« Quand on arriveuuuh en villeuuuh
On arriveuuuuhhhhhh de nulle part
On vit sans domicileuuh
On dort dans des hangars
Le jour on est tranquilleuuuh
On passe incognito !! »

L’autoradio de l’impala m’a lâché depuis presque un an. C’est ridicule mais la vie sans musique, je ne peux pas, et comme Sam est un peu tendu avec notre installation en cours, j’ai bien compris que ce n’était pas le moment de faire un remake de the voice dans ses pattes. Du coup, où est le meilleur endroit pour se vider la tête et se détendre, tout en découvrant notre nouveau chez nous ? La réponse est : dans mon bébé a roulette.  Sous couvert de « trouver de l’essence » j’ai donc pris la route au petit bonheur la chance.

Bon ok, j’ai aussi faussé compagnie aux hommes de mains de Sam. Parfois il oublie que je suis un grand garçon et pas un gosse. Et puis, ses gros bras ont tendance à ne pas comprendre ce qui fait de moi un artiste, un show runner… Je pense qu’ils doivent actuellement passer un mauvais quart d’heure avec Sam de s’etre fait lourder comme des bleus.

En attendant, à moi la liberté, la communion avec moi-même et la visite de Detroit. Ca grouille dans certains endroits, mais pour le moment, on va dire que je passe « largement » au travers des mouvements de foules mortes. Je pense que mon dernier grigris « le pendentif de la licorne gracieuse porte bonheur » est efficace.

En même temps, il y a rien de transcendant à voir, une ville morte, comme à Pittsburg. Je ne remets pas en cause les besoins de changer d’air de Sam, moi aussi je nous trouvais un peu à l’étroit où nous étions, mais je m’imaginais autre chose. Il faut dire que cela doit faire au moins 9 ans que je ne suis pas venu ici, et la derrière fois c’était pour préparer mon rôle dans le film Pika Picasso, un long métrage engagé dans lequel l’univers Pokémon se mêlait avec celui de l’art. La critique a été unanimement dithyrambique.  

Au hasard de mes recherches, je fini enfin par tombé sur ce qui pourrait ressembler à un garage. D’autres que moi auraient pu s’étonner de ce coup de chance, moi je trouve cela normal et c’est limite blasée que j’ouvre ma portière qui entre en collision avec un mort que je n’avais pas vu. Je n’ai pas le temps de réalisé qu’il bascule en arrière et s’explose la tête tout seul sur le trottoir. D’instinct, je sors mon pendentif licorne et l’embrasse par superstition avant de le glisser sous ma chemise noire.

Je jette un coup d’œil a la rue puis à l’édifice. J’ai beau plisser les yeux pour me donner un air concentré et intelligent, je ne peux que me fier au logo qui représente un pneu et a la large porte rependue chez les garagistes pour en déduire qu’il doit être écrit, sur la pancarte « garage ».

Confiant, je traverse la route et m’engage, le bouclier au dos, le club de golf bloqué dedans et le bidon a remplir à la main, dans le bâtiment. Je ferme consciencieusement la porte derrière moi et reste une minute dans l’édifice a « ressentir le lieu » avant de me dire que, vue l’odeur, j’irais le ressentir de dehors quand j’aurais fini.

Bon… alors… ou je peux trouver de l’essence moi ? C’était quand même plus simple avant ou c’était un de mes assistants qui s’occupaient de détails aussi triviaux. Sans ma foutue fierté de prouver à Sam que je suis capable et de bien faire les choses que je commence, je pense que je me serais contenté de la balade.

Pendant que j’avance, je sursaute devant une créature velue qui semble m’observer. Je mets une petite seconde avant de reconnaitre que c’est un chien. Je m’accroupie pour lui tendre la main afin qu’il me renifle, j’ai appris ça lors du tournage de danse avec les teckels.

« Bah alors mon pépère ? Tu t’es perdu ? Dis moi, tu saurais pas ou trouver de l’essence toi ? »

La question est rhétorique, bien sûr, mais j’aime bien l’idée de me dire que je vais revenir avec une mascotte, un futur compétiteur en arène, ou un repas. Je ne sais pas encore pendant que je souris a celui ou celle, pas évident a voir sur la fourrure, qui peut tout être à la fois.

