Ma première sortie. Mes poumons se gonflent d’air doucement, mon cœur bat fort, à rythme décadencé, tandis qu’une étrange sensation me saisit. C’est assez étrange, de ne plus vraiment savoir où on habite, de ne pas savoir où est notre place. Voilà jour pour jour 9 nuits que je vis à Fort Hope, que j’ai dû abandonner mon QG pour aller habiter avec Will et Elias. Je suis encore un peu déboussolée. Même si j’ai l’habitude de venir dormir chez eux quelques jours, c’est cette fois-ci assez différent. J’ai ramené toutes mes maigres affaires cette fois et j’ai officiellement battu le nombre de jours à squatter leur maison. C’est assez normal quand on y réfléchit sincèrement, car après tout, ils m’hébergent pour une durée indéterminée. Je trouverais d’ici quelques jours, de quoi m’occuper et de quoi aider le fort de mes mains, mais pour l’heure, j’avais besoin de respirer. L’agression de ce malade mentale, m’a clairement troublée et j’en suis encore secouée, peu rassurée de sortir seule. Mais j’avais besoin de me rétablir, de me reconstruire cette gentillesse, cette bravoure et cet altruisme dont j’étais si fière. Voilà depuis le mois de Janvier que je n’ai plus oser sortir explorer les allants-tour et apporter mon aide à d’autres survivants en échange d’un sourire.

Le mois de Mars, est un mois que j’aime bien, puisqu’il célèbre l'avènement du printemps, et donc des beaux jours. Après le froid que nous avons essuyé, c’est maintenant au tour du soleil de se remettre doucement à pointer le bout de son nez. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire et c’est précisément ce jour que j’ai choisi pour aller explorer le coin. Je ne suis pas très loin de Fort Hope, et j’ai joué de mon regard de chien battu pour sortir seule un moment. Je n’en aurais surement pour pas plus de quelques heures mais, j’avais sincèrement besoin de cette sortie. Mes pas m’ont finalement guidé, dans l’intérieur d’une maison. J’ai choisi celle-ci, parce qu’elle me semble tranquille et pas en trop mauvais état. Disons que j’ai déjà trouvé des maisons totalement rasées par les bombardements que la ville a autrefois subis, mais cette maison semble encore en assez bon état et même si la plupart des fenêtres sont brisés, ça me permet d’être sûr qu’il n’y a pas de mort vivant à l’intérieur, car un silence assez paisible règne. J’ai entendu dire que des militaires sont dans le coin et rôdent. C’est une des raisons qui m’avaient poussée à rentrer à Fort Hope en urgence mais finalement, on dirait qu’ils sont réellement là pour nous débarrasser des morts et non pour menacer les survivants. Tandis que je poursuis mon exploration des lieux, un petit frisson me parcourt alors que je me baisse légèrement sur mes appuis. Quelqu’un est dans le jardin, je viens de le voir passer devant la fenêtre mais l’intérieur étant sombre, il ne m’a pas vue. Il faut dire que je ne faisais pas grand bruit et c’est après une petite observation que j’ai compris. Un survivant, vient de rejoindre un chien qui semble creuser la terre avec enthousiasme, ce qui ne semble pas ravir son maître. En premier lieu, je souris, avant de me mettre un peu sur la réserve. Mais très vite, je me ressaisis. J’ai parlé avec des personnes très gentilles, des survivants adorables et j’ai toujours évité les problèmes, sauf cette fois-ci. L’homme qui est dehors, n’est peut-être pas aussi fou que Jake… J’inspire doucement, puis j’avance vers la porte arrière, qui donne sur le jardin. Il s’agit d’une porte vitrée, qui est complètement cassée. Silencieusement, je passe par l’encadrement encore fixe de la porte, et je me tiens là, sur les petits escaliers. J’observe le chien et son maître avant de sourire amicalement.

- Il a trouvé un trésor ?

J’ai retrouvé mon calme. Mon ton est posé, clair, ne laissant aucune interprétation négative à mes mots. Je descends doucement les petites marches, pour mettre pied dans l’herbe, restant à bonne distance de deux compagnons de route.

- Salut, moi c’est Azia. Et toi ? Ton chien a vraiment l’air adorable…

Lentement, posément, je m’accroupie, claquant doucement de la langue en tendant ma main pour faire approcher le molosse. Il a une sacrée carrure et paraît puissant. Il me fait penser à un pitbull… Je me montre amicale, souriante. Me stress s’est envolé, j’ai hâte de me faire un nouvel ami, et de tenter d’apprivoiser peut-être, son propriétaire...

