Globalement, je dirais que je suis une personne équilibrée. Je sais faire la part des choses dans des situations de crises, et sais garder le contrôle sur ma peur, sauf dans les cas les plus extrêmes. J'ai tendance à foncer malgré tout, et la fuite ne fait pas partie de mes attributions. J'ai le sang chaud, aussi je pars au quart de tour et je n'ai pas ma langue dans la poche, je sais évidemment que cela peut porter préjudice, aussi, je sais me montrer docile selon les personnes avec qui je fraternise. Je n'ai pas un grand sens de l'humour, mais il m'arrive quelques fois de rire. Je suis fidèle, et ne déroge pas à la règle du romantisme malgré les évènements récents, même si j'avoue avoir un certain goût pour la liberté. Et même si je parais forte avec tout ce que je peux apporter et tout ce que je laisse voir, il faut savoir que c'est uniquement grâce à mon métier, car je suis quelqu'un de purement fragile tout au fond de mon coeur. Je n'ai pas la prétention de dire que je suis la personne la plus intelligente de la Terre, mais j'ai tout de même un cerveau qui fonctionne plutôt bien, et c'est cela mon problème. Le besoin de tout analyser, de tout comprendre, de tout savoir... Cela m'empêche parfois d'agir. Je suis également pessimiste, non pas que j'apprécie de me dire que je vais crever, mais il faut pas se voiler la face, c'est ainsi... J'aime râler aussi, et la délicatesse ne fait pas réellement partie de mes atouts de féminité.
Ma vie avait commencée ainsi, par le sang, les boyaux, et la merde. Elle finira de la même façon.
Mon équipe et moi avions dus partir de l'hôpital afin de ravitailler ses survivants, et c'était tard dans la nuit que nous avions pénétrés dans la zone à risque, la peur au ventre et avec l'angoisse de ne jamais revenir. Les gens comptaient sur nous plus que sur n'importe qui d'autres en cet instant précis, et nous ne savions ni quand, ni avec quoi nous allions revenir. La tâche ne serait pas aisée, car tout autour de nous pouvait sembler hostile, les lieux infestés d'obstacles, pouvaient offrir des pièges, des morts, ou même des vivants qui ne faisaient plus la différence entre le bien et le mal...
Fawkes avait pris la tête, tandis que Douglas fermait la marche en chuchotant quelques prières à peine audibles, tel un mantra. "
Même quand je marcherais par la vallée de l'ombre de la mort, je ne craindrais aucun mal, car tu es avec moi... " Ma respiration était lente, peu assurée, comme une boule qui me bloquait la gorge alors que nous avancions dans la pénombre avec difficulté, tant et si bien qu'au bout de quelques heures de progression à tâtons, Fawkes décida de marquer une pause afin de pouvoir nous reposer, et c'est avec des tours de garde interminable que nous avons passés le reste de la nuit, repartant au petit matin avec le même état d'esprit que la veille. Mais comme un malheur n'arrive jamais seul, la neige commença à s'abattre sur nos têtes telle une punition divine. Le froid engourdissait mes doigts posés sur la détente de mon F-90. La peau délicate de mon visage semblait se craqueler sous l'effet du froid qui le balayait avec peu de délicatesse alors que d'un revers de manche j'essuyais la morve qui coulait de mes narines rougies par le froid. "
Quel raffinement ! " Je me retournais vers Douglas qui ricanait dans mon dos tandis qu'il s'évertuait à garder la tête haute malgré la difficulté météorologique qui s'offrait à nous. "
Ferme là, tu crois que t'es mieux avec tes prières ? " S'avançant vers moi, Douglas se positionna à mes côtés afin de pouvoir entamer une discussion des plus constructives "
Remercie-le d'être encore en vie petite conne. Seuls ceux qui le méritent resteront en vie " Je laissais échapper un soupir tandis que je reprenais ma position "
On verra qui crèvera l'premier alors. "
En quelques heures à peine, la neige se transforma en une tempête impressionnante, qui balayaient nos corps de son gourou. Avancer devenait une tâche ardue, tandis que les camarades qui me précédaient, s'effaçaient au loin dans l'étendue blanchâtre. Le froid me glaçait le sang, tandis que je commençais à ne plus sentir la moindre sensation dans mes pieds. Les flocons s'écrasaient avec violence sur mon visage, et quelques crevasses sanglantes apparaissaient peu à peu sur les parties exposées de mon corps qui me semblait alors bien fragile. Tout mon corps semblait vouloir me montrer leur douleur, tandis que j'avais l'impression de brûler de l'intérieur.
