Lyanna ressera sa prise autour de son M16 déchargé, toujours inquiète dès qu'elle devait faire une exploration dans une zone encore non-nettoyée. Elle avait vu trop de monde mourir ou se transformer sous l'infection pour prendre ces sorties à la légère. Bien sûr, elle savait que ses camarades n'hésiteraient pas à la tuer si elle venait à se faire infecter, mais ce n'était pas pour autant qu'elle voulait subir, même pendant quelques minutes, cette maladie affreuse.

Un bruit soudain la fit se retourner, pour voir un groupe d'oiseaux sortir d'un arbre et commencer leur vol. Elle se retint de se mettre une claque, agacée par la façon dont elle sursautait pour rien. Ces sorties dans le Michigan étaient mauvaises pour sa paranoïa, mais il fallait bien refaire les stocks de Fort Hope, et bientôt, ils devraient aller hors de l'Etat pour trouver leur bonheur. Entre la communauté bien installée et les indépendants, il ne restait plus grand chose d'utile aux alentours de Detroit...

Ils parcoururent encore quelques mètres dans un calme impressionnant, leurs pas résonnant entre les ruines, rappelant à Lyanna les films d'horreur que son mari aimait tant aller voir, avant... Il n'avait jamais compris comment elle pouvait soigner les pires blessures en gardant sa sérénité mais être incapable de ne pas se cacher les yeux devant les grossiers effets spéciaux de ce genre de films. Mais il aimait la sentir se blottir contre lui chaque fois qu'elle prenait peur, et comme elle était sensibleaux jumps scares, elle passait une grande partie de ces films la tête contre le torse de son mari.

Lyanna dut sortir de ces pensées quand un groupe d'infectés leur tomba dessus. Elle administra un coup de M16 dans la tête du plus proche d'elle, sentant presque une joie folle en entendant son crâne exploser sous la violence du coup. Elle recula de quelques pas pour voir le groupe, tandis que ses camarades d'exploration commençaient à attaquer avec leurs propres armes. Un rôdeur sans nez commença à se diriger vers elle et elle l'envoya valser contre un mur, satisfaite de voir sa tête heurter violemment une poubelle à l'abandon entre deux immeubles, lui explosant le crâne.

Le reste de son groupe avait neutralisé les rôdeurs restants et ils purent se remettre en marche, nettoyant leurs armes avant que les résidus des corps en décomposition ne sèchent et ne deviennent impossible à retirer. Le chef d'exploration sortit une carte et ils se mirent autour, cherchant à se repérer entre la carte pré-apocalypse et la vision actuelle de leur environnement, avec ses bâtiments écroulés et ses ruines bouchant certaines des anciennes artères de la ville dans laquelle ils se trouvaient.

Ils décidèrent de se séparer pour récupérer plus vite ce dont ils avaient besoin, restant quand même à portée de cris en cas de besoin. Se trouver seul face à un groupe de rôdeurs n'était pas conseillé, et chacun d'eux restait utile à la communauté de Fort Hope.

Lyanna se dirigea avec lenteur vers un drugstore assez mal protégé, et elle écarta facilement les barricades montées à la hâte, avant de passer à travers le cadre de la baie vitrée, faisant crisser le verre brisé sous ses bottes militaires. Elle sortit son zippo de sa poche, l'allumant doucement pour mieux voir son environnement et ne pas buter contre un étalage, au risque de tomber ou pire, de faire assez de bruits pour rameuter des rôdeurs.

« Il y a quelqu'un ? » demanda-t-elle.

Elle ne voyait, ni n'entendait personne, mais elle avait l'intime conviction d'être observée. Et elle faisait confiance à son instinct, qui ne l'avait jamais trahi. Elle continua donc de surveiller autour d'elle, sur ses gardes, tout en regardant les produits du drugstore, cherchant de quoi ravitailler l'infirmerie de Fort Hope.

Sortie tout droit de sa planque, une espèce de hangar abandonné où elle avait laissé son pickup, en espérant ne pas se le faire voler, elle était allée chercher de quoi se nourrir, et désinfecter sa blessure au front. Toujours aux aguets, elle essayait de ne pas se faire remarquer, avançant doucement, chaque pas étant mesuré. Elle avait attaché son arme dans la lanière de son sac, en espérant ne pas avoir à la dégainer, comme elle n'était pas encore très douée pour tirer. Elle se débrouillait, là n'était pas le problème, et elle touchait toujours sa cible.. Mais jamais à l'endroit attendu. Pourtant, lorsqu'elle était encore une recrue en apprentissage pour le FBI, elle savait bien se servir de son arme. Mais le stress pour sa vie lui avait bien souvent joué des tours, et fait gaspiller des munitions. Alors, elle essayait de faire le plus attention possible pour ne viser qu'une fois. Et heureusement, au bout de son arme, elle avait réussi à trouver un silencieux, qui lui permettait presque de passer incognito, quand bien même ça ne faisait que diminuer le bruit, et pas suffisamment à ses oreilles.

Leah avait attendu sagement qu'une horde de mort-vivants ne passe pour enfin sortir de son trou, et de se mettre à courir le plus rapidement possible vers ce qu'elle avait vu des jours avant : une ancienne zone de commerce, qui ressemblait désormais plus à un western qu'autre chose, une image de ruines, d'abandon. Un film en noir et blanc n'aurait pas aussi bien rendu de lui-même pour faire comprendre que quelque chose s'était passé ici. Quelque chose que personne ne savait nommer réellement. La jeune femme aurait pu paniquer, et rebrousser chemin dans le hangar qu'elle avait trouvé si elle n'était pas passé par des moments de peur extrême, et qu'elle n'avait pas eu à manager avec. Elle savait que c'était compliqué. Elle savait ce qu'elle avait perdu. Mais à ce moment précis, elle avait besoin de vivres et de soins. Ce n'était qu'une arcade sourcilière ouverte. Elle, elle craignait que ça n'attire des infectés atteint du virus vers elle.

Cachée derrière son arbre, elle avait attendu le meilleur moment pour entrer dans l'arrière boutique. Elle avait entendu du bruit mais, contrairement à certains autres de ses camarades de classe, elle ne savait pas bien distinguer de s'il venait à sa droite, sa gauche, devant ou derrière elle. Avec la hauteur de la végétation dans ce coin, elle avait l'impression que le bruit résonnait au dessus d'elle. Et elle ne savait indiquer sa direction. Un comble pour une musicienne. Mais le son qui lui semblait monter encore et encore ne lui indiquait qu'une chose : il était temps d'entrer, si elle ne voulait pas se retrouver avec des ennuis.

C'était une droguerie. Une ancienne et abandonnée qui sentait la poussière, qui failli la faire tousser. Manche sur sa bouche et son nez, elle essayait de ne pas indiquer sa présence, ne sachant pas vraiment ce et qui se trouvait là-dedans. Peut-être que le bruit venait d'ici. Et qu'elle venait juste de s'enfermer dans un tombeau grand format. Elle entendit un bruit de briquet, et, peut-être par surprise, respira, avalant de la poussière, ce qui lui provoqua la quinte de toux qu'elle essayait de retenir. Elle alla se cacher bêtement dans un coin de mur, posant sa main sur son arme, prête à la brandir. «Oui.» tenta-t-elle d'affirmer le plus fermement possible, en essayant de ne pas laisser sa voix tressaillir ni dérailler par l'appréhension. «Qui êtes-vous ?» lança-t-elle durement, sans pour autant sortir de sa cachette, dans le noir.

Attendant que la personne l'observant ne se signale d'elle-même, Lyanna attrapa les quelques sachets alignés devant ses yeux, cherchant la date de péremption à la lueur du zippo, soupirant en voyant que peu importe l'aliment contenu dans l'emballage, il était périmé depuis bien longtemps. Elle les reposa, un peu désespérée, avant d'avancer un peu, cherchant n'importe quoi à ramener à Fort Hope. Elle n'était pas vraiment inquiète, se disant que si l'autre était agressif, elle aurait déjà été attaquée.

Finalement, elle entendit une voix féminine, plutôt jeune, émerger du silence. La jeune femme semblait avoir un peu peur, si elle en croyait les quelques trémolos qu'elle avait entendu. Lyanna se tourna doucement vers l'endroit d'où provenait la voix, tendant le zippo devant elle de manière à ce que l'autre voit son visage, et juste un peu de son uniforme. Histoire qu'elle se sache face à un militaire sans pour autant faire peur.

« Je suis Lyanna Byrne. Je fais partie de la communauté de Fort Hope » se présenta-t-elle.

Un nom qui devrait dire quelque chose à son interlocutrice, puisque c'était un nom plutôt connu dans le Michigan maintenant. Pour de bonnes ou de mauvaises raisons, vu les actes de certains de ses camarades de l'armée... De toute façon, son uniforme ne trompait pas sur son affiliation, et elle n'avait pas cherché une autre tenue d'exploration. Elle espérait juste que l'autre ne l'attaque pas juste pour son appartenance à l'armée.

Lyanna avança de quelques pas en direction de la voix, jetant de fréquents regards vers le sol pour ne pas glisser ou tomber sur le sol pas vraiment pratiquable. Entre les objets tombés au sol, et les morceaux de bois éclatés qui avaient dû servir de protection à une époque, elle ne se sentait pas du tout en confiance et espérait que ce ne serait pas le moment où sa maladresse allait ressortir.

« Et vous, qui êtes-vous ? » demanda-t-elle, se forçant à tutoyer son interlocutrice même si elle lui semblait très jeune.

Elle s'immobilisa quand elle put percevoir au bout de son zippo la silhouette de l'autre femme, voulant lui laisser le choix. Elle savait qu'ils étaient sensés récupérer tous les indépendants croisés sur leur route, mais elle ne voyait pas l'utilité d'obliger les gens à vivre dans leur communauté. Déjà, parce que les enlever, plus ou moins, les forçait aussi à les surveiller une fois établis à Fort Hope ; et surtout parce qu'elle se posait de plus en plus de questions sur les agissements des militaires et qu'elle était incapable d'obliger quelqu'un à la suivre dans quelque chose auquel elle ne croyait plus.

« Vous êtes blessée ? Vous avez besoin d'aide ? » questionna-t-elle, son inctinct professionnel reprenant le dessus.

Elle savait qu'elle n'était pas sensée soigner les gens hors de la communauté, mais elle avait aussi appris qu'il ne fallait pas laisser des gens blessés derrière elle et... Quitte à choisir, elle préférait prendre soin des gens, qu'importe d'où ils venaient !

Dans l'obscurité de sa cachette, elle sent son cœur qui s'emballe. Son cœur qui souffre, tambourinant dans sa poitrine. Elle est faite. Elle a l'impression qu'à tout moment, le sol peut se dérober sous ses pieds, mais elle ne pourra pas s'échapper, elle en est certaine. Pire encore, elle a l'impression d'avoir fait l'erreur de sa vie en s'étant signalée. Bon sang, le passé ne lui apprenait vraiment rien, à Leah. Elle a beau s'être trouvée dans des situations extrêmes, dans une secte, et devoir vivre d'elle même, en laissant sa vie, et surtout ses parents derrière elle, elle n'est pour autant toujours pas l'ombre d'une survivante. Et pour tout cela, elle a l'impression d'être une sorte d'imposteur, une pauvre fille qui aurait pu mourir d'un moment à l'autre. Rien de bien glorieux, en somme. Les yeux fermés, elle regrette désormais d'être entrée ici. Elle qui espérait trouver de quoi se guérir, voilà que désormais, elle avait mis sa vie en péril. Elle regarde son arme qu'elle a sans cesse avec elle, comme un doudou ou une sorte de protection. Elle sera prête à l'utiliser, quand bien même elle a perdu l'effet de surprise, en déclarant sa présence. Elle est faite.

«Qu'est-ce que ça peut bien vous faire, qui je suis?» qu'elle crache, loin d'être en mesure de faire confiance à la moindre personne. Fort Hope. Certainement un nouveau camp dont elle ne veut pas faire partie. Elle soupire, en repensant aux différents camps qu'elle a cotoyé durant toutes ces années assez compliquées pour elle. Si la vie avait décidé autrement, elle aurait peut-être pu changer d'avis et se laisser facilement approcher. Mais elle est devenue sauvage après tout ce qu'elle a pu endurer. Et dans le fond, elle se préfère comme ça, quitte à s'imaginer être une guerrière qu'elle n'est pas. Finalement, elle soupire quand, sorti du néant, la femme lui demande si elle était blessée. Elle sait. Elle sait. Comment, elle l'ignorait. Mais si ça se trouve, son interlocutrice l'a vue, et était entrée dans le but de la piéger. Sauf que Leah, elle ne veut pas mourir, pas comme ça, pas sans avoir trouvé un but dans toute sa vie. Sans avoir su trouver de but à toute cette survie qu'elle a fait, plutôt que de demander qu'on lui tire une balle en pleine tête, et que finalement, elle n'ait plus qu'à oublier. Elle fait un pas en avant, comme si tout à coup, elle s'était décidée à lui accorder le bénéfice du doute. Sauf qu'elle ne se sent pas prête, et qu'elle agit comme machinalement, comme si elle était guidée par son corps et non sa tête, qui hurlait à tous ses membres de s'arrêter, sans qu'ils ne l'écoutent. «Comment vous le savez ? Qu'est-ce qui me fait croire que je peux vous faire confiance ?» lâche-t-elle, les dents serrées, prête à attaquer s'il le faut, même si elle sait pertinemment qu'elle n'aurait jamais l'avantage.

La jeune femme semblait méfiante, et Lyanna ne pouvait pas lui en vouloir. Si les Américains n'avaient jamais été un peuple très confiant, elle devait avouer que l'infection avait aggravé encore les choses. Dur de faire confiance quand l'autre pouvait nous infecter ou nous tuer avant que l'on puisse s'en rendre compte... Sale époque pour les gens aussi naïfs qu'elle, qui était toujours prête à se montrer ouverte et à l'écoute. C'était même exceptionnel qu'elle ne se soit pas déjà pris une balle par quelqu'un gêné de son accueil si souriant - surtout avec l'uniforme militaire. L'armée n'était que rarement bien acceptée en dehors de Fort Hope.

Elle avait beau être sensée récupérer toutes les personnes indépendantes pour les ramener dans la communauté, elle restait cependant discrète pour ne pas attirer l'attention de ses "collègues" - ils connaissaient son attraction pour les pharmacies et la laissaient généralement tranquille, à râler devant les étalages de produits périmés, cherchant à savoir ce qui pouvait encore être donné sans trop de dommages. Si au début, elle avait culpabilisé de laisser des gens seuls dans le monde si hostile qu'étaient devenus les Etats-Unis ; elle se disait maintenant qu'au bout de trois ans, les gens restés indépendants étaient sensés être autonomes et ne pas mourir connement.

« Vous n'êtes pas obligée de me donner votre nom » répondit-elle doucement.

Lyanna avait l'impression que son interlocutrice était sauvage. Fière et indépendante, mais ayant oublié comment communiquer avec d'autres humains. Ce qui en soit n'était pas très étonnant. Se méfier de tous et rester isolé de longs mois devaient bien aider à perdre toute trace de cette éducation humaine, de ce visage public qu'ils avaient tous eu, leur permettant de parler avec les autres sans communiquer leurs émotions.

A la lueur du zippo, elle vit pourtant la jeune femme se radoucir, semblant réfléchir à son prochain mouvement. Lyanna s'efforce de garder une posture neutre, ne voulant pas effrayer la jeune femme et lui laisser l'espace de fuir si elle en éprouvait le besoin. C'était à elle d'accepter de faire un pas vers Lyanna, sinon elle ne se laisserait jamais examiner. Ce que l'infirmière ne pouvait qu'espérer, un peu inquiète de cette blessure au front, pouvant cacher un état bien plus grave.

« Je vois votre blessure » dit-elle calmement, pointant doucement son front quand la jeune femme se demanda comment Lyanna avait pu deviner sa blessure. « Et c'est à vous de décider si vous me faites confiance ou non. »

Elle restait calme, sachant que c'était le meilleur moyen d'amener la jeune femme à collaborer. Montrer une lueur d'inquiétude ne ferait que la pousser à fuir plus loin. Ce que Lyanna ne voulait surtout pas, même si elle savait qu'elle ne la retiendrait pas bien longtemps. Si elle arrivait déjà à la soigner, elle s'en estimerait heureuse.

« Vous vous êtes fait ça comment ? » demanda-t-elle, d'un ton calme.

Une blessure à la tête ne pouvait que la pousser à imaginer un traumatisme crânien, et elle aimerait en savoir plus avant que la jeune femme ne tombe inconsciente ou ne se mette à vomir un peu partout. Elle est trop loin pour que Lyanna ne puisse la retenir, et les vomissements ne l'ont jamais fait que se sentir nauséeuse à son tour... Elle sentait pourtant que des questions trop précises mettraient la femme mal à l'aise, aussi se retint-elle de trop la presser, priant juste pour avoir une réponse précise, et utile médicalement.

Lyanna attendait d'en savoir plus avant de proposer de nouveau son aide au niveau de soins, ayant besoin de la confiance de sa - peut-être - future patiente avant de sortir sa trousse de secours. Elle se doutait que pour le moment, si elle commençait à fouiller son sac pour en sortir de quoi soigner n'importe quel petite blessure, elle ferait plus peur qu'autre chose à son interlocutrice - qui ne s'est d'ailleurs toujours pas présentée.

Elle se sent en sécurité ici. Enfin, dans le noir, elle a moins de chance de se faire repérer. Même si elle sent qu'elle doit choisir. Choisir entre fuir et risquer de se faire tuer, ou bien de faire confiance à son interlocutrice. Elle est arrivée devant une impasse, pour la première fois depuis trois ans de course effrénée pour survivre. Et jusqu'alors, elle a survécu. Alors, pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Elle qui n'a jamais voulu plus que juste en arriver à essayer de vivre plutôt que juste survivre. Elle a le pressentiment qu'elle va mourir. Même si la femme qui est face à elle semble douce, calme, et plutôt gentille. Pourquoi est-ce qu'elle l'aiderait, si c'est pas encore pour l'enrôler dans une secte ou un camp où on va esclavager ?
Elle ne peut s'empêcher de rire quand l'autre femme lui fait remarquer qu'elle n'est pas obligé de lui donner son nom. «Encore heureux, parce que vous ne l'auriez pas eu de toute façon.» Elle avait encore ses airs d'enfant, ses réactions parfois immatures. Mais dans le fond, alors que les minutes passent, elle a l'impression étrange qui s'installe au fond de ses tripes : elle peut lui faire confiance. Mais... vraiment ? Est-ce qu'elle le peut vraiment ? Non. Toutes ses années, sa confiance, elle l'a donnée aux mauvaises personnes, qui s'en sont toujours servi contre elle. Elle ne peut pas se dire que cette fois-ci serait la bonne. Pas cette fois. Pas encore. Les souvenirs l'emprisonnent, et elle n'a pas d'autre choix que d'essayer d'avancer avec ses chaines. Trop lourdes, trop grosses.
Pourtant, elle fait un pas en avant. Puis deux. Sortie de l'ombre qui la cachait à peine, par laquelle la brune a su voir ses blessures, elle se sent plus vulnérable que jamais. Mais avec ce sang qui coulait de son arcade, elle n'avait pas vraiment de choix. Elle devait faire quelque chose. Il essaie de ne pas montrer sa peur, et pourtant : elle transpire l'angoisse par toutes les pores de son corps. L'agressivité, quant à elle, reste sa meilleure arme. Et elle se sentait prête à sortir son flingue à toute occasion. «Disons que je vous fais confiance. Pour cette fois.» Histoire d'être moins repérable avec le sang qui par moment décidait de couler à flot. Elle prend un tabouret qui était derrière le comptoir, et s'assied dessus. «J'en sais rien. Je courais pour m'enfuir. Et sur le chemin, le temps d'arriver à un endroit safe, je me suis trouvée avec le sourcil en sang, la vue brouillée par le rouge.» Etre breve. C'était vraiment ce qu'elle savait le mieux faire. Et elle a appris à faire de cette qualité une vraie force. Sa meilleure alliée. Elle qui avance seule a, de toute évidence, appris par elle même à ne plus trop parler. Le silence, c'est devenu sa force morale, mentale, ce qui lui permet au mieux de survivre. Elle se laisse faire, mais elle reste sur ses gardes. «Qu'est-ce que vous faites dans les rues vides, comme ça ?» demande-t-elle en retenant la réflexion qu'une fille comme elle doit surement avoir un camp. Et qu'elle aurait certainement dû faire partie de ceux qui restent sous la protection de ce camp.

Ce n'est qu'une enfant en face d'elle. Lyanna doit se le dire plusieurs fois, essayant de se convaincre. Parce que les trois dernières années n'ont pas laissé grand chose de l'enfance chez la jeune femme face à elle, à part ces joues encore un peu rondes, malgré le manque de nourriture. Lyanna avait juste envie de l'attraper et de rentrer à Fort Hope avec elle, pour la protéger et chasser de son regard les pensées trop sombres.

Elle s'efforça de ne pas bouger, attendant que l'autre se sente à l'aise. Elle sentait la jeune femme prête à s'enfuir au moindre geste, et ce n'était absolument pas son but. Elle voulait juste la soigner, avant qu'elle ne reparte dans son coin. Si Lyanna interprétait correctement le langage corporel de la jeune femme, elle se sentait forcée de rester, et elle ne la suivrait certainement jamais, à Fort Hope ou ailleurs. Pas qu'elle puisse lui en vouloir - elle a entendu des histoires de groupes avec des esclaves, faisant des choses terribles à certains membres, notamment les femmes. Quelque part, rester dans l'armée l'a bien protégée.

Toujours immobile, Lyanna laissa son interlocutrice s'approcher, jusqu'à s'asseoir sur un tabouret, de l'autre côté du comptoir. Proche mais en même temps avec une barrière entre elles. Consciente de l'angoisse de la jeune femme, qui commençait à la contaminer, Lyanna sortit doucement sa trousse de soins. Lentement, elle l'ouvrit, laissant la jeune femme voir ce qu'il y avait à l'intérieur.

« La blessure n'a pas l'air profonde » remarqua Lyanna une fois que l'autre lui eut expliquée ce qu'elle savait du moment où elle s'était blessée. « Je n'aurai sans doute pas besoin de recoudre. Vous voulez essuyez votre arcade avec le désinfectant ou je le fais ? »

Lyanna tendait la compresse imbibée de désinfectant vers l'inconnue, tentant un sourire réconfortant. Elle savait que le geste allait piquer, et vu la méfiance de la jeune femme, elle ne voulait pas entrer dans son espace personnel sans autorisation. Personne ne se déplaçait sans armes par ces temps troublés, et Lyanna ne rêvait pas de se prendre une balle en tentant de soigner quelqu'un.

« Je viens du camp de Fort Hope » répondit-elle à la jeune femme. « Je suis avec un petit groupe, on cherche du matériel pour le camp. »

Inutile de lui mentir, parce qu'elle avait l'impression que ça finirait tôt ou tard par se savoir. Et elle n'avait pas l'intention de lui donner une occasion de perdre le peu de confiance qu'elle avait réussi à gagner. Elle posa doucement les trips sur la blessure, avant de poser un pansement dessus.

« Ce sera un peu voyant, mais essaye de ne pas le retirer pendant au moins deux jours » conseilla-t-elle à la jeune femme.

Si elle ressemblait un tant soit peu à la plupart des membres de Fort Hope, Lyanna était prête à parier que le pansement finirait par terre dès qu'elle aurait le dos tourné. Elle avait appris à juste lever les yeux au ciel et ne rien dire.

« Ça va aller toute seule ? » demanda-t-elle, plus pas acquis de conscience.

La jeune femme avait survécu seule pendant trois ans, elle n'était pas prête à avoir besoin d'aide. Lyanna n'était pas très à l'aise à l'idée de la voir repartir seule de son côté, mais elle ne pouvait pas non plus la forcer à rester avec elle.