Si Juliet avait toujours été une femme bien dans son corps et dans sa vie, qui avait confiance en elle, elle devait bien admettre que cela faisait un moment qu’elle ne s’était pas sentie aussi mal à l’aise, sans pourtant connaître précisément l’origine de cette gêne qui s’était emparée d’elle. Enfin…cela aurait été pur mensonge que de prétendre qu’elle ignorait totalement ce qu’il était en train de se passer à cet instant précis, il suffisait que la brune pose son regard bleuté sur Anna pour comprendre ce qui la rendait aussi…bizarre. La jeune femme avait ce don rare de la troubler, de la meilleure des façons qui soit, et c’était quelque chose que Jules n’avait pas vu venir, mais qu’elle ne rejetait absolument pas. Elle avait envie de passer plus de temps avec la chasseuse de primes, elle qui parvenait à passer de bons moments en sa compagnie.

Si la jeune femme fut surprise de voir Anna faire un pas dans sa direction, elle n’en montra rien, même si un léger sourire trahit sa réaction. Et quand sa belle invitée lui indiqua qu’elle avait finalement encore un peu de temps à lui offrir, le sourire de Juliet ne tarda pas à s’agrandir, tandis qu’elle ne la quittait pas des yeux. Elle resta silencieuse quelques instants, avant de faire à son tour un pas en avant. « -Peut-être que ma proposition n’était pas aussi innocente que je veux bien le prétendre… » D’un geste doux, Juliet repoussa les cheveux qui reposaient sur l’épaule d’Anna, tandis que son index effleurait distraitement la nuque de la jeune femme. Son attention se focalisa à cet instant sur les traits du beau visage d’Anna, juste devant elle, alors qu’une tension nouvelle semblait naître et envelopper les deux jeunes femmes.

Juliet resta immobile encore quelques instants, avant de se décider à faire un nouveau pas en avant, tandis que sa main glissait dans le cou d’Anna, ses doigts se mêlant à ses cheveux, son pouce caressant l’arrête de sa mâchoire. La jeune infirmière ne tarda pas à franchir la courte distance qui séparait encore leurs deux visages, et à poser doucement ses lèvres sur celles de son invitée, faisant durer l’instant quelques secondes, avant de se reculer sans geste brusque, un sourire étirant peu à peu ses lèvres : « -Je te devais un baiser. » sembla-t-elle expliquer, bien que son geste trahissait surtout l’attirance qu’Anna semblait avoir sur la jeune brune depuis leur première rencontre. Il ne lui avait fallu rien de plus qu’une longue conversation, plus honnête que celles que Juliet avait parfois avec des proches, pour que la peintre tombe sous le charme de celle avec qui elle avait partagé un grenier le temps d’une nuit. Certes, elle ne pouvait pas prétendre la connaître réellement, mais Juliet n’en demandait pas mieux.

La tension devenait palpable, l’atmosphère si lourde que respirer semblait difficile. Ça n’avait plus rien de désagréable, pourtant. Tout au contraire, même, plus le silence s’intensifiait et la pression avec, plus Anna se sentait bien. De plus en plus éveillée, concentrée, ses sens à l’affût et de légers frissons prêts à l’effleurer. Ils coururent définitivement sur sa peau après que Juliet se soit approchée à son tour et que la chasseuse de primes puisse sentir la caresse fantomatique de ses doigts sur sa nuque. Elle se mordit la lèvre pour cacher un sourire, son regard figé sur Juliet dont elle suivait chaque geste et chaque expression avec attention. Le malaise n’était plus qu’un vieux souvenir depuis longtemps envolé et doucement, elle pouvait sentir la chaleur glisser dans ses veines comme une traînée de lave prête à tout avaler sur son passage. Juliet fit un autre pas en avant, coupant immédiatement le souffle d’Anna. Elle ne montrait pas le moindre signe d’hésitation ou de regret, pourtant. Seulement l’attente, grisante, de ce qui suivrait. Pas de mystère à ce sujet, pas vraiment. Anna n’était peut-être plus très douée pour comprendre les signes, mais certains ne trompaient pas, ne s’oubliaient pas. Avec la patience d’un ange, elle resta pourtant immobile et attendit que Juliet franchisse le dernier pas les séparant encore, se délectant simplement du sentiment de plus en plus oppressant de l’expectation.

