Une sortie, voilà quelque chose qui ne pourrait pas me rendre plus heureux en ce beau début d’après-midi. J’avais fait une promesse à Anja, que je comptais bien tenir avant tout autre chose. Aussi, sans lui proposer un réel rancard, ma première envie, fût de juste passer un peu plus de temps avec elle, lui montrer que même si nous nous sommes en effet séparés, tout va bien et que malgré tout, nous pouvons facilement être complices à nouveau. Ça ne fait pas le moindre doute.

Aussi, je m’équipe entièrement. J’enfile la combinaison anti-émeute, comme à chaque fois que je compte aller travailler à la garde, et je laisse tous les accessoires, que ce soit matraque, casque ou autre et également, j’enferme Shadow. Celle-ci couine, lorsqu’elle me voit verrouiller sa trappe, elle sait parfaitement ce que cela veut dire. En ce moment, je l’emmène de moins en moins à l’extérieur. Même si je continu sans relâche nos entrainement communs, je préfère éviter d’avoir à l’emmener dans nos réelles missions. Quand j’étais dehors, en solo avec mon frère, je me devais de l’avoir avec moi. On fonctionnait en binôme. Mais aujourd’hui, le dehors est plus sûr, je n’ai pas besoin de l’avoir avec moi continuellement et donc, de risquer sa vie. Shadow est bien l’une des dernières choses que je veux perdre. Aussi, aujourd’hui pour sa sécurité, elle restera enfermée ici. Je lui offre une dernière caresse et me dirige, avec ma hache dans le dos et mon arme à feu fournie par le fort dans le cadre de mon rôle en son sain, à la main. Je retrouve Anja à l’entrée, avant de lui sourire. Je l’aurais bien étreint, de façon platonique, juste pour lui montrer mon affection mais évidemment, je me retiens.

- T’es prête pour la mission de ravitaillement ? Je me disais qu’on pourrait aller dans la zone non nettoyée. Par logique, elle a été moins fouillée et peut-être que suivant les infectés qu’on rencontrera, ils pourraient être bien équipés ?

Même si je ne peux la toucher, je lui souris avec calme et affection, avant de l’entraîner avec moi une fois qu’elle a répondu. Nous signons le registre habituel et tous deux, prenons la route vers notre lieu de mission.

- J’ai… laissé Shadow à la maison. Ne te fous pas de moi si je l’appelle dans le vent hein ?

Je souris à nouveau, sûr que cela m’arrivera. Je suis tant habitué à ce qu’elle me suive docilement, comme mon ombre, que je ne me rends même plus compte des ordres que je lui donne. Assis, suis, pas bouger et j’en passe. Je l’interdis de se foutre de moi, mais j’espère pourtant malgré tout et en silence, qu’elle en rira malgré tout. Entendre son rire est une douce musique à mes oreilles, cela n’étant plus arrivé depuis malheureusement, trop longtemps.

- Je pense qu’on trouvera pleins de magasins en ruine, ils seront probablement globalement vides, mais je pense qu’avec nos deux cerveaux habitués aux fouilles, on devrait réussir à ramener quelques pépites pour le camp.

J’en étais si sûr, que j’avais pris un sac presque vide. Cette première journée en son entière compagnie me ravi d’avance.

Les jours qui suivirent la grande déclaration d’Aaron ne furent pas bien différents des autres que nous avions vécus jusque-là. A ce petit détail près que nous avons passé encore plus de temps ensemble, mais sans qu’il ne tente rien de déplacé, ou qui pourrait me mettre mal à l’aise. Aucune surprise là-dessus, je l’ai déjà dit, Aaron est un mec droit, et s’il a promis qu’il ne me brusquerait pas, je lui fais assez confiance pour savoir qu’il respectera sa parole. Dans l’optique de passer encore un peu plus de temps ensemble, nous avons prévu de passer l’après-midi tous les deux, à parcourir les rues de Détroit à la recherche de quelques ressources. Je quitte donc la maison que je partage avec Ezra quelques minutes avant l’heure de rendez-vous, et me rends jusqu’aux barricades, où il ne tarde pas à me rejoindre. Un léger sourire sur mon visage l’accueille, alors que j’écoute sa proposition. « -Il y a pas mal de pillards dans la zone non nettoyée. Tyler et moi sommes tombés sur l’un de ces groupes lors d’une nos sorties. Pas les types les plus sympas du monde… » Mais on s’en était bien sorti, et c’était sans doute l’essentiel.

Je laisse à Aaron le soin de remplir le registre, tandis que j’observe d’un œil noir les militaires qui sont en poste ce jour à l’entrée du camp. Pas besoin d’être un génie pour comprendre à mon expression que je ne peux pas blairer ces uniformes. Enfin…je prends sur moi, et nous quittons donc Fort Hope, tandis que le maître-chien attire tout de suite mon attention, pour me parler de Shadow. J’ai effectivement remarqué que la fidèle chienne n’était pas là avec nous, mais sa remarque me fait néanmoins sourire une nouvelle fois. « -Promis, je ne me moquerai pas ! » Comme si c’était dans mes habitudes. Nous nous éloignons donc du camp, sans rencontrer de vrai problème. C’est l’un des seuls avantages à la présence de ces foutus uniformes, ils ont nettoyé les rues de la présence des rôdeurs, les rendant plus fréquentables. Dommage qu’ils se soient arrêtés en si bon chemin. Ou que je sois si impatiente. Mais malgré cela, je reste sur mes gardes, nous ne sommes jamais à l’abri d’une mauvaise surprise. Vigilance constante !

Mon regard ambré passe de l’observation des rues au visage d’Aaron, quand il finit d’expliquer son plan. Apparemment, il a pensé longuement à cette sortie, mais une nouvelle fois, je ne suis pas étonnée. Il est bien plus posé et réfléchi que moi, et là où moi je foncerai simplement sans me poser de questions, lui prend le temps de peser les différentes options qui s’offrent à lui, pour prendre la meilleure décision. C’est peut-être l’une des nombreuses choses qui fait qu’on était si complémentaires par le passé. Je hoche la tête, et presse légèrement le pas. « -Chouette programme ! Mais il faudrait se dépêcher, histoire d’avoir un peu plus de temps sur place ! » Et alliant le geste à la parole, je l’entraîne dans ces rues de Détroit que je connais par cœur, nous conduisant vers la zone non nettoyée.

Nous y sommes d’ailleurs accueillis par un trio de rôdeurs, qui ne tardent pas à goûter à nos lames, et à s’effondrer à nos pieds. D’un œil préoccupé, je sonde le reste de la rue, fronçant légèrement le nez en avisant tous les détritus qui s’y accumulent, et toutes les voitures abandonnées qui traînent par là. Autant de cachettes potentielles pour quelqu’un de pas très amical. « -Wow…cet endroit aurait bien besoin d’un bon coup de balai… » Finalement, les militaires pouvaient peut-être encore servir à quelque chose…Je remarque bien vite une petite supérette qui semble coincée entre deux maisons, et la montre d’un signe de menton à Aaron. « -Je ne sais pas si on y trouvera quelque chose, mais on peut toujours aller voir…sinon, on commence directement par les maisons ! Tu as une préférence ? »

Face à ma remarque sur Shadow, Anja rit et comme je l’aurais pensé, il s’agit là de la meilleure des récompenses à mes yeux. Je lui rend son sourire, avec une certaine émotion, que je garde pour moi. Je suis simplement heureux de pouvoir partager un petit temps avec elle. Elle montre d’ailleurs un enthousiasme certain face à ma proposition, à savoir que selon elle, on devrait même presser un peu le pas, histoire d’être rendu plus rapidement et de pouvoir fouiller davantage les lieux que l’on pourra visiter. Je suis bien d’accord avec elle, aussi, je m’engage à suivre son allure qui s’accélère d’un coup. Lorsque nous arrivons sur les lieux de la zone non nettoyée, un trio dansant et boitant nous y attend. Ils tendent leurs bras décharnés vers nous et d’un bon coup de hache en travers du crâne, je me charge du premier, Anja du second. Le dernier, s’avance vers moi, les yeux révulsés. Comment peut-il me voir s’il ne me voit pas au sens propre ? Pourtant, c’est sans hésitation qu’il me fonce dessus. Au delà de ses yeux, ce n’est pas le détail qui me choque le plus, mais plutôt que son visage, manque d’un élément plus qu’important, à savoir, son nez. Quelqu’un l’a embrassé un peu trop fort à mon avis… D’un dernier coup de hache, le problème est résolu.

