Deena était enfin à Fort Hope. Elle avait été étonnée par la facilité que cela avait été pour se faire « accompagner » dans Fort Hope. Comme quoi, les militaires savaient être utiles a autre chose qu’à imposer leur dictature. Comme elle s’en doutait, elle ne tarda pas à avoir la confirmation qu’ils étaient généreux pour jouer les taxis, mais seulement pour des allés simples. Il lui semblait de plus en plus compliqué de trouver un billet de retour dans ces conditions. Par ailleurs, elle restait dubitative quant à la destination touristique où semblait condamnée à rester pour le moment. L’ancien camps de son petit frère, même sans les militaires semblait tellement « propret » qu’elle avait du mal a imaginer la terreur a boucles brunes qu’il avait été vivre ici. C’était si loin de leur quartier de Jéricho.  Les militaires étaient des hôtes exécrables avec leurs « invités », avec eux, c’était difficile de faire autant de tourisme qu’elle le souhaitait et, surtout, de retrouver celle pour qui elle était venue : la fameuse Joséphine. Heureusement, sa capacité a mentir aussi bien que son père ainsi que la présence de Nayati l’avaient aidée a surmonter les innombrables interrogatoires en jouant la pauvre jeune maman traumatisée et parfaitement inutile. Elle fut surprise d’apprendre qu’ils étaient à la recherche de son Declan. Parfois la bêtise humaine l’amusait, et d’autre fois cela la laissait totalement perplexe. L’armée avait une alliance avec l’arène dont la tête d’affiche était l’homme qu’ils recherchaient si activement sans qu’elle n’en comprenne l’intérêt. L’archer avait une chance de cocu, qu’il devait peut-être a sa pseudo femme, car il semblait que les petits hommes verts avaient conclu que la starlette à l’arc de l’arène n’était qu’un homonyme très ressemblant. Comme quoi, le hasard était parfois bien fait. Cela lui donna une information des plus intéressante, les gens de Fort Hope qui connaissaient Declan, devait suffisamment aimer ce poisson rouge ou particulièrement détester l’armée, pour garder le secret du « where is Declan ».  Du moins pour le moment. Car cela lui semblait impossible que personne ici n’ait fait le lien ici entre l’homme sans mémoire de l’Arène et leur ancien résident porté disparu.

Deena n’était pas le genre de femme a apprécier les force de l’ordre de quelque façon que ce soit, aussi, même si Declan ne servait pas ses intérêts, elle ne l’aurait jamais balancé. C’était une question de principe, on n’aidait les forces de l’ordres que si cela devait servir une arnaque d’un plus gros calibre. En attendant de pouvoir mener plus ses investigations à la recherche de sa belle-sœur perdue et aussi d’un moyen de quitter ce camps, Deena avait feint à la perfection ne pas comprendre les questions orientées des militaires. Elle avait déjà subi tellement d’interrogatoires qu’elle s’amusait presque à les faire tourner bourrique devant une survivante limitée. Elle resta dans le rôle de Debbie Martins, cette pauvre femme sans étincelle d’intelligence, ravie de voir des militaires et épuisée par un bébé qui l’empêchait de se concentrer. Qui était le père du bébé ? Et bien, ce brave Marc Martins qui les avaient préservés de tout avant de connaitre un destin tragique qui lui tirait une petite larme dès qu’elle l’évoquait avec d’interminables anecdotes toutes plus ennuyeuses les unes que les autres. On ne survivait pas à la famille Cornwell sans savoir mentir comme on respirait et on ne restait pas aussi longtemps qu’elle en cavale sans maitriser l’art de paraitre inintéressant. Ils finirent par penser qu’ils en avaient fait le tour, à moins qu’ils ne se soient lassés des pleures du bébé ou des radotages de la jeune femme, mais les questions cessèrent et elle put, enfin, déambuler comme elle le souhaitait dans le camp. Mentalement, Deena profita de cette expérience pour noter tout ce dont Abel pourrait avoir besoins comme information. Comme elle n’était pas près de quitter cet endroit, autant se rendre utile. Mais avant, elle retourna au but initial de cet arrivée dans le camp de Logan Carter, devenu le repaire des militaires : elle devait retrouver Joséphine a tout prix. Les gens avaient pitié de cette jeune maman sans lait. Nayati était un merveilleux passe droit pour fouiner et s’attirer les confidences. Il lui fallut peu de temps pour apprendre ou vivant la jeune femme quelle cherchait et encore un peu plus pour attendre qu’Aaron quitte la maison pour tenter sa chance. Le bébé endormi, bien au chaud, dans l’écharpe de fortune qu’Abel avait fait pour elle, elle frappa a la porte en disant : « Bonjour, je suis une des nouvelles et j'aurais besoin d'un peu d'aide pour moi et mon bébé, s’il vous plait. » Elle espérait que cela aiderait la fameuse belle sœur a se décider a ouvrir sa porte et que l’excuse d’avoir besoin d’un petit coin de canapé pour changer un bébé lui permettrait d’entrer pour discuter loin des oreilles trop attentives.

HRP:

Cela faisait un moment déjà que Joséphine avait trouvé refuge à Fort Hope, où son quotidien était désormais bien différent de celui qu’il était à l’arène. Plus de combats ici, de blessures à soigner, de shows à la Dean, de repas bruyants en commun avec des gladiateurs bourrés ou un peu trop grande gueule, plus de Joshua, de menaces à tout va, mais surtout, plus d’Isha. Et Joey pouvait dire sans l’ombre d’un doute que contre toute attente, elle s’ennuyait fermement loin de l’arène, même si Aaron se montrait d’un soutien sans faille. Il n’était, bien sûr, pas toujours là, il avait ses propres occupations, comme celle de monter la garde sur les barricades par exemple, et de toutes façons, la brune ne voulait pas qu’il se sente obligé de la baby-sitter, ou que ses habitudes se trouvent affectées par l’arrivée d’une colocataire. Le jeune dresseur canin avait donc laissé la jeune femme, avec un bon livre, après qu’elle lui ai assuré, à maintes reprises, que oui, tout irait parfaitement bien pour elle.

