Le temps semble capricieux depuis ce matin, les nuages sont noirs et le ciel menace depuis quelques heures déjà de céder. Pourtant quelques survivants s’égarent dehors, profitant du calme offert par les militaires à présent bien installés pour chercher quelques denrées, d’autres chassent, tandis que certain profitent simplement du silence. Malheureusement à l’approche de midi, la pluie finit par s’abattre avec violence sur Détroit. La pluie ne fait pas de cadeau, mais heureusement, nombre de bâtiments sont ouverts et sans danger. C’est d’ailleurs dans l’un d’entre eux que se retrouvent quatre femmes au physique bien différent. Aucune réunion de famille, juste une réunion forcée par le temps toujours aussi capricieux. Durant de longue minutes, il n’y eut rien de plus que le bruit de la pluie pour animer cette journée, mais la foudre finit par tomber, frappant le bâtiment lui-même. Jusque là rien de problématique, il s’agit d’un bâtiment épais, solide, du moins en théorie car la guerre, les bombes et le napalm l’ont ravagé comme une bonne autre partie de la ville et ce qui se devait d’être solide n’est plus qu’un vague souvenir d’une réussite économique passée. La foudre fut la provocation de trop et dans un grondement terrible, le bâtiment s’affaisse et s’écroule sur les femmes.

La terre a tremblé une poignée de minutes avant que le silence revienne. Les dégâts sont énormes, le rez-de-chaussé s’est enfoncé sur plusieurs mètres et plusieurs tonnes de béton écroulé se dressent à présent au dessus de nos quatre pauvres femmes prisonnières du bâtiment. Il n’y a plus de lumière et seule l’eau ruisselante arrive jusqu’à elles. Par chance, une lampe de poche a elle aussi fini sa course ici, offrant une chance même infime de pouvoir s’en sortir, du moins si elles sont encore en état de bouger, ce qui est bien moins sûr.    

Dans la continuité de ma traque personnelle, je me suis aventuré à l’extérieur comme à mes habitudes. Au début tout se dérouler bien mais, rapidement le temps à commencer à se détraquer et je me suis réfugié dans un bâtiment qui me sembler pour le coup fiable. Et je n’avais pas été la seule à me dire la même chose sur se bâtiment. Trois autres femmes ont pris refuge dans le bâtiment. Au début tout aller bien, je ne me suis pas vraiment mélangée à elles, préfèrent de loin rester dans mon coin à attendre que l’orage passe. Mais la terre à trembler après un orage, et le bâtiment s’est écrouler. Je n’ai pas vraiment compris ce qui s’est passé sur le coup. Légèrement sonné par le choc de l’effondrement du bâtiment. Par chance, je n’ai qu’une petite douleur à la tête. Mon regard se pose sur notre nouvelle prison fait de béton. Comment allons nous pouvoir sortir de se merdier ? Bordel, j’aurais mieux fait de regagner rapidement l’école. Pour le coup, je suis vraiment heureuse d’être sortie en solitaire. « Hey.. Les filles, vous êtes là ? » Question débille mais, il faut que je sache si elles sont vivantes ou pas. Je commence à me déplacer prudemment lorsque mon pied frappe un truc. Je palpe avec ma main et je trouve une lampe de poche que j’allume aussitôt. Pour le moment, le bâtiment à l’air d’être encore stable, mais pour combien de temps ?