Hum. Avec le chien j’aurais peut-être dû l’anticiper celle-là. Je reste calme a la phrase d’accroche parfaitement énoncée pour une entrée soignée question intimidation. Sans rire, j’aime bien le style. Est-ce que je devrais flipper ? Peut-être. Mais, j’ai mon gris-gris licorne et je sais que, de toute façon, paniqué ne sert a rien. Surtout que, soyons honnête, des situations tendues, j’en ai connu des pires.

Je me redresse pour faire face a la charmante jeune femme aux airs de guerrière post apocalyptique. Ce genre d’amazone ferait sensation dans l’arène. Avec une petite armure pas trop couvrante et un maquillage tribal, je sens que l’on pourrait faire quelque chose de cette petite. Et gagner un paquet avec elle.

Par reflexe, je lui adresse mon sourire façon Jacky dans « ils ont coulé le Titanic », celui qui fait fondre la gente féminine avec un côté canaille qui m’a valu le prix du mec le plus sexy de l’année 97. La réaction de la femme ne se fait pas attendre. Je la voix écarquiller les yeux de surprise, certainement déjà sou s mon charme. C’est vrai que même en temps de fin du monde, voir une vedette comme moi en chaire et en os, ça fait toujours son petit effet. En plus c’est son jour de chance, avec la population réduite, je suis moins regardant sur les donzelles que j’honore de ma présence, voir, de mon affection physique si elle n'est pas trop sale.

Comme pour confirmer mes présomptions je l’entends prononcer mon nom. Encore une qui devait un poster de moi dans sa chambre quand elle était ado. Je lui sers mon menu, très travaillé, de je suis une star mais je reste modeste et accessible. Avec ce petit geste de la main dans les cheveux du genre "ouuaaah tu m’as reconnu tu es trop forte" couronné de mon sourire de charmeur. C’est quand même étrange qu’elle ne baisse pas son arme non ?

En fait là elle devrait aussi me faire une risette ou un petit signe amical plutôt que de faire sa tronche de "je vais te couper en rondelles". Mince, serais-je tombé sur une des rares fans de Leonardo Di Caprio, broute minou de surcroit…. Car je ne vois pas d’autres possibilités pour expliquer ce qui semble être de l’animosité à mon encontre.

Professionnel jusqu’au bout des ongles, je ne montre aucun signe de stress malgré sa mine pas avenante. Je lève gentiment les bras en essayant d’avoir l’air plus amusé qu’inquiet et en montrant bien mon bidon vide.

« Et oui, c’est moi-même. Enchanté de vous rencontrer. Avant d’oser demander votre nom, charmante demoiselle, je ne comptais rien faire d’autre que de trouver un peu d’essence ici. Je n’ai aucune intention de tenter quoique ce soit d’hostile, alors auriez vous la délicatesse de bien vouloir poser votre arme? Peut être pourrions-nous même envisager de discuter un peu, je suis nouveau en ville, et c’est toujours intéressant d’échanger avec les résidents locaux… »

C’est moi ou elle me dit quand même quelque chose cette jeune fille ? L’aurais je déjà croisée ? Une fan éconduite peut être ? Ou une des mères de mes enfants. A force de laisser mes avocats gérer ça, je suis un peu perdu sans eux.

HRP:

Elle a l’air mal a l’aise. Comme je la comprends, être en face d’une star comme moi, ça fait souvent cet effet-là. Nombre de mes fans qui se retrouvaient muettes quand elles pouvaient m’approcher. Je ne tiens donc pas rigueur a cette jolie jeune femme pour sa nervosité apparente. C’est aussi ce que la presse mainte fois souligné, malgré mon talent, mon génie et ma perfection, je reste abordable et humain, du moins, je m’efforce d’essayer de me tenir à la portée de tous.

