“ Prénom P. Nom ”
James tient sa fille dans ses bras, sa petite Lyse à la chevelure rousse. Ses joues palissaient, son regard se perdait dans le vide. Ils reviendraient sous peu, bleu, blanc, vitreux. Il avait failli à sa dernière mission.
Les choses étaient allées vite, trop vite. James était en mission lorsque ces choses horrible se sont déclarées, mais dans son avion, rien ne semblait pouvoir les atteindre. On ne les mit pas au courant tout de suite et traverser les océans ne les avaient pas aidés à voir les horreurs dans les villes. Non, ce fût quelque heures avant l'arrivée, après avoir perdu subitement le contact avec la tour de contrôle, pour le récupérer par la suite, qu'ils comprirent que les rumeurs qui circulaient depuis des jours n'étaient pas que des rumeurs.
La première chose qu'il fit ? Rentrer chez lui. En voiture, puis une fois dans les bouchons, à pieds, en courant. Le spectacle fût tragique, la ville était infectée, on ne leur avait dit qu'une chose, à lui et ses collègues ; ne vous approchez de personne. Il avait réussi, plus ou moins, à tenir cela, jusqu'à parvenir chez lui. Les dégâts semblaient considérable pour si peu de temps. L'instinct paternel, sans doute, l'avait poussé à se rendre chez lui au plus vite pour retrouver sa femme mais surtout ses enfants. L'instinct paternel et la naïveté devant cette nouvelle face du monde.
Rentrer chez lui, l'odeur était insoutenable. L'odeur, la chaleur, tout cela combiné ; une horreur. A en juger l'état de son domicile, cela avait été retourné dans tous les sens et les traces de sang sur les murs n'allaient pas pour le rassurer ; bien au contraire.
Les morts dehors étaient une chose, il n'avait pas eu le temps de réaliser l'horreur que c'était, bien trop pressé de rentrer chez lui auprès des siens. Mais c'est lorsqu'il vit sa fille de quatre ans dévorant de ses petites dents le cadavre de sa propre mère, qu'il réalisait l'horreur qu'ils devaient affronter.
C'est en fouillant plus dans la maison qu'il découvrait dans la salle de bain son propre père dévorer sa mère. Le choc fut immense mais il comprenait que tout était clair désormais, à terme ; il avait tout perdu, d'un seul coup. Tout ?
James fermait la porte de la salle de bain, tentant d'être discret comme face à un animal sauvage. Il ne pouvait néanmoins retenir ses élans tant le spectacle était immonde et affolant. Où était sa première fille, son aînée ? Il la découvrait plus tard dans le cagibi. S'ils avaient fait des réserves de provisions, sa fille de sept ans n'avaient que sept ans...
Sa fille lui apprenait alors qu'ils avaient tenus, elle et sa famille, une semaine avant qu'une de ces chose ne vienne, ou plutôt, un voisin qui avait été mordu et avait eu besoin d'aide. Voisin qui était revenu après une grosse fièvre et qui avait commencé à sauter sur le grand père... Sans doute avait-il mordu sa petite dernière avant de sortir ...
Que fallait-il faire ? Réfléchir ? Rester ? James prit la décision de prendre deux sacs ; un avec de grosses provisions et un avec des vêtements et couvertures. Ils prirent le van qu'il utilisait habituellement pour son travail, pour partir.
Si les routes furent dangereuses, si l'essence manquait cruellement, au sein de ce van, ils avaient de quoi se sentir bien, comme dans un refuge ; les vitres étaient peintes en blanc à l'arrière, on ne voyait que par les fenêtres à l'avant. La nuit, ils les cachaient avec des couvertures et ils improvisaient. Mais parler de cela ? Pour quoi ? Il n'y avait rien à dire ; la mort rôdait.
Ce fût son aînée qui le maintenait à la vie, qui lui donnait une raison de se battre. Mais si mature soit-elle à sept ans, c'était lui l'adulte responsable, c'était à lui de trouver de quoi faire. S'improviser des campings, des feus de camps, James avait beaucoup voyagé pour son travail, il avait beaucoup voyagé pour des reportages ou pour lui-même, il connaissait cet instinct de survie. Il n'était juste pas prêt à y faire face. Qui l'aurait été ? Certains auraient dit les plus forts et les plus lâches. James ne saurait jamais lequel de ces deux il est.
Il avait néanmoins tenté de lui expliquer ; les choses ne seraient plus jamais comme avant. Elle l'avait bien compris. Il lui avait bien expliqué ; tu ne t'éloignes jamais de moi. Elle l'avait bien compris. James ne s'était pour autant jamais résolu à devoir tuer une de ces chose, pourquoi les tuer quand monter dans le van et attendre qu'ils disparaissent fonctionné aussi ?