Plongée dans la lecture de son roman, Joey sursauta quand elle entendit quelques coups frappés à la porte d’entrée, et se figea, sentant une chaleur monter au creux de son ventre, malgré elle. Bandit aboya deux brefs coups, les oreilles dressées, comme s’il sentait bien, lui aussi, qu’ils n’étaient pas censés recevoir la moindre visite. Depuis la conversation qu’elle avait eu avec Logan, qui lui avait appris que Joshua avait un espion à Fort Hope, Joey était en passe de devenir parano, bien malgré elle. Elle secoua légèrement la tête face à ce qu’elle qualifiait de bêtise, sa propre connerie même, et glissant un morceau de papier dans son livre pour ne pas perdre la page, Joséphine se leva du canapé, le chien sur ses traces, et s’avança vers la porte, fronçant malgré elle les sourcils aux dires de la survivante, qui mentionna d’ailleurs la présence d’un bébé. Aaron était absent, c’était bien sa veine, et Joey n’avait donc pas d’autre possibilité que d’aller voir par elle-même de quoi il retournait.

Doucement, elle déverrouilla la porte d’entrée, et l’ouvrit à peine, juste suffisamment pour pouvoir passer son visage, et observer sa visiteuse. Joséphine fronça légèrement les sourcils, et elle eut beau fouiller ses souvenirs, la nouvelle venue lui était totalement inconnue. En tout cas, elle n’avait pas menti, et tenait, serré contre elle, un bébé. « -Euh…salut. » dit-elle maladroitement, la porte restant très peu ouverte, tandis que de son regard noisette, la brune parcourait le reste de la rue. Mais bien sûr, chacun vaquait à ses occupations, insensible à ce qui se passait sur le pas de la porte de la maison dans laquelle elle avait trouvé refuge. « -Je…euh…je n’ai rien pour vous aider avec votre bébé… » Rien ne serait bien inutile dans cette maison, où elle habitait avec son meilleur ami, et où aucun bébé ne vivait. Du moins, à l’heure actuelle. Joey secoua légèrement la tête de droite à gauche, avant d’attraper la veste d’Aaron sur le porte manteau près de l’entrée, et de l’enfiler. « -Je vais vous accompagner à l’infirmerie, ils pourront vous aider là-bas. » Et sans attendre de réponse, elle attrapa les clés sur la porte d’entrée, puis se faufila par l’ouverture accompagné du berger allemand, et referma derrière elle. Son instinct, ou peut-être son entrevue avec Logan, et ses innombrables discussions avec Aaron, la poussait à des excès de prudence.

Par réflexe, la brune resserra la veste autour de son cou, bien que le temps soit particulièrement clément, alors qu’elle rejoignait à son tour la rue. Elle regarda des deux côtés de la chaussée, avant de montrer la direction d’un signe de tête à la jeune femme : « -C’est par là ! » Et sans même lui laisser le temps de réagir, elle entraîna l’inconnue dans son sillage, la conduisant tout droit vers l’infirmerie. Bandit gambadait joyeusement autour d’elles, et même si son chien était une crème, Joséphine devait bien reconnaître qu’elle était plus que ravie de l’avoir avec elle pour cette petite escapade improvisée.

Deena comprit rapidement que sa potentielle belle-sœur était loin de tout ce qu’elle avait pu imaginer comme copine pour son frère. Sans même attendre qu’elle puisse objecter, sa potentielle belle sœur était déjà en train d’enfiler joyeusement sa veste pour s’élancer dans la rue du camp. Si l’archère était étonnée qu’une femme aussi rationnelle, censée et visiblement ni tatouée ni toxico, ait pu décider d’être en couple avec un Cornwell, elle ne le montra pas, restant derrière le sourire niais de Debbie la débile. Elle comptait bien creuser plus le sujet sur ce qui clochait chez cette Joséphine au regard de ses choix de compagnon, en admettant que les rumeurs ne soient pas vraies et qu’elle n’ait pas eu son mot à dire. En attendant l’archère avait d’autres préoccupations. Il était évident que Joshua avait, d’une façon ou d’une autre, au moins une oreille dans ce camp. Elle ne voulait pas qu’il sache qu’elle était en vie, ici et en contact avec la meilleure chance de sauver son frère de la folie. A cela s’ajoutait que pour les militaires devant qui elle comptait rester rien de plus qu’une cruche de compétition. Pas la peine qu’ils en découvrent plus sur les activités d’Abel qu’elle soutenait avec zèle. « Je ne sais pas comment vous remercier, mais je pense qu’un coin de canapé pour changer mon fils aurait suffi. Je m’en veux de vous déranger. » Ca protestation polie ne servit à rien, Joséphine était déjà partie d’un bon pas et Deena n’avait pas d’autre choix que de suivre. Elle aurait adoré l’arrêter dans son élan, mais le regard en coin de militaires, non loin, la dissuada de faire quoique ce soit susceptible d’attirer l’attention sur elles. Il faudrait donc passer par l’infirmerie. Alors qu’elle devisait gentiment, comme son rôle l’impliquait, passant de la météo, aux banalités de la vie a Fort Hope en passant par la présence si rassurante des militaires, elle ne cessa de se demander comment un tel tempérament pouvait survivre avec les souvenirs de son caractériel de frère. La vaisselle devait y passer à chaque désaccord entre ces deux-là. Lorsqu’elles arrivèrent au local, l’ainée Cornwell avait l’œil partout en quêtes d’oreilles indésirables. Un mot de trop et elle pouvait les mettre tous en danger. Avec ce comportement jovial qui l’étouffait, elle sortit Nayati de son écharpe et le tendit a son accompagnatrice. L’enfant était plutôt facile. Avoir été, si tôt, proche de de la mort, l’avait marqué. Peut être sentait-il que sa vraie mère n’était plus et qu’il ne servait a rien de pleurer pour l’appeler, mais elle ne pleurait presque jamais et se contentait de poser ses grand yeux sombres sur tout ce qui passait devant lui. « Vous pourriez me le tenir le temps que je retrouve les langes ? ». Dès qu’elle fut libéré de son petit fardeau, elle farfouilla dans son sac pour trouver le tissu qui lui servait de couche. « C’est vraiment très gentil a vous de m’aider, élever seule un enfant, c’est loin d’être simple. » Elle se redressa pour voir le petit jouer pensivement avec un pendentif qu’elle connaissait bien : elle avait presque le même autour du cou. Cette chevalière de motard que ses frères lui avaient ramenée fièrement et don son prénom avait été gravé avec maladresse. Celle que tous avaient. Tous les doutes qu’elle pouvait avoir sur cette femme et son frère s’envolèrent. Si Isha lui avait donnée ce symbole si important pour leur famille malmenée, c’était qu’elle était bien plus qu’une tocade. Elle comprit, trop tard, qu’elle était restée a dévisager la jeune femme et qu’elle avait porté sa main sur sa propre chevalière. Elle la retira vivement ne doutait pas que son geste n’avait pas pu passer inaperçu. Elle resta silencieuse a guetter la réaction de la jeune femme, prête a l’empêcher de quitter la pièce si elle comptait partir avant qu’elle ait pu lui expliquer la situation.  