Un périlleux exercice au quotidien que vous, personne du commun, ne pouvez imaginer. Mais si un être presque divin venait a lire ses mots, je suis prêt a parier qu’il pourrait comprendre mon quotidien. Les foules en délire, les gens qui pensent vous connaitre alors que vous n’avez pas la moindre idée de qui ils sont.

Je vais faire un aveu, j’avais des assistantes qui pokaient en mon nom et faisait des likes avec mon profile Facebook. Je crois qu’elles pouvaient aussi faire des commentaires. Bref, je ne suis pas au courant de pas mal des messages qu’on a pu m’envoyer ou que je suis sensé avoir aimé. Mais je sais tres bien faire semblant par contre.

Avec la réactivité d’un serpent ninja, je rebondis quand elle me dit qu’elle vient de Pittsburgh. Je prends mon air le plus chaleureux du genre « mais hey je te connais-toi ». Comme si je connaissais toutes mes groupies.

« Ha je me disais bien que tu me disais quelques choses ! C'est incroyable!!! Tu as à peine changée!!!»

Après tous les gens de Pittsburgh sont tous une grande famille non ? Je m’approche d’elle façon beau gosse, c’est vrai qu’elle est mignonne. A mon avis je me serais souvenue d’elle si j’avais couché avec, enfin, peut être pas pendant ma période drogue et alcool.

« Si j’avais pensé te revoir ici, vivante, c’est vraiment une histoire de fou! Tu deviens quoi depuis le temps !!?»

Ce qui est beau quand on est acteur, c’est qu’on arrive à être crédible en disant n’importe quoi. Mais comme je suis sympa avec vous, je vais vous donner mon petit secret, je le fais tellement bien que j’y crois presque moi-même.

Pendant le très convaincant jeu d'acteur de Dean, cherchant à s'attirer les faveurs de tous, un lointain son de moteur commence à se faire entendre.

Le son se fait de plus en plus distinct, en quelque secondes ce murmure se mue en rugissement. Vous apercevez désormais la lumière de phares éclairer la rue, halo se renforçant jusqu'à éclairer l'Impala sombre garée devant le garage. C'est à ce moment là que le bruit de moteur se calme, que la lumière se stabilise et que des voix se font entendre.

"Bah voilà, on l'a enfin retrouvé ce merdeux !"

"J'te jure, la prochaine fois qu'on m'oblige à jouer la baby-sitter, je le ligote et le jette dans une cellule..."

"Et on lui balancera des cacahuètes !"

Ils se rapprochent de l'entrée du garage tout en s'esclaffant à l'idée de martyriser la source de leurs problèmes.

Je ne sais même pas si elle a pris le temps de me répondre, mes oreilles sont monopolisées par un son des plus inquiétant. Non pas des rôdeurs ou je ne sais quelles autres menaces déjà vues, déjà faites, poussiéreuses, non un truc bien pire encore.

Je me sens blêmir en plongeant mes yeux dans ceux de Madame Pittsburgh. Je lui fais signe de se taire vigoureusement et serre les fesses pour que le chien ne nous trahisse pas. Oui je reconnais ces voix.

« C’est eux. »

Je pense que j’ai très naturellement la même voix blanche que j’avais lorsque j’ai joué dans la montagne a des yeux et See Six. J’ai un tel sentiment d’horreur et d’urgence que j’attrape la main de ma compagne d’infortune et la serre comme si ça allait changer quelque chose à la situation. D’ailleurs je ne doute pas que le « c’est eux » ne doit pas lui dire quoique ce soit. Mais les blagues à la con qu'ils font doit l'aiguiller sur le fait que c'est pas des scouts qui viennent vendre des cookies et chanter des chansons de Noel qu'on a la porte.

Pendant quelques secondes j’ai l’espoir qu’ils ne viennent pas ici me chercher, mais très vite, je me souviens d’un léger détail qui pourrait, éventuellement, trahir ma potentielle présence dans le garage. Ma voiture est garée devant. Même s’ils n’ont pas inventé l’eau chaude, je pense qu’ils risquent de prendre ça pour une indication de géolocalisation. C’est vrai que, déjà, les Impala noir des années 67, ça ne courent pas les rues, mais en plus avec une plaque d’immatriculation où il est écrit DEAN dessus…. Peu de chance qu’ils pensent que c’est un hasard. Finalement le gris-gris licorne avait ses faiblesses.