- Ce n’est pas d’un coup de balai, que l’endroit aurait bien besoin, mais d’un coup de baguette magique si tu veux mon avis ! Et d’un dératiseur en plus, pour la vermine.

Je ris doucement, me concentrant sur la proposition d’Anja. La supérette ? Non, dans les faits, je crains intérieurement que l’on n’y trouve rien. Il serait préférable de passer sur le chemin du retour, la fouiller en dernier. En dernier recours, si réellement, nous n’avons rien trouvé d’autre. Une idée me vient en tête, alors que je souris en coin, l’air amusé. Le Aaron d’autre fois n’est peut-être pas parti si loin que ça ? Anja connaît bien cet air que je prends soudain, mon air purement enfantin, qui annonce généralement une idée un peu décalée.

- On devrait se concentrer sur autre chose. Fort Hope, a déjà tant de choses, on devrait se concentrer sur des trucs que les autres patrouilles ne penseraient même pas à ramener ! On a pas mal d’enfants au camp. Et quand j’étais jeune, que ça soit en Australie ou en France, j’ai eu une belle enfance. Et cette enfance, ne saurait exister sans jeux vidéos, livres, films, jouets… Il doit y avoir des tas de boutiques geek et des bibliothèques encore bien remplis, c’est pas les autres survivants qui en auraient l’utilité ! T’aurais pas envie d’aller chercher des trucs un peu plus amusant ?

Des boutiques fantaisistes, des boutiques attrape couillon, on avait de quoi faire. Les boutiques de plaisirs, ne sont plus vraiment visités en priorité de nos jours. Si je n’avais pas peur qu’elle l'interprète mal, j’aurais même placé une blague sur un sexshop, mais je tiens promesse ! Ne pas la bousculer. Je préfère donc jouer sur la corde sensible de nos enfances et adolescences respectives. Pouvoir enfiler un masque et se tirer dessus des serpentins, devrait être un moment assez enfantin, mais agréable.

Face à ma remarque sur Shadow, Anja rit et comme je l’aurais pensé, il s’agit là de la meilleure des récompenses à mes yeux. Je lui rends son sourire, avec une certaine émotion, que je garde pour moi. Je suis simplement heureux de pouvoir partager un petit temps avec elle. Elle montre d’ailleurs un enthousiasme certain face à ma proposition, à savoir que selon elle, on devrait même presser un peu le pas, histoire d’être rendu plus rapidement et de pouvoir fouiller davantage les lieux que l’on pourra visiter. Je suis bien d’accord avec elle, aussi, je m’engage à suivre son allure qui s’accélère d’un coup. Lorsque nous arrivons sur les lieux de la zone non nettoyée, un trio dansant et boitant nous y attend. Ils tendent leurs bras décharnés vers nous et d’un bon coup de hache en travers du crâne, je me charge du premier, Anja du second. Le dernier, s’avance vers moi, les yeux révulsés. Comment peut-il me voir s’il ne me voit pas au sens propre ? Pourtant, c’est sans hésitation qu’il me fonce dessus. Au-delà de ses yeux, ce n’est pas le détail qui me choque le plus, mais plutôt que son visage, manque d’un élément plus qu’important, à savoir, son nez. Quelqu’un l’a embrassé un peu trop fort à mon avis… D’un dernier coup de hache, le problème est résolu.

- Ce n’est pas d’un coup de balai, que l’endroit aurait bien besoin, mais d’un coup de baguette magique si tu veux mon avis ! Et d’un dératiseur en plus, pour la vermine.

Je ris doucement, me concentrant sur la proposition d’Anja. La superette ? Non, dans les faits, je crains intérieurement que l’on n’y trouve rien. Il serait préférable de passer sur le chemin du retour, la fouiller en dernier. En dernier recours, si réellement, nous n’avons rien trouvé d’autre. Une idée me vient en tête, alors que je souris en coin, l’air amusé. Le Aaron d’autre fois n’est peut-être pas parti si loin que ça ? Anja connaît bien cet air que je prends soudain, mon air purement enfantin, qui annonce généralement une idée un peu décalée.

- On devrait se concentrer sur autre chose. Fort Hope, a déjà tant de choses, on devrait se concentrer sur des trucs que les autres patrouilles ne penseraient même pas à ramener ! On a pas mal d’enfants au camp. Et quand j’étais jeune, que ça soit en Australie ou en France, j’ai eu une belle enfance. Et cette enfance, ne saurait exister sans jeux vidéo, livres, films, jouets… Il doit y avoir des tas de boutiques geek et des bibliothèques encore bien remplis, ce n’est pas les autres survivants qui en auraient l’utilité ! Tu n’aurais pas envie d’aller chercher des trucs un peu plus amusant ?

Des boutiques fantaisistes, des boutiques attrape couillon, on avait de quoi faire. Les boutiques de plaisirs, ne sont plus vraiment visitées en priorité de nos jours. Si je n’avais pas peur qu’elle l'interprète mal, j’aurais même placé une blague sur un sexshop, mais je tiens promesse ! Ne pas la bousculer. Je préfère donc jouer sur la corde sensible de nos enfances et adolescences respectives. Pouvoir enfiler un masque et se tirer dessus des serpentins, devrait être un moment assez enfantin, mais agréable.

Je fixe longuement la superette en plissant les yeux, comme si je tentais de voir de là où je me trouve si on ne risquait pas d’avoir des ennuis en s’approchant, genre anciens clients transformés en rôdeurs qui n’auraient jamais trouvé comment quitter les lieux. Mais le magasin est trop éloigné, je ne peux rien distinguer avec précision, et j’abandonne rapidement pour me tourner une nouvelle fois vers Aaron, qui suggère à juste titre que la rue aurait besoin de plus qu’un simple coup de balai. Sauf qu’en l’occurrence, ni lui ni moi n’avons de baguette magique, et si nous avions une, je ne doute pas une seule seconde que nos sortilèges ne concerneraient pas immédiatement la propreté, mais plutôt l’éradication des rôdeurs. Enfin, puisque la question ne se pose pas vraiment, je me contente de hausser les épaules, avant de me rapprocher du militaire.

Et je n’ai pas besoin de faire plus de deux pas en sa direction pour remarquer cet air mutin qui envahit son visage, alors qu’il me regarde en souriant. Je connais Aaron, je l’ai vu faire cette tête là des tas et des tas de fois, et en général, ça n’augurait jamais rien de bon. Il a une idée derrière la tête, j’en mettrais ma main à couper. Et d’ailleurs, il ne tarde pas à le confirmer, tandis qu’il se lance dans des explications que j’écoute avec attention. Et j’avoue que pendant quelques instants, je reste interdite face à sa proposition. Ne pas se contenter d’un ravitaillement traditionnel, mettre de côté la nourriture, les médicaments ou autres, et se concentrer sur des choses qui feraient plaisir aux mini-humains qui vivent dans le camp avec nous. Pour le coup, j’avoue que je n’avais pas du tout imaginé qu’il me proposerait cela, et pourtant…pourtant, connaissant Aaron, ça ne me surprend pas vraiment. Il a toujours été du genre à penser aux autres avant de penser à lui. Je reste à l’observer bêtement pendant quelques longues secondes, avant de réaliser que je ne lui ai toujours pas donné ma réponse. « -Euh…je ne pense pas qu’on puisse ramener des jeux vidéos ni des films, les gamins auront besoin d’électricité pour ça, et je suis quasiment sûre que l’armée percevra ça comme un gaspillage des ressources. Mais pour le reste…pourquoi pas. Ça leur ferait sans doute plaisir. » Je continue à l’observer quelques instants, avant de me remettre en route, passant devant la superette sans m’y arrêter.