HRP:

Le chemin jusqu’à l’infirmerie se fit sans encombre, uniquement ponctué du blabla sans fin de cette nana sortie de nulle part. Joey ne prenait pas vraiment la peine de répondre, elle se contentait de vagues « hm hm », tandis que son regard parcourait les rues, et s’attardait parfois sur tel ou tel soldat, mais sans jamais s’arrêter. L’infirmerie était déserte quand les deux jeunes femmes, le bébé et le chien y arrivèrent, bien qu’elles puissent entendre de très faibles bruits de conversation depuis l’étage, rien d’autre que de vagues murmures à peine audibles. Spontanément, la brune alla donc s’assoir sur le canapé qui se trouvait-là, resserrant sur elle la veste d’Aaron, par réflexe, plutôt que par froid soudain.

Elle fronça légèrement les sourcils quand l’inconnue lui tendit soudainement le jeune enfant, demandant si elle pouvait le tenir tandis qu’elle cherchait elle ne savait quoi dans son sac. Les yeux de Joséphine s’ouvrirent un peu plus grand, tandis qu’elle réceptionnait le petit paquet que l’inconnue lui avait fourré dans les bras. Légèrement gênée par cette manœuvre inattendue, la pompier tint le bébé à bout de bras, les bras tendus à l’extrême, fixant ce petit visage poupin innocent. Il lui fallu quelques bonnes secondes pour finalement arrêter de considérer le bébé de cet œil suspicieux, et le ramener contre sa poitrine. Elle ne put empêcher son visage de se perdre dans le cou du petit bambin, dans ses cheveux, et d’humer cette odeur délicate qui émanait de chaque enfant, qui avait un petit quelque chose de réconfortant. Elle avait encore du mal à réaliser que d’ici quelques mois, ce genre de moments feraient partie intégrante de son quotidien. Du moins…si tout se passait bien.

Les petits doigts potelés du bébé trouvèrent bien vite son pendentif, qu’il tourna et retourna dans ses petites mains, allant jusqu’à vouloir le mettre dans sa bouche. Relativement peu emballée par l’idée d’avoir un collier couvert de bave, Joséphine le lui retira doucement à chaque fois qu’il le portait un peu trop près de ses lèvres. Pendant quelques instants, ce petit corps serré contre elle, Joey en vint même à oublier qu’elle n’était pas seule dans la pièce, jusqu’à ce que la pipelette ne reprenne la parole, la tirant de ce petit moment qui l’avait fait sourire discrètement, sans qu’elle ne s’en aperçoive. Sourire qui disparut bien vite à la remarque de cette jeune femme sortie de nulle part, et qui faisait écho à l’une de ces peurs voraces qui assaillaient Joey en pleine nuit, la privant de tout sommeil.

Joséphine ouvrit la bouche, sans même savoir ce qui risquait d’en sortir, avant de se figer net, en remarquant le geste inopiné que son interlocutrice avait laissé échapper, malgré elle. Son regard noisette resta figé sur ce qu’elle tripotait, et qui sembla soudainement brûler les doigts de la jeune femme, qui le lâcha d’un coup. Une chaleur sortie de nulle part s’empara de Joey, dont les sens se mirent en alerte immédiatement. Elle posa doucement le bébé sur le canapé, et le bloqua à l’aide de deux coussins, tandis qu’elle se relevait d’un pas raide. « -Je dois y aller. » Et avançant d’un pas rapide, elle se dirigea vers la porte d’entrée, non sans garder la jeune femme dans son champ de vision, sentant une menace émaner soudainement de cette nana et de son parfait leurre. « -Reste loin de moi ! » dit-elle d’un ton agressif qu’elle n’avait pas pu maîtriser, tandis qu’elle pressait le pas. Jamais une porte ne lui avait paru aussi loin.