Même si l’espoir fait vivre, je ne préfère pas capitaliser dessus. J’attrape les épaules de la femme, et avec un regard digne d’un thriller de suspense, le genre de scène où on sait que des vilains arrivent et que ce n’est pas pour nous masser les pieds. J’ai presque envie de meumeumer la musique de mission impossible.

« Ce ne sont pas des rigolos, il ne faut pas que l’on traine ».

Puis, une fois de plus, en la traitant comme tout bon personnage féminin dans un film d’action écrit que par des scénaristes masculins, c'est a dire sans l'écouter et en considérant qu'elle ne sait rien faire de ses 10 doigts, je l’entraine par la main derrière ce qui devait être un comptoir.

Tout le monde sait que les femmes dans ce genre de film sont un accessoire au même titre que la montre du sponsor de luxe, la voiture dont l’assurance couterait un an de salaire d’une personne normale pour juste une journée de conduite, ou le GSM placement de produit : c’est là pour vendre. Une paire de néné ça booste presque autant l’audimat que de montrer mes fesses parfaitement musclées.

Sans rire, vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi un mec poursuivit par la terre entière, voir, des fois, l’univers quand on a des extraterrestres dans l’équitation (ce qui arrive souvent dans ce genre de film), qui est seul contre tous avec une potiche dont les répliques pertinentes tiennes sur la moitié d’un papier toilette, va se prendre le temps de lui péter ses petites pattes arrières comme si de rien était ?

C’est pareil que la nana qui est dans une maison hantée, qui a déjà vu la moitié de ses potes se faire trucider salement par le serial killer mal achevé l’été dernier ou par le fantôme mal baisé du moment et qui, en pleine action, a soudain super envie d’aller se prendre une douche histoire de faire un petit break. Genre mourir sous la douche c’est tendance si tu es blonde a forte poitrine. En tout cas c’est moins salissant si le rideau reste fermé.  

Bref, revenons à nos moutons, enfin a mes nounous surtout. Ouai je sais, je pourrais leur dire que Sam va pas aimer qu’ils me causent mal, mais ca serait comme dire Alice qu’elle a qu’a se réveiller des les 1ere minutes du film : pas drôle. Et risqué aussi, Sam a pas choisi que des lumières pour s’entourer. Heureusement que je suis là pour sauver le quota.

Je me plaque contre le bois du comptoirs en fermant les yeux comme si je préparais une stratégie de ouf ou que je faisais une prière. Je n’ai jamais su pourquoi les réalisateurs me faisaient toujours faire ca avant l’action, mais, par réflexe, je ne change pas mes habitudes. Je serre le club de golf dans ma main en sachant très bien que je ne cognerais jamais sur les amis de mon frère, enfin, du moins, je préfère éviter.

Pour le moment je n’ai pas l’impression qu’ils se doutent de notre cachette. Je pousse un peu le chien, qui nous a gentiment suivi, pour me pencher vers l’oreille de la femme afin de lui demander, avec autant de sérieux que de chuchotement :

« Ne te vexe pas, mais je ne veux pas mourir sans savoir: on a couché ensemble ou pas ? je n'ai pas la mémoire des têtes...  »

Certains diront que ce n’est pas le bon moment pour crever l’abcès, moi je pense qu’au contraire c’est le meilleur, elle ne peut pas me beugler dessus si je me suis trompé. Mais bon, vu comment elle est gaulée, si on s’est croisé, j’ai forcement essayé de coucher avec, et franchement, qu’elle femme pourrait dire non a Dean Caulfied ?