Ces temps-ci les jours sans s'accumulaient pour Alex. Le temps n'était pas au beau fixe, mais il en fallait beaucoup plus pour la dissuader de sortir et contrecarrer ses projets. Depuis quelques temps, elle entendait des plaintes concernant le comportement d'Anja, une habitante de Fort Hope et elle avait donc voulu tester un peu son comportement en dehors de la communauté pour voir si elle pouvait sortir avec d'autres coéquipiers sans risquer de mettre en péril leur vie. Elle avait quitté Fort Hope avec la jeune femme pour trouver de quoi se ravitailler, une sortie banale aux premiers abords. Anja se semblait pas être ravie d'être là en sa compagnie mais elle n'avait pas vraiment le choix : soit elle se pliait à cette sortie, soit elle ne sortait plus de Fort Hope. Au bout d'une petite heure, elles s'étaient faites surprendre par la pluie. En quelques secondes, elles se retrouvèrent trempée de la tête aux pieds. Elles n'eurent d'autres choix que de se chercher un abri. Elles se réfugièrent dans un grand bâtiment et furent surprises de constater qu'elles n'étaient pas seules. Elles virent deux autres silhouettes féminines un peu plus loin, sans pouvoir les identifier, étant trop éloignées. Sortant son arme, par mesure de prudence, Alex ordonna à Anja de rester là et elle voulut se rapprocher pour voir si les inconnues représentaient un quelconque danger. Au bout de quelques pas, la foudre s'abattit sur le bâtiment. Dans un grand fracas, la terre trembla et tout s'effondra autour d'elle. Elle ressentit une vive douleur et ce fut le trou noir.

Quelques longues minutes plus tard, ce fut de l'eau de pluie lui ruisselant sur le visage qui la ramena à elle. Une douleur violente transperça tout son être. Alex ne pouvait plus bouger. Un énorme bloc de béton semblait être tombée sur sa jambe droite ou du moins c'est ce qu'elle en conclut en touchant sa jambe. Tout était noir, elle voyait rien. Dès qu'elle essayait de bouger, la douleur lui tirait les larmes aux yeux et elle ne put retenir un gémissement. D'une main, elle tâta le reste de son corps. Son épaule semblait être déboîtée aussi, du sang coulait de son front et ça et là des coupures et ecchymoses recouvraient son corps. Elle avait une blessure un peu plus importante au niveau du ventre. Juste au dessus d'elle, un énorme bloc de béton était posé. Dans son malheur, elle avait eu de la chance de ne pas finir écrabouillée.

Soudain, elle aperçut au loin la lumière d'une lampe torche. D'une voix faible, elle cria : "Hé, ici ! Anja ? "  

Marchant dans les pas d’Alex, Anja n’en revenait toujours. Elle savait qu’elle n’était pas la personne la plus joviale du monde, ou ce qu’il en restait, elle savait parfaitement qu’elle n’était pas la compagne de route idéale pour la simple et bonne raison qu’elle préférait le silence aux conversations futiles et qu’elle était tout bonnement incapable de rire à ce qui se voulait être des blagues marrantes, elle savait aussi que de prime abord, personne ne viendrait vers elle pour tenter une conversation parce que son regard noir et son air hautain en rebutait plus d’un. Mais de là à ce que « plusieurs personnes », selon les dires de la brune, soient venus se plaindre de son comportement en sorties, Anja ne comprenait pas. Elle se montrait parfaitement prudente, ne prenait aucun risque inconsidéré quand elle sortait en duo, et suivait les ordres établit avant le départ. Si bien que quand Alex était venue la voir pour lui faire passer cet espèce de test débile pour évaluer sa façon de se comporter à l’extérieur, Anja n’avait pas été des plus heureuses, encore moins quand elle avait compris qu’on remettait en cause ce qu’elle voyait comme du bon sens.