Deena devina que le vent de la méfiance soufflait sur la femme en face d’elle. Cela pouvait se comprendre en sachant que sa route avant déjà croisée celle de son père. Ce fut un étrange moment, où les deux femmes restèrent à se regarder en devinant, l’une, que la bague n’était pas un hasard, et l’autre, qu’elle allait avoir du fil a retorde pour avoir cette discussion. La Cornwell n’avait pas imaginé une seule seconde que cette entrevue pourrait se finir aussi prématurément. Après tout le mal qu’elle s’était donnée pour venir à Fort Hope et celui qu’elle aurait, très certainement, pour repartir, il était inenvisageable que ce tête à tête s’achève de la sorte. Elle était assez maitresse d’elle pour ne pas céder à l’envie d’aller reprendre Nayati, qui semblait prendre avec un certain fatalisme de ne plus être dans les bras, pour bondir prestement entre la porte et sa belle-sœur. Elle ne connaissait presque rien de celle qu’Isha avait choisie, mais le peu qu’elle avait vu de sa détermination ne lui laissait aucun doute : si elle ne la faisait pas adhérer à son entreprise, cela ne pourrait que mal se passer. La Cornwell était habituée aux situations délicates et aussi à jouer sur son attitude pour ne pas envenimer les choses. Si elle avait pris une position défensive, discrètement, se méfiant des réactions d’une femme qui sortait avec son frère, elle la masqua avec une attitude qu’elle voulait rassurante. Les mains devant elle, bien en évidence, en signe d’apaisement et le dos collé à la porte pour laisser « de l’espace » à Joséphine. Deena n’avait jamais été bien épaisse, même au temps où elle ne souffrait pas de la perte du gout. L’apocalypse n’avait rien arrangé à sa silhouette qui paraissait encore plus frêle et lui donnait un faux air de fragilité inoffensive. Il fallait être fin observateur pour comprendre qu’elle était tout en muscles et que les apparences pouvaient être, parfois, douloureusement trompeuse. « Je vais rester loin de toi, mais toi il faut que tu restes ici et que tu m’écoutes s’il te plait. » Elle lui laissa quelques secondes pour être sûre d’avoir son attention. Il n’y avait plus de Debbie, juste Deena, une femme posée et calme. « Je suis là pour aider mon petit frère qui est en danger et j’ai besoin de parler avec toi pour cela. Tu le connais, il s’appelle Isha. » Elle se corrigea immédiatement en imaginant que Joséphine ne pouvait pas connaitre le vrai prénom de son frère, ni même l’existence de sa sœur officiellement morte. « Enfin, tu le connais sous le nom de Robin. Si j’étais là pour te faire du mal je n’aurais pas pris le risque de mêler mon fils a tout cela. » Et surtout, cela serait déjà fait. Deena pensa qu’il n’était peut-être pas utile de donner ce détail pour éviter d’attiser la tension de son interlocutrice. Joséphine était entre la Cornwell et Nayati, une prise de risque puisque, si elle décidait de prendre le petit en otage, Deena ne pourrait rien n’y faire. « Si tu ne me crois pas, regarde dans la doublure du sac à langer, il y a des photos qui prouveront ce que j’avance. » C’était dans les seuls objets personnels qui ne l’avaient jamais quittée, même lors du programme de protection des témoins. La famille n’était pas adepte des photographies et celles-ci étaient d’autant plus précieuses qu’elles immortalisaient de trop rares moment heureux pour la fratrie. Loin de leur parents, la petite meute avait su faire d’une fête d’un polaroid volé et d’une excursion défi de tous tenir tous dans un photomaton. Cela avait été des heures de fou rires juvéniles et d’oubli d’un quotidien sordide. Isha et Dylan étaient les deux plus jeunes de cette bande au teint mat. Entre les poses grimaces, les mimiques et les sourires, on ne voyait presque plus la crasse, les joues creuses, les regards fatigués et les marques de cette famille brutale. Isha n’avait que 5 ans, elle 14 ans, mais il était impossible de ne pas reconnaitre ses grands yeux noirs malicieux, sa bonne bouille de charmeur en herbe et ses boucles brunes rebelles. Il apparaissait tantôt sur les genoux de celle qui avait été sa petite maman, tantôt faisant le clown avec Dylan. Elle espérait que ces photos pourraient faire comprendre à la femme qu’elle œuvrait dans l’intérêt de son jeune frère. Nayati était le sosie de son père, mais Deena ne craignait pas que Joséphine puisse deviner la vérité, ni qui que ce soit d’ailleurs. Il n’était pas choquant qu’un neveu puisse ressembler à son oncle. De plus, elle avait d’autres soucis plus urgents. « Si Declan ne m’a pas menti, tu veux tout autant que moi sauver mon petit frère. Si ce n’est pas le cas et que tu t’en fiches tu n’as qu’à le dire et je disparaîtrais de ta vie, sinon j’ai besoin de ton aide pour éviter un drame. » Deena avait l’habitude de ne pas trahir ses émotions, non pas qu’elle soit réellement froide comme certain le pensaient, mais plus parce que son travail aux urgences impliquait, souvent, de ne pas laisser transparaitre aux patients le fond de sa pensée quant à ses chances d’y rester. Aujourd’hui, il y avait, pourtant, une pointe d’inquiétude dans son regard, pas seulement parce qu’il était possible que Declan ait mal compris, mais surtout parce qu’elle n’avait pas de solution pour aider mentalement Isha sans cette fille.

HRP:

Joséphine n’avait désormais qu’un seul objectif, atteindre la porte de l’infirmerie, et fuir cet endroit, le plus rapidement possible. Il n’y avait qu’à rejoindre la rue, là, cette femme sortie de nulle part n’oserait pas s’en prendre à elle, pas à la vue de tous, et surtout des militaires. Il lui suffisait simplement d’atteindre la porte, et elle serait sauve, elle le savait. Mais cette femme ne semblait pas décidée à lui rendre la tâche facile, et elle vint se poster juste devant la seule sortie qui s’offrait à Joey. Cette dernière recula de plusieurs pas, mettant une distance suffisante entre elles deux, et se rapprochant des escaliers menant à l’étage. Si la personne de garde à l’infirmerie n’était pas en bas, elle se trouvait nécessairement à l’étage, où la brune pourrait trouver grimper pour s’enfermer dans une chambre si le danger devenait réel.

Elle fit encore quelques pas en arrière au moment-même où la survivante lui demandait de rester et de l’écouter, ce à quoi Joey répondit d’un rire cynique, sans bien sûr prendre la peine de tenir compte de ses demandes. La pompier était prête à faire demi-tour pour grimper les marches pour rejoindre l’étage, quand la mention d’un simple prénom la fit s’arrêter net, et écarquiller légèrement les yeux. Pendant de longues secondes, elle resta là, à fixer cette inconnue, les sourcils légèrement froncés, se demandant comment elle pouvait connaître le prénom d’Isha. Et les mots employés par la jeune femme firent difficilement sens dans l’esprit de Joey, qui secoua légèrement la tête de droite à gauche, dans un geste de dénis. « -La sœur d’Isha est morte. » Elle ne maîtrisa pas le regard noir qu’elle adressa à la jeune femme, qui se servait sans honte de l’histoire familiale compliquée du brun pour manipuler qui que ce soit. Elle plissa les yeux aux nouvelles paroles de la demoiselle, son regard accrochant pendant une brève seconde le bébé qui n’avait pas bougé, à quelques pas de là. « -Ton fils est l’alibi parfait. Qui se méfierait d’une pauvre mère perdue qui demande un coin de canapé pour changer une couche ? » Et Joey se sentit soudainement stupide d’avoir marché dans la combine, de ne pas avoir compris sur le moment qu’une nana demandant un coin de canapé chez une illustre inconnue n’avait certainement pas sa propre maison dans le coin, et n’était rien d’autre qu’une étrangère à Fort Hope.