Cette façon très grossière de parler, un peu comme un garçon manqué, ce petit air de roquet prêt a mordre avec ce plis disgracieux entre les sourcils quand elle s’énerve m’évoque effectivement des souvenirs. Mais… Mais… oui elle me dit vraiment quelque chose. Mince… oh non… pas possible !!! L’imagine d’une petite fillette pas facile quand j’étais, honteux, humilié encore et encore par ma maitresse car j’étais incapable de lire me revient en tête. Mince comment elle s’appelle déjà, si je me souviens bien elle avait un nom de chien. Poupy ? Dinky ?

C’est fou comme le monde est petit et c’est avec un sourire simple que je suis, somme toute, contant de retrouver un visage familier, même s’il me renvoie a un moment peut glorieux de mon passé. C’est que je suis comme ça, grand seigneur quand il s’agit de se réjouir du bonheur des autres, et j’imagine la joie brute qui doit envahir les veines des Poppy de me retrouver. Elle a tellement de mal a le gérer qu’elle est obligée de le cacher. Elle n’a presque pas changé en fait. Elle faisait déjà ca en primaire.

« J’ai failli pas te reconnaitre tellement tu es devenue magnifique Bobby .»

Avant qu’elle puisse protester je lui fais signe de garder le silence.

« Mais chut, gardons la joie des retrouvailles, ces hommes ne sont pas des tendres, et je compte bien éviter de prendre le risque qu’il t’arrive quoique ce soit. »

J’ignore peut être délibérément la possibilité qu’elle puisse me balancer a mes nounous car je sais très bien qu’elle plaisante. Son idée de rester caché ici me plait bien mais connaissant les amis de mon frère, j’ai peur qu’ils ne finissent pas par tout retourner. Quant à leur foutre sur la gueule… non … on ne fait pas le poids et puis… on en va pas taper les copains de Sam ? Ça ne se fait pas. Je regarde vite fait autour de nuit et m’illumine en voyant une ouverture dans le mur derrière nous. C’est suffisamment dans l’axe de notre cachette pour espérer pouvoir filer a l’anglaise ni vu ni connu.

« Je choisi la 3e option, suis-moi ! »

Tout en gardant la position de commando appris pendant la préparation du tournage de GI James, je m’engouffre vers ce qui peut être, je l’espère, une sortie de secours et la porte vers mon grand rêve de liberté et d’indépendance.

Let it go !! Let it gooooooo !

Je prends une mine pleine de réflexion a faire pâlir d’envie le penseur de Rodin en écoutant son plan. L’idée même qu’une fille puisse avoir une idée me parait stupide au premier abord, mais, finalement, en l’écoutant, je me dis que ce n’est pas pour rien qu’on la prenait déjà pour un garçon quand elle été petite. A ma décharge, elle avait moins de poumons et avec un prénom comme le sien, ce n’était pas évidant. Vous êtes d’accord avec moi que Teddy, ca sens plus la stouquette ou un ours en peluche qu’une damoiselle ?

L’imaginer avec une moto alors que la dernière fois que je l’ai vu elle avait encore besoin de ses petites roues sur son vélo, ça me fait tout drôle. Mais il est temps que l’artiste, l’homme, celui qui valide et décide se prononce sur l’ébauche fébrile d’une stratégie a peine effleurer par un cerveau incapable de tromper le monde quant à son sexe malgré son prénom douteux.

« Hum… tu veux la faire a Rapide et Furieux 6, la tronçonneuse en moins…. ? »

Je réfléchis, ça peut marcher mais sans la tronçonneuse, c’est quand même tout de suite moins classe… Je lui souris avec malice et la regarde avec l’œil pétillant d’humour, car dans les films d’action, pour que ça marche, il faut savoir faire de l’humour a tout moment, surtout dans les pires.

« Quant tu as parlé de diversion, j’ai cru que tu me proposais le rôle de la chèvre dans Paléolithiques Parc. En tout cas je crois qu’on m’a fait le plein avant que je parte ce matin… en fait… je ne vérifie jamais ce genre de détail. »

Mais connaissant Jésus, j’ai forcement de l’essence. Il ne prendrait jamais le risque de me perdre. Il m’aime trop depuis le temps qu’il est ma nounou attitrée. Bon et puis Sam réagirait peut être pas super bien si, d’aventure, il devait reprocher a Jésus ma mort.