Accroupie, toujours la main tendue vers le chien, je guette la réaction du beau duo atypique. J’aurais dû approcher un peu moins discrètement, mais ce par habitude que je me déplace sans bruit. Mon intervention orale fait ainsi sursauter le jeune homme qui place vite sa main dans son dos. Je ne bronche pas, mais un léger frisson glisse le long de mon dos en imaginant le pire. Me faire pointer par une arme n’est jamais une belle expérience. Mais alors que je le soupçonnais entrain de se saisir d’une arme à feu ou autre, sa main retombe doucement le long de son flanc. Il recule de deux pas, et me jauge de cette distance qui nous sépare. Il semble baisser doucement sa garde devant mon attitude des moins agressives et Joshua, c’est à priori le nom du chien, approche finalement après un regard permissive vers son maître. Je n’aurais jamais pris soin de me baisser si le chien avait grogné ou aboyé, mais à part me fixer de ses petits yeux curieux et adorables, il n’a témoigné d’aucune agressivité, heureusement. Les présentations sont faites, alors que je souris. Orwell et Joshua. J’aime bien ces prénoms. Ils sont assez peu communs et c’est même plutôt mignon en fait.

- Orwell. Et toi, c’est Joshua… Je suis sûr que t’es heureux de ne pas t’appeler Pongo, Rex ou Médor…

Je souris doucement, venant gratouiller avec énergie la tête du chien. Il est encore plus impressionnant de près. Même s’il n’a clairement pas l’air méchant, il fait partit je pense des chiens dit dangereux. On dirait qu’il a de la puissance dans la mâchoire le gros pépère… Orwell me fait confiance à priori, puisqu’il range ses mains dans ses poches d’un air détendu et observe les allants-tour, me laissant câliner son chien sans la moindre opposition. Il se montre assez charmant, souriant avec politesse. J’écoute ses questions, que je trouve étonnamment polies et posées. C’est assez rare pour moi de tomber sur des gens aussi détendus que moi ou du moins, c’est l’impression qu’il me donne.

- Non ne t’inquiète pas. Ce n’est pas chez moi, je fais une petite sortie tranquille, mais j’habite avec un groupe sécurisé. Fort Hope. Je ne sais pas si tu connais ?

Je suis je pense restée assez accroupie comme ça, même si je pourrais passer des heures à gratouiller Joshua, n’abusons pas des bonnes choses. Je finis par me redresser, toujours l’air décontractée et le petit sourire simple mais franc aux lèvres. Ma main reste le long de mon flanc, continuant pourtant les gratouilles pour le chien lorsque celui-ci en réclame à coups de têtes. Mon regard glisse sur le corps du survivant. J’ignore s’il est seul ou avec un autre groupe, mais je trouve qu’il a l’air en forme, il doit être débrouillard. Il a les cheveux mi-longs, brun, une fine barbe de quelques jours, un regard sombre, un petit côté sauvage assez séduisant, et semble posé. Je suis sûr qu’il n’a aucun mal à se débrouiller tout seul finalement, mais je suis toujours la même ; j’aime aider les gens dans le besoin.

- Tu as faim ? J’ai deux barres de céréales que j’ai prises en partant et une bouteille d’eau. Je peux t’en donner un peu si tu veux, ça sera avec plaisir.

Je suis finalement très heureuse de tomber sur quelqu’un comme lui lors de ma première sortie. On peut dire qu’il est assez rassurant, charmeur, pas agressif. C’est peut-être parce que je ne lui ai montré aucune forme d’agressivité en premier lieu, mais quoi qu’il en soit, cette discussion me plait. Et la compagnie des deux mâles au regard curieux n’est pas déplaisante vu le calme de l’un et les envies de gratouilles de l’autre.

Étrangement, l’homme avec qui je dialogue semble intrigué. Par moi, mes manières joyeuses et ce dont je lui parle. Je vois bien qu’il est sur la défensive et je le comprends mille fois. Rare sont les gens à se montrer calme en ma présence. J’ignore comment ils sont avec des survivants un peu moins accueillant que je le suis en général, mais le fait que je tente toujours de me montrer si avenante et douce, peut parfois en dérouter certains. Je suis habituée à faire tâche avec mes sourires francs, mais étrangement, ça ne me dérange pas. Ils finissent par s’habituer, comme doucement ce cher Orwell semble réussir à s’acclimater. Il répète le nom du fort dont je lui ai parlé, d’un air intéressé. Oui, c’est assez rare que ce nom n’évoque rien aux survivants extérieurs à ce camp. Beaucoup de rumeurs, d’échos, circulent sur cet endroit. J’ai bien cru comprendre que certains survivants n’en revenaient pas qu’un genre de société paisible avec camp fortifié ait réussit à se construire dans Détroit. D’autres sont happés par les légendes qui circulent sur Logan, appelé aussi le fantôme, et pour finir, les plus sceptiques pensent que Fort Hope a carrément “des cadavres dans le placard” d’après l’expression assez connue.