Déambuler dans ces rues pas tout à fait désertes me rappelle bien sûr mes gardes lorsque je n’étais qu’une jeune Rookie, mais également mes premiers jours à Détroit, quand je suis revenue de Washington pour retrouver Cassie, puis Paul. On dépasse plusieurs blocs de maisons, quelques magasins d’audiovisuels, ou de chaussures, de maquillage, rien qui puisse nous intéresser en tout cas. On continue donc, jusqu’à tomber sur des boutiques qui correspondent plus aux attentes d’Aaron. « -Y’a une boutique de Comics pas loin si je me souviens bien…ah, la voilà ! » Que je rajoute après avoir marché encore quelques mètres. J’avise Aaron, et puisqu’il a l’air plutôt partant, m’engouffre dans la petite boutique, faisant crisser sous mes pieds le verre de la vitrine. Certains comics ont bien morflé, surtout ceux proches des baies vitrées explosées, où ils ont été soumis aux éléments, mais beaucoup restent encore exploitables. En plus de ces petites BD, il y a pas mal d’objets de collection : des affiches, des objets issus de films ou séries, des figurines à l’effigie de Frodon, de Hulk, de Superman, ou même de Vous-savez-qui. « -Hé bah…il y a de quoi faire ici, non ? »

A mes mots, je ne sens pas Anja très réceptive. J’espérais qu’elle esquisserait au moins au sourire, de me voir si enfantin et sûr de moi, plus ou moins heureuse que je lui propose quelque chose qui sorte de la routine de Fort Hope. Au lieu de quoi, elle se contente de me fixer en silence un certain temps, d’un air assez impassible qui, même si j’y suis habituée, m’est compliqué à déchiffrer. Sans que je n’en laisse paraître grand-chose, ça me démotive un peu, me disant que cette idée que je trouvais intéressante, qui pourrait l’amuser, ne semble pas vraiment l’emballer au final. Elle finit par répondre positivement, même si me concernant je reste bloqué sur le "Euuh" hésitant en son début de phrase. Je ne me sens sur ce coup, pas très dégourdi. Mais enfin, malgré tout, elle mène le pas d’un air décidé et se dirige vers la continuité de la rue. Elle indique se souvenir qu’un peu plus loin dans la rue, se trouve un magasin de comics en tous genres, et même si j’essaye de réprimer ma joie, pour qu’Anja n’en soit pas ennuyée, je ne peux retenir un petit sourire en coin. Les comics ont bercé mon enfance, mon adolescence et même ma jeune vie d’adulte. Pour ainsi dire, j’ai été éduqué avec tout ça après la mort de mes parents et l’incarcération de mon frère aîné.

Nous rentrons dans ladite boutique, qui a inévitablement subi les années sans entretien. Je m’avance, évitant d’approcher trop des œuvres qui se trouvaient près des fenêtres, ceux-ci étant pour la plupart, dans des états déplorables, définitivement inutilisables. Je souris finement, enfilant un masque de Voldemort, le célèbre Vous-savez-qui dont tout le monde parle dans l’univers d’Harry Potter. Je me tourne vers elle, à l’instant où elle aussi me regarde, après m’avoir demandé si ça ferait l’affaire. D’un air un peu idiot, je souris finement sous mon masque.

- Tu es un sorcier Harry.

J’éclate de rire, et retire l’horrible masque, affreusement réalisé.

- Je pense qu’on peut faire l’impasse là-dessus, c’est horriblement laid. Mais, y a des masques de Dark Vador, des baguettes magiques de la saga Harry Potter, des bijoux goodies en pagailles et surtout, énormément de livres de tous les genres.

Je souris à Anja, ouvrant mon sac avec un air bienheureux.

- Même si les propriétaires sont morts depuis un bail, ça reste du vol. Mais je te promets, je dirais rien si tu dis rien !

Après avoir lâché un nouveau rire, je commence à prendre quelques petites choses. Les objets que je lui ai énoncée, mais pas que. Je prends quelques BD, Comics et manga en tout genre avant de me rabattre sur les pulls et autres petites choses du genre.

- Des fringues aussi, ça peut être sympa pour les gosses.

Je prends quelques petites tailles, faisant attention d’en prendre qui ont rapport avec les ouvrages littéraires que j’ai volé. Après tout, quitte à leur faire plaisir, autant prendre quelques trucs qui ont des rapports les uns aux autres. Ils pourront avoir sur eux quelque chose qu’ils aiment. C’est important, surtout lorsqu’on est enfant, d’avoir des rêves et des passions.

Si je suis l’idée d’Aaron, qui est de faire plaisir aux enfants de Fort Hope, aucun doute qu’il trouvera ce qu’il lui faut ici, et même bien plus encore. Car malgré le fait que nous soyons entrés dans une boutique de comics, il y a en fait un peu de tout ici. Alors que je lui demande si les lieux lui conviennent, prête à aller plus loin dans la rue s’il craint de ne rien trouver ici, je vois qu’il a enfilé le masque de Volde…enfin, de Vous-savez-qui. A voir sa tête de gosse à cet instant précis, j’ai du mal à me décider entre le fait qu’on soit effectivement ici pour les gamins du camp, ou pour lui. Un léger sourire parvient à flotter sur mes lèvres, alors qu’il finit par retirer le masque de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. « -C’est sûr que si tu ramènes ça à Fort Hope, les gosses risqueraient de faire des cauchemars ! Enfin…même s’il leur suffit de regarder par la fenêtre pour ça… » Et mon sourire s’efface subitement. Dans le genre rabat-joie, on a rarement dû faire mieux.

Mais Aaron ne semble pas s’en formaliser, et il énumère déjà toutes les choses qu’il pense prendre pour les enfants, tout en ouvrant son sac à dos, et en commençant à le garnir de présents. Sa petite réplique sur le fait qu’il gardera le silence sur nos larcins si j’en fais de même m’amuse, et je lui réponds presque aussitôt d’un air faussement menaçant : « -Monsieur Blynk, essayeriez-vous de me corrompre, par hasard ? Vous devriez vous méfier, j’ai encore l’attirail de la parfaite petite policière dans mon sac, badge et menottes compris. » Je le regarde en plissant les yeux quelques secondes, avant de finalement sourire en coin. Je n’ai rien gardé par nostalgie du passé, ou parce que j’ai du mal à tourner la page sur ma carrière de flic, mais tout était sur moi lors de ma fuite de Washington, et je n’ai jamais songé au fait de me débarrasser de tout ça.

Je n’ai encore rien ramassée, trop occupée à observer tout ce qu’il y a à droite et à gauche, alors que le militaire, lui, prend la besogne très au sérieux. J’écoute donc ses nouvelles directives, avant de hocher la tête : « -Des habits…je vais voir ce que je trouve ! » Et je m’éloigne un peu de lui pour me diriger au fond de la boutique. Ici, il y a pas mal de costumes en tout genre : le Joker, des détraqueurs, superman, et autres. Je préfère me diriger vers les sweatshirts, et en prends plusieurs que je mets sur un tas, que j’emporte ensuite sous mon bras pour revenir vers Aaron. Mon regard est immédiatement attiré par un objet accroché au mur.

