Je crois que ça va faire une bonne minute que ma main a agrippé le barreau de l’échelle, et que je fixe en l’air sans bouger. Je sens les regards de Logan et Deena dans mon dos, ou plutôt les devine, mais j’essaye de ne pas me formaliser. J’ai besoin de temps, d’un tout petit peu de temps, trois fois rien. Quelques secondes pour envisager le fait qu’après ce qui ressemble à une éternité, je vais enfin retrouver Isha. Je sais que c’est débile, mais je suis un peu fébrile. Mon cœur palpite un peu trop vite dans ma poitrine, et mes mains sont désagréablement moites. Je crois qu’une part de moi à peur de ce qui pourrait se passer, de comment les choses vont se passer. Peut-être aussi de ce que je vais trouver en haut. Mon regard glisse quelques instants sur Deena, avant que mon pied gauche ne se pose sur le barreau, et que je commence ma courte ascension.

Dire que j’ai pensé à autre chose qu’à ce moment depuis que la sœur d’Isha est venue me trouver à Fort Hope serait un mensonge. Ses paroles ont eu le temps de macérer en moi, à l’image d’un fruit qui tourne jusqu’à pourrir, me harcelant nuit et jour. Mes journées soient plutôt oisives, comparées à celles que j’avais à l’arène, ou même dans ma vie précédente, ce qui fait que j’ai tout le temps dont j’ai besoin, et même davantage, pour ressasser mes pensées noires, et me refaire la chronologie des événements qui nous ont conduits à ça. Je ne compte d’ailleurs plus le nombre de fois par jour où je maudis Joshua, et lui souhaite la pire des morts. J’espère que je n’aurais plus jamais à revoir ces petits yeux malsains, et son sourire de diable, le mal incarné.

J’essaye de penser à autre chose, alors que je franchis les derniers barreaux, et me hisse dans une pièce froide et austère. Tout autour de moi, les murs gris, inachevés, d’une construction laissée à l’abandon par l’arrivée des rôdeurs. Quelques pas silencieux dans la pièce me permettent de voir un peu mieux ces affiches aux murs, celles de comics, les mêmes qui auraient sans doute envahi notre chambre si Isha le souhaitait. Les dessins perdent vite mon intérêt, alors que mon cœur, cet idiot, fait un bond dans ma poitrine quand mes yeux se posent sur le dos du brun, dans cette veste en cuir que j’aime tant, alors qu’il semble perdu dans la contemplation d’un vaste plan annoté. Je suis trop loin pour savoir exactement de quoi il retourne, mais j’avoue que ce n’est pas ce qui me préoccupe le plus, à cet instant. Isha ne sait même pas que ce n’est pas Logan qui va est venu le rejoindre aujourd’hui, et peut-être qu’une part de moi appréhende ce qui ne va pas tarder à se passer. Je reste à le regarder pendant encore quelques secondes, comme pour m’imprégner du fait qu’il est là, réellement là. Et quelques instants plus tard…« -Bonjour, Isha… »

J’encaisse le choc en restant aussi droite que possible alors qu’Isha vient à peine de se retourner vers moi. Pendant quelques secondes, il me fixe d’un air absent, comme s’il ne semblait pas vraiment me voir, ou pas vraiment croire à ma présence ici. Bon, pour sa défense, c’est vrai que le fait que je sois là, au beau milieu de cet appart en chantier est plutôt étonnant. Il ne prononce aucun mot, et au lieu de venir vers moi pour me serrer dans ses bras, ce que j’avais imaginé, ou peut-être espéré, il recule davantage, mettant encore plus de distance entre nous. Si ça fait mal, et que ça me fait me sentir rejetée pour une raison que j’ignore, je n’en montre rien, et continue de le fixer en silence, à son image. J’ai l’impression qu’une éternité s’est écoulée avant d’entendre sa voix, ce son si particulier qui m’a manqué à un point que je n’aurai jamais pu imaginer. Je pensais qu’après plus de temps loin l’un de l’autre, il aurait un peu plus de choses à me dire qu’un léger salut, mais j’imagine qu’il vaut mieux ça que rien.

J’inspire profondément parce que oui, j’ai peut-être besoin de rassembler tout mon courage pour avancer vers l’homme que j’aime, ou du moins ce qu’il en reste. Doucement, pas après pas, j’avance vers Isha, et me plante juste devant lui, à peine à quelques pas. J’ai du mal à refréner mon envie de me jeter dans ses bras, de le serrer aussi fort que je le peux, poser ma tête contre son torse, enfouir mon visage dans son cou. Au lieu de ça, je reste parfaitement immobile, même si c’est une véritable torture. Je serre les dents, et pour la première fois face à ce gladiateur qui m’a conquise à sa façon, je ne trouve pas les mots. Ou peut-être y en a-t-il trop qui se bousculent en même temps dans mon crâne, je ne sais pas trop. Je fronce les sourcils, et ouais…peut-être bien que je sens mes yeux s’embuer malgré moi, alors plutôt que de lui infliger ça, je tourne pudiquement la tête, et baisse le regard pour fixer nos pieds. Je reste la tête baissée pendant une éternité, avant de, timidement, tendre la main vers la sienne, pour en effleurer ses doigts chauds, tout doucement. Je ne mesure pas réellement le fait qu’il pourrait se montrer violent, ou avoir une réaction de rejet, puisqu’il n’en a jamais eu à mon égard. « -Isha… » Mes doigts glissent sur les siens, doucement, tendrement même, avec autant de légèreté que si j’avais peur de lui faire mal. Lentement, parce que c’est plus douloureux que je l’avais imaginé en grimpant dans la voiture de Logan, mon regard remonte vers le sien, et s’y ancre, pour de bon cette fois.