Pourtant, ayant fait partie des sceptiques après un passé assez compliqué avec certains survivants agressifs, j’ai fini par aller y habiter. Après plusieurs visites qui se sont bien terminés, j’ai fini par prendre confiance en ce lieu atypique, même si j’admets, qu’il soit dirigé par un ancien ami et que mon meilleur ami y habite, ne peut qu’aider. De toute façon, je me sens finalement plus en sécurité avec eux que dans mon QG. Une première attaque dans mon groupe de survivant, une seconde attaque alors que je me pensais plus en sécurité seule, j’ai compris que où que j’aille, le danger serait non-loin, près à me pourfendre de ses griffes. Autant essayer un maximum de minimiser les dégâts et de rester positive non ? Sinon je deviendrai aussi vide que certains ou aussi agressive que d’autres. Malgré mes appréhensions pour venir à sa rencontre, je me dis que rester cachée dans la cuisine m’aurait fait perdre une rencontre très intéressante. Je n’irais clairement pas jusqu’à lui confier ma vie, mais au moins je pense pouvoir lui tourner le dos sans me prendre une hache plantée entre les deux omoplates, ou un truc du style, puisqu’il n’a visiblement pas de hache… Parlant de confiance, Orwelle semble préférer décliner mon offre. J’accuse une petite moue déçue, assez discrète. Peut-être a-t-il peur de l'empoisonnement ?

- C’est dommage, elles sont encore emballées si t’as peur que ça soit un piège. Si tu changes d’avis dis-le moi. Je conclue avec un petit sourire rassurant, mais n’insiste pas plus.

En revanche, même si je ne dis rien sur les militaires, je suis en effet au courant de leur arrivée. J’ai été un peu inquiète d’entendre ça pour être parfaitement honnête. Qui sait d’où ils viennent et pourquoi ils sont là… Pourtant, en mémoire à un vieil ami à moi, je ne peux pas non plus les détester, ni penser directement du mal d’eux. Après tout, c’est un militaire qui a construit le premier groupe dans lequel j’étais. C’est un militaire qui m’a appris à me défendre, alors ils ne peuvent pas être tous méchants. Surtout si Orwell traîne avec eux. Il n’a pas vraiment la carrure d’un militaire, mais plutôt d’un survivant, un civil comme moi. S’ils acceptent les civils dans leurs rangs, c’est qu’ils doivent avoir envie de se rapprocher des groupes du coin. Comme un télépathe, le survivant interrompt mes pensées avec une question assez direct.

- Oh non, Fort Hope n’est pas très loin…

Un petit sourire naît sur mes lèvres. Il m’a dit aller bien ils y a quelques minutes, pour esquiver ma proposition. Mais il est à la recherche du camp ? Peut-être veut-il nous rejoindre ? Où alors il a un message de la part des militaires ? A vrai dire je n’en sais rien, mais mon esprit crépite de curiosité.

- Pourquoi, tu aimerais t'y rendre ? Si tu as des questions, je peux y répondre, sinon, je peux t’y conduire si tu le souhaites ?

J’ai un petit sourire malicieux au coin des lèvres, je ne m’en cache pas trop, je suis excitée. J’adore rencontrer des gens, parler avec eux, même si ce n’est pas toujours réciproque. Orwell ne paraît pas méchant et je suis sûr que en plus des chiens, y a d’autres sujets sur lesquels on pourra débattre sur le chemin...

Sa surprise se lirait presque sur ses traits. S’attendait-il sincèrement à ce que je lui dise ‘’Ah oh oui, je sais où est Fort Hope. Je vais d’ailleurs pas tarder à y rentrer mais je préfère te laisser te débrouiller pour trouver la route.’’ La réplique serait surement amusante, mais je ne suis pas du genre à créer des ascenseurs émotionnels, ou du moins je ne fais pas exprès. Heureusement pour lui, ce n’est pas vraiment mon genre, voire pas du tout. Surtout que je l’admets sans mal, il a vraiment la bouille d’un mec gentil. Certes, pour moi, beaucoup de gens ont l’air gentil, mais son regard n’a pas été une seule fois agressive envers moi, et ça me rassure. La présence du chien-câlin doit surement l’aider un peu à tricher, c’est certain… Mais tout de même ! Sa compagnie est loin d’être désagréable. Pouvoir aider quelqu’un et ne pas me sentir trop nul, m’est même très agréable. Et après avoir vu l’éclat dans son regard, à l’énonciation de ce lieu de réfugiés, je ne peux qu’affirmer qu’il devait désespérément chercher de camp. Ça serait donc bienvenu à moi de m’arranger pour l’orienter.