Jusqu’à ce qu’enfin, ses lèvres ne rencontrent celles de la jeune femme. Un autre frisson la traversa, résonna dans son corps jusqu’à ce que Juliet s’éloigne. Elle n’avait pas perdu le souffle, mais son coeur s’emballait quand même. il y avait une douceur assez perturbante dans les gestes de la brune, dans son sourire, jusque dans sa voix. Une douceur à laquelle Anna n’était pas habituée, plus familière des passions aussi vite installées que consommées. Ça rendait le moment encore plus grisant et à la fois… effrayant. Elle essaya de toutes ses forces de ne pas se concentrer sur ce sentiment-là pas pour le moment et, ignorant la justification de Juliet, vint retrouver ses lèvres avec un peu moins de calme. Avec un naturel presque déconcertant, elle glissa ses mains sur les hanches de la jeune femme pour la presser un peu plus contre elle, étouffant un soupir derrière un nouveau baiser.

Il y en eut un autre et un autre, encore et encore jusqu’à ce que son souffle en soit réellement affecté. À chaque nouvelle occurence, elle s’imposait davantage à Juliet, pressant jusqu’à l’emprisonner contre un obstacle - mur ? meuble ? Aucune idée, aucune importance -, ses doigts se frayant habilement un chemin sous ses vêtements et sur sa peau. Elle se souvenait à peine de la dernière fois que son propre corps s’était enflammé pour celui d’une autre. Plus de trois ans, très certainement. Tout lui revenait naturellement, jusqu’à l’étourdir. Mais dans un coin de son crâne restait le murmure désagréable de la voix de sa conscience. Le souffle étouffé d’une peur inexplicable, d’une vérité qui peinait à se faire oublier. Et quand elle cessa enfin d’embrasser Juliet, elle s’éloigna un peu jusqu’à pouvoir croiser son regard, sans violence, sans donner l’impression de vouloir autre chose que respirer de nouveau. Mais la voix dans son crâne gagna en vivacité et avant qu’elle n’ait pris le temps d’y penser, sa propre voix saccadée s’élevait au-dessus du silence. “Je ne suis pas trop du genre promesses et engagements sur le long terme.” avoua-t-elle, de nouveau tendue. Elle appréciait Juliet, vraiment. Et la jeune femme lui plaisait, aucun doute là-dessus. Mais pas assez pour qu’elle veuille plus, pas maintenant. Et bien que Juliet n’ait encore rien dit allant dans ce sens, elle se sentait presque forcée de le préciser avant d’aller plus loin. À cause de cette façon que l’artiste avait de la regarder ou de la toucher, peut-être. Avec un peu trop d’attention, trop de douceur. Elle aurait pu se taire et profiter quand même, prendre le risque d’un désastre au réveil, mais elle ne voulait pas faire ça à cette femme.

Il n’avait rien fallu de plus qu’un baiser léger, bref, pour que le feu prenne aux poudres, ce qui n’était absolument pas pour déplaire à Juliet. Elle ne s’était pas trompée, et même si son corps, son esprit peut-être, n’était plus si coutumier que cela de l’attirance que peuvent ressentir deux corps, deux êtres, la brune sentait à travers les gestes d’Anna tout ce qui se bousculait dans son propre esprit : le désir, un désir qu’elle n’avait pas forcément vu venir, mais qu’elle accueillait à bras ouverts. Les baisers de la jolie chasseuse de primes se faisaient pressants, ses mains prenaient possession du corps de Juliet, qui répondait par de légers frémissements, glissant à son tour ses mains sur la taille de son invitée, comme pour la rapprocher davantage. Il n’y avait aucune hésitation dans le comportement d’Anna, et cela suffisait à embraser encore un peu plus ce feu qui brûlait dans la poitrine de l’artiste.

