Eulalie est une petite fille très timide qui ne parle pas beaucoup. C'est une gamine solitaire, elle préfère être seule qu'avec d'autres enfants, même si elle essaye de se faire des amis quand elle en a l'occasion.. Elle n'aime pas être mise à l'écart. Quand elle parle, on l'entend à peine car elle a une toute petite voix. Elle est souvent dans sa bulle mais on peut parfois la voir s'éveiller d'un coup quand quelque chose autour d'elle attire son attention. C'est une petite fille adorable et attentive, quand quelqu'un est triste, elle essaye de lui remonter le moral en lui prêtant son doudou ou en lui faisant des grimaces. Elle obéit quand on lui donne un ordre, elle n'est pas spécialement difficile à vivre. Mais elle est timide et renfermée, elle ne parle quasiment pas. Naïve, on peut lui faire gober n'importe quoi.

Je suis née à Détroit, une petite ville du Michigan. C’est aux Etats-Unis, si vous connaissez pas… J’ai toujours été la petite princesse de maman. J’avais toujours ce dont j’avais besoin : nourriture, amour, jouets, vêtements… je ne manquais de rien. J’avais une petite vie heureuse avec maman, papy et mamie, chez qui j’ai vécu pendant trois ans avec maman. Je les aimais beaucoup. Ils étaient toujours là à me faire des câlins, à m’acheter des jouets… Ils m’aimaient, et ça se voyait.

À l’école, j’étais plutôt une bonne élève. Enfin, une élève qui parlait pas. À part ce petit journal, je raconte pas grand-chose… J’ai presque pas de copines, je sortais jamais de la maison pour jouer avec les enfants du quartier… Je sais pas ce qui cloche chez moi. Pourquoi est-ce que je suis aussi timide ? Pourquoi, quand j’ose parler, j’ai toujours cette petite voix qu’on entend à peine ? Je sais pas, mais maman dit que c’est mignon comme tout. J’aurais bien aimé ne pas être comme ça, être une fille qui parle facilement, qui se fait pleins d’amis… malheureusement, ça marche pas comme ça.

Quand j’allais à l’école, je pensais toujours à la façon dont les autres me regardaient. La plupart essayaient de devenir amis avec moi mais oubliaient cette idée quand ils s’apercevaient que je ne faisais pas vraiment d’effort pour me débarrasser de cette timidité tandis que certains se moquaient de moi. Pourquoi ? À cause de ma timidité, et même parfois de mon papa que je n’ai jamais connu. Oui… qu’est-ce que j’avais l’air bête quand je voyais les papas des autres enfants venir les chercher alors que moi, c’était toujours maman. Oui, je l’aime bien, mais… je sais pas, ça faisait bizarre de ne pas en avoir.

J’ai déjà questionné maman sur papa, mais elle essayait la plupart du temps de contourner le sujet ou elle me disait simplement qu’il était occupé et qu’il viendrait me voir quand il aurait le temps. Oui, bien sûr… Je la croyais pas. Je ne l’avais jamais vu. Il était occupé pendant tout ce temps… ? Impossible. S’il ne m’aimait pas, autant que maman me le dise…
Mais j’ai finalement eu la réponse à cette fameuse question que je me posais souvent, ‘’c’est qui mon papa ?’’ quand, le jour de mon anniversaire, dans notre nouvelle maison, que papa était bien réel. Elle l’avait invité. C’était peut-être le plus beau jour de ma vie, je sais pas… Je continue de me poser beaucoup de questions sur lui que je ne pourrais pas lui poser. Je suis trop timide. « Pourquoi il n’est jamais venu me voir ? Pourquoi est-ce que maman ne me parlait jamais de lui ? Pourquoi tous les autres enfants à l’école avaient des papas et pas moi… ? ». On a mangé du gâteau tout l’après-midi, on rigolait en jouant à la nouvelle Nintendo DS que j’avais reçu de la part de mamie et papy.

Oui, j’avais encore passé un anniversaire sans copines… mais personne ne comptait plus pour moi que maman. J’ai presque pas décroché un seul mot à papa quand il est venu me voir… Je sais pas, j’arrive jamais à lui parler. J’ose pas, je sais pas quoi lui dire… à chaque fois que je le vois, un tas de questions se bousculent dans ma tête et je me demande parfois si je suis obligée de passer des journées avec lui… Si c’était vraiment mon papa, je suis sûr que maman vivrait avec lui.
On a passé de belles journées en ‘’famille’’, avec cette personne que je ne connaissais presque pas mais qui me donnait toujours quelques coups de pouces pour que je prenne la parole. Je sais pas si je l’aime ou non… c’est compliqué. Mais ce que je sais, c’est que tout ce bonheur s’est effondré il y a six mois.
On était tranquillement en train de regarder la télévision, ce jour-là. C’était pendant les vacances scolaires, j’avais pas l’école… Je me suis endormie sur les genoux de maman parce que j’étais très fatiguée et quand je me suis réveillée, tout a presque changé dans la maison. Les fenêtres étaient barricadées, la maison était éclairée à la bougie… Je me posais pleins de questions que j’ai directement posé à maman qui m’a serré dans ses bras en fondant presque en larmes quand elle a vu que je m’étais réveillée. Je comprenais pas pourquoi elle était triste, mais elle m’a juste promis que je serais en sécurité avec elle. Qu’elle me le dise ou non, je le savais de toute façon…
On a passé deux petites semaines sans sortir de la maison parce que c’était ‘’trop dangereux’’, comme maman le disait même si je ne comprenais pas pourquoi… Je passais mes journées à feuilleter des vieux livres Disney que maman m’avait achetée quand j’étais plus petite, à arroser les plantes… C’était ennuyant, mais je savais que si maman voulait me garder à l’intérieur, c’était sûrement parce qu’il y avait quelque chose d’effroyable dehors. Je pensais avoir une petite idée de ce qu’elle ne voulait pas me dire. Chaque soir, dans son grand lit dans lequel je dormais avec elle, j’entendais des bruits de tapements contre les murs, et même des grognements… mais c’était bizarre !

Mais heureusement, on a fini par déménager. Maman a pris sa voiture qu’elle avait gardé dans le garage puis elle a finalement décidé de m’emmener dans un autre endroit. Elle m’avait enroulée dans une couverture qu’elle avait posé sur ses genoux dans la voiture pour ne pas que je puisse voir l’extérieur, elle disait que c’était pour mon bien… Elle m’a même demandé de fermer les yeux, et je l’ai fait… On a finalement trouvé refuge dans un hôpital qui nous a accueilli puis… nous y voilà. C’est un peu mieux qu’à la maison. Il y a plus d’espace, mais on vit tous dans la morgue, mais y a aussi des enfants de mon âge avec lesquels j’essaye de jouer… Tout va bien pour moi, mais je continue de m’inquiéter pour mamy, papy et mon papa que je n’ai pas vu depuis maintenant six mois… ils me manquent.