Une étrangère qui continua d’ailleurs sur sa lancée, invitant Joséphine à attraper des photos dans le sac qui l’accompagnait. A raccourcir cette distance qu’elle avait réussi à instaurer entre elles. Si elle resta parfaitement immobile pendant un long moment, Joey ne tarda pas à avancer de quelques pas, attrapant le sac pour le tirer rapidement vers elle, et mettre la main sur les photos en question. Quitter des yeux celle qui représentait une menace à cet instant précis pour les poser sur les clichés ne disait rien à la brune, qui n’eut pourtant pas vraiment le choix. Elle reconnut vaguement la version jeune de la survivante face à elle, ou une adolescente qui une fois adulte aurait pu lui ressembler, accompagnée de gamins…dont l’un avait des bouclettes identiques à celles d’Isha, et ces mêmes yeux noirs perçants. La jeune femme fronça les sourcils sans réussir à se faire une idée sur ce qu’elle avait entre les mains, et même la mention de Declan ne parvint pas convaincre Joséphine que l’inconnue était venue en amie. Au contraire, à la mention du gladiateur, et donc du passage de la jeune femme à l’arène, une seule idée germa dans l’esprit de la pompier. « -C’est Joshua qui t’envoie ? » Il n’y avait que cette vipère pour monter un plan aussi machiavélique et tordu que celui-là, qui impliquait par la même un pauvre gamin qui n’avait rien demandé. Et Joshua lui-même aurait pu fournir ces photos de famille, en guise d’attrape-nigaud, pour endormir la confiance de la jeune femme. Qui était-elle vraiment ? D’un geste un peu brusque, Joséphine balança les clichés sur la table où se trouvait le sac à langer, avant de croiser les bras sur sa poitrine, et de toiser la jeune femme qui bloquait toujours la porte de l’infirmerie, qui l’empêchait de quitter le bâtiment. « -Qu’est-ce que tu veux ? »

Deena sembla rester de glace devant la réaction légitime de la jeune femme. La méfiance était saine à la survie a ce qui se disait, mais cela n’avait jamais empêché ses victimes d’y passer, au mieux, cela n’avait fait que compliquer les choses. C’était assez paradoxale toutes ces personnes qu’elle avait conduit à la mort sans qu’ils se doutent de quoique ce soit et, pour une fois qu’elle venait sans mauvaise intention, elle rencontrait une vague de défiance hors normes. Elle resta, pourtant, parfaitement calme face a ce qui ressemblait a un excès de panique de son interlocutrice. Sa vie d’urgentiste et d’infirmière dévouée aux criminelles faisait qu’elle savait rester d’apparence calme et tranquille dans n’importe quelle situation. Par ailleurs, elle ne voyait pas l’intérêt de surenchérir dans la tension. Elle plissa pourtant légèrement les sourcils quand la jeune femme lui indiqua la penser mort. Isha avait il eut des souvenirs finalement ? Avait il parlé d’elle ? Elle garda pourtant ses questions pour elle, attendant que son interlocutrice aille voir les photos. Elle n’était pas sûr que cela suffirait mais elle n’avait guère plus de preuve de son lien avec son jeune frère a proposer. « Joséphine, pourrais-tu te calmer quelques minutes ? Je ne te veux pas de mal, je veux juste sauver mon frère des griffes de notre père. » Elle garda un ton mesuré et apaisant en évitant tout geste brusque. « Est-ce que c’est Isha qui t’a parlé de moi ? Se souvient il un peu de sa vie ? » Elle se rendit compte qu’elle venait d’avoir une petite bouffée d’espoir qu’elle étouffa vite, elle n’était pas venue ici pour elle ni pour cela. La mémoire d’Isha était un souci tout à fait secondaire a l’heure actuelle.

Deena n’aimait pas avoir a se justifier, c’était un exercice qu’elle trouvait parfaitement chronophage et agaçant, pourtant elle fit un nouvel effort pour rassurer la femme :  « J’ai effectivement dû me faire passer pour morte pour échapper à notre père. Je n’étais pas en état d’aider qui que ce soit quand j’ai fait cela. Quand le FBI m’a proposé d’entrée dans leur programme de protection des témoins contre des infos sur papa et ses amis, je n’étais pas en situation de refuser ou de marchander. Lorsque j’ai été en mesure de revenir récupérer mes frères, Isha, avait 10 ans de plus et été il avait l’air tellement heureux avec son tuteur que je n’ai pas osé lui dire que j’étais en vie. » Elle n’aurait jamais pu offrir a son jeune frère ce que Logan lui avait donné : une vie stable, respectable, simple et visiblement heureuse. Même si elle n’en montrait rien, cela n’avait pas été un choix simple et sans conséquence pour elle de le laisser a un autre. Son attachement au petit clone d’Isha était la concrétisation de l’affection qu’elle avait pu porter à son frère. « Si Nayati est ici c’est parce que Joshua a déjà tué une de ses petites filles sans état d’âme. Declan a beau être loyal et digne de confiance, il n’a toujours pas compris qu’il ne fait pas le poids contre mon père. Je ne pouvais pas prendre le risque de retrouver mon enfant mort ou malmené. » Deena s’étonna de pensée un peu de bien de l’idiot d’archer qui lui servait de mari et qui avait accepté, sans aucune question, la paternité du bébé. Pire, il avait été content de mettre les mains dans le caca et il se démenait pour eux comme Deena ne pensait pas qu’il était possible de le faire. Malgré elle, elle ne pouvait plus le sacrifier sur l’échiquier de la partie qui se déroulait contre son père. « Declan a déjà perdu un enfant a cause de Joshua, je ne compte pas lui faire subir cela une deuxième fois. » Même si Nayati n’était pas tout à fait son enfant.  « Et non, je ne suis pas là pour Joshua mais contre lui. J’imagine que tu as des questions a me poser. Je vais essayer de répondre a toutes celles que tu voudras en espérant que cela pourra te rassurer. Avant j’ai besoin de ton aide. Isha est dans une situation critique. Les choses avancent dans le bon sens à l’arène. Dean et Sam vont intervenir contre leur tribun, je l’espère, le plus rapidement possible. Mais mon père a senti le vent tourner, il compte bien briser Isha pour être sur qu’il n’y aura rien a sauver de lui. » Deena était une femme rationnelle. Elle avait beaucoup de peines pour son frère et envie de réagir vivement, voir bêtement, pour le protéger, sauf qu’elle s’obligeait a garder la tête froide et une réflexion tactique de la situation. C’était le seul moyen de gagner. « Il a des espions ici, je ne pense pas qu’il sache que je suis là. Il pense que je suis morte, à nouveau. » Ca allait devenir une spécialité de la jeune archère de passer pour morte et re-morte. « Je veux tes conditions pour organiser une rencontre avec Isha. Il a besoin d’entendre de ta bouche qu’il ne t’a pas fait de mal. Papa le torture sans relâche a tel point qu’il est persuadé du pire. Je crois qu’a l’heure actuelle, il arriverait même a lui faire dire que c’est lui qui a laché le virus Z. Si on ne fait rien, j’ai peur qu’il ne tienne pas jusqu’à ce que Joshua meure pour de bon. » Deena ne pouvait pas être plus transparente dans les grandes lignes. Il restait à savoir si cette jeune femme aux allures racées et saines aimait vraiment le petit délinquant Cornwell.« Est ce que tu serais prête a prendre ce risque pour lui?»

