Jacob ne s'était jamais considéré comme fou. En même temps qui pouvait décemment reconnaître qu'il l'était. Pourtant c'était ce que beaucoup de personnes tendaient à dire de lui, notamment son ex compagne qui après 10 ans de relation lui avait craché à la figure ces mots avant de le plaquer et de disparaître. A ce jour il ne l'avait jamais revu. Il n'avait pas eu envie de la tuer, il ne l'avait pas assommé à coup de pelle et enterrait dans son jardin alors pourquoi tout le monde pensait qu'il était atteint. Non pour lui il n'était pas fou, il était juste plus alerte que le commun des mortels, il se posait les bonnes questions enfin c'est ce qu'il essayait de se convaincre pour justifier son envie de prévoir le futur, les éventuelles catastrophes à venir. Il était littéralement absorbé par ça à tel point qu'il s'isolait. Il ne se rappelait pas exactement quand il avait versé dans une telle paranoïa peut-être en 2001 quand il avait assisté impuissant à l'explosion des deux tours jumelles. Il avait été affecté comme tout bon yankee mais chez lui ça avait pris une toute autre dimension. Il s'était rendu compte qu'il n'était en sécurité nulle part et il s'était mis à délirer. Et puis peu à peu il savait commencé à imaginer des scénarios catastrophes et sa nouvelle lubie avait été d'essayé de les prévoir, suscitant le désarrois et la défiance de ses proches, de ses amis. Il disait à qui voulait l'entendre qu'il voulait être maître de son destin.  Mais même Jacob n'avait jamais su si c'était un réel besoin sécuritaire ou tout simplement un fantasme, quelque chose le permettant de sortir de son monotone quotidien d'employé de bureau.

Quand l'apocalypse avait commencé il n'avait pas pu s'empêcher d'être en quelque sorte rassuré. Il avait eu enfin la preuve qu'il n'était pas fou, qu'il avait été juste en avance dans le temps. En quelque sorte un devin. Mais Jacob ne s'était jamais considéré comme tel, après tout il avait fantasmé pendant une bonne partie de sa vie sur une catastrophe naturelle sans précédent, pensant même à une invasion de robots... mais pas à des morts qui se relèvent et marchent parmi les vivants pour les bouffer. C'était tout bonnement impossible, scientifiquement parlant. Et il n'avait jamais cru à ces choses là, une invasion de robots c'était technologiquement possible et explicable mais ça non. Non il n'était pas devin, sinon il aurait pu le percevoir et prévenir ses semblables mais de toute manière qui l'aurait cru. Déjà quand il parlait d'une catastrophe sans précédent  personne n'accordait du crédit à ce qu'il disait... Alors un fait totalement inexplicable. On l'aurait probablement interné. Toujours étant qu'il avait eu raison de se méfier.

Pour autant l'apocalypse ne l'avait pas transformé en super-héros sauveur de l'humanité. Il n'avait jamais eu l'âme d'un leader et il n'était pas particulièrement courageux. Alors s'imposer comme le terminator du défouraillage de zombi ce n'était pas pour lui. Au contraire sa frousse avait augmenté ainsi que sa paranoïa c'était d'ailleurs pour ça que dans les premiers temps de l'apocalypse il était resté terré chez lui incapable de bouger et si le Napalm ne l'avait pas délogé il y serait probablement encore. Et pourtant il avait du s'adapter à cette nouvelle vie, comptant sur sa maîtrise des armes à feu et son intelligence pour se tirer de situations ardues. Et puis peu à peu il avait commencé à prendre gout à la situation même s'il refusait de l'admettre. Car il était enfin sorti de son quotidien, car il évoluait enfin en groupe, car pour la première fois il se trouvait utile à quelque chose.

Il n'avait pas été surpris quand tout était arrivé, quoique un peu décontenancé. Effrayé à vrai dire. Et pourtant pas surprit du tout. Il le pressentait enfin du moins pas directement, pas sous la forme d'une invasion titanesque de ces créatures que désormais la moindre personne lambda acceptait d'appeler zombi. Il avait fallu du temps pour le commun des mortels de l'accepter car l'accepter c'était renoncé à la normalité, c'était entrer à grand pas dans la folie. Mais on n'en était pas qu'à ça près. Il avait guetté le danger  avec un œil aussi avisé qu'un corbeau s'apprêtant à fondre sur sa proie. Sauf qu'ici comble de tout c'était eux la proie.