Une fois encore, il ne semble pas réagir à ma présence, si proche de lui, ni même à mon contact, alors que mes doigts n’ont pas cessé de caresser les siens. Au milieu de ce brouillard épais dans lequel je me trouve, perdue dans toutes ces incertitudes, je ne sais pas comment ordonner le bordel qui est dans ma tête pour en faire quelque chose de compréhensible, quelque chose qui pourrait avoir du sens. Je ne parviens même pas à trouver quoi dire. Je me noie sans retenue dans le puit sombre que sont ces yeux, et qui ont perdu l’éclat qu’ils avaient jusque-là quand ils se posaient sur moi. Est-ce que les choses sont définitivement cassées ? Est-ce que tout est perdu ? Je ne peux m’empêcher de froncer les sourcils quand je l’entends parler, et demander s’il a le droit de me toucher, ou même si je suis réellement là. Pour le coup, j’avoue que j’ai beaucoup de mal à enchaîner, ou à réagir de suite.

J’attrape sa main, pour de vrai cette fois, et la serre doucement entre mes doigts tremblants et hésitants. « -Je suis là Isha, pour de vrai. » Je ne peux plus détacher mon regard du sien, et même si c’est douloureux, si ça me serre le cœur au point que je sente un poids immense sur ma poitrine, j’essaye de ne rien en montrer. Doucement, je porte nos mains jusqu’à mon visage, et décolle ma main de la sienne, jusqu’à poser sa paume contre ma joue. « -Bien sûr que tu peux me toucher… » J’en ai envie. Non, en fait, j’en ai besoin, plus que jamais. Mon visage se laisse davantage aller encore un peu plus sur sa main chaude, et oui, c’est vrai, je me laisse même aller à fermer brièvement mes yeux, qui sont redevenus humides. Une larme solitaire ne tarde d’ailleurs pas à s’échapper, malgré moi, et coule sur ma joue. Je finis par rouvrir doucement mes yeux pour les reposer une nouvelle fois sur Isha, et lève à mon tour ma main vers son visage, pour caresser sa joue avec délicatesse, sans aucun geste brusque. Mon pouce glisse lentement sur sa pommette, et sa peau douce réchauffe le bout de mes doigts frigorifiés. Je voudrais lui adresser un sourire réconfortant, mais rien n’y fais, et mes lèvres restent figées, malgré moi.

Mon pouce passe délicatement sur sa pommette, puis se perd dans cette barbe de quelques jours qui lui mange une partie du visage. Du bout de mes doigts, je voudrais effacer toutes les traces de tristesse et la peine que je peux lire sur son visage, mais je sais bien sûr que c’est impossible, même avec tous les efforts du monde. Par habitude, je glisse mes doigts dans ses boucles noires, et les dégage doucement de son front, avant de laisser ma main glisser sur son torse. Je ne bouge pas quand, du bout des doigts, il récupère la petite larme qui poursuivait sa course sur ma joue, et j’ai du mal à réagir quand tout à coup, sans crier gare, il m’attire contre lui, et me serre fort dans ses bras. Pendant quelques instants, mes bras restent ballants, comme s’il fallait à mon corps quelques secondes pour se réhabituer à ce contact chaud et réconfortant qui m’a manqué au-delà de l’imaginable. Puis, à mon tour, je glisse mes bras contre lui, sous sa veste, et colle ma tête contre la sienne, mon visage se perdant dans ses cheveux.

Je fais un nouveau pas en avant, et on se retrouve là, collés l’un contre l’autre, pendant ce qui ressemble à une éternité, sans que ça ne semble déranger aucun de nous deux. Je ne parviens pas à retenir les larmes qui menaçaient de me submerger depuis que mon regard s’est posé sur Isha, et elles dévalent librement sur mes joues, puis se perdent dans le cou du brun, et sur sa veste en cuir. J’ignore pendant combien de temps on reste ainsi, enlacés, se nourrissant de la présence de l’autre pour soigner ces plaies que chacun de nous porte. Ça semble durer un bon moment, et en même temps, pas assez au regard de la situation. Je finis néanmoins par me détacher doucement de lui, et attrape son visage à pleines mains, l’attirant à mes lèvres pour embrasser ses joues, et tracer une ligne jusqu’à sa bouche, sur laquelle je dépose un baiser délicat, avant de poser mon front contre le sien. « -Tu m’as tellement manqué… »

Mes mains ont trouvé leur place sur les hanches d’Isha, et je m’éloigne doucement de lui pour pouvoir plonger mon regard dans le sien. Quand il me demande si nous allons rester ensemble désormais, je fronce légèrement les sourcils, et ouvre la bouche, prête à lui répondre qu’il n’y a pas d’autres possibilités pour nous que de repartir ensemble, et de ne plus se séparer, mais je n’ai pas l’occasion de prononcer le moindre mot qu’il se met à débiter des tas de paroles, totalement décousues, à un débit que je ne lui ai jamais connu. Je secoue vivement la tête de gauche à droite, avant de lever une main devant lui pour le stopper. « -Arrête…doucement…Isha, Stop ! » Je pose les mains sur ses épaules dans un geste d’apaisement, et plonge mon regard dans le sien.