Je dépose un peu au hasard le tas de pulls, puis mon sac à dos juste à côté, et me dirige vers ce qui retient toute mon attention. « -Qu’es-tu ? Un Nimbus ou un éclair de feu ? » Ouais, je parle à un balai, et alors ? Le monde est devenu dingue, me voir parler à un objet n’est pas plus inquiétant que de voir des morts se relever pour nous bouffer. Me haussant sur la pointe des pieds, j’attrape du bout des doigts la réplique de balai issue du film, et la tire vers moi, de plus en plus fort quand je constate une résistance que je n’avais pas soupçonné. Un geste plus brutal que les autres le fait finalement s’arracher de ses attaches, mais emportée par mon élan, je recule précipitamment, et percute un meuble dont les étagères sont remplies de petits bibelots, qui tombent dans un fracas épouvantable, répandant pleins de morceaux de verre, de porcelaine, au sol. « -Mince…j’espère que ça va pas rameuter tous les rôdeurs du coin… » Mais au moins…j’ai mon éclair de feu maintenant ! Je le chevauche comme si je m’apprêtais à taper du pied sur le sol et à prendre réellement mon envol, avant de revenir vers Aaron. « -Je répète un ballet aérien, Blynk ! Tu crois que ça fait trop, si on l’emmène avec nous ? » La réponse est oui, évidemment, mais à défaut d’avoir reçu ma lettre pour Poudlard, je pourrais au moins dire que je suis montée sur un balai au moins une fois dans ma vie !

Au-delà de mes espérances, Anja semble réceptive à mes farces puériles, à nos sorties. Tandis que je continue à voler divers objets pour les enfants du fort, y compris quelques livres, j’entends Anja qui me lance une belle réplique. Tout gardé de son ancien uniforme, même les menottes hein ? Je me tourne vers elle, laissant naître sur mes lèvres un petit sourire taquin, joueur.

- Oh, si t’as gardé les menottes alors… Oui madame l’agent. Je tentais bien de vous corrompre !

Je ris de bon cœur, reposant une boule à neige bien trop moche à sa juste place. Je continue mon exploration. J’ai beau avoir sincèrement adoré les livres Harry Potter, ainsi que les films, je dois admettre qu’approcher de si près des objets de la saga, est assez plaisant. Je peux ainsi voir une fidèle représentation d’un vif d’or, et juste à côté, une petite boule transparente. Je la saisi, la faisant rouler entre mes doigts avec attention. Si je n’avais, que lu les livres, j’aurais eu grand mal à comprendre de quoi il s’agit. Mais puisque j’ai vu les films, je comprends vite qu’il s’agit du fameux Rapeltout. J’adore la magie. Dommage que notre monde en soit stérile, les morts-vivants n’auraient pas fait tant de dégâts avec ça… Mais soudain, j’entends un violent fracas, je me retourne pour voir Anja, muni d’un balai. Je hausse un sourcil, inquiet qu’elle ait mal quelque part et pourtant, pas du tout. Elle enfourche le balai, je crois qu’il s’agit du fameux Nimbus 2000 du premier volet ou l'éclair de feu du troisième. J’éclate d’un rire sincère, mon rire grave résonne dans toute la boutique. La voir ainsi, me rend vraiment heureux. Aussitôt, je m’exclame avec joie.

- Oh regarde ! Un Nimbus 2000 ! Il est super rapide !

Il s’agit d’une réplique du film, quand Harry croise un gosse dans le chemin de traverse. J’approche un peu, histoire de la voir de plus près, mais je suis stoppé dans mon élan. Je croise ma tête dans un morceau de vitre et je fronce doucement le nez, avant d’afficher un nouveau sourire joueur.

- Avec mes cheveux bruns et ma barbe, on ne dirait pas un peu Sirius Black alias le Sinistros ? J’suis bon pour Azkaban, faut appeler les détraqueurs. Ou juste trouver un coiffeur.

Je ris doucement, franchement amusé, avant de me tourner vers elle. Cette sortie, était une idée radieuse. La belle a ri, sourit et s’est amusée. C’est pour moi le plus précieux des cadeaux. Et heureusement pour moi, la journée n’est pas finie ! Replonger dans ma saga d’enfance, me rend plutôt joyeux et nostalgique, mais ça me rappelle également, que j’en ai fait du chemin. Je me redresse alors, et lui adresse un clin d’œil. Mon sac est plein, et je pense qu’on a pas mal de choses à rapporter au camp. Je l’observe donc avec beaucoup de tendresse et d’attention.

- Ça risque d’être un peu encombrant sur le trajet, ton charmant balai. Mais si tu veux le prendre pour casser la tête à quelques rôdeurs, ce n’est pas impossible !

Je jette mon sac sur mon dos, et je souris d’un air plus que charmeur. La voir si joueuse, m’a redonné bon espoir. On réussira à revenir ensemble c’est certain. A être heureux ensemble à nouveau. Je me dirige avec douceur vers la sortie et fait mine de lui ouvrir la porte, même si celle-ci est déjà totalement défoncée. Je m’incline avec douceur, plaquant la main sur mon cœur.

- Madame… Après vous.

Marcher avec un balai entre les jambes n’est pas des plus évident, et je cogne pas mal de choses sur mon trajet, émettant quelques bruits par-ci par-là. Je ne pourrais cependant jamais faire plus de boucans qu’avec ces étagères que je viens de faire tomber, alors que pourtant, je peux dire sans me tromper que la discrétion a vraiment été un de mes points forts pendant mon long périple en solo de Washington à Détroit. J’avance dans une allée quand Aaron finit par reprendre la parole pour se comparer à Black, le parrain de Harry Potter, qui connaît un destin funèbre. Je laisse un léger sourire glisser sur mes lèvres, tandis que j’arrête mes enfantillages, et pose le Nimbus sur le sol. « -Laisse les Détraqueurs où ils sont, un coiffeur fera tout à fait l’affaire ! » Pourtant, même si je ne l’ai jamais vu avec les cheveux aussi longs, je ne trouve pas son nouveau look particulièrement choquant. Et puis…tant que son apparence lui plaît, il n’y a pas à chercher ailleurs.

Aaron finit par sonner l’heure du départ, et même si la proposition de prendre le balai pour casser quelques crânes est tentante, je préfère le laisser là où il est plutôt que de le souiller avec des morceaux de cervelle. Ce ne serait pas lui rendre justice, et ça aurait peut-être un petit côté dérangeant d’éclater des têtes avec un jouet pour gosses. Je profite qu’on soit encore là pour passer derrière la caisse récupérer un gros sachet, et y glisse à l’intérieur les quelques sweatshirts que j’ai trouvé, avant de regarder une dernière fois autour de nous. Juste avant de partir, j’attrape deux comics sur Wonderwoman que je glisse dans mon sac, me disant qu’on n’est plus vraiment à un vol de livres près.

Le militaire m’attend déjà près des portes, et il fait mine de m’en ouvrir une, dont le chambranle est tout tordu, et le verre répandu sur le sol. Son comportement m’arrache un petit sourire, et en passant à côté de lui, j’en profite pour déposer un léger baiser sur sa joue, et m’extirper de la boutique en emmenant avec moi mon gros sac sans regarder en arrière. Je préfère éviter de m’appesantir plus que nécessaire sur les quelques marques d’affection que je distille timidement à droite et à gauche, au risque de ne plus arriver à en faire du tout. Dehors, tout est aussi calme que lorsque nous sommes entrés, et alors qu’on allait reprendre la route, je m’arrête sur le côté du magasin pour cacher mon sac, bien à l’abri, où personne ne pourra le récupérer puisque les branches le cachent parfaitement des regards indiscrets. La végétation est un peu partie dans tous les sens, et en revenant vers le brun, je me prends les pieds dans du lierre, et manque de me casser la figure. Ça n’aurait pas été bien grave, l’herbe aurait sans doute amorti le choc, mais je préfère être sur mes deux pieds. « -Je passerai le reprendre au retour ! » Et on se remet en route pour la suite de notre périple, avançant dans les rues de Détroit vers un quartier résidentiel.

