Comment vous raconter cette histoire… Comment vous dire. C’est un matin de mai que la mère Inverness perd les eaux dans le vieux lit miteux du père Inverness. Elle n’a que 18 ans. Il en a 35.

Paniqué, apeuré, tremblante, comme une pauvre jument entrain de mettre bas dans ses propres excréments, elle a hurlé, poussé, haleté et mit au monde deux petits bébés tout roses et potelés.

Les voisins alertés par ces bruits de cochon qu’on égorge avait appelé la police. Lorsqu’ils enfoncèrent la porte et qu’ils découvrirent ces 23 mètres carrés puant le sang, la moisissure et la marijuana, ils savaient que la petite mère revenait de loin. Mais que le calvaire n’était pas terminé.

On nomma la petite Avalohn, l’autre Roméo. Les centres sociaux ont essayés de les placer, de les loger, de les aider. Mais rien à faire, mais rien à foutre.

C’est le Bronx, c’est la loi de la rue. Avalohn entend parfois encore son père, quand elle avait 8 ans « Toi ma fille tu m’rapporteras du p’tain d’pognon avec ta gueule d'ange ». Elle n’a jamais compris. Elle ne savait pas pourquoi il y avait autant de personne qui circulait dans l’appartement, avec de l’argent et des armes, à se serrer les mains, à fumer les plantes à l’odeur de fleur. Son frère et elle n’ont jamais ressentis la douceur d’une main fraîche, le soleil caresser leurs peaux dans un jardin d’enfant, ni un baiser sur le front pour une bonne note obtenue.

Non, à la maison c’était plutôt maman avec une aiguille dans le bras, papa qui apprend à Roméo à mentir à la police.

À 13 ans elle a fumé sa première cigarette, a eu son premier tatouage et a découvert le monde du soutien gorge. Elle a commencé à fréquenter certains « amis ». Car les jeunes s’occupaient de faire régner la terreur dans le quartier. Fernando Farel a été son premier petit ami. Grâce à lui elle a appris à se battre comme une reine, à marcher avec des talons comme sur un podium et mentir comme un arracheur de dent. Elle a rejoint la petite mafia de Fernando à l’âge de 15 ans : Los Lobos.

Elle ne passait plus beaucoup de temps à la maison, et plus les secondes passaient, plus la haine pour ses parents lui mangeait le coeur. Elle respirait la colère, la vivait. Comment peut on éduquer deux adorables enfants dans une mascarade pareil? Roméo lui manquait. Beaucoup. Il était plutôt du genre discret, il ne parlait pas beaucoup. Il aimait les livres, il aimait apprendre. À chaque fois qu’Avalohn rentrait complètement défoncée, il s’asseyait à côté d’elle sur son lit et lui apprenait à parler français. Ils se promettaient de sortir de ce trou à rat, que lui deviendrait un grand écrivain et elle une égérie de la mode avec son visage de succube. Il la faisait danser sur du Edith Piaf, lui montrait des photos de la tour Eiffel, de Notre-Dame et des troquets. Imaginaient le goût des macarons, des croissants et de toutes les douceurs de cette fabuleuse ville.

Le matin, ils se séparaient, lui à l’école avec ses lunettes sur le bout du nez, elle le blouson de Los Lobos sur le dos.

Plus le temps passait, plus elle connaissait les cellule de dégrisement, le parquet des tribunaux et les policiers qui l’a chopait. Ce qui devait arriver, arriva.

Après une bagarre ensanglantée avec la bande des MS_54 et deux jeunes dans le coma, on envoya Avalohn dans un CEF, avec pour éducateur Romwell G. Forneigh. En arrivant dans ce centre dans le Michigan, Avalohn n’avait qu’un sac avec ses affaires et la rage dans la bouche. Les premiers jours ont été très dur, trop dur. Elle détestait ces filles et ces garçons dans cet hébergement, elle voulait s’échapper, retrouver son frère et son petit ami, s’évader, cracher sur tout le monde. Les cigarettes étaient comptées et méritées, les bagarres éclataient pour un regard, et respirer était presque un manque de respect.