Je soupire doucement, en remarquant que ni le passage de Declan à Fort Hope, ni même la lettre que j’ai écrite à l’attention d’Isha n’ont eu le moindre effet. A croire que la parole de son meilleur ami, et de celle qu’il revendique comme sa femme n’ont strictement aucune valeur pour lui. Des mots perdus dans le vent, en somme. J’en veux aussi à cette enflure de Dean, qui s’était engagé à venir entendre ma version des faits, pour prouver l’innocence du gladiateur, derrière les barricades du camp de l’espoir, mais qui a manqué sa parole, sans grande surprise. Je serre les poings, toujours en bonne place sur les épaules du brun, et tente de refouler au fond de mon être cette colère étonnante qui vient d’y monter. « -Ouvre tes oreilles Isha…tu ne m’as jamais fait de mal. » Je détache bien chaque mot, et les répète plusieurs fois, comme pour l’en marteler, en le regardant droit dans les yeux. « -Tu ne m’as jamais blessée. Ni physiquement, ni moralement. » Mes mains glissent de ses épaules, à sa nuque, puis à ses joues. Je n’en reviens pas que nous en soyons arrivés à ce stade, à une telle situation.

Je pince doucement les lèvres l’une contre l’autre, et ne peux m’empêcher de soupirer une nouvelle fois, de façon presque imperceptible. « -C’étaient des mensonges…rien que des mensonges Isha. Des bobards inventés par Joshua, juste pour te faire souffrir. Tu ne dois plus écouter un seul des mots qui sortent de sa bouche. Rien de ce qu’il dit n’est vrai. » Je reste silencieuse un moment, détournant le regard quelques instants, avant de plonger une nouvelle fois mes yeux dans ceux du brun. J’ai l’impression de parler à une coquille vide, et je sens une pointe de découragement naître dans ma poitrine. Rien de ce que je dirais ne pourra le faire changer d’avis, ou même accepter le fait que Joshua ai pu le manipuler, et qu’il ai tout gober, sans se méfier du venin de la vipère. Pourtant…impossible de baisser les bras, ou de renoncer. « -On va rentrer ensemble, d’accord ? Tu vas venir à Fort Hope avec moi, une maison nous y attend, notre maison. Joshua ne pourra plus jamais te faire de mal là-bas, il ne pourra plus t’atteindre, tu seras en sécurité… » Je caresse une nouvelle fois sa joue, me rendant compte qu’après toutes ces semaines sans lui, le contact de sa peau m’a manqué plus que de raison. « -Et on sera ensemble. »

J’ai du mal à ne pas être déstabilisée quand Isha se rapproche de moi, et à cette espèce de rire sans vie au creux de mon oreille. Sérieusement, il trouve vraiment que c’est le moment de faire dans l’humour ? Il ne comprend pas le sérieux de la situation, sa gravité ? Je reste immobile, alors que son visage se retrouve dans mon cou, et je me crispe malgré moi à ses paroles. Putain, quoi, encore ?! Je me détache de lui un peu trop brutalement que ce que je le voudrais, mais mon sang bouillonne dans mes veines, et annihile mes capacités à réfléchir. A garder mon calme, surtout. « -Mon nouveau mec ? Mon nouveau mec, Isha ? » Ouais d’accord, me mettre à crier n’est peut-être pas une très bonne idée, j’en conviens. Mais putain, c’est insupportable d’entendre ces mots-là sortir de sa bouche, aussi souvent. « -Aaron est mon meilleur ami. Mon frère. Mais jamais, jamais il n’y aura une autre relation entre nous. Ce n’est pas à lui que j’ai confié le collier de Naya, ce n’est pas pour lui que j’ai risqué ma vie à plusieurs reprises, pas pour lui non plus que j’ai quitté la sécurité de Fort Hope alors qu’un dégénéré m’a promis une mort plus que douloureuse. Si t’arrives pas à me faire confiance, et que tu doutes tout le temps de moi, de mes sentiments, de nous même, putain, on va pas aller bien loin ! » Je le fixe d’un regard un peu dur, avant de me détourner, me rendant compte que ma réaction n’était sans doute pas la plus appropriée. Mais putain, ce qu’il peut m’agacer quand il fait ça !

