Juliet avait essayé de la convaincre de participer au repas de Thanksgiving, mais Lyanna avait refusé. Elle avait tout perdu en trois ans, alors remercier qui et pourquoi ? Ça lui semblait risible, comme idée, et elle avait préféré tourner en rond chez elle, essayant d'avancer sur son projet pour l'infirmerie, bien aidée par les dessins de sa colocataire. Elle avançait dans son travail, une tasse de café à la main, un crayon dans l'autre. Elle se révélait productive pour une fois, et ça lui faisait du bien d'avoir l'esprit occupé. Au moins, elle ne ressassait pas les mêmes problèmes jusqu'à la nausée.

Elle ne sut depuis combien de temps les tirs duraient quand elle les entendit enfin, abattant d'un coup sa concentration. Elle paniqua un instant, se demandant ce qu'il se passait. Une attaque d'infectés au cœur du repas américain le plus important de l'année ? C'était presque drôle, de les savoir envahis pour le repas qui célébrait la colonisation des Etats-Unis. Suivant son instinct, elle rejoignit sa chambre, passant une veste par dessus son pantalon fin et son chemisier, avant de tout rangé précipitamment dans son sac de l'armée. Son arme - inutile parce qu'elle n'avait pas de munitions - à la main, elle sortit prudemment dans la rue, cherchant à deviner ce qu'il se passait. Le soleil était tombé depuis un moment, et elle se laissa guider vers l'endroit où devait de dérouler le repas, silencieuse dans la nuit.

Elle ne voyait pas grand chose de là où elle était, mais elle n'avait pas envie de s'approcher plus. Ça ne lui disait rien qui vaille, et elle avait plus envie de partir en courant de l'autre côté. Mais pour aller où ? Elle resta dans son coin pour y réfléchir, se demandant quoi faire. Un appel la fit pourtant se reconcentrer sur la ville autour d'elle. Un homme, plus jeune qu'elle, qu'elle avait déjà vu sur le camp, sans savoir comment il s'appelait.

« Excusez-moi, mais il s'est passé quoi ? » demanda-t-elle, lançant une main vers les restes de Thanksgiving.

Elle était perdue, mais elle sentait que son instinct avait été prévoyant en lui commandant de rassembler toutes ses affaires avant de sortir de la maison. Parce que vu l'état de ce qu'elle avait sous les yeux et la panique qu'elle ressentait un peu partout, elle n'avait aucune envie de rester là.

Ezra se cramponnait à Octavia pour essayer de la réchauffer, mais aussi dans l’idée de se réchauffer lui-même. Car sous l’effet de l’adrénaline il avait sauté dans le lac torse-nu sans aucune hésitation, mais maintenant que tout redevenait plus ou moins calme dans sa tête, le froid commençait à le saisir.

Tout s’enchaînait bien trop vite, lui et Harvey venait de se séparer, après des retrouvailles plus que mouvementé. Ils avaient décidé de rassembler quelques affaires. Ils ne pouvaient pas rester ici pour le moment, c’était trop dangereux. Tout venait de s’écroulait autour d’eux. Ezra avait d’ailleurs du mal à réaliser ce qu’il se passait vraiment. Et même si son instinct de survie lui faisait éviter les morts déambulant au milieu du camp, le tatoué était dans un état proche d’un état de choc : le regard vide, le pas traînant … Il avait vraiment du mal à comprendre ce qu’il s’était passé autour d’eux.

Par automatisme, il berçait doucement la petite fille qu’il tenait dans ses bras, lui répétant de temps en temps qu’il allait la ramener à son papa. Mais pour l’instant, il devait retourner chez lui prendre son sac, s’habiller et soigner son nez dont la douleur provoquée par le coup du soldat lui irradiait le crâne. Et puis un peu de calme ne lui ferait sûrement pas de mal pour reprendre ses esprits. Et une fois bien calmé, sec et soigné, il pourrait raccompagner l'enfant chez-elle et retrouver Harvey au garage, comme prévu.

Alors qu’il essayait de retrouver sa maison, il lui sembla avoir entendu son nom crié un peu plus loin et se dirigea sans vraiment y penser dans la direction d’où lui semblait provenir le son. Il faisait toujours aussi noir et de temps en temps le tatoué apercevait des cadavres au sol … Mais des vrais ceux-là … de ceux qui n’avait aucune chance de se relever …

Il finit par arriver à portée de vue de la personne qui l’avait appelé avec insistance et reconnu Sidney. Ce dernier n’était pas seul apparemment, une femme semblait s’adresser à lui.
Ezra finit par s’arrêter non loin de lui, réajustant ses bras autour d’Octavia pour ne pas que la petite fille ne finisse par glisser au sol.

« Je suis là … Sid … »

La voix du tatoueur était blanche, tout comme son visage et il s’avança encore un peu vers les deux vivants, offrant un spectacle pitoyable à son ami, avec sa dégaine de chien mouillé, ses lèvres bleues à cause du froid et une traînée d’hémoglobine lui barrant la joue, vestige d’une tentative de se débarrasser du sang qui avait fini par arrêter de s’écouler de son nez.

Il leva son regard vers les deux personnes devant lui et ne trouva rien d'autre à dire qu'un simple :

« Tout va bien ? »