savait qu’elle aimerait toujours cet homme qui avait eu une place si importante dans sa vie, elle s’était fait la promesse qu’elle ne serait plus jamais un obstacle à son bonheur. Si Maddie n’avait pas mis le nez dans les relations entre Logan et Juliet, la brune aurait vécu jusqu’à son dernier souffle en emportant ces informations avec elle. Elle avait commencé à triturer l’ourlet de son pantalon sans même s’en rendre compte, ça avait au moins le mérite d’occuper ses doigts. Cette fois-ci, Juliet n’en avait plus aucun doute, la soirée film était définitivement gâchée. Elle poussa un léger soupir, avant de relever difficilement ses yeux bleus sur Logan, craignant malgré elle sa réaction.

C'était long. Logan venait de prendre sur lui pour dire à Juliet ce qu'elle voulait qu'il dise, il s'était montré honnête et il aurait voulu une réponse directe. Il aurait voulu qu'ils en finissent et que tout rentre dans l'ordre, sachant pertinemment que ça n'arriverait pas. Parce que Juliet prenait trop de temps pour répondre à sa question ou du moins pour lui donner la vérité qu'il attendait. Elle semblait peser ses mots, hésiter... C'était mauvais signe, très mauvais signe. Plus elle perdait son temps à lui parler de Maddie et de ce qui s'était dit ou non entre elles, plus il en était persuadé. Et il se sentait mal, coupable même. Parce que plus le moment de la révélation approchait, plus il réalisait mieux ce qu'il désirait vraiment.

Pourtant, quand la sentence tomba, elle apporta un certain soulagement à Logan. De courte durée. C'était ça, qu'elle appelait clair ? Parce qu'elle lui donnait bien le contenu de ses conversations avec Maddie, du moins une certaine idée, mais il avait l'impression qu'elle jouait un peu les idiotes en ne lui disant pas directement ce qu'il voulait entendre, en parlant au passé sans rien impliquer du présent. Comment en étaient-ils arrivés là, déjà ?

Le bon côté, c'est que la jeune femme n'ajoutait rien, ne lui retournait aucune question, se contentant d'établir un fait passé et point final. L'occasion rêvée d'en rester là. Mais il ne se faisait aucune illusion : ni l'un ni l'autre ne parviendrait à se remettre dans le film maintenant et à faire comme si de rien était. Logan passa une main sur son visage, comme s'il tentait d'y chasser quelque chose sans savoir quoi. Le désespoir, peut-être, face à ce qui l'attendait quand il se déciderait à prendre la parole. Il hésita, laissa le silence s'étirer en longueur avant d'oser. « Merci. » Juste ça ? Ça ne semblait pas suffisant, mais il ne voulait pas se lancer dans un débat plus long. Il n'était pas heureux ces derniers mois, non. Son mariage battait de l'aile depuis le jour où Bruce était revenu dans la vie de sa cousine par la grande porte et au volant d'un bus rempli de rôdeurs, mais il ne regrettait pas une seule seconde passée à se battre pour cette histoire, seulement la manière dont ça semblait s'être terminé sans qu'il ne le voit vraiment venir. Et Joy lui avait déjà bien assez reproché de ne pas être suffisamment à elle comme ça, si Juliet lui avait donné la moindre raison de prouver ses arguments, il ne s'en serait jamais sorti.

La petite déception, dans tout ça, c'était que la brune propose de parler franchement, mais qu'elle ne le faisait pas vraiment. Ou peut-être qu'il ne comprenait pas bien les sous-entendus dans sa réponse, mais ça restait trop évasif et ça n'était pas la règle. Mais puisqu'elle se refusait à faire un peu plus d'effort, il fallait que ce soit lui. Le moment qu'il craignait le plus se présentait enfin. « Écoute... Ça se passe bien entre nous, en ce moment, non ? J'aime l'idée qu'on puisse être... amis ? Ça a commencé avant que Joy ne s'en aille et j'aimerais que ça continue sans elle. » Il marqua une pause, fronçant les sourcils en regardant devant lui, loin du visage de Juliet, le temps de trouver ses mots, de trouver un sens à ce qui se passait et surtout une réponse quant à ce qu'il voulait vraiment. « Je tiens beaucoup à toi, Jules, je crois que tu auras toujours une place à part et j'ai aucune envie de te faire du mal, mais... J'ai pas envie de me concentrer sur autre chose que sur ma fille, sur moi et sur le groupe pour l'instant et j'ai pas envie de compliquer les choses. »

Voilà, elle voulait de l'honnêteté, elle était servie. Il avait fait sa part et il n'avait rien d'autre à ajouter pour le moment, à moins que Juliet ne soit prise d'une soudaine envie de lui dire quelque chose de concret, elle aussi. Mais après ce qu'il venait de lui balancer, il n'y croyait pas vraiment.