Bientôt je tombais à genoux. Mes forces m'abandonnaient, et pour la première fois depuis bien longtemps... je me sentais vulnérable. Chaque inspiration que j'effectuais me déchirais la trachée et les poumons qui s'évertuaient à canaliser le froid qui s'incrustait parmi l'oxygène, provoquant une douleur qui me fis perdre mes moyens et me laisser choir sur le sol. Une main dans la neige, je tentais de trouver la force de pouvoir me remettre sur pieds, en vain. Je me laissais alors engourdir pour de bon, ne luttant même plus pour retenir mes paupières de se fermer. Le froid m'endormait peu à peu, comme une douce euthanasie. Quelque part... je préférais finir ainsi plutôt que de me faire bouffer lentement par la population que j'avais juré de protéger. Le mieux aurait été de me tirer une balle dans la tête pour ne pas revenir sous les traits et les instincts de ces monstres qui me répugnaient mais je savais pertinemment que personne n'avait ce qu'il souhaitait...
Mais alors que je ne voyais plus que la tempête, ma main frigorifiée légèrement violine, et que je n'entendais que le vent qui frappaient mes tympans avec violence et ma respiration douloureuse et lente, une force apparue de nulle part à m'attrapa par l'aisselle et les jambes, me soulevant avec difficulté mais assurance, me retournant afin de faire face au ciel et au visage de celui qui était venu me chercher... "
Pose-moi connard. " Murmurais-je, alors que je sentais la folie m'envahir. "
Il en est hors de question Meyers, on abandonne pas ! " Douglas se retourna alors et hurla dans la tempête qu'il avait trouvé un survivant. Et alors que je réalisais que mon heure n'était pas encore venue, je me blottissais contre mon sauveur pour qui je n'avais pourtant aucune sympathie. Il avait peut-être raison de penser que Dieu ne nous avait pas abandonné, si je me sortais de ce trou, je reconsidérerais son existence.
Je restais inconsciente pendant une bonne partie du temps, mais quelques fois, lorsque j'ouvrais les yeux, je voyais que mon porteur était Fawkes. Lui aussi avait survécu à la tempête. Ils se relayaient aussi souvent que possible, tandis que j'étais emmitouflée dans une couverture chaude et une combinaison de ski qu'ils avaient dû ramasser dans un magasin de sport. Bientôt, nous avions trouvé refuge dans un entrepôt de producteurs de conserves, où je finissais de reprendre des forces tandis que le reste de l'escouade s'évertuait à rassembler le maximum de boîtes de converses, de se nourrir, de me nourrir, et de se reposer à leur tour. Je me redressai alors que le jour était encore présent, devant Fawkes qui dormait d'un sommeil agité, et Douglas qui montait la garde.
"
Qui reste-t-il ?
- Fawkes, toi, et moi. C'est tout. "
Je me glissais à côté de lui, puis lui donna un léger coup de coude amical dans le bras droit avec un sourire franc. "
Merci de pas m'avoir abandonné après t'avoir insulté. " Pour simple réponse, il baissa les yeux et laissa échapper un petit rire discret. La tempête faisait encore rage au dehors, nous bloquant ainsi dans l'entrepôt.
Et alors que les jours passaient, on en oubliait presque le torrent de merde qui nous avait amenés à nous terrer ici. Mais dans ce monde dans lequel nous semblions obligés de survivre, le bonheur n'est jamais que trop court. Une course effrénée dans les escaliers nous rappela alors que nous n'étions pas si vieux que cela finalement, et que la fleur de l'âge nous permettait encore de pouvoir explorer les délices de l'amusements. Rire... cela faisait bien longtemps que je n'avais pas ris ainsi, et ce, avec un soldat témoin de Jéhovah que j'avais eu tendance à mépriser depuis mon arrivée dans l'escouade. Alors que Douglas et moi étions partis sur les toits afin de pouvoir décider d'un itinéraire des plus rapides et sans dangers, Fawkes s'était auto-désigné pour effectuer l'exploration du niveau inférieur de l'établissement.
"
T'es pas si con Douglas.
- Et toi t'es pas une si grande garce que tu veux bien le laisser croire.
- Chacun son truc. "
Nous avons dévalés les marches aussi vite que nous les avions montés, puis avons cessés notre course dès que nous avions touchés le sol du rez-de-chaussée. Observant Douglas prendre la tête de notre duo, je ne pus m'empêcher de me dire qu'en d'autres circonstances, j'aurais aimé le fréquenter. Mais la douceur des sentiments et de l'attachement n'était pas un luxe que nous pouvions nous permettre en ces temps sombres. Aussi, je suivis mon compagnon en silence, abandonnant mes envies de flirt à la première marche de l'escalier de fer en laissant échapper un soupir. Il se retourna alors, m'offrant un sourire timide tandis qu'il me posait une main sur l'épaule "
Je sais. Moi aussi. " A-t-il déclarer avant de se retourner et de commencer à avancer. Je restais perplexe tandis que je le suivais, le regard bloqué sur son dos, et me posant une multitude de questions.
Mais alors que nous arrivions à notre "campement" des grognements se firent entendre non loin de là, et c'est en position de défense que nous nous sommes retrouvés, à scruter les environs, armes dotées de silencieux en main, et autres gadgets rangés un peu partout sur nous. Fawkes se présenta alors à nous, suant, blanc... dégoulinant de sang et de chair déchiquetée et pendante... Je ravalais un cri de surprise tandis que notre chef d'escouade s'avançait vers moi. "
Fuyez... " C'est en fermant les yeux que j'appuyai sur la détente, et que la balle fendit le crâne de celui à qui j'avais obéi depuis le début de mon aventure. Douglas me secoua par l'épaule tandis qu'il chargeait déjà un sac sur mon dos, il fallait courir, sortir d'ici, avant qu'ils n'arrivent. Mais alors qu'il finissait d'attacher son sac, ils étaient déjà là, avançant avec l'envie de la chair, attirés par les pulsations de nos cœurs. Nous avons courus, nous avons usés de nos talents de soldats, utilisant nos savoirs et nos compétences aussi efficacement que nous le pouvions, mais les anciens employés de l'entrepôt semblaient toujours plus nombreux, toujours plus hargneux, et alors que j'avais passé la porte de sortie, celle-ci se referma sur le visage de Douglas "
Même quand je marcherais par la vallée de l'ombre de la mort, je ne craindrais aucun mal, car tu es avec moi... " Je me jetai sur la porte métallique tandis que j'entendais les cris de Douglas derrière celle-ci. "
DOUGLAS ! DOUGLAAAAAAAAAS !!!! "
Je m'agenouillais dans la neige, le front posé sur le métal glacé, tandis que je sentais la peur m'envahir. J'étais seule. Je passais quelques temps à pleurer l'homme pour qui finalement, j'avais éprouvé quelque chose, qui m'avait sauvé à plusieurs reprises, et à qui je n'avais sorti que vannes et insultes à longueur de journée. Et une fois que les larmes ne voulaient plus perler le long de mes joues... je me remis en marche vers St John...