Leurs souffles s’emballèrent, et le désir, grisant, coula davantage dans les veines de Juliet quand les minces doigts d’Anna glissèrent sur sa peau, réveillant ses sens un à un. Si bien que lorsque cette dernière s’éloigna quelques secondes, Jules, les joues rosées, retint un léger grognement de frustration, cherchant dans le regard de la brune un quelconque signe qu’elle aurait finalement changé d’avis, ou qu’elle n’avait fait que céder à la tentation du moment, et le regrettait désormais amèrement. Mais elle ne lisait rien de tel dans les yeux expressifs d’Anna, elle n’y voyait rien d’autre qu’une certaine forme d’hésitation, que la jeune femme ne tarda pas à formuler avec des mots. Et comme première réaction, Juliet ne put s’empêcher d’esquisser un fin sourire, qui atteint rapidement ses yeux bleus. « -Hé…relax. On est deux adultes consentantes qui se plaisent mutuellement et veulent prendre un peu de bon temps. Je te demanderai pas de me passer la bague au doigt demain matin. » Elle lui adressa un sourire plus franc, avant d’embrasser Anna avec cette même ferveur que celle qu’elle mettait elle-même dans ses baisers un peu plus tôt.

Mais le baiser ne dura pas, et après quelques secondes, Juliet tendit une main vers le visage de la jeune femme, pour glisser doucement une mèche de cheveux derrière l’oreille de la brune. « -Si c’est ce que tu préfères, on peut s’arrêter là… » Ce n’était pas ce qu’elle souhaitait, bien sûr que non, mais Jules respecterait le choix d’Anna, quelles que soient les raisons qui pousseraient la survivante à quitter la maison de l’infirmière en herbe. « -Ou alors…ma chambre est à l’étage… » L’étincelle de l’envie faisait toujours briller les yeux de Juliet, qui glissa son regard dans celui d’Anna, pour y chercher une quelconque réponse à ses interrogations. Ce qu’elle y lut ne tarda pas de lui indiquer ce que préférait la demoiselle. Et elle ne fut pas déçue. Jules n’eut pas besoin de confirmation orale pour deviner la décision de sa partenaire, et sans un mot de plus, elle retourna dans un sourire malicieux prendre possession des lèvres d’Anna, goûtant ses lèvres comme quelques instants plus tôt, comme si elles ne s’étaient jamais interrompues.

Le trajet jusqu’à la chambre fut chaotique, Juliet profitant du chemin pour débarrasser la jeune femme de son pull, avant de presser doucement son corps contre le mur des escaliers, tandis qu’elle laissait ses mains glisser sur la taille d’Anna, et dans le bas de son dos, la rapprochant d’elle. Tandis qu’elles gagnaient l’étage, un bruit sourd retentit sur leur trajet, indiquant la chute d’un objet, ce qui ne sembla pas soucier Juliet. A quoi bon ? Si l’objet était intact elle aurait tout le loisir de le ramasser plus tard, et s’il était cassé, et bien…le mal était fait ! La respiration de l’artiste était désordonnée, son cœur battait vite, fort, et semblait résonner dans ses tempes et jusqu’au bout de ses doigts. Elle ne se souvenait plus vraiment de la dernière fois où son corps, ses sens, son esprit peut-être aussi, s’étaient enflammés de la sorte pour une autre personne, mais la sensation était enivrante, et Juliet avait soudainement l’impression de percevoir avec une justesse toute nouvelle ce qu’était que se sentir en vie, réellement. Une fois dans le couloir, la jeune femme guida Anna jusqu’à sa chambre, ses mains posées sur sa fine taille, et quand elle poussa du bout des doigts la porte de la pièce pour la refermer sur les deux jeunes femmes, elle n’avait toujours pas quitté les douces lèvres avides de son invitée.