Après vous, mademoiselle ? Je ne peux que ricaner joyeusement après une telle appellation. Lui occasionnant un petit hochement de tête respectueux sur le côté, une brève révérence gracieuse et je prends donc le pas. Fort Hope n’est qu’à une trentaine de minutes à marcher, tout au plus. Et ça, en prenant le temps, ce que je compte faire. Après tout, il ne fait pas froid, Dylan est le premier visage extérieur que je vois depuis un certain temps, et je suis détendue… Tout ce qui m’arrive en ce moment n’est pas facile à encaisser, mais je compte bien surmonter tout ça. Surtout que j’ai déjà été dans des situations bien pire et je suis finalement bien retombée de toute cette histoire. Il faut reprendre courage et être celle que je suis, en gardant à l’esprit qu’aujourd’hui, il faut que je sois réellement consciente, que le monde extérieur est en effet dangereux. Que parfois, un sourire ne peut pas servir de bouclier à tout et que, après à se battre et à se protéger est une chose essentielle. Soudain, ma rêverie ou plutôt ma prise de tête inutile, et interrompue par quelque chose qui devient tout de suite très excitant. Sans s’en rendre compte, le bonhomme vient de prononcer le mot magique, qui l’a fait basculer dans le clan des gens que je peux apprécier dès la première rencontre… Tatouage.

- Oh… Oui ! Avec plaisir !

Aussitôt, il retrousse sa manche et je découvre un tatouage. Un beau tatouage à l’encre noir, d’un beau serpent qui ondule sur son avant-bras. J’ai un serpent moi aussi, mais on peut dire qu’il est carrément l’opposé de celui-ci !

- Je peux ?

Délicatement, sans trop de geste soudain, je m’empare de son bras et observe d’un peu plus près les détails… Subitement, je me rends compte que je suis trop près. Que c’est même trop bizarre comme attitude sans avoir la fin de l’événement.

- Excuse-moi ! J’aurais dû te prévenir avant… Je suis tatoueuse. C’est pour ça que je l’analyse, j’adore détailler les tatouages que je vois… C’est passionnant et ça apprend toujours.

Souriant avec entrain, ma gêne s’envole vite. Mes possibles suspicions sur lui avec. Aussitôt, je lui dévoile donc mon poignet, même s’il l’a déjà vu. Malheureusement et même si j’aimerais beaucoup, une petite voix me rappelle que certains ne pourront pas être visibles. Je ne pourrais pas lui montrer celui de mon ventre, ni celui sur mes côtes. Soulever mon t-shirt est une étape encore un peu trop brutale pour moi… Mais pourtant, je ne me prive pas de lui montrer celui sur mon épaule également, ainsi que celui sur ma nuque.

- Alors là comme tu vois, c’est un petit arrangement assez sobre à l’encre noir…  j’ai dessiné le tout et c’est mon mentor qui me l’avait tatoué à la place de mon premier salaire. L’hirondelle ici c’était sur un stand pendant un salon du tatouage, un confrère dont j’étais tombée amoureuse des dessins et tatouages. Et l’épaule… C’est la deuxième tatoueuse du salon où je travaillais. Elle m’apprenait la couleur et lui le tatouage noir.

(ps : les tatoos et l’emplacement sont dans mon profil, comme ça même si ton perso peut pas voir les autres, toi tu peux si ça te tente :’D)

Hé oui, parler de tatouage avec moi c’est forcément un sujet qui m’intéresse… En même temps, parler de voiture avec un mécanicien, parler de chevaux avec un dresseur et vous verrez la même flamme danser dans leurs yeux et dans les miens. Le sujet semble également plaire à Dylan, puisqu’il prend également soin de regarder mes tatouages avec attention. Son serpent est beau, et je suis très curieuse, car il a dit ‘’je te montre les miens, tu me montres les tiens’’. En l’occurrence, je me pose donc la question sérieusement. Puis-je voir les siens ? Si ça se trouve il a dit ça sans réfléchir et les autres sont sur des zones délicates à montrer à une inconnue et dans ce cas précis, je comprendrais qu’il ne souhaite pas les montrer. En attendant, il hoche doucement la tête et affirme que la couleur n’est pas trop à ses goûts mais que le choix est louable. En effet, je comprends tout à fait ce qu’il veut dire. Quand je devais tatouer des gens, j’avais beau ne pas forcément apprécier leurs idées, je me gardais bien de porter un quelconque jugement. Chacun ses goûts, chacun ses formes et surtout ses couleurs ! Pourtant et très vite, il se montre très curieux. Suis-je encore en activité, ai-je un carnet de rendez-vous, une machine… Tout pour indiquer un potentiel client.