Je lui fais signe de me suivre et, tel un ninja, après une roulade qui aurait fait un super effet visuel dans un film d’action, a défaut d’être utile, je me glisse discrètement le long de la voiture des nounous pas commode qui veulent me mettre dans le coffre.  J’ouvre avec doigté et silence la portière coté passage et entre dans la voiture mieux que dans un Mission Possible. Sans hésiter, j’ouvre le pare soleil et trouve les clés de secours ou les sbires de Sam utilisent toujours comme cachette pas si secrète. Triomphalement je le montre a ma compagne quand, malencontreusement, j’appuie sur le petit bouton dont je m’étais toujours demandé a quoi il servait et la voiture se met a klaxonner toute seule.

Oh !!! Une option pour retrouver la voiture sur un parking !!! Ingénieux !!! Je n’ai pas le temps de penser plus que j’entends du bruit venant du bâtiment.

« Heu Teddy, je veux pas te presser… »

"L'enfoiré !!!"

Le plus vif d'esprit des deux nounous sort du garage. On pourrait croire qu'il avait oublié qu'une porte de trouvait là, mais c'est de l'histoire ancienne désormais. Ses yeux sont injectés de sang, non seulement Dean s'était joué de lui une deuxième fois dans la même soirée, mais en plus il avait du prendre un sacré choc en arrachant la porte de son cadre...

Du haut de son mètre 95 et une batte à la main, il se dirige droit sur le clown de service, qui a affaire à un public imperméable à son humour.

"Hey mais il a trouvé de la gonz' le salaud."

Ça c'est son pote, un peu rondouillard, il aurait fait un bon père noël fut un temps, si on l'avait laissé s'approcher d'enfants.

Je ne peux m’empêcher de pousser un « youhouhou » de joie et d’excitation quand Teddy démarre en trombe aussi dignement qu’une cascadeuse de rapide et dangereux. C’est beau ! J’adore ! Et leur tête en nous voyant leur filer entre les mains. J’en vois un sortir son arme et la ranger rageusement en se souvenant qu’il ne peut pas tuer le frère du patron. Hey ouai bande de nazes !! je me risque a leur faire un petit annulaire de provocation juste pour le plaisir.

Tout fier de moi je me recale sur mon siège et passe ma ceinture, c’est qu’elle secoue fort. Je ne vais pas pousser le vice a lui demander si elle a bien son permis, vu le nombre de fois où j’ai perdu le mien, ca serait malvenu. Je ricane quand elle me dit qu’on a failli y rester à cause de MES conneries. La mauvaise fois féminine a l’état brute. Je viens de lui sauver la vie et elle arrive encore a s’indigner. Heureusement, je suis plutôt euphorique et je mets ça sur le compte de crampe de dame en plus de l’adrénaline.

Mais je ris franchement quand elle me parle de la tête des nounous. Oh oui je les ai vues. Et c’était juste jouissif !

« Je pense qu’ils n’iront pas s’en vanter a leur boss de s’être fait plantés comme des gros débiles !! C’était trop géant !!! Sui j’avais su en me levant ce matin que j’allais vivre ça !!! Mieux que space mountain ! Teddy !! Je ne sais pas ce que tu faisais en vrai de la vie, mais tu as raté une carrière de cascadeuse crois moi !! »

Je la regarde mieux pour être sur qu’elle n’est pas déjà cascadeuse.  Quand elle ose douter de moi quant aux clés, je prends une pause triomphale pour rassurer ce petit esprit féminin incrédule. En même temps de fouille dans ma poche a la recherche du trousseau de mon impala.

« Pour qui tu me prends fillette?…. »

Je m’arrête un peu agacé de ne pas trouver les dites clefs quand je me rends compte qu’elles ne sont plus tout à fait là. D’ailleurs, je me revois bien quitter ma voiture sans elles.

«Tu vas rire… »

J’essaye de mieux visualiser leur emplacement et j’estime que ce n’est pas la peine de paniquer.

« Bon, ok, elles sont restées dans la voiture, mais aucun danger que ces idiots ne les trouvent. Je les bien planquées »

Qui irait les chercher derrière le pare-soleil ? Franchement ! On est tranquille.

Je me retourne a sa demande et reste interloqué parce ce que je vois. Comment diable est-ce possible ? Ils sont bel et bien a nos trousses au volant de mon Impala. Mon inquiétude quant aux risques qu’ils abiment mon bébé à moteur reste en second plan face a l’inexplicable de la situation.

« Je ne vois pas comment ils ont fait !!! Elles étaient dans le pare soleil !!!! Ils ont certainement eu un coup de bol pour les trouver là !!! »

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase qu’elle donne un brusque coup de volant qui confirme que « femme au volant, mort au tournant ». Je ne contiens pas un « Outch » de me faire bringballer de la sorte. Bon ok, je me mange la vitre façon gelée collante pas classe. Je vais lui demander ou elle a passé son permis avant que je me souvienne que c’est forcement au même endroit que moi. Cela explique beaucoup de choses, ou rien du tout, je ne suis pas en état de réfléchir trop occupé à me cramponner a ce que je trouve.

C’est une chose d’être cascadeur, ça en est une autre d’être a la place du mort avec une personne qui a appris a conduire a Pittsburgh. Déjà a l’école elle n’était pas douce, au point que j’étais sûr que c’était un garçon, après, avec un prénom pareil, qui irait me jeter la pierre ? Un Tobbay sans poitrine, ça fait stouquette non ? Bref, visiblement ca ne s’est pas arrangé en vieillissant. Au moins cette cavalcade motorisée semble s’arrêter aussi brusquement que sa façon de prendre un virage.

Je la vois descendre en 4e vitesse en m’annonçant que l’on va continuer à pieds... Je n’ai même pas le temps d’articuler un « mais heu tu déconne ?» qu’elle est déjà en train de faire sortir son chien. J’essaye de suivre le mouvement en prenant un air de survivant aguerri, mais, dans cet instant de panique a la limite du stress, très mauvais pour les rides et le cheveu, j’ai un peu de mal a bien appréhender la situation.

Elle veut que je marche ? Mais pourquoi ? C’est pas classe de marcher… sans parler que je pressens qu’elle va pas tarder a vouloir que je cours. Chose absolument indique hors tapis de sport ou piste de running. En plus j’ai pas les bonnes chaussures. Finalement la vie de survivant ça craint sacrement.

Je lui emboite quand même le pas tout en me refusant d’aller plus rapidement qu’un gentleman se le doit. Malheureusement, ou heureusement pour mes principes, nous arrivons rapidement à un cul de sac. Je remarque que non seulement il y a quelques morts qui semblent s’intéresser a nous, mais qu’en prime j’entends le moteur de mes nounous qui me cherche et je sais que si moi j’ai l’immunité flingue, elle ne l’a pas.

Je l’attrape par le bras pour qu’elle se tourne vers moi et je la regarde avec la gravité d’un premier role a l’orée d’un discours héroïque.

« Tobbay, j’aurais préféré que ça se termine autrement, mais si ces sales types me rattrapent, je vais juste écoper d’un sale moment, alors que s’ils mettent la main sur toi… »

Je laisse planner le doute de façon dramatique. La vérité est que j’en ai aucune idée, alors dans l’incertitude je refais une réplique d’une de mes scènes préférées quand le capitaine du bateau explique a sa passagère féminine qu’un abordage pirate est en cours.

« Fuis, je te couvre et si je m’en sors, et que tu as envie d’un toit, sache que je réside a l’ancienne patinoire de Detroit. Dis bien que tu viens de ma part…. »

Je n’ai pas le temps de lui dire que sinon ils la laisseront pas entrée pas seulement parce qu’elle a pas les bonnes chaussures. Le bruit de moteur se rapproche et je garde la posture de premier de l’affiche charismatique.

« Vas et ne te retourne pas. »

Si seulement il y avait une caméra, je suis sûr que cette prise serait merveilleuse.