Inconsciemment, Anna répondit au sourire de la jeune femme par un autre, aussi discret et retenu que celui qu’elle avait sous les yeux. Il s’imprima plus clairement quand Juliet lui assura par des mots qu’il n’y avait pas de quoi s’en faire, aucune promesse implicite qu’Anna aurait fait contre sa volonté. Elle n’était pas tout à fait sûre que Juliet soit entièrement sincère, mais ne voyait aucune raison de ne pas la croire sur parole. Elle hocha la tête doucement, ou en eut l’intention du moins, mais son geste fut arrêté en plein vol alors que l’autre femme revenait à la charge et sans réfléchir, Anna suivit le mouvement sans rechigner. Elle était prête à prendre ce qu’elle voulait et faire confiance à la jeune femme pour ne pas lui faire regretter ensuite, vraiment. Mais peut-être ne devait-elle pas bien le montrer, car Juliet s’éloigna et parla de nouveau, arrachant un autre sourire à Anna. De nombreuses réponses pleines de sarcasmes se formaient dans son crâne et se pressaient pour s’échapper, mais la jeune femme les ravala toutes et se contenta plutôt de se faire comprendre par ses gestes, retrouvant le corps de Juliet et ses lèvres avec plus de ferveur encore.

Plus aucun mot ne vint les éloigner l’une de l’autre ensuite, pas même la nécessité de se déplacer pour rejoindre la chambre de la jeune femme à l’étage. Pour la première fois depuis ce qui lui semblait être une éternité, Anna offrit toute sa confiance à une autre personne, sans penser aux conséquences et se laissa guider dans la maison sans prendre la peine d’ouvrir les yeux pour regarder autour d’elle, où elle mettait les pieds ou où on l’emmenait, sans jamais se détacher de Juliet non plus. C’était plus reposant et agréable encore, de se laisser faire, de ne pas s’inquiéter. Une véritable pause dans un quotidien trop sérieux. Elle ne s’inquiéta pas des obstacles que son corps rencontrait sur le chemin, ni des objets qui chutaient au passage. De rien, même pas la porte qui se referma dans son dos quand elles attegnirent enfin la chambre et de l’impression suffocante d’être enfermée dans un endroit inconnu dont elle ignorait l’emplacement les issues de secours au cas où il faudrait fuir rapidement.

Cette pensée même, pourtant devenue comme une seconde nature avec les années, fut étouffée à son tour lorsque son corps rencontra la surface souple du matelas. Malgré l’exaltation, elle prit son temps pour profiter de chaque seconde, persuadée qu’il n’y aurait pas d’autre moment comme celui-là avant longtemps. Les vêtements disparurent un à un, chaque seconde mise à profit pour redécouvrir la sensation d’un corps contre le sien et graver le souvenir dans sa mémoire, pour faire monter la pression jusqu’à l’explosion, l’éclair de plaisir qui la foudroya et la laissa à bout de souffle, presque inconsciente.

Il faisait complètement noir, désormais et dans la maison toute entière semblait régner un silence religieux qu’Anna n’osait pas perturber. Même son souffle erratique lui donnait la sensation de tout gâcher et elle passa de longues secondes à ne se concentrer sur rien d’autre pour le calmer. Malgré son corps douloureux, la brume posée sur son esprit, elle se sentait plus éveillée que jamais, consciente de chaque chose : l’air frais sur sa peau, le corps de Juliet allongée près d’elle, le silence pesant et presque inquiétant de Fort Hope. Et peu à peu sous le brouillard revint l’inquiétude. D’être ici, d’être avec quelqu’un d’autre. Des changements significatifs dans son quotidien de survivante. “Je peux partir, si tu veux. Avant que tes colocs rentrent.” souffla-t-elle dans le silence, sans oser tourner les yeux vers Juliet. Elle ne voyait pas quoi faire d’autre, mais ne voulait pas non plus blesser la jeune femme. Elle partirait de toute façon, que Juliet lui demande de le faire maintenant ou qu’il faille attendre qu’elle s’endorme pour se faufiler loin.

La porte de la chambre s’était refermée, et avec elle, la crainte qu’Anna change d’avis et fuit la maison de Juliet s’était envolée. Désormais il ne semblait plus y avoir de place pour le doute dans l’esprit des deux jeunes femmes, qui apprivoisaient le corps de l’autre, à renfort de caresses et autres baisers. Elles s’effeuillèrent peu à peu, leurs vêtements trouvant leur place au sol au petit bonheur la chance, tandis que les deux brunes finissaient par s’étendre sur le matelas de Juliet, pour oublier pendant quelques instants tout ce qui pouvait se passer en dehors de cette chambre, tout ce qui, d’ordinaire, occupait toutes leurs préoccupations. L’artiste ne fit pas attention au bruit de la porte d’entrée, qui pourrait trahir l’arrivée de ses colocataires, pas plus qu’elle ne se préoccupa de voir le soleil disparaitre pour laisser une nuit noire s’étendre sur Fort Hope. Les mains d’Anna exaltaient Juliet, ses baisers réveillaient en elle des sensations qui avaient été enfouies profondément dans l’esprit de la jeune femme sans qu’elle s’en aperçoive, et avant même de s’en rendre compte, Jules avait rendu les armes, et se livrait sans fard à Anna.

Lorsque l’incendie fut éteint, Juliet roula sur le ventre, faisant de son oreiller une boule qu’elle plaça sous sa tête, ses mains cachées en dessous. Elle fixait le profil d’Anna, qu’elle devinait malgré la pénombre de la chambre, uniquement éclairée par les rayons de la lune qui filtraient par la fenêtre. Cette dernière demeurait étrangement silencieuse, si l’on exceptait sa respiration hachée, qui brisait le silence qui régnait dans la chambre. La jolie brune semblait regarder droit devant elle, mais Jules fut incapable de savoir si c’était uniquement pour éviter d’avoir à la regarder, ou parce qu’elle était perdue dans un abîme de pensées. L’infirmière en herbe ne tenta pourtant rien pour rompre ce silence qu’elle jugeait apaisant. Et pourtant, il fut bientôt brisé par la voix de sa partenaire, dont les mots firent doucement froncer les sourcils de Jules. Pendant quelques nouvelles secondes, cette dernière ne fit rien de plus que d’observer les traits d’Anna, avant de rouler doucement dans le lit, pour s’installer sur le dos. « Anna… » Il semblait compliqué pour Juliet de formuler exactement sa réponse, à cet instant précis, et pourtant, elle alla au bout de ses pensées sans attendre : « -Tu es libre de faire selon tes envies. Si tu as envie de rester un peu plus longtemps, ou de passer la nuit ici, ça me va. Mais si tu préfères partir, pour une raison ou pour une autre, je ne vais pas te retenir contre ta volonté. » Elle ponctua ses propos d’un sourire dans le noir, qu’Anna ne put bien sûr pas voir.

La brune tendit le bras, et alluma la lampe posée sur sa table de chevet, qui diffusait une douce lumière tamisée dans la chambre. Les contours d’Anna se précisèrent, sa fine silhouette, son air qui semblait subitement fermé, et Juliet ravala un léger soupir, avant de s’adosser à la tête du lit. « -Je le pensais, quand je t’ai dit que tu n’étais obligée à rien avec moi. Et si tu préfères partir maintenant…y’aucun souci pour moi. » Et elle le pensait. Juliet avait passé un très bon moment avec Anna, et elle ne parlait pas seulement de cet instant charnel qu’elles avaient partagé, mais elle ne voulait surtout pas que la jeune femme se sente obligée de rester contre sa volonté. La brune ne s’attendait à rien, et la chasseuse de primes avait même eu l’honnêteté d’expliquer ses attentes avant même qu’elles n’arrivent dans la chambre. Et pour cela, Jules lui en était reconnaissante. Mais elle préférait malgré tout qu’Anna parte maintenant si c’était ce qu’elle désirait, plutôt qu’en pleine nuit, comme une voleuse, sans même dire au revoir.

Ce fut une surprise sans l’être vraiment, quand Juliet souffla son nom et qu’elle l’autorisa à rester encore ou à partir si elle le voulait vraiment. Anna en venait presque à s’exaspérer toute seule d’avoir imaginé un seul instant que la réponse pourrait être différente. S’il y avait bien une chose qu’elle avait apprise en si peu de temps à côtoyer Juliet, c’était sa gentillesse tellement impressionnante qu’elle en devenait presque effrayante. Dans l’obscurité, la chasseuse de primes se permit d’étirer un large sourire invisible à tous les yeux. Un instant, elle se laissa même aller à se rappeler tranquillement la série de hasards qui l’avaient amené jusqu’à croiser la route de cette femme. C’était plutôt inhabituel pour elle d’accorder sa confiance à une parfaite inconnue ou de ne pas se sentir comme une mauvaise personne quand elle se retrouvait dans cette situation très précise. Après quelques secondes sans rien dire, elle osa enfin bouger, se tourner sur le côté pour regarder la jeune femme. Un sourire discret reposait toujours sur ses lèvres. Elle ne voyait pas grand chose, juste assez pour distinguer la silhouette de Juliet sans pouvoir dire ce qu’il y avait dans son regard ou sur ses traits. Mais ça ne l’étonnait plus depuis longtemps, que le monde soit plongé dans le noir à la nuit tombée, alors qu’autrefois aucun endroit en ville n’échappait à la pollution lumineuse. “Très bien.” souffla-t-elle, son sourire audible dans sa voix.

Elle se redressa un peu, s’appuyant sur une main pour regarder vers Juliet et la jauger un instant. “Je vais rentrer alors.” informa-t-elle tranquillement. “Juste histoire que mon coloc du jour ne s’inquiète pas de ne pas me voir revenir.” Elle n’avait même pas dit à Arthur où elle allait et encore moins combien de temps elle pensait être absente. Il ne l’avait pas empêchée de sortir, il y avait un genre de malaise un peu étrange entre eux, malgré le soulagement évident de l’un et l’autre d’être au même endroit et en sécurité, ne serait-ce que pour une nuit. Il ne la forçait à rien, lui non plus, mais elle n’avait pas envie qu’il s’imagine qu’elle avait pris la fuite sans lui dire au revoir, qu’il finisse par lui en vouloir de nouveau alors qu’ils arrivaient à se parler sans trop de mal pour la première fois depuis des années. Elle secoua la tête doucement pour en chasser toute pensée qui n’appartienne pas à ce moment présent et son sourire redoubla alors que de nouveau, elle essayait de distinguer le visage de la jeune femme dans l’obscurité. “Merci pour cette soirée.” souffla-t-elle avant de glisser une main sur la mâchoire de Juliet pour tourner son visage vers elle. Elle se pencha jusqu’à retrouver ses lèvres, l’embrassant doucement.

Un dernier sourire plus tard, Anna se glissa hors du lit et récupéra ses affaires éparpillées au sol. Elle se rhabilla en quelques minutes et se planta devant la porte contre laquelle elle s’appuya pour se tourner vers Juliet. “Je passerai te dire au revoir avant de partir.” promit-elle, sans trop savoir pourquoi. Il n’y avait aucune obligation, c’était parfaitement clair entre elles, quand bien même Anna ressentait encore quelques scrupules à y croire réellement. Mais elle espérait vraiment que ce soit vrai, qu’il n’y aurait rien de bizarre quand le soleil se lèverait le lendemain. Elle s’en serait vraiment voulue d’avoir gâché une occasion de se faire une amie pour la première fois depuis bien longtemps.