Dos à lui, je serre les poings plusieurs fois à la suite, sentant la colère redescendre, presque aussi vite qu’elle est montée. Ma main se pose une infime seconde sur mon ventre, alors que je prends une longue inspiration, et me décide à lui faire face de nouveau. « -Tu as raison. Les choses ne redeviendront pas comme avant. Mais ça ne veut pas dire qu’elles ne seront pas bien malgré tout. Merde Isha, regarde tout ce par quoi on est passés. Par quoi moi je suis passée, celle que t’as oublié, et qui vit avec nos souvenirs tous les jours. On mérite notre putain de happy ending, sans drame, sans sang supplémentaire. » Sans toutes ces merdes qui nous sont arrivées, et auxquelles ont a survécu, sans que je sache réellement comment. A croire que nos anges gardiens ont redoublé de taff ces derniers temps. Mon visage reste un peu dur, mais Isha n’en est pas le seul responsable. J’aimerai trouver le déclic qui le sortirait de cette torpeur, de ce trou où il semble plongé malgré ma présence, mais les mots me font défaut. Je fais un nouveau pas vers lui, jusqu’à me planter juste face à lui, et plonger mon regard dans le sien. « -Je suis là. Je l’ai toujours été d’ailleurs, pas un seul jour ne s’est passé sans que je pense à toi. Mais aujourd’hui, je suis là Isha, physiquement, juste devant toi, à te supplier de me revenir. Je t’aime. Je n’ai jamais cessé de t’aimer. J’ai besoin de toi. » Plus que jamais en ce moment d’ailleurs.

Ce n’est que très récemment que je me suis aperçue que notre histoire n’a jamais été des plus simples, même depuis son commencement. Entre notre rencontre, sur un rafiot rempli de cannibales qui n’étaient intéressés que par le fait de nous croquer, ses fiançailles qui nous obligeaient à nous voir en cachette, son père psychotique qui nous a forcé à nous séparer, sa perte de mémoire, l’arène, avec ses dangers, sa violence. Beaucoup de chaos pour ce qui aurait pu être une histoire d’amour plus simple que celle que nous vivons, mais rien dont aucun d’entre nous ne s’est jamais plaints. Alors ouais, c’est vrai que j’aspire à un peu de tranquillité après toutes ces péripéties, après toutes ces séparations, tous ces coups durs. C’est vrai, ce ne sera jamais plus comme avant, pour la simple et bonne raison que d’ici quelques mois, notre vie aura radicalement changé, mais ce n’est pas pour autant que les choses ne seront pas bien, heureuses même, pour nous aussi.

Je ne réagis pas tout de suite quand il s’avance rapidement vers moi, et m’attrape dans ses bras pour m’attirer à lui dans un long baiser que je n’avais pas vu venir. Mes doigts se cramponnent à ses épaules par réflexe, alors que je ne tarde pas à sentir le mur dans mon dos, et que mes jambes se nouent autour de sa taille instinctivement, pour le maintenir proche. Nos lèvres se réapprivoisent, avec cette passion qui nous caractérise bien souvent, alors que mes mains remontent pour aller se perdre dans ses cheveux et les agripper à pleines mains. J’ai du mal à accepter de le voir s’éloigner, même si on est toujours très proches, collés l’un à l’autre, mes jambes toujours autour de lui. Ma tête part légèrement en arrière, jusqu’à prendre appui contre le mur, alors que ce baiser fougueux m’a laissée essoufflée. Je ne peux que fermer les yeux face à ses paroles, parce que je sais pertinemment qu’il a raison, même si j’ai toutes les difficultés du monde à le reconnaître. Notre famille a besoin d’un monde sans Joshua, un monde où on n’aura pas à se retourner à chaque instant, en craignant ce qui peut nous tomber dessus à la moindre seconde. « -Promets-moi que tu seras très prudent, Isha…je…j’ai besoin que tu restes en vie, et qu’on se retrouve. T’as pas intérêt à laisser ce vieux bonhomme avoir le dernier mot… » Mon index parcourt distraitement l’arrête de sa mâchoire, alors que les mots qui sortent de ma bouche me révulsent. J’ai du mal à accepter que je sois en train d’encourager l’homme que j’aime à tuer le type qui a servi à sa conception, à l’encourager à se salir les mains, à l’encourager à noircir encore un peu plus sa conscience et l’image qu’il a de lui-même. « -Je suis tellement désolée que tu aies à faire ça, mon Amour… » Pas pour Joshua, non, bien sûr que non. Ce type mérite de crever, dans les pires conditions qui soient. Mais je suis juste désolée que ce soit à lui d’accomplir cette sombre besogne.

Je penche légèrement la tête sur le côté quand Isha sous-entend que je ne sais pas de quoi Joshua est capable. Malheureusement, je ne le sais que trop bien, pour avoir été plus d’une fois sa victime, je sais même parfaitement ce que Joshua peut faire, uniquement guidé par l’envie de faire le plus de dégâts et de dommages possibles aux personnes qui ont le malheur de croiser sa route. Bien que je trouve toujours cela abject de tuer qui que ce soit, je suis prête à faire une exception dans mon code d’honneur, pour ce fichu Cornwell, qui ne sait que semer le trouble, partout où il pose le pied, et où son regard s’accroche. Je remarque immédiatement l’air dur qu’arbore Isha, et je n’ose à peine imaginer tout ce qui a pu se passer à l’arène, pour que le gladiateur arrête de voir Joshua comme le Messie, comme ce père aimant et protecteur dont il s’est donné l’image, alors qu’il n’est rien d’autre qu’un vaurien.

De toutes façons, le sujet Joshua est vite expédié, et nos lèvres se retrouvent une nouvelle fois, pour profiter de ce moment volé, après ces longs mois loin l’un de l’autre. Ses mains arpentent doucement mon corps, qui s’éveille peu à peu à ce contact qui lui a tant manqué. Mais les baisers, tout comme les caresses cessent bientôt, alors qu’Isha se recule, pour plonger son regard dans le mien. Quoi ? Enfin…vraiment, il arrive encore à douter de ma présence dans cet endroit ? Je le fixe en levant les sourcils, ne sachant pas vraiment comment prouver autrement ma présence ici, et je mets une éternité à comprendre la lueur qui brille dans son regard. Mes pieds retrouvent le sol, alors que le brun se met à genoux devant moi, et que ses doigts trouvent le chemin des boutons de mon pantalon. Mon corps se cambre de lui-même, et seul le haut de mon dos reste en contact avec le mur, alors que mes doigts vont se perdre dans les boucles brunes du mécanicien. Ce n’est pas le moment de se livrer à l’une de ces petites joutes que nous avions l’habitude de partager un peu partout dans l’arène encore quelques semaines plus tôt, j’en ai bien conscience, mais le manque rend parfois plus inconscient que la situation l’exigerait. Sa main se faufile sous mon pull, et je ferme les yeux d’anticipation, sachant très bien comment les choses finissent quand elles commencent ainsi entre nous.

Pourtant, mes yeux se rouvrent de frustration quand Isha stoppe brusquement l’intrusion de sa main sous mon pull, ou plutôt celui d’Aaron, et il est de nouveau debout devant moi, et avant même que je n’ai le temps de réaliser, ou d’arrêter son geste, il soulève ledit pull. De toutes façons, je ne sais même pas si j’aurai voulu arrêter son mouvement. Les traits de son visage se teintent d’incompréhension, alors que sa main se pose presque religieusement sur la petite bosse sous mon nombril. Ses yeux vont à la rencontre des miens, et il n’a besoin de prononcer aucun mot, je lis sa question sans peine dans son regard fébrile. Alors, doucement, je pose ma main sur la sienne, et hoche lentement de la tête, confirmation silencieuse de ses soupçons. Je garde le silence un moment, avant d’entrouvrir les lèvres, pour lui confier à voix basse, ma main toujours sur la sienne : « -Tu comprends pourquoi j’ai fui l’arène, maintenant ? » Je fronce doucement les sourcils, alors que mes doigts pressent doucement les siens, sentant une espèce d’urgence naître en moi. « -Joshua ne doit pas savoir Isha, jamais…jamais… » Je n’arrive même pas à exprimer tout haut ce qui pourrait se passer si le sociopathe apprenait qu’un jeune enfant innocent grandit dans mon ventre, un enfant issu de notre union, à Isha et moi. « -Tu ne peux pas le dire à Declan, ni même à la nana en bas…pas tant que Joshua sera à en vie… »

Je n’ai pas le temps de finir d’exprimer toutes mes angoisses concernant ce secret sagement gardé depuis plusieurs mois déjà, et le besoin qu’il le reste encore, que je me retrouve dans les bras d’Isha, qui me serre fort contre lui. Je ne peux qu’imaginer l’état dans lequel il doit être, lui qui parle d’enfant depuis presque aussi loin que je le connaisse. Il parvient à m’arracher un petit rire entre deux baisers, et je sens une bonne partie de cette tension qui me crispait les épaules s’envoler subitement. Putain, ce que c’est bon de le retrouver. Je sais pourtant que ça ne va pas durer, même l’annonce de sa future paternité ne l’éloignera pas de ses sombres projets concernant Joshua, malheureusement nécessaire à ce qu’on puisse connaître cette vie heureuse qu’on mérite, tous les trois.

Quand les genoux d’Isha retrouvent le sol, et que ses lèvres se posent sur ce petit ventre arrondi, mes doigts se glissent instinctivement dans ses cheveux, alors qu’il s’adresse au renflement sous mon nombril. Je ne peux pas m’empêcher de froncer légèrement les sourcils, alors qu’une drôle de sensation indéchiffrable naît au creux de mon estomac. Est-ce lié au fait qu’il parvienne à dire avec autant de facilité qu’il aime déjà ce petit être, sans même avoir vu le bout de son nez, et à peine cinq minutes après avoir appris qu’il allait être père ? Je n’ai cependant pas le temps de m’attarder pour déchiffrer ce sentiment étrange que le brun relève la tête, et que nos regards se noient une nouvelle fois l’un dans l’autre.

La tonne de questions dont il m’abreuve me fait sourire doucement, alors que je repousse une mèche de cheveux qui cache subitement ses yeux. « -Rassure toi, tout va bien. On est en parfaite santé tous les deux ! » Je lui adresse un sourire, même si dans les faits, je n’en sais strictement rien. Je ne ressens rien d’autre que de la fatigue, de temps en temps, et niveau nausées, je pense pouvoir dire que j’ai eu pas mal de chance également. Le monde étant ce qu’il est aujourd’hui, suivre parfaitement l’évolution d’une grossesse est une mission impossible, et d’après Noah, le médecin de Fort Hope, je dois être attentive à mon corps, et ses moindres réactions, pour éviter tout souci. Ce qui, vraiment, n’est pas chose aisée. De toutes façons, je n’ai pas vraiment l’occasion de m’épuiser là-bas. « -Et ne t’inquiètes pas, je ne sors quasiment pas de la maison. Je reste enfermée pour éviter de tomber sur la taupe de Joshua, ce qui me laisse un temps fou pour me reposer, et angoisser au possible… » Un nouveau sourire étire mes lèvres, bref, qui n’atteint pas mes yeux. Et inutile de préciser que ce n’est pas après cette entrevue, et l’annonce du plan d’Isha, que je vais arrêter de m’inquiéter.

Je ne bouge pas quand les doigts d’Isha passent dans mes cheveux, et ravale le commentaire qui s’apprêtait à quitter mes lèvres. Que je ne m’inquiète pas, c’est facile à dire, vraiment. Comment ne pas s’inquiéter quand on découvre qu’on attend un bébé, que le père dudit bébé disparaît du jour au lendemain, puis ne donne pas signe de vie avant presque trois mois, alors que son psychotique de père est toujours là, dehors, à faire peser ses menaces malgré son absence physique ? Comment ne pas paniquer non plus, quand on songe au fait que d’ici quelques mois, le petit être qui grandit en moi voudra sortir, qu’il n’y a plus d’hôpital que l’hygiène n’est pas au top, que l’accouchement peut s’avérer être une véritable boucherie ? Vraiment, je pourrais lui faire la liste de toutes ces angoisses qui m’assaillent, nuit et jour, et contre lesquelles je ne parviens pas à lutter, parce que chaque nouveau doute, chaque nouvelle peur en ramène bientôt d’autres. Mais je ne le fais pas, parce que je me rends bien compte qu’exprimer toutes mes inquiétudes à voix haute n’aidera aucun de nous deux.

De toutes façons, Isha ne tarde pas à reprendre la parole, me coupant dans toute tentative de réponse, et ce n’est pas plus mal. Je me mordille la lèvre inférieure à ses mots, avant de fermer les yeux pendant quelques secondes. « -Et à toi…il ne faut pas qu’il te fasse de mal à toi non plus. » Parce que ce serait impensable d’imaginer un futur dans lequel il ne serait pas là, à mes côtés, à nos côtés. Je soupire doucement, et rouvre les yeux quand il explique qu’il ne veut pas me laisser seule. A-t-il seulement conscience du pouvoir de ses mots sur moi ? J’ai quelques difficultés à déglutir, pendant quelques secondes je détourne le regard, et ma tête se retrouve une nouvelle fois contre le mur quand Isha finit par me demander, à moi, de prendre une décision quant à la situation. Je lui en veux un peu de me mettre dans cette situation délicate, mais garde mon ressenti pour moi, peu désireuse de me lancer dans une dispute ou quoi que ce soit.

Il me faut une éternité pour que mon regard reparte à la conquête du sien, et quand j’ouvre la bouche, moi-même je ne sais pas ce qu’il va en sortir. « -Tu as raison, Joshua doit mourir. Mais si ça implique que tu y laisses toi aussi ta vie, c’est hors de question. Je préfère fuir toute ma vie que de vivre une vie sans toi, Isha. » Pourtant, la perspective de toujours devoir surveiller mes arrières, de dormir avec un œil ouvert, et de devoir être sur le qui-vive à chaque instant, avec en prime un bébé, ne me dit pourtant rien qui vaille. Mais si je dois choisir entre lui avec quelques conditions, ou pas lui du tout, le choix est vite fait. Je reste à sonder son regard pendant encore un long moment, avant de soupirer une nouvelle fois, de façon quasi inaudible. « -Je peux pas choisir pour toi. Si ça tenait qu’à moi, on serait en train d’avoir cette conversation assis confortablement sur un canapé, à Fort Hope. Mais je comprends ton hésitation. Et je comprendrais aussi que tu décides de t’occuper de Joshua… » Même s’il ne faudra pas compter sur moi pour ne pas m’inquiéter à juste titre, jusqu’à ce qu’il me revienne.

Je me crispe quand je l’entends dire avec ce qui semble être un détachement effrayant que s’il avait échoué dans sa tentative d’éliminer Joshua, et s’il en serait mort, cela n’aurait pas été un drame, parce que, comme il le dit, ça n’aurait pas été grave. Bien sûr que ça aurait été grave ! Il n’aurait même pas su la vérité quant au pourquoi de mon départ, il n’aurait pas non plus su pour sa paternité, et pire que tout, nous ne nous serions plus jamais revus. Je n’ai pas l’impression qu’il s’adresse réellement à moi, plus qu’il semble peser le pour et le contre à voix haute, dresser la liste de toutes les raisons qui pourraient le pousser à repartir, ou au contraire, à rentrer avec moi. Et pour le coup, je ne peux rien faire d’autre que de me montrer silencieuse, tandis que je le laisse dérouler le cours de sa pensée.

Quand il se recule pour plonger son regard dans le mien, je lis une véritable indécision dans ses yeux, mêlée à d’autres choses que je préfère ignorer. Les mots qu’ils prononcent sont durs, et s’ils me compressent le cœur, je prends le parti de ne pas le montrer, et de tout encaisser en silence. Je secoue légèrement la tête dans un signe de négation, et fronce légèrement les sourcils, avant de desserrer mon étreinte, et de plonger une main dans ma veste de pompier. Mes doigts s’accrochent autour du petit objet qui s’y cachait jusque-là, et je le retire doucement de là, avant de faire pendre au bout de mon doigt le pendentif en forme de cygne, que Logan m’a rendu il y a peu de temps. Je le glisse autour du cou d’Isha, et emprisonne le petit animal métallique dans mon poing, avant que mes yeux noisette se perdent dans ceux, bien plus sombres, du gladiateur. « -Je ne regrette aucun de mes choix. » Et je me redresse légèrement pour coincer ses lèvres entre les miennes, et glisser l’une de mes mains dans son dos, jusqu’à la poser sur ses reins.

Quand il finit par dire qu’il a peur que nous soyons séparés, je fronce les sourcils une nouvelle fois, plus violemment cette fois-ci. Manifestement, le mécano n’a toujours pas pris sa décision, et je sens que l’on peut tourner en rond comme ça pendant une éternité. Il ne se rend pas compte que chacune des personnes présentes ici en ce moment est potentiellement en danger ? Je plante mes yeux dans les siens, et c’est d’un ton ferme que je finis par lui répondre : « -Alors tu rentres avec moi. » S’il a réellement peur que l’on soit séparés, autant ne jamais se quitter, non ? Je reste à le regarder pendant quelques secondes, et après ce laps de temps qui me semble être une éternité, je glisse mes doigts entre les siens, et nous entraîne vers l’échelle.

Nous n’avons pas fait plus de trois pas vers l’échelle qu’Isha m’arrête, sans que j’en sois pour autant surprise. Comme si une part de moi se doutait que ça n’allait pas être si simple, et se faire sans heurt. Je me tourne donc vers lui, et on est une nouvelle fois dans les bras l’un de l’autre, si proches physiquement, même si un gouffre semble encore nous séparer. C’est assez ironique de se dire que ce genre d’attitude qui ne m’était pas du tout familière auparavant, puisque le seul qui avait le droit de me prendre dans ses bras était Aaron, est désormais devenue monnaie courante dans ma vie de tous les jours. Je fronce doucement les sourcils à son explication, avant de pencher légèrement la tête sur le côté : « -On aura tout le temps qu’on veut à Fort Hope pour être rien que tous les deux. Une chambre nous y attend. Regarde-moi Isha, on aura plus besoin d’être séparés. » Je vais même jusqu’à lui adresser un sourire rassurant, parce que je le pense vraiment.

Je reste immobile quand je sens ses doigts parcourir mon bras, et aller directement jusqu’à la bosse que forme sous ma peau mon implant contraceptif, qui, manifestement, est arrivé au bout de son efficacité. Mes sourcils se froncent pourtant quand Isha me demande de ne pas me fâcher, et je me mords l’intérieur de la joue en me retenant de lui dire que quand une phrase commence comme ça, c’est souvent que les propos qui l’accompagne risque de mettre la personne en rogne. Un peu comme le fameux « ne le prends pas mal, mais… », quasi systématiquement suivi de mots qui risquent de vexer, voire blesser, son interlocuteur. Quoi qu’il en soit, j’écoute ses nouveaux doutes, et plisse les yeux face à la perfidie sans nom de Cornwell senior. « -Ce sont des mensonges Isha. Joshua t’as menti, tu dois bien comprendre que tu ne dois pas te fier à un seul des mots qu’il a prononcé. Cet implant est dans mon bras depuis…pouah, je sais même plus…trois ans maintenant, je dirai ! Evidemment que je ne souhaitai pas tomber enceinte à l’époque, je ne savais même pas ce qu’était une relation tout court, et encore moins une relation sérieuse et exclusive. » Ouais, ok, je me suis peut être un peu sentie obligée de rajouter le « et exclusive » en écho à ses propos un peu plus tôt sur ma soit disant prétendue relation amoureuse avec Aaron.

Etrangement, je reste muette quand il finit par asséner une question que je n’avais pas vu venir. Est-ce que je suis…contente ? Je fronce les sourcils, et me mords la lèvre inférieure, en proie à une réelle réflexion. Car même si je suis surprise de sa question, je crois que c’est peut-être la première fois que je me pose la question, et j’avoue que ça ravive le chaos qui règne dans mon esprit, et qui s’était tarit depuis quelques minutes. « -Je…je crois que j’ai jamais eu aussi peur de toute ma vie. » Je sais que ça ne répond pas tout à fait à sa question, pour ne pas dire pas du tout, mais c’est la première chose qui quitte mes lèvres. Ma langue humecte distraitement ma lèvre inférieure, avant que je ferme brièvement les yeux l’espace de quelques secondes. « -Depuis que je sais pour le bébé…y’a pas un moment où j’ai pas flippé, pour à peu près…tout, en fait. J’avais peur de plus te revoir, peur qu’il te soit arrivé quelque chose de très grave, peur que Joshua te fasse du mal, ou parvienne jusqu’à moi. Et puis…plus les semaines passaient, plus les peurs s’accumulaient : que se passera-t-il s’il y a un problème lors de l’accouchement ? Et si mon corps ne supportait pas cette épreuve, comment le bébé survivrait ? Et comment on allait le nourrir ? Ou le vêtir ? Comme on ferait s’il tombe malade, s’il a besoin de médicaments, d’une opération, ou je ne sais pas quoi d’autre ? » Je secoue la tête, et me rends compte de toutes ces angoisses qui s’ajoutent, jour après jour, et qui m’empêchent de réfléchir correctement. « -Tu connais mes sentiments pour toi. Tu les portes autour du cou. Contrairement à toi, qui rêve de fonder ta propre famille depuis notre rencontre, pour moi avoir un bébé c’était une idée…inconcevable. Et encore moins avec le monde qu’on a maintenant. La vie d’un petit être humain sans défense va dépendre de nous, et cette simple pensée est angoissante au possible. Alors oui…sans doute que je suis heureuse, très certainement même, mais je n’arrive pas encore à le réaliser…Et puis…m’en réjouir sans toi à mes côtés, c’était tout simplement impossible… » Je me rends compte que mon discours ne doit pas être très clair. D’ailleurs, je sais qu’il m’a posé la question dans le but d’être rassuré, mais je pense que mes propos sont loin d’avoir eu l’effet escompté.

Malgré tous mes efforts, j’ai du mal à cacher cette lueur de panique qui a dû s’allumer dans mon regard à la seconde même où j’ai commencé à exprimer à voix haute tous ces sujets d’inquiétude quotidienne. Aaron a beau me montrer par A+B que je m’inquiète pour rien, impossible d’être rationnelle, et de me dire que les choses pourront, potentiellement, bien terminer pour tout le monde. Peut-être que maintenant qu’Isha est enfin de retour dans ma vie, je vais finir par réussir à voir les choses différemment, et à me détendre un peu plus. Enfin…s’il accepte de me suivre à Fort Hope bien sûr. S’il lance sa vendetta personnelle contre Joshua, je sais d’avance que les nuits blanches vont continuer à s’accumuler. J’essaye pourtant de lui sourire d’un air convaincu, pour donner le change, même si j’ai un peu de mal à voir les choses de façon aussi sereine que lui. Moi aussi, je voudrais réussir à me convaincre que tout va bien se passer, mais il reste encore trop de variables que je ne peux pas maîtriser pour me dire que ça va aller, et calmer toutes mes angoisses.

En tout cas, le fait d’avoir appris sa future paternité semble l’avoir sorti définitivement de cette torpeur dans laquelle il était plongé jusque-là, et ça me réchauffe le cœur de le voir un peu plus vif, et attentif. Il semble de nouveau avoir envie de se battre, et j’ai même l’impression qu’il entrevoit un avenir possible pour nous trois, comme si l’espoir était revenu en lui. Et ça fait du bien de le voir comme ça, et non plus renfermé sur lui-même. J’aimerai être aussi facilement convaincue que lui que tant qu’on est ensemble, rien ne peut nous arriver, mais notre histoire personnelle recèle quand même d’exemples prouvant le contraire. Je n’ai cependant pas à cœur de le lui rappeler, et garde pour moi ces quelques mots, peu désireuse de voir son sourire se faner.

Je reste un instant interdite face à cette proposition de prénoms de sa part, avant qu’un doux sourire étire peu à peu mes lèvres. « -Il est parfait. » Et je me dis que peut-être de tout là-haut Naya a souri, elle aussi, quand Isha a proposé qu’on nomme notre fille d’après sa constellation préférée. En revanche, si c’est un garçon…je fronce doucement le nez, avant de hocher la tête : « -Louis. J’ai toujours adoré ce prénom ! » Sans même savoir pourquoi, d’ailleurs. Il fait écho à mes origines françaises, mais ça s’arrête là, en fait. Ce prénom m’évoque la douceur, sans que je sache réellement pourquoi. Je plisse les yeux quelques instants avant de me mordiller la lèvre inférieure : « -J’aime assez l’idée d’avoir un mini-toi. » Plus j’y pense, et plus la perspective d’avoir un mini-Isha qui court partout dans notre chambre en couche, avec ses bouclettes sombres me fait sourire. Enfin, bien sûr, s’il s’avère qu’on ai une fille, cela ne changera en rien mon amour pour ce petit être. Avant que tout s’effondre, j’ai toujours entendu les futures mamans et leur entourage dire que l’essentiel était que le bébé soit en bonne santé, fille ou garçon. Et avec le monde qui est le nôtre désormais, cette phrase prend tout son sens. Fille ou garçon, peu importe au fond, mon plus grand souhait est juste qu’il soit en bonne santé, et que tout aille bien pour lui. J’adresse au futur papa un tendre sourire, avant de me hausser sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur ses lèvres, contre lesquelles je souffle doucement : « -Et je voudrais toujours de toi. »