D’ailleurs, quand elles s’étaient réfugiées dans ce bâtiment à l’aspect plutôt solide, Anja n’avait toujours pas décroché le moindre mot. En plus de ça, la petite flic était rancunière, ce qui bien sûr n’arrangeait rien à la situation. Ayant survécu seule pendant très longtemps, elle avait développé certains réflexes de survie, et une fois dans le bâtiment, ses yeux balayèrent le hall, à la recherche d’un quelconque danger. Elle ne craignait pas les rôdeurs, ou du moins plus vraiment depuis l’arrivée des militaires, c’était plutôt la présence des autres survivants dont elle se méfiait. Et d’ailleurs, sa main glissa instinctivement à sa taille, juste devant la crosse de son arme bien au chaud dans son holster quand elle aperçut deux inconnues, qui semblaient avoir trouvé refuge dans le même immeuble. Anja leva les yeux au ciel quand Alex lui demanda d’attendre sur place, mais refusa d’obéir à cet ordre qu’elle jugeait inutile. En toute logique, c’était même elle qui aurait dû aller au-devant de ces potentiels ennuis, elle avait sans doute plus l’habitude de ce genre de situations qu’Alex. Mais la policière ne broncha pas, ses lèvres ne s’ouvrirent pas, et elle était environ trois ou quatre pas derrière son acolyte de Fort Hope quand un grand vacarme résonna.

Instinctivement, elle campa sur ses jambes, prête à déguerpir, mais n’en eu jamais l’occasion. La terre trembla, le sol se fissura, tandis que le plafond et les étages supérieurs leur tombait dessus. En quelques secondes, ce ne fut plus que bruits sourds, débris, poussière, douleur, puis le noir complet. Anja ignorait depuis combien de temps la terre avait cessé de trembler quand elle rouvrit les yeux. Sa gorge piquait et la fit tousser, elle avait dû inhaler pas mal de poussière, et il lui fallut un moment pour réussir à bouger. D’un geste sûr, elle se palpa le corps, à la recherche de plaies, de douleurs, peut-être même de sang. Mais il faisait trop noir, le choc, et son cœur qui battait à tout rompre dans son corps l’empêchait de ressentir la douleur. Elle ne remarqua pas l’entaille qui courrait sur son front, à la racine de ses cheveux, ni même ses doigts cassés. Pas pour l’instant en tout cas. La voix d’Alex retentit soudain, la poussa à se redresser prudemment. On n’y voyait pas à un mètre, ce qui ne faciliterait pas leur avancée, ni même leur sortie. « -Alex ? Il faut que tu parles encore, je vais essayer de m’orienter… » Elle tenta de faire quelques pas, à l’aveuglette, mais trébucha deux fois, s’étalant sur les débris. En se relevant, sa main palpa par accident ce qui ressemblait à un bras humain, frêle [celui de Malorie], et après avoir tâtonné, elle remonta jusqu’à l’épaule, qu’elle secoua doucement : « -Alex, c’est toi ? »

Les dégâts sont importants, surtout chez deux des femmes encore paralysées sur le sol. L'une appelle à l'aide, réclamant la lumière trouvée par son alliée d'infortune. L'autre demeure silencieuse, pourtant elle est rapidement trouvée et l'espoir est peut-être à nouveau permis. Les quatre femmes auraient pu périr, mais la chance est de leur côté, il suffit simplement d'essayer. D'ailleurs le bloc de béton retenant la brune ne semble pas réellement figé, peut-être pourrait-elle être sauvée. Quant à la plus jeune du groupe, il semble que sa sauveuse du jour soit bien plus forte qu'elle ne pouvait l'espérer et peut-être qu'en dégageant le plâtre petit à petit, elle pourrait la sauver. Rien n'est perdu, le bâtiment semble toujours stable malgré les fissures provoquées par l'effondrement et en y regardant de plus près, il y a même des ouvertures dans les gravats, des sorties potentielles qu'il suffit de rejoindre.

Non loin de la plus jeune se trouve d'ailleurs une ouverture menant à un parking tandis que derrière la femme avec sa lampe, les gravats continuant de glisser révèlent un passage étroit menant à un couloir. Aucun des deux n'est éclairé, mais les lieux semblent moins prompts à s'écrouler que le gouffre dans lequel elles ont échoué. Le seul problème demeure encore et toujours ces larges fissures qui courent tout le long du bâtiment et qui pourraient à tout instant faire céder les plafonds. Il y a un choix à faire, mais surtout des personnes à sauver.

Ses doigts accrochèrent le petit bras frêle, et Anja se rapprocha, alors qu’une voix dure l’informait bien vite qu’il ne s’agissait pas d’Alex, mais d’une des deux autres nanas présentes dans les lieux quand tout s’était effondré. Une certaine Malorie, précisa-t-elle, avec ce ton toujours aussi peu engageant. D’ailleurs, les propos qu’avaient la femme étaient de manière générale, pas franchement encourageants. Anja fronça les sourcils quand la prisonnière des gravats lui indiqua qu’elle souhaitait mourir là, et lui faisait déjà la liste de ses derniers souhaits. Ses mots étaient durs et froid, tout comme son attitude, et pourtant, la policière ne s’y laissa pas prendre.

La brune se laissa tomber à genoux devant celle qui semblait être, du moins si Anja se fiait à sa silhouette, une gamine, et avec ses mains, commença à palper les morceaux de bâtiment qui lui étaient tombés dessus, et qui semblaient bloquer son corps, le clouant au sol. Un large pan de plafond coinçait les jambes de cette Malorie, mais c’était sans compter sur la ténacité d’Anja, qui de ses mains, commença à déblayer les gravats, sans avoir prononcé le moindre mot. Elle était patiente, ne faisait pas attention aux écorchures qui commencèrent à maculer ses mains et ses doigts, et petit à petit, les morceaux de plâtre exercèrent moins de pression sur les jambes de la jeune femme. Anja continua sa besogne, triomphant même, après un peu d’acharnement, aux morceaux qui lui offraient de la résistance, et elle était bien décidée à continuer, jusqu’à délivrer totalement la malheureuse prisonnière.

Alex entendit la voix d'Anja un peu plus loin. Elle lui répondit aussitôt : "Non, je suis là !" Elle tenta de se redresser et y parvint presque lorsqu'une douleur violente lui irradia le crâne. Elle ferma les yeux, souffrante et laissa échapper un gémissement. Alex se prit la tête avec les deux mains pour tenter d'atténuer le mal. Quand elle rouvrit les yeux, elle vit toujours la lumière au loin mais de manière plus floue, plus incertaine. Elle mit cela sur le compte des larmes qui avaient inondés ses yeux tant la douleur avait été intense. Elle promena ses doigts sur son crâne et tomba sur une bosse, ses cheveux étaient tout poisseux de sang autour. Alex avait du se recevoir un sacré coup sur le crâne et elle espéra que ce ne soit pas trop grave. La douleur revenait par vagues quand elle tentait des mouvements trop brusques. Pourtant, elle ne pouvait rester là, elle ne sentait plus sa jambe prise sous les décombres. "Je suis coincée, aidez-moi !"

Dans un effort un peu plus intense elle tenta de pousser le bloc de béton qui retenait sa jambe prisonnière. Si aux premiers abords, le bloc lui avait semblé figé, elle avait maintenant l'impression de le sentir vaciller.  Elle rassembla ses forces pour le bouger et la douleur au crâne revint, la surprenant de par son intensité et sa violence. Alex se laissa retomber sur le dos en gémissant. Puis, ce fut le calme, la douleur partit aussi soudainement qu'elle était arrivée. Elle se sentit aussitôt soulagée comme si une soudaine pression s'était relâchée dans son cerveau. En se redressant, Alex ne vit plus la lumière de la lampe torche s'agiter au loin. Non, elle ne voyait plus rien du tout. Elle était complètement plongée dans le noir. La conscience d'Alex l'obligea à songer que la propriétaire de la lampe torche était allée un peu plus loin, hors de son champ de vision. Il lui était tout simplement impossible de ne songer qu'un instant qu'elle ait pu perdre la vue.

Toutes sont dégagées, malheureusement malgré un endroit encore stable, les blessures malheureuses s’enchaînent et les valides ne sont bientôt plus que des fardeaux à leur tour. La situation, bien que tranquille pour le moment, peut se révéler rapidement critique. Sortir de là semble de plus en plus nécessaire, ne serait-ce que pour trouver de quoi se soigner un peu plus loin. Le couloir est toujours dégagé, tout comme le parking, mais c’est dans ce dernier que se trouvent les trousses de secours étonnement intactes. La souffrance sera évidemment au rendez-vous, mais elle est l’unique porte de sortie. Rester ici n’est pas, à terme, une bonne solution et il est préférable de sortir tant qu’elles le peuvent encore.

D’ailleurs quelqu’un semble avoir entendu leurs prières, car au loin, une voix s’élève, une voix forte, masculine. Un homme s’est lui aussi vu piéger sous le béton, un homme qui ne semble pas agressif. Il s’approche d’ailleurs du trou, découvrant les jeunes femmes avec sa lampe torche avant de la ranger et de tendre la main vers la femme la plus proche de lui. « Prenez ma main, je vais vous aider. ». L’homme est un militaire, son attitude le trahit bien avant ses vêtements tachés de sang et de poussière. Il était dans le bâtiment, cherchant des survivants sans doute et son escouade n’est pas très loin. « Je m’appelle John, vous pouvez me faire confiance. », dit-il en ayant conscience de combien la situation est délicate. Il sait mieux que quiconque qu’il ne fait pas bon de rester ici et il fera tout ce qu’il peut pour les sortir d’ici.

Conne ? Non, pas vraiment. Oh, Anja avait bien des défauts, certes, et pas de très jolis, mais on ne pouvait pas vraiment dire qu’elle était conne pour autant, bien au contraire. Elle acheva néanmoins de retirer les gravats, à mains nues, insensibles aux écorchures qui maculaient peu à peu ses doigts, et la petite gamine se trouva bientôt débarrassée de tout le béton qui la clouait au sol. Pourtant, la policière ne put s’empêcher de froncer les sourcils quand elle remarqua qu’elle restait couchée au sol, comme si elle était incapable de se relever par ses propres moyens. Une chance, les lieux étaient plongés dans une pénombre suffisamment épaisse pour que la petite nénette ne voit pas l’inquiétude qui teintait les traits de la flic. « -Non. » souffla-t-elle pour toute réponse à cette injonction de quitter les lieux sans elle, se mettant une nouvelle fois à genoux pour essayer d’aider la jeune femme.

Elle fut cependant coupée dans son élan par une voix masculine, qui retentit derrière elle, et qui la fit se crisper brutalement, tandis qu’elle portait la main à son holster. Dans le rayon de la lampe du nouveau venu, elle crut reconnaître un uniforme, mais ne s’attarda pas plus longtemps, tandis qu’elle profitait de l’éclairage pour regarder dans les décombres aux alentours. « -J’ai besoin de votre lampe. Et euh…je vais aussi avoir besoin d’aide pour la faire remonter… » dit-elle, faisant couler son regard sur la blessée toujours étendue. La lampe ne tarda pas à se trouver dans la main d’Anja qui l’alluma rapidement, puis elle se pencha sur la survivante, pour planter son regard dans le sien : « -Tu vas t’en sortir. Alors serre les dents, je reviens vite. »

Et sans attendre de réponse, elle la dépassa, pour aller rejoindre Alex. Les gravats étaient instables, glissaient ou s’affaissaient encore davantage quand Anja posait le pied dessus, mais elle arriva en un seul morceau auprès d’Alex. Elle grimaça en voyant la blessure à sa tête, mais ne fit aucun commentaire. « -Attrape ma main… », et elle la lui fourra directement dans la sienne, la tirant déjà pour la forcer à se relever. Anja entraîna la brune dans son sillage, mais elle n’eut pas fait trois pas qu’un large bloc de béton s’affaissa un peu plus sur lui-même, ce qui la fit brutalement chuter en arrière, incapable qu’elle fut de maintenir son équilibre. Pendant quelques instants, Anja ne sentit rien d’autre qu’une vague douleur, un peu partout dans son corps, puis la souffrance se fit plus précise, localisée sur sa hanche. Elle n’eut pas besoin de plus que de tordre le cou, pour apercevoir la tige en fer qui dépassait de ses chairs, et faisait couler son sang abondamment sur les gravats. Mais le temps n’était pas aux jérémiades, et après avoir serré les dents, elle s’extirpa du bloc de béton, la tige en fer glissant dans son corps, tandis qu’un long gémissement quittait ses lèvres. Une fois debout, il lui fallut quelques secondes, et une bonne dose de self-control pour se concentrer sur sa respiration, et éviter de tourner de l’œil. Sa main se posa sur sa taille pour tenter d’endiguer la perte de sang, alors qu’elle récupérait la lampe au sol, et retournait vers Alex, avec un seul objectif en tête : sortir de cet enfer en vie.

Lorsqu'Alex entendit une voix d'homme, elle cria : "Ici, aidez-moi !" En attendant qu'on vienne la trouver, elle réussit enfin à dégager sa jambe prise sous les décombres. Doucement, elle la fit bouger pour faire circuler à nouveau le sang. Elle fut soulagée de constater qu'elle n'était pas cassée et qu'elle pouvait la mouvoir normalement. La jeune femme avança doucement en prenant garde à ne pas trop bouger les décombres qui lui semblaient instables. Elle était plongée dans le noir ce qui n'arrangeait pas son cas, elle devait se fier uniquement à ses mains. Lorsqu'enfin elle sentit qu'elle n'avait plus rien au dessus d'elle, Alex se remit péniblement debout. Elle était vacillante sur ses jambes mais elle tenait. La jeune femme sentait du sang chaud couler de sa blessure au ventre. Elle fit une grimace, la douleur devenait difficilement supportable, elle avait l'impression d'être passée sous un rouleau compresseur.

Anja arriva alors en lui disant de prendre sa main. Alex grommela : "Je ne vois rien" et elle sentit la main de la jeune femme prendre la sienne. Peu à peu le doute s'insinuait en elle. Alors qu'elle était plongée dans le noir et que chaque pas lui semblait difficile, Anja, elle, semblait avancer d'une manière sûre, comme si elle y voyait parfaitement. Et si elle était devenue aveugle ? Elle n'eut pas le temps de pousser plus son questionnement qu'un gros bloc de béton la frôla et elle sentit la main d'Anja lâcher la sienne. Tout plongea de nouveau dans le silence. "Anja ? Anja ?" La voix d'Alex trahissait une nervosité évidente. Elle s'accroupit et elle tâta autour d'elle pour essayer de comprendre ce qu'il se passait. Elle ne voyait rien ce qui accentuait son trouble. La jeune femme ne sentait que des gravats et de la poussière. Elle entendit alors Anja se redresser et laisser échapper un gémissement. Alex se sentait totalement inutile, plantée là, à attendre, dans le noir. Elle posa sa main sur sa blessure au ventre et la sentit humide de sang. Des soins devenaient urgent sans quoi elle n'irait pas bien loin... Elle se sentait d'ailleurs faiblir à chaque seconde. Alex fut soulagée lorsque Anja lui reprit la main. Elle s’enquerra toutefois de sa santé : "Est-ce que ça va ?"

Les blessures sont là, pourtant aucunes n’abandonnent. Elles cherchent des solutions et le soldat, bien docile, cherche lui aussi à les aider. Et même s’il n’aime pas le ton qu’on emploie avec lui, il s’exécute et cherche tandis qu’elles s’approchent de la sortie, mais avant de l’atteindre, un bloc de béton s’écroule et coupe le groupe en deux. Le militaire accourt et tire celles qu’il peut, mais seules trois d’entre elles se retrouvent alors dans le parking, l’une n’ayant pas pu s’en sortir. L’homme aurait du être choqué, mais il a vu bien pire et il sait qu’il ne pourra rien faire de plus. « On peut pas rester là. », souffle l’homme avant de s’approcher de la plus blessée pour proposer son aide, « J’ai trouvé quelques bandages, mais nous devons partir d’ici avant de penser à vous soigner. », il n’attend pas de réponse et se met en route, son bras sous l’une d’entre elles pour avancer à l’aveugle vers une sortie imaginaire. Il ne mit pas longtemps à trouver, chance ou miracle, il ne saurait dire, mais il dépose la jeune femme sur les marches d’un escalier dégagé. « Je vais chercher les autres. », annonce-t-il avant de disparaître et de retrouver le reste du groupe.

Ils ne sont peut-être pas sauvés, mais une chance de s’en sortir vient de s’offrir à eux et ils doivent la saisir. Une fois le groupe réuni, l’homme distribue ses trouvailles à celles pouvant se soigner avant de s’occuper d’Alexandra. Son état est inquiétant, mais hors de cette prison de béton et d’acier, elle ne pourra qu’aller mieux. « Je pense qu’on peut monter retrouver la terre ferme. », murmure l’homme en appliquant du mieux qu’il peut des soins avec sa torche.

La douleur qui vrillait la chair d’Anja s’estompa peu à peu, jusqu’à ce qu’elle ne soit qu’un vague pincement particulièrement tenace, mais cela ne l’empêcha pas de continuer à avancer, sa main dans celle d’Alexandra. Le fait que cette dernière n’y voit pas à deux pas devant elle ne manquait pas d’inquiéter la jeune policière, qui se garda pourtant bien de faire le moindre commentaire, se contentant de jeter quelques regards en biais à la brune de temps en temps, et de guider ses pas du mieux qu’elle le pouvait. La petite gamine, de son côté, semblait avoir repris du poil de la bête, et renoncer à ses envies suicidaires, et rampait désormais vers cette sortie qui semblait s’ouvrir devant elle.

Anja ne put s’empêcher de se ratatiner sur elle-même quand un nouveau pan de béton s’effondra dans leur dos, écrasant sans doute au passage la quatrième femme qui s’était retrouvée coincée sous les décombres avec elles. La brune serra les dents, mais comprenant qu’elle ne pouvait plus rien faire pour elle, tenta de poursuivre son chemin. Le liquide chaud qui coulait de sa large plaie trempait ses vêtements, imbibant son tee-shirt et le haut de son pantalon, et bien qu’elle se sentait faiblir à chaque pas, Anja tâcha d’ignorer la douleur et la langueur qui s’emparait d’elle peu à peu, rétrécissant lentement son champ de vision. Ses genoux se dérobèrent sous son poids, ses jambes cédant, mais la policière ne ressentit pas de suite les mains qui l’agrippèrent fermement, pour l’aider à avancer, ses pieds raclant le sol tant elle peinait à avancer. « -Non, occupez-vous d’Alex… » parvint-elle à maugréer, repoussant faiblement l’homme qui la maintenait, et finissait par l’installer sur une marche d’escalier.

Le militaire ne tarda pas à retourner auprès de la brune privée de sa vue, alors que la jeune fille qui les accompagnait ne tardait pas à se hisser jusqu’à elle, retirant son propre t-shirt pour épancher le flot de sang qui quittait le corps d’Anja. Cette dernière eut un léger mouvement de recul, peu habituée à laisser qui que ce soit s’occuper d’elle, et peu habituée également à ce genre d’attitude désintéressée depuis le début de l’apocalypse. La brune se tortilla pour regarder les escaliers au-dessus d’elle, avant de tourner son regard résigné vers la gamine. « -Il faut sortir d’ici…je…je peux te porter sur mon dos pour monter. » Ou du moins, elle espérait pouvoir le faire. Elle lui attrapa le poignet fermement, mais avec douceur, et lui adressa un signe de tête, poussant sur ses jambes pour se redresser.

Alex n'y voyait toujours rien. Elle se sentait vaseuse, faible, comme si toutes ses forces la quittaient peu à peu. Un gros tremblement de terre retentit de nouveau suivit d'un gros fracas, Alex comprit qu'une nouvelle partie du plafond venait de s'écrouler. Elle se sentait tellement impuissante là, à ne rien pouvoir faire, privée de sa vue. Elle se laissa guider en entendant la voix d'un homme. Il sortit Anja de l'endroit où ils étaient et elle resta avec la femme qu'elle ne connaissait pas. Alex se sentait à deux doigts de tomber dans les pommes, elle ferma les yeux et posa sa tête sur son bras. Le soldat revint ce qui la ramena légèrement à elle et il appliqua des bandages sur ses plaies puis la prit dans ses bras. Elle se laissa faire incapable de faire le moindre mouvement. Par chance, il lui semblait que sa blessure ne saignait plus et son mal de tête s’atténuait peu à peu. La jeune femme le sentit la poser un peu plus loin et elle entendit les voix des autres femmes.  .

Alex retrouva alors ses instincts de meneuse. D'une voix fébrile, elle demanda : "Est-ce que tout le monde va bien..? Toutes les 4 ? Anja ?" Dans ses souvenirs, il y avait 2 autres femmes qui s'étaient réfugiés dans le hangar en plus d'Anja et elle, mais elle n'avait entendu dernièrement que deux voix, celle d'Anja et une deuxième qu'elle ne connaissait pas. Elle ne savait pas l'identité des deux inconnues, ni même ce qu'elles faisaient là, mais elle voulait s'assurer qu'au moins sa partenaire de mission allait bien. Elle se sentait responsable de son sort, après tout, elle était à l'initiative de leur sortie matinale et sans Alex, elles ne seraient pas dans le pétrin en ce moment-même...  

La petite gamine ne sembla pas s’offusquer du mouvement de recul d’Anja, qui n’avait d’ailleurs pas vraiment remarqué son geste. Ça n’arrêta pourtant pas la blessée, qui continua à exercer une pression suffisante sur les plaies de la policière pour endiguer le flot de sang qui s’échappait des chairs ouvertes. Elle refusa catégoriquement la proposition de la survivante, et puisqu’Anja ne pourrait pas la porter pour la mettre de force sur son dos, la brune se contenta d’un vague hochement de tête, tandis qu’elle s’appuyait de tout son poids contre le pan de mur à côté d’elle, pour se reposer. Quand la petite nana s’adressa au militaire avec autant de délicatesse qu’un peu plus tôt, cela provoqua un sourire évasif sur les lèvres d’Anja, qui ne pouvait nier qu’elle appréciait ce qu’elle pouvait entrevoir de la personnalité de la jeune femme. « -Sacré caractère…j’aime bien ! » souffla-t-elle, dans un léger sourire, avant que son cou se torde en direction d’où lui parvenait la voix d’Alex.

Anja fut soulagée d’entendre la jeune femme, et elle espérait que sa cécité soudaine n’était que passagère, due au choc, et qu’elle parviendrait à retrouver la vue très rapidement. « -Je suis en bas Alex, ça…ça va. La brune n’a pas survécu, un bloc de béton lui est tombé dessus. Mais nous…ça va, on s’en remettra ! » Elle adressa un bref sourire à son acolyte de misère, vœu silencieux indiquant qu’importe leurs blessures, elles s’en remettraient, même si le chemin serait long. Le militaire ne tarda pas à faire sa réapparition, et il porta Anja dans ses bras, qui le somma de caler son allure sur celle de Malou, qu’elle refusait de laisser derrière elle. « -On y est presque ! » souffla-t-elle d’un ton confiant, même si elle n’en savait rien. Mais mieux valait croire qu’elles n’allaient pas tarder à sortir de ce piège de béton plutôt que de se dire que la mort les attendait au tournant.