Je souris doucement, observant sa réaction, face à l’ouverture de la porte défoncée.  Je lui adresse un clin d’œil ainsi qu’un charmant sourire alors qu’elle passe, soudain, je sursaute. Ses délicates petites lèvres viennent se coller avec douceur contre ma joue. Un baiser simple et fugace, et elle fait comme si, rien ne s’était passé. Je comprends aussitôt, que je ne dois surtout pas m’étendre sur le sujet et de toute manière, je n’y comptais franchement pas. Je connais bien la petite tigresse. Si j’ai le malheur d’en reparler, soyons certain qu’elle me coupera la langue et que jamais plus, ce genre de petites marques de tendresse n’arriveront. Je me contente donc de sourire, l’air bien heureux, et je sors à sa suite. Ce simple baiser offert sur la joue, me rend plus heureux que n’importe quel présent. Je considère ça, comme une belle avancée de la part d’Anja, un effort, que je compte bien récompenser de mon silence appréciateur.

La belle m’entraîne à l’extérieur, et je lui accorde rapidement le pas. Je sais parfaitement que notre journée n’est pas finie, mais je trouvais la boutique assez chouette. On y voit vraiment beaucoup de belles choses de l’ancien temps, des trucs plutôt passionnants et enfantins. Un doux rappel à l’autrefois, quand le monde marchait encore à peu près droit.  En parlant de marcher droit, la brune s’avance vers une végétation un peu plus dense. Et cache son sac, et en revenant, elle trébuche maladroitement sur ce qui semble être du lierre, j’ai un léger sursaut et m’avance légèrement sur mes appuis pour la rattraper mais la belle reste debout et enchaîne comme si de rien n’était. Elle m’informe qu’elle préfère repasser plus tard, pour récupérer sa haute de cadeaux. Je hoche doucement la tête. Je la comprends mais me concernant, j’ai d’autres affaires que juste les présents pour les gosses dans mon sac, ainsi, il est préférable d’éviter de le poser n’importe où.

- Aucun souci, quand on repassera, on le récupérera.

En attendant, l’exploration, nous attend. Et je préfère garder mon sac avec moi, si jamais nous venions à trouver d’autres petites choses intéressantes à ramener. Je reprends donc la marche. Quelques pas dans l’inconnu, me suffisent à sourire à nouveau. Aussitôt, je saisi le poignet d’Anja et je la tire avec moi derrière la carcasse d’une voiture. Carcasse est bien le mot, car hormis l’ossature de métal rongée de rouille, il n’y a plus grand-chose sur place. Je fixe droit devant moi, et je l’attire un peu plus proche. Doucement, je tends le bras, vers l’avant, à travers la carcasse. Je montre à Anja de mon bras tendu, la présence d’un petit troupeau de chevaux, probablement redevenus sauvages. Ils sont une petite dizaine, accompagnés de deux poulains, plutôt grands, vraisemblablement proche de la fin de leur adolescence, c’est normal vu la période. Je souris avec émerveillement. L’excitation se lit sur mon visage, alors que j’observe ce beau phénomène. Une pensée me vient, que j’évite de formuler. Cet instant et beau, et franchement romantique. Je souris en coin et me tourne vers elle.

- Tu le sais, que j’ai un cheval au camp ?

Aaron et moi poursuivons donc notre périple, ce qui pourrait même s’avérer être une chouette aventure si on ne fait pas de mauvaises rencontres. Enfin, je ne parle pas des mauvaises rencontres habituelles, mais au-delà des rôdeurs, et même si je n’ai pas peur que nous tombions sur des détraqueurs, et autres gobelins, je crains plutôt que nous tombions sur d’autres survivants mal intentionnés, qui auraient tôt fait de nous dépouiller de nos biens. Enfin…dans le meilleur des cas. Car dans le pire, ils pourraient tout aussi bien nous tuer, ou nous servir en viande hachée à leur prochain repas accompagnés de petits légumes. Je n’ai pourtant pas vraiment peur pour autant, j’ai confiance en mes capacités en matière de combat, et je sais qu’Aaron lui-même saura quoi faire si on venait à avoir des ennuis. Avec un léger sourire en coin, je songe que j’aurai dû garder mon beau Nimbus, qui m’aurait servi à mettre des coups de balai sur la tête de nos assaillants, manière comme une autre de se défendre, assurément pas très fréquente de nos jours.

Quoiqu’il en soit, et perdue en plein dans mes délires de moldue qui pense un peu trop à Harry Potter, conséquence de la boutique dans laquelle nous venons de sortir, je ne comprends pas tout de suite pourquoi Aaron m’attrape par le poignet, et nous entraîne à l’abri derrière ce qu’il reste d’une voiture. Je me recroqueville à mon tour derrière le métal usé, avant de tourner mon visage vers lui d’un air inquiet. Qu’a-t-il repéré, et que je n’ai pas vu ? Est-ce que des problèmes vont nous tomber dessus, d’une minute à l’autre ? Il se rapproche davantage, et son bras finit par se tendre droit devant lui, et je suis des yeux pour voir ce qui nous vaut de jouer à cache-cache de la sorte. Et mon regard ne tarde pas à se poser sur un petit groupe de chevaux, trottinant à quelques mètres de nous. Je ne doute pas qu’en nous voyant, ils partiraient en galopant, effrayés par notre présence, comme il le serait par la présence de n’importe quel humain, eux qui ont sans doute retrouvé une part de sauvagerie.

J’observe donc les chevaux quelques instants, avant de me tourner une nouvelle fois vers Aaron, dont le visage semble exprimer à quel point cette rencontre inattendue semble le ravir. J’observe donc son large sourire, et l’émerveillement qui se lit sur les traits de son visage. Et pendant quelques instants, je dois bien admettre que je suis totalement désarmée par sa réaction. Comment parvient-il encore à être admiratif devant quelque chose d’aussi simple, avec l’horreur quotidienne de notre monde ? Au détriment des chevaux, je m’adosse contre la carcasse de la voiture, et observe le visage souriant du militaire, qui me semble être un spectacle bien plus intéressant que quelques équidés. Et quand il me demanda si je sais qu’il en a lui-même un, à Fort Hope, je secoue la tête légèrement de haut en bas. « -Oui, le cheval était avec toi quand je t’ai ramené à Fort Hope le jour où tu avais…un peu trop bu, disons… » Ce jour qui a sans doute changé beaucoup de choses, puisque suite à cela, Aaron avait fini par s’installer au camp de survivants.

Je crois pouvoir dire sans me tromper qu’il se sent parfaitement à l’aise à cet instant précis, et qu’il pourrait rester là de longues, longues minutes, à observer les chevaux. Et comme le temps ne nous presse pas, je le laisse profiter de ce moment, avant de me redresser légèrement quand je crois entendre un bruit, dans une ruelle à quelques pas de nous. Je plisse les yeux en attendant de voir ce qui provoque ces bruits, bien consciente que ce n’est pas le Sinistros ou Vous-Savez-qui qui va sortir de là, mais bel et bien un danger réel et palpable. Je sens des petits picotements au bout de mes doigts, et tandis que la tension monte doucement dans mon corps, je finis par voir celui décharné d’un rôdeur qui avance, bientôt accompagné de quelques camarades. Leur aspect me semble étrange, au-delà du fait que tous les bouffeurs de chair sont loin d’être sexy, et en plissant les yeux, je vois qu’ils ont tous le visage ravagé, comme s’il était passé dans un hachoir : yeux qui pendent de leurs orbites, mâchoires désarticulées, joues arrachées, je pourrais même jurer qu’il y en a un qui n’a même plus de nez. On dirait qu’ils se sont tous fait désartibuler le visage, et l’image est plutôt écœurante. Leur nombre étant assez conséquent, je n’attends pas plus longtemps, et me redresse en entraînant Aaron avec moi. « -Viens, il ne faut pas traîner dans le coin ! » Et puisque nous n’avons aucun Portoloin qui pourrait nous emmener très loin d’ici, nous n’avons pas d’autre choix que de prendre la poudre d’escampette, et de se mettre à courir vite pour leur échapper.