Il n’y a pas grand chose à raconter de cette période. Le labeur pour mettre Avalohn sur le droit chemin a été rude. Pour canaliser sa violence et sa rage, son éducateur lui mettait en place des cours de Parkour. Elle courrait, volait, hurlait, se déchaînait pendant ces heures de voltige et d’escalade. Romwell a été comme un père pour elle. Il lui a hurlé dessus, il a crisé, s’est arraché les cheveux à cause de cette petite. Mais grâce à lui, elle a trouvé sa voie. Pour gagner son propre argent et prouver son côté « responsable », elle a travaillé dans la ferme du centre. Par la suite elle a même intégré un cursus d’auxiliaire vétérinaire avec une spécialisation de soigneur.

Mais jusqu’à sa majorité, ce centre est devenu surtout un havre de paix. Depuis sa plus tendre enfance elle avait oublié comment pleurer, ou même ressentir de la compassion, de la tendresse et de l’amour. A part pour son frère, elle n’a jamais tenu à quelqu’un. Elle avait eu Fernando, mais ce n’était pas de l’amour. Lorsqu’elle rencontra Ethan, elle n’a jamais ressentis autant de passion. Il était le fils de l’une des autres éducatrices présentes. Il venait souvent faire le ménage pour gagner un peu d’argent. Il la faisait rire, et elle ne pouvait plus respirer lorsqu’il entrait dans une pièce. Il lui a appris à chanter, à embrasser avec tendresse, à aimer le sexe doux et à déguster un verre de vin. Il était un peu plus âgé, mais bon dieu, l’amour n’a jamais eu d’âge dans son cas.

Elle n’oubliera jamais cette période de sa vie. A 21 ans, Romwell n’avait plus aucun droit d’éducation sur elle. Alors il l’a prise sous son aile. L’allé-retour sur New York pour voir une dernière fois ses parents en rencontre médiatisée a été douloureux. Ils ne lui avaient plus parlé de peur qu’elle ne dénonce le trafic du père Inverness, 5 ans c’était donc écoulés. Bien sur, elle envoyait des lettres à Roméo, en français bien évidemment pour entretenir leur rêve à tout les deux. Elle en avait gagné des tatouages, elle avait mis de l’argent de côté, elle était grande, et presque mature.

Après cette rencontre tumultueuse où elle a faillis égorgé sa mère et tordre le cou à son père, elle alla s’installer dans un appartement dans le quartier d’Astoria où elle continua ses études. Elle obtint son diplôme, appelait Romwell tous les soirs, pensait à Ethan à chaque seconde avec les 1 313 kilomètres qui les séparaient.

Elle trouva un job dans un zoo auprès d’un vétérinaire et s’occupait le soir de donner des cours de Parkour aux jeunes.

Elle ne revint qu’en 2014 dans le Michigan pour l’anniversaire de mariage de Romwell. Et c’est cet été où tout a dégénéré. Elle se rappelle de cette journée. De la robe blanche qu’elle avait mise pour l'occasion. Du sourire de Romwell à la surprise qu’il a eut en voyant la tatouée. Aux yeux d’Ethan et aux souvenirs fougueux. Au discours qu’elle avait soufflé un peu timidement et froidement pour le toast. Le champagne qui lui tournait la tête et la femme de son ancien éducateur, qui lui embrassait ses joues doucement en disant qu’elle était un ange sortit de l’enfer.

La radio s’est mise à grésiller d’un coup et un grand silence s’est installé alors que le jardin était en ébullition. On avait déjà entendu de « l’épidemie » mais rien d’inquiétant. Mais à ce moment la l’Etat déployait les forces de l’armée car tout dégénérait. On disait de faire des réserves, de rester confiner, d’attendre les instructions.

Le premier réflexe a été d’appeler Roméo. C’était la dernière fois qu’elle entendait sa voix. Il était paniqué, il disait que c’était la pagaille à New-York. Il avait des larmes dans la voix. La Bronxarde promit à son jumeau de venir le chercher quoi qu’il arrive. Elle n’y arriva jamais.