Finalement, discuter de ses sentiments, était bien plus compliqué que ce que la brune s’était imaginée. Elle ne s’était pas attendue à ce que Logan lui demande de façon aussi directe ce qu’il en était de ce qu’elle ressentait à son égard, et si Juliet avait tâché à sa manière à elle de lui dire ce qu’il en était réellement, elle n’était pas certaine d’avoir été si claire que ça. Ses paroles furent suivies par un silence du barbu, un silence qui fit froncer les sourcils de Juliet. Le froncement s’accentua davantage quand il la remercia, sans qu’elle ne sache réellement pourquoi.

Elle détourna le regard quelques secondes, le temps qu’il fallut à Logan pour qu’il reprenne la parole. Dès qu’il ouvrit la bouche, la jeune brune releva la tête vers lui, écoutant avec intention ce qu’il lui disait à présent. Elle hocha doucement la tête, comme pour appuyer ses paroles, alors qu’il affirmait que les deux ex s’entendaient mieux ces derniers temps. Juliet ne pouvait qu’être d’accord sur ce point, même si elle se demandait comment ça avait pu arriver, surtout après qu’elle eut été aussi énervée contre lui quand elle avait appris pour le mariage de Logan et Joy. Elle lui en avait tellement voulu à ce moment-là qu’elle avait été prête à couper les ponts, à ne plus jamais le revoir, à quitter Fort Hope même. Mais le temps avait visiblement fait son œuvre, et Logan des efforts qui n’étaient pas passés inaperçus aux yeux de la brune, et la rancœur qu’elle avait éprouvé contre lui semblait désormais bel et bien derrière elle.

Le barbu s’arrêta de parler une nouvelle fois, tandis que Jules se passait une main dans les cheveux, et posait sa tête sur son genou relevé vers elle. Il semblait avoir quelque chose d’autre à ajouter, mais il avait l’air d’hésiter, sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi, et son comportement rendait Juliet un peu plus nerveuse. Et malgré elle, lorsque Logan commença à parler, elle se figea dans le canapé, sans quitter le brun des yeux. Jules fronça les sourcils tandis qu’elle l’entendait dire qu’il tenait à elle, davantage encore lorsqu’il affirma qu’il ne voulait pas lui faire du mal. Mais, de quoi parlait-il ? Elle ne tarda pas à avoir la réponse à cette question, tandis qu’il continuait sur sa lancée, et allait au bout de ses pensées.

Cette fois-ci, ce fut Juliet qui ponctua ses paroles d’un silence de réflexion, tandis qu’elle essayait d’ordonner ses pensées qui fusaient dans tous les sens. « -Logan…je… » Elle marqua une pause, avant de se tourner un peu plus vers lui, et de glisser son regard azur dans les yeux du barbu. « - Je comprends, tu sais. Et le fait que j’éprouve toujours quelque chose pour toi, c’est pas un drame. Pas pour moi en tout cas. Je te promets que je m’effondre pas en pleurant tous les soirs en t’imaginant avec une autre. Je vais bien. Et je m’attends à rien, vraiment…» Elle leva une épaule, en espérant qu’il ne s’imaginait pas qu’elle passait son temps à se morfondre chez elle, terrée au fond de son lit. Juliet n’avait pas arrêté de vivre parce que Logan en aimait une autre, elle avait même essayé d’en faire autant de son côté. Au fond, elle n’avait pas vraiment envisagé que le départ de Joy puisse changer quelque chose entre eux, elle ne s’était pas mise à espérer secrètement que cela allait changer leurs relations, ou qu’ils allaient se remettre ensemble. Elle ne mentait pas, elle n’attendait rien, et contrairement à Maddie la forceuse, Juliet préférait laisser faire les choses. Et puis, elle s’imaginait bien qu’il n’était pas le genre d’homme à sauter sur une autre femme, aussitôt la sienne partie. « -Et puis amis…c’est pas si mal. C’est toujours mieux que ce qu’on a réussi à faire ces dix dernières années. » Juliet le regarda encore quelques secondes, avant d’esquisser un sourire, qui n’eut même pas de mal à étirer ses lèvres. Il était sincère, tout comme elle avait essayé de l’être ces derniers instants.

Logan avait l'impression d'être sur le point d'étouffer tellement il retenait son souffle en attendant une réaction de Juliet. Il avait vraiment peur qu'elle se mette à réagir exactement comme la dernière fois, très mal donc et qu'elle refuse encore de lui parler pendant des semaines, peut-être plus. Il ne voulait pas voir ça arriver. Il ne voulait plus rester enfermé dans ce camp à traverser des drames avec son ex ou avec n'importe qui d'autre, seulement profiter du peu de calme qui lui était accordé pour être avec sa famille, sans chercher plus loin. Maddie avait raison sur un point : leur vie pouvait s'arrêter n'importe quand. Alors pourquoi le perdre à se prendre la tête et se faire du mal ? La situation actuelle lui allait bien, du moins... C'était mieux que des disputes incessantes et des rancœurs. Bien sûr qu'il s'était demandé ce que ça ferait de se remettre avec Juliet, bien sûr qu'il s'était posé la question de savoir si c'était ce dont il avait envie ou non. Il se le demandait depuis dix ans et ça l'intéressait toujours de savoir. Mais pas comme ça, pas s'il devait encore une fois tout gâcher en ayant la tête ailleurs, vers quelqu'un d'autre. Si ça devait arriver, ça arriverait sans que personne n'ait besoin de forcer les choses.

Au moins, Juliet ne semblait ni folle de rage ni totalement brisée. Elle disait même comprendre et il n'en doutait pas, il n'y avait que Maddie qui refusait de comprendre que ça pouvait mettre un coup au moral de voir sa femme s'enfuir par la porte. Tout le monde semblait croire qu'ils se morfondaient dans un coin l'un sans l'autre, mais ça n'avait jamais été vraiment le cas. La vie s'arrangeait pour qu'ils aient mieux à faire, surtout pendant l'apocalypse. Et puis amis, c'était toujours mieux que rien du tout, toujours mieux que de prendre le risque de se faire encore plus de mal. Il lui adressa un sourire, un peu amusé. « Si ça peut te rassurer, la seule femme dans ma vie en ce moment, c'est Octavia. Mais tu devrais nous imaginer ensemble quand t'as envie de rire : me voir essayer de changer une couche, ça vaut le détour, je t'assure. » Il l'observa encore un instant, un sourire au coin des lèvres. « Bon, on le regarde ce film, ou pas ? »

Ils avaient déjà raté une bonne partie, mais ils arrivaient à la plus intéressante : quand ça devenait sanglant et donc passionnant. Juliet ne serait sans doute pas du même avis, mais il n'arrivait pas à croire que ce film arrive encore à lui faire peur après toutes ces années. Logan se détourna finalement, reprenant une place un peu plus confortable. Il hésita un instant et se décida finalement à glisser son bras autour des épaules de la jeune femme l'attirant vers lui avant de ne se préoccuper plus que du film. D'une drôle de façon, tout lui semblait revenir à la normale. Il regardait le film, Juliet était avec lui et ça allait très bien. Plus de questions inutiles, plus de réponses à côté de la plaque. Juste la paix, sans drame, juste ce dont il avait rêvé pour ce soir. À tel point qu'il s'était remis dans le film sans même s'en rendre compte. Il avait presque oublié que le monde continuait de tourner ailleurs, dans la plus grand indifférence. Il avait même oublié qu'il y avait un film, d'ailleurs, puisqu'il savait parfaitement que Jason Voorhees n'apparaissait pas vraiment dans le premier volet et pourtant, il le voyait en ce moment en train de massacrer tous les campeurs, avant de s'en prendre soudainement à Juliet et Maddie. Et Logan avait beau faire de son mieux pour pourchasser le tueur et l'empêcher de continuer à tuer tout le monde à Fort Hope, rien à faire. Son khukuri tomba dans Cristal Lake alors que Voorhees essayait de lui trancher la tête avec sa machette, l'obligeant à redoubler d'effort pour le combattre. Et puis, le noir revint, le calme avec lui. Il s'était tout simplement endormi.

Le sourire qui étirait les lèvres de Juliet était on ne peut plus sincère. Elle n’était pas sur le point de fondre en larmes suite aux paroles de Logan, pas plus qu’elle n’était sur le point de se mettre à hurler, ou à jouer les furies. Elle n’avait pas menti au brun, elle n’attendait rien de spécial suite au départ de Joy, ni même de la part du mécano. Et s’il devait se passer réellement quelque chose entre eux, après toutes ces années, Jules était d’avis qu’il valait mieux laisser faire les choses, et voir où ça les mènerait, plutôt que de chercher à forcer les choses à tout prix, comme Maddie cherchait à le faire depuis…et bien, depuis toujours à vrai dire.

Le visage tourné vers Logan, Juliet ne s’était pas départie de son sourire, qui s’agrandit un peu plus quand il lui conseilla de l’imaginer en train de changer des couches pour rire un peu, même si elle était certaine qu’elle n’y aurait trouvé aucune raison pour se moquer, même gentiment, de son ex. Finalement, la brune hocha simplement de la tête, doucement, quand il proposa qu’ils regardent enfin le film. Oui, c’était sans doute la meilleure chose à faire, maintenant. La jeune femme resta à le regarder encore quelques secondes, avant de finir par se détourner, pour fixer une nouvelle fois l’écran de télévision.

Juliet n’avait pas repris sa position depuis plus de quelques secondes qu’elle sentit le bras de Logan se poser sur ses épaules, et l’attirer un peu plus vers lui. Si elle n’en laissa rien paraître, la jeune femme fut surprise par ce geste, bien qu’elle ne fit rien pour s’éloigner, au contraire. Elle se cala contre le barbu, remontant ses jambes contre sa poitrine, sa tête blottie contre son épaule. Et c’est comme ça qu’ils regardèrent ce qu’il restait du film, dont la brune n’eut aucun mal à reprendre le cours, ni même à resituer les scènes qui étaient désormais à l’écran. Et cette fin de soirée s’annonça exactement comme elle aurait dû se dérouler avant qu’ils n’aient ce semblant de conversation un peu spéciale : calme, sans prise de tête, et même sympathique. Apaisante, aussi. Peut-être qu’après tout ce temps à se déchirer et à s’opposer, ils allaient peut-être effectivement parvenir à devenir amis. Pendant quelques temps, Juliet parvint même à en oublier la merde qui régnait en dehors des murs protecteurs qui entouraient leur camp, la peur qu’elle avait ressenti plus tôt dans la soirée, l’incertitude quant à leur survie.

Juliet ne sursauta pas une seule fois, pas plus qu’elle ne se cacha derrière ses mains pour échapper aux scènes de massacre qui se passaient dans le petit écran. A croire qu’elle était finalement immunisée contre le film, ou que l’horreur de ce qu’était devenue leur vie surpassait largement celle qui était présente dans le film. Le générique de fin ne tarda pas à défiler sur l’écran, tandis qu’elle se passait une main dans les cheveux, prête à reprendre sa position dans le canapé. Mais Logan ne bougeait pas, son bras toujours en bonne place autour de ses épaules, et en se contorsionnant un peu, la jeune brune finit par se rendre compte que le barbu s’était en fait endormi. Cette vision lui arracha un petit sourire, et soulevant doucement le bras du brun pour éviter de le réveiller, Juliet se libéra, avant de se relever. Aussi doucement que possible, elle alla éteindre le lecteur DVD, puis la télévision, avant d’enfiler son gilet, avec lequel elle était venue un peu plus tôt. Elle n’osa pas réveiller Logan, s’imaginant à quel point ce rôle de père célibataire qu’il avait endossé devait l’épuiser, et à la place, Juliet quitta sur la pointe des pieds la maison de son ex, refermant la porte d’entrée avec autant de discrétion que possible.

Maintenant qu’elle était de nouveau dehors, elle ne parvint pas à lutter contre le retour de l’angoisse qu’elle avait ressentie un peu plus tôt, et ce fut donc en courant qu’elle regagna sa maison. A l’intérieur, tout était calme, aussi calme que quand Logan était venu vérifier l’absence de tout intrus. Se raccrochant à cette idée, Juliet grimpa les escaliers qui menaient à l’étage, et elle alla directement dans sa chambre, dont elle ferma le verrou derrière elle. Elle avait beau se répéter qu’il n’y avait aucun danger, et que le mécano s’en était lui-même assuré, la jeune femme vérifia malgré tout sous son lit, ainsi que dans son armoire, juste au cas où. Mais comme précédemment, il n’y avait rien, et la brune n’eut d’autre choix que de se mettre au lit, en espérant s’endormir vite pour éviter de s’inventer trop de scénarios flippants qui la tiendraient éveillée toute la nuit.