Je dois bien admettre, que je suis facilement impressionnable sur ce coup-là. Une harde de chevaux redevenus sauvages, ce n’est pas non plus la plus belle chose au monde mais je me découvre de plus en plus fasciné par les petites choses futiles. Ce n’est pas bien nouveau, je me sais sensibles aux animaux depuis toujours sans vraiment m’être penché sur le cas, hormis les bergers malinois tel que Shadow. Son simple regard, sa petite tête penchée sur le côté me suffit à devenir complètement gaga. Ça, c’est certain qu’Anja le sait bien. Elle a pu de nombreuses fois me voir à l’oeuvre entrain de craquer complètement sur elle. Je ne comprends pas ceux qui ne ressentent rien pour ces bêtes. Ces gens doivent avoir la capacité émotionnelle d’une petite cuillière. J’ai vu tellement d’horreurs et de choses parfaitement inimaginables, que je serais bien incapable de tenir le compte du nombre de gens que j’ai tué ou qui ont tenté, de me tuer. Mon regard se perd un instant, avant que je ne me reconcentre un peu plus sur Anja, qui me regarde. Son seul regard me transperce, me fait vibrer. Elle ne m’avait plus regardé ainsi, avec cette étrange douceur, depuis bien longtemps. C’est comme si elle me scrutait, qu’elle cherchait à décortiquer mes réactions, mes agissements, mon être entier en somme. Mais bien heureusement, vous n’avez rien à craindre, si vous n’avez rien à cacher et me concernant, Anja doit déjà tout savoir. Mon attachement envers elle, mon côté gamin et impressionnable, mes envies de la reconquérir, elle n’a rien de bien nouveau à découvrir. Elle évoque alors la fameuse soirée, où elle m’a trouvé ivre mort… Bizarrement, je préfère oublier cette soirée de ma mémoire.

Un jour peut-être, je ravirai son cœur à nouveau. Chaque fois que je la vois, que je passe encore un peu plus de temps avec elle, milles souvenirs me remontent en mémoire milles désirs de la séduire me reviennent en tête. Comment résister à cette femme ? Faire attention, comme Joey et moi en avions discuté, m’est bien impossible. Anja est ma moitié, j’en suis aujourd'hui plus certain que jamais. Elle me disait, que revenir avec moi lui serait peut-être impossible, qu’elle se sent brisée. Mais tout est possible du moment qu’on a assez de cran. Et je ne connais pas une personne au monde qui en a plus qu’elle. Alors que je m’apprêtais à reprendre la parole, elle se met en alerte et me secoue rapidement, me saisissant le poignet. En effet. Une horde de morts vivants franchement amochés nous arrive droit dessus. Les chevaux décampent, faisant résonner leurs sabots. Je reste quelques instants surpris, de constater ça. On dirait qu’ils se sont mangés l’un l’autre le visage ? L’un d’eux à l’œil qui pend et l’autre n’a plus de nez. Je grimace et ne me fais pas prier, suivant bien rapidement Anja loin de tous ces cadavres, visiblement pas assez morts pour arrêter de marcher.

Je cours avec elle, mettant le plus de distance possible entre nous et eux. Je jette plusieurs regards en arrière et fini par grogner d’agacement. On ne va pas être tranquille bien longtemps on dirait.

- Anja, attends.

Je finis par arrêter ma course, et marche malgré tout à pas rapides, les morts sont assez loin pour qu’on n’ai plus rien à craindre d’eux pour le moment. Mon regard dérive autour de nous alors que je finis par marmonner d’un air sérieux.

- On devrait se trouver un bâtiment à fouiller. On ne doit pas rester dehors à découvert… Même si c’est pour progresser, on devrait se faufiler dans les petites rues. On a pris un peu la confiance, on des deux têtes brûlées, mais l’extérieur reste dangereux et même si les militaires ont calmés le jeu au dehors, on peut toujours tomber sur des gens malveillants.

Je lève le nez pour regarder autour de nous, autre fois, je n’aurais même pas osé avancer dans une avenue comme celle-là. Les tireurs embusqués, les pièges, tout ça a malgré tout bien diminué en fréquence d’apparition, mais sans pour autant disparaître. Je repère alors une rue étroite, entre deux immeubles délabrés et hauts. Bien souvent, certaines de ces réflexions négatives me surprennent. J’ai souvent quelques sursauts, des piques de peurs et de frissons. J’ai souvent envie d’être celui qui surprend, plutôt que celui qui est surprit. Et si après chacune de mes épreuves que j’ai traversées, quelque chose n’allait plus chez moi, que je sois devenu mauvais ? Je ne sais plus. Mais quelqu’un de mauvais, ne chercherait pas à éviter les ennuis, mais plutôt à les provoquer non ? Mon choix de tirer Anja loin des endroits trop à découvert est donc probablement, une bonne idée. La journée progresse doucement, la lumière commencera bientôt à baisser peu à peu. On doit se montrer prudent.

- Passe devant, je te couvre.

Voir Aaron aussi détendu, et sans doute même heureux, provoque de drôles de fourmillements dans ma poitrine, sur lesquels je n’arrive pas à mettre de mots. Comment fait-il pour trouver encore quelque chose de beau dans ce monde décimé par un étrange virus qui a transformé sa population en morts-vivants avides de chair fraîche ? Je reste à l’observer un long moment, comme si la réponse allait m’apparaître sur les traits de son visage, ou la courbe de son sourire. Et je crois qu’une part de moi, infime mais bien réelle, envie cette capacité d’émerveillement qu’il a conservé, dans ce monde où tout part en vrilles. Après tout, j’ai peut-être réellement la capacité émotionnelle d’une petite cuillère, qui me prive des petits plaisirs de la vie, aussi simples et futiles que d’observer une horde de chevaux redevenus sauvages. Peut-être qu’après tout ce que j’ai vécu, la mort de mes parents, cette fausse couche qu’Aaron ignore toujours, les missions difficiles au travail, la part de moi capable de voir les jolies choses s’est repliée sur elle-même, jusqu’à s’enfermer dans une bulle hermétique. Et si, après chacune des épreuves que j’ai traversées, quelque chose n’allait plus chez moi, que je sois bien plus brisée que je ne le pense ? Pire…et si, après chacune des épreuves que j’ai traversées, quelque chose n’allait plus chez moi, et que je sois devenue mauvaise ? Heureusement, je peux compter sur l’arrivée de quelques joyeux lurons au visage en lambeaux, bien désireux de nous mettre la dent dessus, pour repousser mes questionnements.

Attrapant Aaron par le bras, je me lève pour l’entraîner avec moi, et on se met à courir pour augmenter la distance entre les rôdeurs et nous, jusqu’à ce qu’il s’arrête subitement, me poussant à faire la même chose. Je fronce les sourcils, et aussitôt mon premier réflexe est de regarder tout autour de nous, à la recherche d’un danger que mes yeux ambrés n’auraient pas su repérer. Mais autour de nous, tout semble calme, nous avons mis suffisamment d’espace entre les macchabées et nous, si bien que je ne comprends pas d’où semble venir le problème. Aaron ne tarde pas à me l’expliquer, tandis que mon regard se pose sur lui. Malgré moi, je hoche un peu la tête quand il affirme, à juste titre, que nous sommes deux têtes brûlées, et que nous avons pris jusqu’à maintenant plus de risques que nécessaires. En plus de ça, je ne peux pas faire semblant d’ignorer que l’extérieur peut être dangereux, puisque lors de ma sortie avec Tyler, on s’est retrouvés à plat ventre par terre, le blond me protégeant de son corps contre les projectiles que d’autres survivants nous tiraient dessus. « -D’accord…je te suis. » Même si je sens une sorte de pression s’installer sur ma poitrine à l’idée d’aller nous enfermer dans des petites ruelles. Je ne peux m’empêcher de nous imaginer coincés, pris entre des ennemis qui auraient bloqué les deux bouts de la ruelle.

Malgré mon appréhension, j’emboîte le pas au jeune militaire, tandis qu’il nous dirige vers une petite rue coincée entre deux immeubles en fin de vie, dont la façade est lézardée de longues fissures. Un simple coup d’œil aux nombreux gravats présents sur le sol me fait hausser les sourcils, tandis que je me fais la remarque que ces bâtiments ne resteront sans doute pas debout encore très longtemps. Quand Aaron me demande de passer devant, je le sonde du regard un petit moment, avant de hocher simplement la tête, et de me lancer la première dans la ruelle. Il nous faut souvent enjamber des bouts de toiture, des tuiles, même des morceaux de fenêtres qui jonchent le sol, alors que je me sens soudainement oppressée comme jamais, ayant la déstabilisante sensation d’être épiée. Il n’en est sans doute rien, enfin j’imagine, mais ça reste désagréable. A tel point que lorsque nous atteignons le bout de l’allée, j’ai du mal à retenir un soupir de soulagement. Là, je prends quelques instants pour regarder autour de nous, avant de me diriger vers une autre rue, un peu plus loin. Cette dernière ne nous pose pas plus de souci, et nous débouchons sur un petit parc aux grillages rouillés dont la peinture est écaillée, et dont la balançoire bouge seule, au gré des coups de vent. « -Flippant… » que je marmonne entre mes dents, avant de regarder tous les petits pavillons qui s’étendent autour du parc. J’imagine sans peine que c’est dans l’une de ces maisons qu’Aaron et moi aurions fait notre vie si je n’avais pas rompu, entourés de chiens. A cette pensée, je glisse un regard en biais vers lui, avant de m’éclaircir la gorge : « -On se fait l’une de ces maisons ? »

Courir. J’ai l’impression d’avoir passé les dernières années de ma vie à ne faire que ça. Après mon pseudo ordre, de fuir, Anja m’attrape par la main. Elle guide ma course et j’en profite, jetant de fréquents regards en arrière, pour surveiller la progression, heureusement lente, des morts. Nous nous arrêtons enfin, nous discutons et avisons ensemble de la situation et finalement, Anja m’accorde raison. Elle accepte de passer dans les bâtiments ou entre ces derniers, plutôt que de rester à découvert, à l’extérieur. Exposés à la vue des morts, comme des vivants… Avancer, progresser dans les décombres, est assez délicat et désagréable. J’ai toujours peur de m’entailler la peau. A notre état actuel du monde, une simple coupure peut entraîner une infection, et un tas d’autres emmerdes plus glauques les unes que les autres. Malgré tout, Anja et moi progressons bien sur notre trajet. Enfin, nous arrivons sur une zone aux airs plus tranquilles et plus aéré. Je hoche doucement la tête face à sa proposition. Elles ont surement été désossées de tout objet qui pourrait nous être utile. Mais au moins, on sera à l’abri et après tout, on pourrait trouver quelque chose que d’autres ont ratés, ou ont jugés trop peu intéressants.

- C’est une bonne idée. Allons dans une de ces petites maisons. Le grillage est un poil haut, laisse-moi te faire la courte échelle.

Je me mets aussitôt en position, prêt à saisir sa jambe pour l’aider à monter. Elle passe de l’autre côté et vient ensuite mon tour. Un peu plus bourrin que je suis, je me contente d’user de mes muscles pour franchir l’obstacle. J’atterri lourdement de l’autre côté et offre un petit sourire à Anja. Je ne peux rien dire, mais je suis si heureuse de pouvoir partager ce moment, cette sortie avec elle. Nous reprenons donc le chemin, jusqu’à parvenir à une maison assez coquette, qui semble avoir assez bien tenue face à la fin du monde. Elle a encore tous ses murs et sur ces derniers, de grosses plantes ont poussées, profitant des irrégularités des matériaux pour s’accrocher. La porte est défoncée et pend mollement sur l’un de ses gonds. Je fronce légèrement les sourcils, mais ne me démonte pas. Je décide d’entrer, sur mes gardes. On ne sait jamais, il pourrait y avoir des gens ici.

Mes pas résonnent sur le carrelage défoncé de l’entrée. Je prends bien garde à là où je pose mes pieds et je progresse tranquillement. L’intérieur de la maison est assez sale, les multiples passages et les intempéries, ayant bien laissé leur empreinte. Soudain, je me stop, plaçant mon bras sur le côté, pour empêcher à Anja d’avancer plus loin.

- Hé. T’as entendu ?

Du bruit, provenant de l’étage. Je n’ai pas réussis à l’identifier correctement, mais on aurait dit une petite voix. Un appel…

Je hausse un sourcil quand Aaron me dit que le grillage est trop haut, et qu’il propose par conséquence de me faire la courte échelle. Sans un mot, mon regard passe de son visage à ce grillage rouillé, avant de revenir à lui. Ah non, il ne plaisante pas. Je prends sur moi, malgré l’agacement évident qui me prend aux tripes à cet instant, et cale mon pied dans le creux de ses paumes, avant de me hisser de l’autre côté du grillage. Le militaire ne tarde pas à me rejoindre, et je fais la moue face à son petit sourire. J’aurai pu faire de même, j’ai toujours été plutôt musclée, et je suis certaine qu’il s’en rend parfaitement compte.

Pourtant, je tais tout commentaire, et lui emboîte le pas, tandis que nous entrons dans une première maison, à la porte d’entrée ouverte, qui ne semble attendre que nous. On y pénètre l’un derrière l’autre, et mon regard ne tarde pas à embraser les lieux, repérant le passage de survivants, mais aussi sans doute d’animaux. Et là, au beau milieu de tout ce bordel et de toute cette crasse, des traces qui semblent bien plus récentes que les autres, et qui me font froncer les sourcils. Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche que le bras d’Aaron se tend, protection illusoire aux dangers qui pourraient être tapis dans les recoins de cette maison. A sa remarque, je tends l’oreille, et entends à mon tour ce qui pourrait ressembler à une voix…ou à des sanglots.

D’une main ferme, j’abaisse le bras du barbu, et m’engage dans les escaliers en tête, ayant sorti mon arme de son holster, dont j’ai retiré la sécurité. A chaque nouvelle marche gravie, le son semble plus fort, plus distinct. Et je plisse les yeux, quand j’arrive à me persuader seule qu’il s’agit bien de petits sanglots aigus. Les premières pièces de l’étage sont vides, bien que des traces rouges, à coup sûr du sang frais, maculent par endroit les murs, ou la moquette. Ce jeu de piste nous conduit jusqu’à la dernière pièce du couloir, dont la porte est entrouverte. Par l’entrebâillement, j’aperçois un petit lit d’enfant, un bureau jonché de bibelots divers…et des jambes d’adulte, à même le sol.

Les sanglots ne se sont pas taris, et semblent émaner d’un enfant, qui répète inlassablement « mama », sa maman, en espagnol. Je me tourne vers Aaron d’un air déterminé, et après un petit hochement de tête à l’intention du survivant, j’ouvre la porte d’un coup d’épaule, braquant mon arme devant moi. D’un regard, je découvre l’ampleur de la scène, le petit corps amaigri et sale blottit contre celui d’une adulte au visage luisant couvert de sueur…et sur laquelle plusieurs traces de morsures sont visibles. La survivante, une brune qui respire avec difficulté, ne semble même pas remarquer notre présence, alors que les pleurs du bambin doublent, et qu’il se colle davantage à celle qui doit être sa mère. Mon arme pendant à bout de bras, je finis par me tourner d’un air désemparé vers Aaron, sans trop savoir comment réagir.

Il ne doit pas se passer plus de quelques secondes, avant que le corps de l’inconnue ne soit agité de quelques soubresauts, et que finalement, plus aucune respiration ne vienne gonfler sa poitrine. « -Elle est morte. » que je murmure à l’intention de mon compagnon d’infortune, alors que nous savons très bien tous les deux ce que cela signifie. Mon arme remballée, je finis par avancer vers le gamin apeuré, aux joues trempées de larmes, et avec toutes les difficultés du monde, l’arrache au cadavre de sa mère. Le petit dans les bras, je passe devant Aaron, et redescend les escaliers, sachant très bien qu’il fera le nécessaire pour le rôdeur en devenir qui se trouve dans la chambre.

La belle brune est autoritaire et savante. Je ne peux qu’être heureux de notre virée ensemble. Je ne pouvais pas rêver de meilleure partenaire. Même si on ne peut pas vraiment dire qu’elle soit dans la douceur, on forme ensemble, un délicieux duo qui se complète bien. Aussi, la belle, prend vite l’initiative de passer devant moi après mon information, sur le bruit provenant de l’étage. Anja passe en tête et je m’occupe bien sagement, de jeter de fréquents coups d’oeil en arrière, pour vérifier que personne ne peut nous arriver par derrière. Nous progressons silencieusement et tranquillement dans les escaliers, jusqu’à arriver au sommet de l’escalier. Rapidement, le son se fait plus distinct et davantage claire. Des sanglots, de la part d’un petit être, tel qu’un enfant… Mon coeur se serre. Parmis mes nombreuses missions, certains de mes collègues avaient finalement été obligés de tuer, des enfants. Jusqu’à lors, j’ai toujours réussis à me tirer de ces horribles situations, sans n’avoir à tuer aucun enfant. Malheureusement, on ne peut pas dire que cette chance m’accompagnera toujours et maintenant, que les conflits sont autres que politique, mais plutôt d’ordre médical… J’ai peur d’être un jour ou à un moment, contraint à tuer un de ces petits anges, qui ont déjà dû être bien trop souvent tués par le virus.

Je soupir longuement, alors que mes muscles se relâchent, lorsque nous découvrons ensemble, la scène lugubre qui s’offre à nous. Le cadavre adulte qui s’étend près de l’enfant, doit être sa mère, à en juger par ce que nous entendons sortir de la petite gorge à la voix brisée de l’enfant. L’adulte, s’agite un peu. Le sang coule abondamment, sous les multiples morsures qui ont percées la peau de la femme. Mon coeur se crispe. Un enfant, ne devrait pas avoir à subir, ce genres de choses. Finalement, les mouvements cessent de la part de la mère et elle s’éteint. Anja vient à le confirmer mes pensées, avec quelques paroles simples et terriblement solennelles. Cet enfant, est vraisemblablement seul à présent. Anja, s’avance. Elle saisit le jeune homme et l’éloigne de ce spectacle. Mon coeur se serre. Je sais parfaitement ce qu’est ma tâche à présent. J’attends sagement, que plus aucun pas ne résonne dans la bâtisse. Et finalement, le silence horrible de la mort, m’enveloppe de ses silences. Je lève ma hache et l’abaisse d’un coup sec. Au moins, aucun son retentissant ne viendra choquer l’esprit du bambin. La tête roule et je soupir. Pas le temps, de nous amuser à l’enterrer. Pourtant, ça serait la meilleure chose à faire… Aussi, je réfléchis légèrement. Cet enfant, serait sûrement heureux, qu’un enterrement soit offert à sa mère. Malheureusement, le temps manque avant que le soleil ne décline. Rentrer à Fort Hope, est notre priorité. J’enveloppe soignement le corps de sa mère dans un drap, voir plusieurs, que je serre avec soin, pour éviter un maximum de dégâts au corps. Je ferme sagement la porte derrière moi, et je descends, sortant de la maison pour rejoindre Anja.

- Je reviendrais demain enterrer sa mère, elle mérite bien ça, plutôt que de servir de repas à un futur rampant.

Je soupir doucement. Et hausse délicatement les épaules.

- On est d’accord que… Il faut absolument ramener ce bambin au camp, pour que quelqu’un puisse s’en occuper… ? Il doit avoir quoi… 4 ans à tout casser ? Faut qu’on atteigne le camp avant la nuit, avec un enfant en pleures, ça ne sera pas chose aisée que de traverser tout le territoire sans attirer l’attention de quiconque.

Le gamin gesticule pendant quelques instants, me faisant bien comprendre qu’il n’a pas envie d’être dans mes bras, et qu’il souhaiterait sans doute rester aux côtés du cadavre de sa mère plutôt que lové contre une inconnue qui tente de lui murmurer des paroles réconfortantes. D’ailleurs…comprend-t-il ce que je suis en train de lui raconter ? Et s’il ne parlait qu’espagnol ? Dieu, mon espagnol est bien rouillé, et je sens les rouages se mettre difficilement en route dans mon esprit pour faire appel à ces vestiges de mon passé : « -Calmaté…tu…n’ai pas peur…no miedo… » Je lui caresse les cheveux pour accompagner mes propos, mais je sais que mes gestes sont gauches, peu naturels. Mes interactions avec des enfants peuvent sans doute se compter sur les doigts des mains, vu que je n’en ai jamais eu dans mon entourage.

Les pleurs du petit garçon me fendent malgré tout le cœur, à un point que je n’aurai jamais pu imaginer. Il finit contre toute attente par poser sa tête dans le creux de mon épaule, sans doute épuisé, et par serrer son maigre corps contre moi en reniflant. Je reste interdite un instant, avant de poser ma tête contre ses cheveux sales. Aaron arrive au même moment, et je n’ai pas besoin de l’interroger pour savoir qu’il a fait ce qui s’imposait avec la mère. Je hoche doucement la tête à ses paroles, me disant qu’il a raison, et que cette pauvre femme mérite bien une sépulture, et ce petit bonhomme, un endroit sur lequel se recueillir quand il aura le cœur gros. Sans même y réfléchir, ou m’en rendre compte, je glisse une main dans le dos du gamin, avant de regarder tout autour de nous d’un air nerveux, écoutant malgré tout ce que raconte le militaire.

Aaron a parfaitement raison, bien sûr, on ne peut pas laisser cet enfant ici, tout seul, parce qu’on sait très bien tous les deux ce qu’il se passera. Et pourtant, même si je suis convaincue qu’il doit venir avec nous, ou du moins être mis en sécurité, les doutes m’assaillent. « -Et…et si son père était encore dans le coin ? Ou pas loin…on devrait peut-être dormir dans l’une de ces maisons, et voir si quelqu’un vient le chercher. On…enfin…on peut pas prendre le risque de séparer une famille…si ? » Je grimace ouvertement, tandis que mon regard continue de regarder tout autour de nous, à la recherche du moindre indice pouvant indiquer qu’il n’y avait pas que le petit garçon et sa mère dans cette vieille maison sordide.