HRP:

Le visage de Joséphine était fermé au possible, dans une attitude hostile plus qu’évidente. Comment ne pas se méfier de l’arrivée providentielle d’une sœur perdue censée être morte des années plus tôt, et à propos de laquelle Isha n’avait pas prononcé plus de quelques mots ? La brune gratifia son interlocutrice d’un nouveau regard noir quand elle lui demanda de se calmer, argumentant qu’elle n’allait pas lui faire de mal. En même temps, si tel était le cas, elle ne le crierait sans doute pas sur tous les toits, et, si elle était aussi sournoise que celui qu’elle disait être son père, elle attendrait d’endormir sa vigilance pour mieux lui sauter à la gorge. Joey la fixa pendant quelques secondes à ses questions, avant de secouer la tête de droite à gauche : « -Bien sûr que c’est Isha qui m’a parlé de ça quand on s’est rencontrés. Et si tu le fréquentais réellement, comme tu essayes de me le faire croire, tu saurais parfaitement qu’il ne se rappelle rien de sa vie avant l’arène ! »

Joséphine la toisa du regard encore quelques instants, avant de détourner ses yeux noisette, qui parcoururent pendant quelques instants ce qu’elle arrivait à entrevoir des rues de Fort Hope. Elle écouta d’une oreille les histoires que lui racontait la jeune femme, soufflant sèchement par le nez quand elle lui parla du programme de protection des témoins. Comme c’était arrangeant de justifier son absence auprès de ses frères toutes ces années par quelque chose qu’aussi invérifiable que son excuse. Toute cette histoire puait l’arnaque à plein nez, et pourtant, Joséphine continuait d’écouter, alors qu’elle aurait pu tout simplement foncer vers la porte, ou grimper à l’étage, comme elle l’avait prévu dès le départ. Elle ne broncha pas, du moins pas verbalement, quand la brune essaya de justifier la présence du bambin dans les lieux, même si Joey ne put retenir un sourire cynique. Elle n’en croyait pas un mot. Il suffisait de voir avec quelle facilité elle avait pu induire Joséphine en erreur, la manipuler, et sans doute d’autres avant elle, en prétextant avoir besoin d’aide avec son innocent petit bébé. Et la jeune pompier s’en voulait d’être tombée dans le piège avec autant de facilité.

La brune n’écouta qu’à moitié ses histoires de bébés, de Declan, et ne tiqua que quand l’inconnue lui demanda son aide, ce qui la fit hausser le sourcil, tandis qu’elle la sondait du regard. Alors, dans le petit monde de cette nana sortie de nulle part, il fallait que Joey l’aide d’abord, pour ensuite obtenir, éventuellement, des réponses ? N’était-ce pas plutôt l’inverse qui aurait dû se passer ? C’est-à-dire que Joséphine puisse poser toutes les questions qui lui passaient par la tête, notamment pour jauger de la situation, pour essayer d’en apprendre plus, de savoir où elle avait mis les pieds, dans quoi on l’avait encore embarquée, avant de prendre la moindre décision ? Elle resta de marbre, même quand la jeune femme lui expliqua que son intervention était manifestement nécessaire pour sauver Isha de lui-même. A croire que la lettre qu’elle lui avait écrite n’avait servi à rien. Avait-il seulement pris le temps de la lire ? Car elle faisait confiance à Declan, sans même savoir pourquoi, elle savait qu’il aurait tout fait pour remettre le morceau de papier à son meilleur ami. Alors quoi ? S’il n’était pas capable de la croire quand elle lui expliquait sur une lettre qu’il n’avait rien à se reprocher, en quoi la voir, physiquement, y changerait quelque chose ?

La pompier la toisa une nouvelle fois longuement, avant de laisser un soupir s’échapper de ses lèvres entrouvertes. « -Je crois que si j’avais eu un peur aussi pourri que Joshua, qui m’avait contrainte à me faire passer pour morte, j’aurai quelques difficultés à l’appeler « Papa » »…souffla-t-elle, incapable de comprendre pourquoi celle qui se disait sa fille l’affublait malgré tout de ce qui était censé être un surnom affectueux. Joey n’aurait su dire à quel point elle se sentait si lasse, à cet instant précis. Elle savait que quitter l’enceinte protectrice de Fort Hope n’était certainement pas l’idée du siècle, encore moins considérant que c’était une illustre inconnue qui lui faisait cette demande. Mais elle ne parvenait pas à ignorer qu’elle lui demandait de prendre ce risque pour aider l’homme qu’elle aimait. La brune serra la mâchoire, et garda le silence un long moment, en plein monologue avec elle-même, comme si elle pesait silencieusement les pour, et les contre.