En prenant sa voiture, paniquée en se disant que si elle appuyait sur le champignon elle pourrait être auprès de son frère en 10h, elle n’a même pas pensé à dire au revoir correctement à Ethan et Romwell. Les deux personnes qui ont pourtant tellement comptés… Un baiser sur la joue et une étreinte, elle dévalait le porche pour se ruer sur son véhicule.

Elle regrettait d’avoir mis sa robe blanche ce jour la. Sur l’autoroute, tout était bouché. En plein milieu de son trajet, les gens sortaient de leurs voitures en se demandant ce qu’il se passait. Certains courraient. Certains se mordaient et s’éventraient.

Avalohn prit son sac d'affaire, ses paquets de cigarettes et ses talons à la main. Elle s’en grilla une avant de sortir de la voiture. Elle respira. Trois fois. Tourna son collier dans sa main avec tous ses jolis souvenirs. Les gens se mettaient à courir partout. Elle gardait son calme tout doucement.

En sortant de sa voiture, elle heurta quelqu’un avec sa portière. Elle n’en avait rien à faire. Elle grimpa sur le toit de sa voiture et commença à constater l’ampleur des dégâts. Elle ne tarda pas à suivre le mouvement de fuite. Des centaines de personne marchaient dans un même rythme, pleins de sang et les yeux révulsés. Ils empoignaient, arrachaient, mordaient. Le chaos. Et elle fuyait. Aussi vite qu’elle pouvait.

Pendant à peu près 1 an, Avalohn parcouru des centaines de kilomètres, seule ou bien avec quelques personnes. Elle voulait d’abord se rendre à New-York pour chercher son frère, mais elle ne pouvait définitivement pas faire face à autant de horde face à elle. Elle avait appris que les grandes villes n’étaient plus fréquentables.

Grâce à son agilité et sa connaissance du Parkour, elle arrivait souvent à se faufiler, se démener et se sortir de situation critique. De plus, sa vie d’avant lui permettait de se battre avec facilité, et elle rendait les coups quand il le fait. Elle se battait pour sa vie.

C’est vers septembre 2014 qu’elle décida de revenir vers le Michigan. Elle était persuadée de retrouver Romwell. C’était un battant, il avait survécu, pour sur…

Elle arrivait à trouver quelques voitures et dormir dedans, faire des kilomètres pour arriver plus vite lorsqu’il y avait de l’essence. Elle marchait parfois avec des survivants, mais ne restait pas plus de 2 semaines avec eux. Elle préférait piller et s’en aller.

C’est fin janvier 2015, lorsque le froid lui brisait les os de l’intérieur qu’elle fit une découverte pleine d’espoir. Pendant qu’elle pillait une ancienne pharmacie déjà bien entamée, dans la réserve, elle découvrit une chienne, affamée et apeurée entrain de mettre bas de petit chiot.

Elle eut d’abord un moment de recul en pensant qu’un loup avait élu domicile ici. En voyant le collier rouge marqué « Foxy » dessus, elle comprit que ce n’était qu’un pauvre husky.

Après que la chienne accoucha de trois jolis petites crevettes, Avalohn attendit patiemment dans sa nouvelle planque que la chienne meurt. Elle s’empara des trois petits chiots, et avec son réchaud récupéré dans une station service, se prépara un dîner d’hiver digne de ce nom. Depuis combien de temps n’avait elle pas mangé un si bon repas? Mais elle en épargna un. Car celui était différent. Il avait ces yeux qui ne trompait personne… Oui. Il savait qu’il naissait dans un enfer, et qu’Avalohn allait l’en sortir.

Avec ses compétences de vétérinaire et de soigneuse, elle n’eut aucun mal à éduquer le petit dès son bas âge. Elle le nomma Lobos. C’était son Lobos

Cette apocalypse a fait remonté cette sacré garce qu’elle était étant jeune. Avalohn revenait à sa source noire. Depuis, elle hère dans le Michigan à la recherche de visage connu et de réconfort absolu.