Beaucoup de signes étaient porteur de mauvais présage mais pour les voir il fallait le vouloir, sortir de sa routine bien huilée composé du fameux métro, boulot, dodo et ça pas beaucoup de personne prenait le temps  ou plutôt avec une certaine naïveté du "ça n'arrive qu'aux autres" feignait de ne pas les voir. Mais pour quelqu'un d'avertis c'était évident. Le réchauffement climatique, l'avidité de l'homme et son inexorable besoin de conquête, les catastrophes naturelles toutes de plus en plus nombreuses, les guerres, les attentats... la technologie qui allait de plus en plus loin, prenait insidieusement de plus en plus de place dans le quotidien de l'homme jusqu'à que celle-ci le remplace. Il en était persuadé si ce n'était pas un accident chimique ce serait une invasion des machines ayant dépassé l'humain ou alors quelque chose de tout nouveau, de terrifiant. Alors il s'était préparé en silence à toute éventualité enfin dans la mesure du possible. Il n'avait pas les moyens  - comme font certains fanatiques en l'approche d'une potentielle fin du monde – de se payer un bunker anti-atomique, anti-tout... De toute façon il n'aimait pas le concept, rien de pire que de s’isoler de tout le monde en cas de crise pour péter un câble. Alors il avait fait les choses dans sa mesure, il avait amassé des tas d’informations sur les catastrophes humaines, naturelles. Il avait même regardé des tas de films de SF –l’intégral des Terminator -. En parallèle il s’était entrainé au maniement des armes à feu. Son obsession avait entraîné la défiance de ses proches, lui-même ne savait pas si cela tenait du fantasme personnel ou d’un réel besoin de se protéger. Peut-être que c’était  une passerelle  pour s’échapper de son quotidien ou tout simplement un pessimisme envers les travers de la société et même un certain nihilisme. Mais maintenant ça n’avait plus aucune importance car le « fou » avait eu la raison.

Il n’avait pas pu s’empêcher de glisser un petit « je vous avais prévenu » quand il avait vu le monde peu à peu tomber… Cependant il n’avait pas été exempt de cette illusion de sécurité quand tout explose car lui aussi dans les premiers temps avait refusé de voir l’évidence et avait poursuivi sa vie comme si de rien n’était.  En même temps cela dépassait tous les pires scénarios qu’il s’était imaginé, une invasion de machine d’accord mais des personnes immortelles ? Et pourtant il ne fallait pas être un illuminé pour comprendre que la situation était critique, bordel un mec qui se prenait des bastos dans le torse et qui ne crevait pas ça n’arrivait que dans les films. Mais reconnaitre la vérité était souvent pire que de l’ignorer. Ça n’avait été que quand la situation était devenu critique qu’il avait reconnu l’évidence, - qu’un mal inconnu rongeait désormais la terre - là où la plupart des personnes continuaient à s’illusionner, à attendre une apparition divine peut-être. Là où la plupart des personnes continuaient de faire confiance à l’armée qui-elle-même se faisait peu à peu décimer. Là où la plupart des personnes tentaient une diaspora du désespoir vers des territoires safe, vers les fameux bouffeurs de pancakes et de sirop d’érable.

Lui n’avait pas bougé de chez lui, il était resté dans son appartement de Detroit, jusqu’à que telles les flammes de l’enfer, des tonnes de feu liquide s’abatte sur lui. Il n’avait compris que plus tard alors qu’il tentait d’échapper à la mort, qu’il avait été victime –lui et des centaines d’autres personnes-  d’une tentative désespérée de l’état pour renverser la situation. Mais encore une fois ça avait été un échec le Napalm ne pouvait pas tout résoudre. C’était à ce moment-là qu’il avait fait face à ce qu’on appelait désormais des rodeurs et avec une certaine répugnance lui avait explosé la tête (après avoir tenté de lui exploser le bide une dizaine de fois). C’était aussi à ce moment qu’il avait rencontré des militaires qui avaient échoués dans Detroit pour tenter de calmer la situation mais qui eux aussi n’avaient pas été exempte de la politique américaine et s’étaient vu abandonnés, livrés  à eux-mêmes, fuyant eux-aussi les flammes de l’enfer. Peu à peu ils avaient formé avec d’autres survivants une sorte de groupe plus ou moins soudé. Ils avaient fini par établir leur quartier dans un hôpital abandonné, non sans avoir tenté au préalable de le sécuriser en entier. Mais c’était une tâche impossible. C’était à ce moment-là qu’il avait véritablement pris conscience de la situation catastrophique dans laquelle le monde entier demeurait. Depuis ils tentent de bâtir une nouvelle société sur les cendres de l’ancienne. La vie n’est pas toujours facile à l’hôpital St Jonh, les militaires le contrôle et imposent une certaine hiérarchie mais de toute façon Jacob n’avait jamais eu l’âme d’un leader.