Et au milieu de cette débâcle de pensées, et de sentiments, son regard se posa soudainement sur le nourrisson, un peu plus loin, alors qu’elle fronçait les sourcils. Si la nana était celle qu’elle prétendait être, la sœur d’Isha, cela faisait-il de Joséphine la tante du gamin ? Cette pensée, plus qu’aucune autre, sembla la troubler à cet instant. Son enfant aurait-il un cousin avec lequel grandir et jouer ? Et pourquoi c’était cette idée-là, précisément, qui germait à cet instant dans son esprit ? Elle secoua légèrement la tête, comme pour remettre en place ses pensées, et son regard se reposa sur celle qui gardait toujours religieusement la porte. « -Parle-moi de lui. » dit-elle simplement, tandis qu’elle croisait les bras sur sa poitrine, attendant que l’inconnue lui parle d’Isha, de sa situation, de ce qui se passait à l’arène.

L’archère découvrit que Joséphine et Isha se connaissaient d’avant l’accident et, sans qu’elle le montre, cela la toucha un peu d’apprendre que son petit frère ne l’avait pas oubliée avant son amnésie. Il n’avait que 6 ans quand elle avait fini sur le trottoir et 8 ans quand elle s’était faite passée pour morte. Il aurait très bien pu oublier celle qui avait fait de son mieux pour palier l’absence d’une véritable mère avant son accident ou fuir le sujet avec sa petite amie. Deena resta, une nouvelle fois, parfaitement impassible et stoïque, ne faisant aucun geste susceptible d’aggraver la défiance de Joséphine. Elle comprenait cette réaction et n’était pas portée sur le jugement, hormis lorsqu’elle devait sélectionner une victime, ce qui n’était pas le cas actuellement. Elle se contenta de ponctuer la remarque de Joséphine sur sa façon d’appeler son père d’un « Qu’il soit fou, qu’il ait osé parier Isha et Dylan au poker et les perdre, qu’il ait essayé de me tuer, qu’il ait fait beaucoup de mal a sa famille ou aux autres ne change rien au fait que c’est le seul père que j’ai. » Et contrairement a Isha et aux autres Cornwell Juniors, elle avait connu l’homme avant que la folie ne le prenne pour l’entrainer, lui et les siens, vers un enfer sans fin. Cela avait été dit sans aucune agressivité, comme si elle faisait juste une annotation dans un discours pour apporter une précision afin que les gens puissent mieux apprécier les faits. Très certainement qu’elle aurait, comme ses frères, préféré une autre famille, mais, malheureusement, personne ne choisissait. Qui plus est, elle-même aurait eu du mal à renier le sang dans ses veines au regard de ses « petits travers ».  Deena respecta le silence de la jeune femme et douta lorsqu’elle la vit regarder, un peu trop pensivement, Nayati. Et si elle devinait la vérité sur le bébé ? Cela lui paraissait improbable mais elle avait appris à se méfier de tout, même de l’impossible. Finalement, Joséphine se détourna de l’enfant pour faire une demande raisonnable. La Cornwell ne se posa même pas la question de qui elle voulait qu’elle lui parle. « C’est difficile a dire exactement. Il ne se souvient plus de moi, a ses yeux, je ne suis que la femme de son ami, du moins, quand il est assez lucide pour voir que je suis là et que j'arrive à l'approcher. Joshua veille a se que je ne puisse pas l’aider. Il a même failli me tuer pour garder sa prise sur lui. » Doucement elle leva ses mains, dégageant ses poignets qui portaient encore les marques des entraves et de sa captivité au zoo de Detroit. C’est avec son ton de praticienne médicale qu’elle continua: « J’ai cru comprendre qu’il avait déjà eu des troubles dissociatifs de la personnalité en réponse a un choc émotionnel violent. Je pense qu’il est soumis à un stress intense et a un conditionnement qui génèrent des hallucinations auditives et visuelles mais que nous ne sommes pas encore dans une pathologie irréversible. Il a des moments d’apathie complets alternés avec des phases de grandes agitations. A mon sens, Joshua essaye de le briser mais pour le moment il résiste. Il le laisse espérer pour mieux lui prouver qu’il est seul et sans espoir. Ton absence est son meilleur argument pour lui faire douter de tout. » Deena hésita. « Je ne sais pas si Isha t’a parlé de son enfance. Même s’il ne s’en souvient pas, il porte les stigmates d’un enfant que personne ne voulait et que tout le monde a abandonné, tôt ou tard. Père le sait et joue dessus. Actuellement, je crois qu’il pourrait lui faire croire n’importe quoi tellement il s’acharne sur lui. » Un sombre tableau dépeint sans surplus d’émotions. La jeune Cornwell préféra taire les cris de son frère, ses accès de colères destructrices ou ses supplications plaintives a une Joséphine invisible pour les autres. « Il faut que tu le voies. Il faut qu’il sache pour se reprendre avant qu’on ne le perde pour de bon. Tu es la seule qui pourra peut-être lui prouver qu’il n’est pas le monstre que notre père veut qu’il devienne.»

HRP:

Tandis que Deena narrait les différents exploits et attentions de Joshua envers ses enfants, et qu’elle expliquait pourquoi elle se bornait à l’appeler « papa », Joséphine tira une chaise, sur laquelle elle s’installa, tandis qu’elle laissait un ricanement désabusé quitter ses lèvres. « -Tu parles d’un père… » marmonna-t-elle entre ses dents, son regard accrochant une nouvelle fois la photo. Elle n’avait jamais eu de père, lui qui avait toujours été absent de sa vie. D’ailleurs, la brune doutait même que ledit géniteur ai même été au courant qu’un enfant partageait son ADN, quelque part en Amérique latine. Telle qu’elle connaissait sa mère, Marianne s’était fait sauter un soir par un inconnu, et neuf mois plus tard, Joey pointait le bout de son nez. Si ça avait été dur ? Peut-être par moment, et la pompier estimait que ce n’était difficile que parce qu’elle avait eu une mère démissionnaire qui préférait courir les bars, et les hommes, et qu’elle en oubliait parfois qu’elle avait une fille qui avait besoin d’un minimum d’attention. Voilà pourquoi elle n’adhérait pas vraiment aux explications de Deena, mais après tout, chacun se murmurait ce qu’il préférait pour mieux dormir le soir, ou justifier ses actes.