- Oui ! J’ai une machine et malheureusement, vu que ce n’est plus vraiment la priorité des gens à cette époque et ça se comprend, mon carnet de rendez-vous est vierge !

Je ris doucement, continuant d’avancer avec calme, disons le même carrément tranquillité. Mon esprit éclate déjà de curiosité. Milles idées se bousculent, comme des graines de pop-corn qui explosent dans tous les sens. Il n’aime pas la couleur ? Soit ! C’est tout sauf grave, il existe encore une infinité de choses qu’il pourrait faire comme tatouage en noir.

- Si tu veux que je te fasse un tatouage, saches que ça sera avec un immense plaisir. Je suis à Fort Hope, alors si t’y reste quelques jours ou que t’as l’intention d’y repasser plus tard, je t’invite avec un immense plaisir !

J’essaye de me contenir un peu, mais je suis plutôt très très heureuse en vérité. Il serait ma première occasion de tatouer depuis si longtemps … Même si Will et Elias m’avaient dit qu’ils y réfléchiraient, je pense que c’était plus pour me faire plaisir qu’autre chose. Heureusement, j’attendais avec hâte le jour où une personne me réclamerait ce genre de service. Autant dire que je suis très heureuse de cette rencontre au final ! Surtout qu’il est assez curieux, assez loquasse et c’est chose très agréable.

- Mes passions ? Hm… Je sais très bien jouer de la flûte de pan. J’adore les chats, tu t’en doutes j’adore dessiner et tu t’en doutes peut-être un peu moins mais j’adorais les jeux vidéo. C’était un art si particulier…

J’y jouais avec un immense plaisir avec mon frère cadet. C’était notre moment de rire, d’agacement et de complicité à tous les deux. Je me tourne vers Dylan, amusée c’est certain, avançant toujours d’un pas dynamique.

- Et toi ? A part les tatouages et le gros chien à la queue frétillante et à l’adorable museau, tu aimes quoi dans la vie ? D’ailleurs… T’as dit que tu me montrerais les autres, de tatouages. Je peux les voir s’ils sont sur des zones accessibles ?

Sans même m’en rendre compte je le regarde presque d’un air implorant, tel le chat potté pour attendrir ses proies. Pourtant moi, il n’y a aucun message caché derrière, je suis juste une tatoueuse en présence d’un tatoué et ça fait franchement plaisir ! Si un psy se baladait non loin, il affirmerait surement que j’ai un problème. N’est-ce pas ce que beaucoup pensent de moi dès la première rencontre en général ?

L’ambiance semble moins joyeuse tout à coup. Sans pour autant dire qu’elle est glaciale, le brun à mes côtés semble s’être un peu renfermé. Ça, je suis sûr que c’est de ma faute. Je suis toujours trop joyeuse, trop enthousiaste… Je ne comprends pas à quel moment c’est un problème, je ne comprends pas pourquoi tout le monde réagit pareil lorsque je suis gentille. Tout ce que je veux, c’est rester moi et apporter un peu de gaieté aux gens qui ne voient que du noir autour d’eux. Les pauvres survivants de dehors comme Orwell compris. Il semblait si joyeux de parler de tatouages, c’est même lui qui a demandé à ce que je montre les miens, pour montrer les siens en échange. J’avoue être totalement perdue par le revirement soudain de situation ? Je n’ose plus vraiment le questionner, préférant le laisser un peu tranquille avant de devenir trop étouffante. Je suis complètement désemparée. C’est lui qui voulait un tatouage et maintenant que j’accepte, l’idée que je puisse vraiment lui en faire un semble lui déplaire. Je continue d’avancer tranquillement, consciente qu’il n’a plus forcément envie de parler, lorsque soudain la réponse à ma toute dernière question tombe. Une telle réponse me glace immédiatement le sang. Pire encore, une violente secousse me saisit l’estomac, une sueur froide balaie mon dos et mes pieds, semblent s’enfoncer dans le sol. Ce qu’il avait tenté d’attraper plus tôt, dans son dos, m’est finalement dévoilé. Il brandi entre nous, une batte avec des piques, et visiblement, elle a déjà servie. Il semble même lui avoir donné un nom. Un silence de plomb, s’abat sur nous, alors que je n’ai toujours pas bougé d’un moindre millimètre. Même de là où il est, il doit bien voir mon coeur battre à travers ma poitrine. Je suis complètement abasourdie, incapable de comprendre ce qu’il se passe. Quand est-ce que ça a dérapé ?

- Pourquoi tu… Mais qu’est-ce que j’ai dis…

Je prononce cette phrase, tout bas. Je ne comprends pas ce que j’ai fait, qui mérite une soudaine menace. Une menace si violente. Je pourrais, partir en courant, saisir ma machette, lui faire comprendre que je ne suis pas une proie facile… Mais avec les récents événements et l’équipement du jeune homme, je suis bien incapable de bouger. Lui tourner le dos, et il me fracasse le crâne. Fuir et son chien pourrait me rattraper en deux foulées. La seule option est encore de ne pas bouger. Bien malgré moi, je sens mes mains trembler et je tente de les poser contre mes cuisses lentement. Aucun geste brusque, ni agressif, juste une manière comme une autre de cacher ma peur, ou du moins essayer. Pourtant, réduisant en miette ma tentative, ma voix se brise rapidement.

- Je n’ai rien fait d’assez déplacer, pour que tu me menaces.

Mon coeur rate un battement et encore une fois, ma peur s’exprime à ma place…

- Je ne veux pas d’ennuis, je ne veux faire de mal à personne… Je voulais juste te conduire à Fort Hope, comme tu le voulais… Je ne crois pas avoir été agressive envers toi, tu… N’as rien à craindre de moi.

Je n’arrive pas à comprendre ce qu’il se passe, ni comment c’est arrivé. Tout ce que je sais, c’est que c’est surement la dernière fois que j’ose quitter les murs de Fort Hope et leur sécurité...

Tout me semble surréaliste, une fois de plus… Pourquoi tout m’arrive d’un seul coup ? Aider les gens avant, ça n’était pas si compliqué… Aujourd’hui, un simple bonjour jovial semble leur faire l’effet d’un couteau planté entre les deux omoplates. Il joue encore avec sa batte, la bougeant dans tous les sens. J’ai du mal à suivre tout ce qui se passe, mais assez rapidement, je comprends. Il ne compte pas vraiment m’attaquer, mais me donner une leçon de vie si je comprends bien ? Un genre de ligne de conduite pour les nuls de la survie ? Si je suis encore là, à un stade si avancé de la fin du monde, c’est peut-être aussi parce que juste tirer tout le temps la tronche et montrer les dents à tout le monde, n’est pas la seule façon de s’en sortir. C’est sûr, vu les deux gros soucis que j’ai eu dans ma vie de survivante, on peut dire que j’ai quelques failles dans mon système… Mais quand on voit les autres, je pense que je suis bien en dessous de leurs malheurs ou à peine à exéco.

- Franchement… c’est nul.

Je fronce doucement les sourcils et je relève un peu le menton. Je reprends un peu mon assurance. Même si je ne suis pas du tout agressive, ni même hautaine, je me permets de lui exposer mon avis. Mon point de vue sur notre situation.

- T’as le droit d’avoir peur des autres, d’être super méfiant, mais là, c’est nul. Tout ce que je voulais c’était t'emmener à Fort Hope. Parce que c’est un super endroit pour les survivants fatigués et que je considère que toutes les âmes égarées peuvent y trouver un refuge agréable. Donc vous deux, aussi.

Je recule un peu, comme si je m’apprêtais à reprendre le chemin. Sans pour autant lui tourner le dos, je ne suis pas encore suicidaire, je me décale malgré tout. Mes mains, ne saisissent pas mon arme. Mon ton est plus ferme, clairement moins enjoué qu’il l’était il y a dix minutes.

- Et pareil pour le tatouage. Je te l’ai proposé gratuit, parce que l’argent n’a plus de valeur et que je ne manque de rien. C’est ma passion, de tatouer, ça m’aurait fait plaisir de te faire ce qui te plaisait !

Non clairement, je n’ai pas l’air agressive. Mais je suis déjà bien plus affirmée, sûr de moi. A bien observer la situation et à arrêter de mourir de peur sur place, je vois bien que ni Orwell ni Joshua n’ont vraiment envie de m’écraser la tête… Même si Orwell en aurait l’air capable, je doute d’être vraiment en danger. Il a besoin de moi pour trouver Fort Hope, et moi, je ne cherche pas les ennuis… Pourquoi on en viendrait aux mains ?

- Je ne sais pas si je dois t’emmener là-bas. T’as raison après tout, je te connais pas et tu viens de menacer une fille sincèrement altruiste de lui exploser la tête. Je ne suis pas sûr que Fort Hope soit un endroit pour toi ! Seuls les survivants un minimum pacifiste peuvent y vivre.

Je croise doucement les bras sur ma poitrine, mon visage est calme, se radoucissant doucement. Je reprends donc avec autant de calme et de neutralité. Le même temps simple, que j’avais utilisé à la toute première phrase que je lui avais adressé de la journée.

- Mais tu as de la chance… Parce que moi, je suis sincèrement aussi accueillante que je te l’avais montré. Et je sais que beaucoup de gens dehors sont comme toi, à avoir peur de tout, parce qu’ils n’ont pas arrêté de vivre des trucs horribles. On a tous nos problèmes. Moi je te propose d’enlever la faim, la soif, l’hygiène et le repos, comme problèmes. Fort Hope a tout ce dont t’as besoin. Je suis toujours d’accord pour t’y emmener. Mais range ton arme s’il te plait.

De toute façon, on la lui retirera à l’entrée du fort. Et je ne veux pas avoir sur la conscience de l’avoir laissé derrière moi… Et puis, Will a raison. Je suis trop gentille, je cherche à voir le bien partout tout le temps. Mais ce mec n’est pas vraiment, vraiment méchant… J’en ai rencontré un récemment. Et ils n’ont pas du tout le même regard…

Il semble m’écouter, avec plus ou moins d’attention. Je ne sais pas s’il comprend tout ce que je lui dis, mais au moins, il ne se montre plus aussi bourrin. Il ne me témoigne d’aucun nouveau signe d’agressivité, ne pointe plus sa batte vers moi et je trouve que c’est un bon signe. Bien encore, cela signifie que j’avais finalement raison à son sujet. Il est surement capable de se défendre, je n’ai pas de doute, mais il n’est pas dangereux si on ne lui fait rien. Cela m’apaise, me fait doucement reprendre confiance en mes convictions. Qui sait ce qui aurait pu se passer si j’avais, pour réponse à ses menaces, sortie ma machette moi aussi ? Ça aurait surement fini dans le sang et ça n’aurait avancé rien pour personne. On dirait que je reprends doucement le taureau par les cornes. Inutiles de s’énerver après tout, ce n’était rien de bien méchant. De plus, même si le ton semble descendre, il me paraît être toujours aussi… grognon ? Empli de négativité. Je ne lui en veux pas le moins du monde, c’est presque devenu une habitude dans ma réalité. Dans le havre qu’est Fort Hope, les gens le sont un peu moins, puisqu’ils ont certaines choses qui ne doivent plus être un combat quotidien. La nourriture, l’eau, l'entretien sont finalement pris en charge par le refuge. C’est déjà ça de moins à penser pour tous les jours… Et c’est franchement agréable je trouve. Finalement, il ronchonne, comme quoi il ne compte pas s’installer. Si je devais lui donner un conseil, ça serait d’envisager, de s’installer. Mais il semble avoir la bougeotte et je pense que mes conseils sont la dernière chose qui pourrait bien l’intéresser. Peut-être des choses à régler ? Il ne serait malheureusement pas le premier à courir après quelque chose dans ce monde où égarer ses biens, est chose aisée…

- Ce que tu veux y faire ne me regarde pas, même si j’en suis très curieuse… Fort Hope est un refuge. Tant que tu ne menace personne là-bas, tu seras accueillis avec plaisir pour te reposer un temps. Ou quoi que ce soit d’autre…

Finalement, il accepte mes conditions. Assez tranquillement, il range sa batte et moi, je souris finement, retrouvant ma joie habituelle. Mes épaules se détendent un peu et tant mieux, j’ai bien cru les perdre. Evidemment, même si je n’en montre rien, je me méfie un peu plus à présent. Mais ça n’est pas une raison pour se guetter en chien de faillance tout au long du trajet. Puis, de toute manière, une fois arrivés à Fort Hope, il sera confisqué de son arme le temps de son séjour et nos chemins se sépareront. Il sera tranquille et on ne risquera plus de se rentrer dedans. Finalement, il fait un petit signe à son chien, le dénommé Joshua et ce dernier approche vite. Il ne faut pas être expert en animaux, pour voir qu’il est finalement tout sauf agressif ce chien. Il arrive au galop, puis au trot, puis au pas très lent, queue entre les pattes arrière. Il a le regard du chien qui a détruit le canapé, pourtant, il n’a rien fait. Comment ne pas craquer ? Doucement, je m’accroupis devant lui, pas trop bas non plus. Je me mets à le gratouiller avant de sourire.

- Au moins un qui ne prend pas mal quand on lui propose quelque chose qui peut lui plaire…

Je souris doucement, amusée. Cette phrase est tout sauf méchante, disons plutôt qu’il s’agit d’un trait d’humour. Tout en gratouillant le molosse, je me contente d’apprécier l’instant et de laisser retomber les tensions. Maintenant que tout retombe plus calme, on peut envisager de faire les choses correctement.

- On se remet en route ?

Très tranquillement, je me retourne à trois quart. Je laisse une petite distance de sécurité raisonnable entre nous. Histoire de ne pas le brusquer… J’ignore encore comment on en est venu à cet affrontement stupide. Je meurs toujours d’envie de lui faire un tatouage moi. Mais je me doute que vu les circonstances, c’est foutu pour ce client-là.

- Si les mots ne te conviennent pas, laisse-moi t’amener à Fort Hope. Et tu verras que j’étais plus que sincère. J'ai jamais été malhonnête avec personne, je commencerais pas aujourd'hui crois moi.

Joshua est un brave chien. Il est gentil et affectueux et vu le coup que Orwell m’a fait, je suis finalement pas mal inquiète… Le chien serait-il finalement plus brave que le maître ? C’est une possibilité mais vu le moment flippant où Orwell m’a menacé, je préfère l’amener à Fort Hope, laisser les gardes le désarmer et laisser Alex juger de son cas une fois sa visite médicale effectuée. Elle pourra le foutre dehors si elle ne le sent pas et moi, je serais à l’abri de ses petites sautes d’humeurs de survivant parano et de mes cas de conscience. Abandonner un survivant dehors, qui demande de l’aide, ça ne se fait pas... Il m’a ramené à la dure réalité que je cherchais à esquiver, le dehors est trop dangereux pour moi, je suis trop faible, trop peu dangereuse pour me mesurer aux problèmes de l’extérieur. C’est à ce demander comment j’ai pu survivre jusqu’ici, bien des gens pourraient s'interroger et finalement, vu les gens agressifs et fous que je croise en ce moment, je commence moi-même à m’interroger.

La décoration de l’extérieur des murs semble intriguer un peu le jeune homme et le fait qu’on soit près de chez moi, me relax personnellement un peu. Dylan ne peut plus vraiment tenter grand-chose arrivé là, sinon il va clairement se prendre une pluie de balles venant des gardes. Finalement, les portes s’ouvrent et là je mets quiconque au défi de faire le malin. Deux gardes de la sentinelle sortent, armés. Aussitôt, je connais la procédure et je rends littéralement mes armes. Dylan n’a pas trop le temps de réagir et on lui confisque sa précieuse batte. Mon regard s’attarde sur son visage. Maintenant qu’on est en sûreté, je me sens un peu mieux. Un garde nous escorte lentement vers l’infirmerie une fois la fouille correctement effectuée.

- Tu m’as menacé tout à l’heure… C’était pour de faux ? Tu n’allais pas vraiment me faire de mal hein ?

Je marche doucement, empruntant le chemin de l’infirmerie par automatisme, passage obligé après avoir fait un quelconque tour dehors. Je regarde autour de moi, plus ou moins sereine. J’espère au fond de moi qu’il me dira qu’en effet, je ne risquais rien ou au moins pas grand-chose. Mais franchement, je n’y crois que peu. J’ai bien vu que ça ne lui aurait pas trop posé soucis de m’attaquer. Ça me fait grincer des dents, et encore un peu, ça me fait perdre confiance en l’humanité.

- Parce que je trouve tes actes déplacés. Je me suis montrée avenante avec toi, et je t’ai emmené où tu voulais aller. Et je n’ai pas la sensation d’avoir fait quoi que ce soit pour t’offenser. C’est toi qui avais commencé à parler des tatouages…

Moi qui tente d’être un minimum sûr de moi, droite et direct, j’ai tout de même la sensation étrange, de ne pas réussir à me montrer si convaincante en apparence. Je ne parais pas franchement sûr de moi. Il faut dire que de base, je n’ai pas l’habitude de me faire agresser quand je propose des services. Et là, finalement, c’est comme si c'était la suite logique des choses, une petite descente aux enfers pour m’apprendre à avoir peur comme tous les autres. Pourtant, j’espère continuer de penser, continuer d’être comme je suis. Ce monde carrément sombre mérite encore de quelques êtres qui sont bienveillants.

- Même ton chien ne m’a pas montré une once d’agressivité et je crois que les animaux sont les premiers à sentir quand quelqu’un veut du mal à quelqu’un d’autre.