C'était une erreur, c'était naïf. Il avait des armes, des tazers, il savait les manier, avait eu des leçons. Mais on ne parlait plus, là, de tirer sur des cibles dans une salle de tir, on ne parlait plus de viser un bout de papier, un bout de carton mouvant, on parlait tout de même de tuer de vrais personnes, des personnes qui auraient pu être sa femme, sa soeur, sa mère.
Il ne sût par ailleurs jamais ce qu'il était advenu de ses soeurs, la vie les avait tous trois éloignés par le passé et cette épidémie avait mis, à ses yeux, un terme à cela. Elles ne seraient plus, il y voyait là la fatalité. Il en allait de même pour ses compagnons de route.
Quand ils n'étaient pas dans le van, c'était dans des maisons abandonnées le temps de faire le plein de provision et dormir dans de vrais lits, ils leur suffisaient de barricader les portes. Autre erreur qu'il apprendrait plus tard.
Ils ne croisaient pour ainsi dire jamais personne, James prenait les routes en forêt, les routes en campagne, les routes abandonnées et oubliées sur les cartes. Ils ne croisaient que des morts, mais pour ainsi dire jamais de vivant. La fatalité continuait à ses yeux, se disant qu'ils ne seraient plus que deux sur Terre désormais, par il ne savait quelle sorte de miracle. Les maisons qu'ils visitaient, étaient infestées, ou alors les personnes avaient mis un terme leur vie face à cette apocalypse. Mais jamais de vivant, ce qui ne faisait que le conforter dans son idée à nouveau. Et quelle mentalité auraient ces gens s'il en croisait ? Il se confortait aussi dans cette idée qu'il valait mieux être seuls, père et fille, qu'avec des inconnus qui auraient pu être fous, dangereux. Qu'en savait-il, voulait-il seulement le savoir ?
Mais il fit cette erreur d'être à terme trop regardant. L'hiver ne les avait pas pris par surprise, les zombies devenaient plus qu'habituels à force de mois. C'était bien là son problème, finalement. Penser qu'il les connaissait assez pour dormir sur ses deux oreilles le temps d'une nuit, qu'une porte pas si fermée que cela, cela pouvait aller, qu'un peu de relâche n'était pas forcément mauvais. Mais il apprit cela de la pire des façons ; la vie ne faisait aucun cadeau, aucun traitement de faveur. Sa petite fille fût retrouvée, Lyse, mordue par une de ces chose. Il abattait cette chose et retournait vers sa fille, tentant tant bien que mal de lui faire réaliser, la faire revenir à la réalité, que ce n'était qu'une morsure, sale certes, mais que cela pourrait se guérir s'ils faisaient attention. Mais le sang semblait quitter son visage pourtant si bouillant, ses yeux ne semblaient plus suivre le rythme. James vit sa fille, mourir dans ses bras, cédant à la fièvre et la douleur, à la perte de sang excessive malgré sa tentative de faire un garrot et de serrer.
Il comprenait, malheureusement, en ayant tué cette chose, qu'il fallait viser la tête. Il dut se résoudre à tuer sa fille, pour qu'elle ne subisse pas la même chose que les gens dehors. Et c'est seul qu'il dut passer l'hiver dans des maisons abandonnée, trouvant de rare fois de l'essence pour son van. Les choses semblaient simple ; un homme seul contre le reste du monde, une arme. Il pouvait mettre fin à ses jours. Et il essayait.
Il essayait de mourir de faim. Mais il n'y parvenait pas, finissant par manger malgré tout. Il essayait la soif, mais il n'y parvenait finalement pas. Il tentait son arme mais ne parvint jamais à appuyer sur la détente. Il tentait la pendaison mais ne réussit jamais à se résoudre à pousser le banc de sous ses pieds. Il tentait le froid mais il fût plus résistant qu'il ne le pensait finalement. Et toutes autres sortes de sort possible et imaginable, il n'avait plus que cela à penser, après tout.
C'est finalement vers la fin de l'hiver qu'il rencontrait d'autres survivants, mais il ne parvenait jamais à se lier à eux durablement. Soit parce qu'il n'appréciait pas leur compagnie, soit parce que sa propre compagnie semblait être un fardeau tant il avait peu de considération pour sa propre vie ; les autres survivants pouvaient considérer cela comme un potentiel danger. Il fût exclu, plus d'une fois. Il partait de lui-même, plus d'une fois. Mais il ne restait finalement plus que lui et son van, et rien d'autre. Il ne parvenait pas à s'attacher à une autre personne, il ne le voulait pas et n'y parvenait simplement pas, trop fantomatique, trop distant, trop mélancolique. Il n'a toujours pas fais son deuil et il ne le fera sans doute jamais.