Si en apparence Joséphine s’appliquait à rester parfaitement neutre et détachée des paroles qu’elle entendait, sa mâchoire, elle, se crispait davantage à chaque nouveau prononcé par sa potentielle belle-sœur. Elle avait beau chasser les images qui s’immisçaient avec force dans son esprit, elles revenaient au galop, rendant la lutte de la jeune femme impossible. Elle avait déjà vu Isha au trou, avait dû faire face à ses réactions, à son comportement dans cet endroit abject qu’il détestait par-dessus tout, si bien qu’elle parvenait à visualiser l’état dans lequel devait être le jeune homme avec une réalité qui lui faisait froid dans le dos. La bouffée de haine qui s’emparait d’elle quand elle pensait à Joshua ne tarda pas à pointer le bout de son nez, aussi dévastatrice qu’à chaque fois. Dieu, ce qu’elle haïssait ce type qui l’avait forcé à fuir cet endroit qu’elle apprenait à considérer comme son chez elle, et pire que tout, à l’éloigner de l’homme qu’elle aimait. Joséphine était restée profondément pacifiste malgré l’apocalypse, mais Joshua semblait être l’exception qui confirmait la règle, elle qui se pensait prête à le tuer de ses propres mains s’il le fallait, pour les débarrasser de sa toxicité et de sa malsanité.

Quand Deena sembla émettre l’hypothèse que Joey était la seule susceptible de permettre à Isha de ne pas perdre totalement pied avec la réalité, la pompier releva vivement la tête, et ne put retenir les éclairs qui ombrageaient une nouvelle fois son regard miel. Était-elle venue uniquement dans le but de faire culpabiliser Joséphine ? Cette dernière prit son temps pour déglutir, et calmer par la même la colère qui grondait toujours en elle, juste sous la surface. « -Et qu’est-ce que tu suggères exactement ? Je ne peux pas retourner à l’arène tant que Joshua y est encore… » Pas si elle tenait à sa vie, et à celle de l’enfant qui grandissait paisiblement en elle par la même occasion. Et si elle en croyait la situation, il n’y avait manifestement aucune chance pour que Deena parvienne à faire sortir en douce Isha de l’arène pour venir le mettre en sécurité derrière les barricades de Fort Hope. Joséphine soupira de dépit, avant de fermer quelques infimes secondes les yeux. « -Declan ne lui a pas donné ma lettre ? J’avais tout expliqué dedans…pourquoi j’étais parti, qu’il ne fallait pas écouter Joshua, et aussi qu’Isha ne m’avait jamais fait le moindre mal… »

Deena eut le plaisir de voir que la jeune femme ne restait pas de glace devant ses explications. Peut être l’aiderait elle finalement. La jeune Cornwell n’était pas du genre à baisser les bras ou à s’engager dans une guerre perdue d’avance, pour autant, elle était parfaitement consciente que, sans Joséphine, elle devrait choisir entre essayer de sauver ce qui restait de son petit frère ou se débarrasser de son père. Les deux options seraient difficilement cumulables. « Declan a apporté ta lettre. Joshua a immédiatement tout fait pour le décrédibiliser et assurer qu’elle était un faux. Declan ne manque pas de loyauté, mais, disons que tu n’as pas choisi le meilleur messager pour cette mission. Dès qu’il essaye de se justifier il a l’art et la manière de se tirer des balles dans les pieds tout seul. De plus, avec cette action stérile, il est sur la liste de papa et c’est un autre sujet qui ne va pas dans mes intérêts. » Ce point était parfaitement discutable. La perte de l’archer était elle vraiment une catastrophe sur le plan existentiel de Deena ? A tout bien réfléchir, Sam était son oncle, elle allait forcement l’approcher incessamment sous peu et elle était assez certaine qu’il trouverait une once de satisfaction à la revoir. Certainement suffisamment pour qu’elle puisse profiter de son hospitalité sans avoir à supporter un abruti en capuche comme pseudo mari. Et pourtant, pour une raison qu’elle n’expliquait pas, elle ne pouvait se résoudre à laisser ce benêt se faire tuer aussi stupidement. « Declan est le père de Nayati, j’apprécierai qu’il survive le temps que je trouve le moyen de tuer papa. » Une fois de plus, Deena évoquait des faits, juste des faits, rien de plus ou de moins. Aucune émotion excessive ne vint perturber l’énonciation de ce qui devait être des informations déstabilisantes pour la jeune fille en face d’elle. Entre l’annonce d’une paternité et celle d’un meurtre, il y avait de quoi surprendre. « Il faut que tu puisses voir mon frère. Il doit entendre de ta bouche qu’il est innocent. Papa l’a conditionné encore et encore. Toute son emprise n’est basée que sur un fait : ton absence. Pour lui c’est la preuve de tout. Je ne te demande pas d’aller sottement te faire tuer par Joshua. Ca serait une perte de temps et un gâchis. Il faudrait un rendez vous secret, loin des yeux de papa, donc de l’arène et de Fort Hope. Je m’occuperais d’emmener Isha. Toi, prends des accompagnateurs si cela peut te rassurer, mais soit prudente, Joshua a des « amis » ici qui lui rapportent tout et qui t’ont particulièrement à l’œil. » Deena regarda une minute Joséphine en se demandant si elle aurait les épaules pour être la compagne d’un Cornwell tel qu’Isha. « Je ne peux pas quitter Fort Hope dans l’immédiat, ça te laisse un peu de temps pour réfléchir, mais, si tu parle de moi ou de Nayati, Joshua précipitera ses projets. Declan risquerait de ne pas passer la nuit moi et mon fils serons en grandes difficultés aussi, mais le pire sera que Joshua quittera l’arène avec Isha et que nous risquons de les perdre pour de bon. »

HRP: