Aider Abel avec les rebelles était une tache prenante, mais pas autant qu’être la femme officielle de Declan. La jeune archère s’était pensée patiente et a l’épreuve de tous les maux de la terre, mais çà, c’était avant de subir calembours sur frasques sur jeu de mots du champion à capuche. Penser a des petits chatons morts ou malmener des esclaves ne lui suffisait plus pour tenir les apparences de Deborah Traeger. Elle n’arrivait toujours pas à expliquer le masochisme qui la poussait à continuer sous cette couverture alors que son oncle Sam lui avait proposé d’autres moyens de rester à ses côtés. Peut-être avait-elle développé une nouvelle déviance s’apparentant au masochisme. Si elle en avait été capable, cela l’aurait certainement amusée ou étonnée, mais le sujet n’était pas assez pragmatique pour qu’elle essaye d’y relier des émotions. La plupart du temps, elle était à l’arène sous sa fausse identité, avec Nayati, son neveu qui était devenu, aux yeux du monde, son fils avec Declan, en écharpe avec elle, telle la tradition amérindienne. Elle essayait de garder un œil sur son jeune frère mais en dehors des combats et des pots au bar pour féliciter son équipe, il vivait en autarcie avec Joséphine. Un comportement qu’elle avait du mal à comprendre.  En attendant, Il ne se souvenait toujours pas d’elle et elle n’arrivait toujours pas à savoir si leur père avait réussi à le briser pour de bon ou non. Quand elle ne jouait pas les espionnes pour son oncle Sam, et ne prenait pas sur elle pour ne pas finir veuve avant l’heure, Deena s’investissait dans la cause d’Abel. Elle n’avait pas épaulé l’ex gardien de prison par conviction, quoiqu’en pense les sous-fifres, elle se contentait de payer ses dettes. Rien de plus ou de moins.  Abel avait pensé connaitre l’ainée Cornwell pour l’avoir croisée avant l’apocalypse, mais il n’avait pas eu l’occasion de réellement mesurer la pathologie de l’amérindienne. Seul Sam, ici, connaissait le véritable danger que la frêle jeune fille pouvait être. Prendre une criminelle pour en faire son bras droit avait ses avantages mais aussi ses inconvenants. Personne ne se méfiait d’une femme, en apparence fragile, avec un bébé et elle arrivait a coordonnée des plans signe de son père contre les militaires. En parallèle, le mot limite ou pitié ne faisant pas partie de son vocabulaire, Abel avait certainement tort de trop lui faire confiance pour savoir doser la force de frappe et les pertes jugées tolérables.

C’est pour un mélange de raison qu’elle avait réussi à laisser le bébé a une esclave pour aller a la fameuse taverne. Ce n’était pas tant les breuvages servis qui l’attiraient ici, on lui donnerait du pipi de haut savoyard diabétique à la place d’une bière, elle ne ferait pas la différence. Ce soir il n’y avait pas Isha, il ne venait que les soirs de gros combats et courrait rapidement retrouver celle qui tenait fermement sa laisse. Il n’y avait pas non plus de rencontre avec des rebelles infiltrés pour faire passer des informations ou des plans d’actions. Non, ce soir elle était là pour comprendre ce qui pouvait être un petit gravillon en chaussure, ou un parpaing en engrenage, quand il ne jouait pas le rôle du beau gosse qui sert des verres. Deena l’avait espionné, elle avait fini par savoir qu’il était un agent de Logan. Restait à savoir s’il était là pour une cause tout à fait irrationnelle tenant de l’affection du chef de Fort Hope pour son frère ou s’il y avait d’autres choses, plus gênantes pour « ses petites affaires » qui pouvaient motiver l’envoi d’un espion ici. Elle avait été apprêtée par une esclave qui avait une vision de ce que devait être la femme d’un champion qui échappait parfaitement à l’archère. Cette petite sotte l’agaçait prodigieusement avec ses « vous vous êtes merveilleusement bien remise de votre grossesse, vous devriez mettre des vêtements plus moulants. » Comment cacher des armes dans ces robes qui cachaient déjà à peine le reste ? Et pourquoi lui donner du prestige juste parce qu’elle était l’épouse d’une personne prestigieuse ? Ça n’avait aucun sens. Dès qu’elle aurait une occasion, elle s’occuperait de cette concierge. En attendant, c’est avec un grand sourire enjoué qu’elle arriva presque à la fermeture de la taverne. Il n’y avait plus personne déjà. Avec un savoir faire hériter de son père pour imiter des choses qu’elle ne ressentait pas, elle prit une moue gênée comme si elle comprenait que seulement que l’heure était trop avancée pour venir prendre un verre.  « Oh non, ne me dites pas que j’arrive trop tard ? J’ai rêvé d’un verre toute la journée mais mon fils vient à peine de s’endormir. » Avec un soupir savamment étudié un petit regard de chien battu, elle ajouta : « Il va falloir remettre ça pour demain j’imagine ? » Deena avait remarqué qu’on accordait plus de faveur a une jeune maman, ce qui lui échappait aussi. Nayati était un enfant calme qui avait compris, des les premiers instants de sa vie, que crier et pleurer ne servait à rien. Elle pouvait donc difficilement s’en plaindre. Il n’y avait plus qu’à gager que le barman était socialement dans la norme et trainer avant de faire demi tours

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Deena afficha un grand sourire alors, qu’en elle-même, elle se demandait pourquoi les gens ne pouvaient pas dire simplement non ? Les codes sociaux étaient, à la fois simples à singer, si on ne cherchait pas à les comprendre, et complètement illogiques si on prenait le temps d’essayer de les décortiquer. Elle alla s’installer sur le tabouret de bar sans oublier de remercier l’homme qui, s’il était agacé par sa demande, le cachait bien : « Merci beaucoup, je m’en veux un peu de vous donner du travail en plus. » Un autre mensonge socialement obligatoire. Dans les faits, Deena s’en fichait complétement. D’ailleurs, s’il y avait eu un moyen d’avoir cette conversation sans s’imposer cet endroit et toutes les conventions qui allaient avec, la Cornwell aurait volontiers évité le bar. Cela l’amena à l’ennuyeuse question de quoi boire. Elle détestait les fioritures, les préliminaires, les enrobages de sucres et tout ce qui n’était pas direct. Declan avait beau avoir malmené sa patience, elle réussit à prendre sur elle et, avec le masque de l’adorable petite épouse de champion, parfaitement touchée par toutes ces attentions, elle se prit à répondre : « Vous avez déjà la gentillesse de me donner un peu de votre temps, je ne vais pas abuser en vous imposant d’autres caprices. Je prendrais ce qui est le plus simple pour vous. » Même s’il lui donnait de l’eau de vaisselle, elle ne pourrait le savoir que lorsque son estomac lui dirait non.  Sur un ton de connivence amusée elle précisa : « Et je vous jure que je ne compte pas casser du mobilier, me rependre en fluide de toutes sortes ou faire des animations qui vous donneraient encore plus de travail. » Non, elle voulait simplement savoir qui était Vaughn, pourquoi il tournait autour de son frère, pourquoi il y avait un lien avec Logan et lui et décidé de quel coté de la ligne il se situait. Peut-être était il du mauvais et qu’elle pourrait jouer avec. « C’est vrai qu’avec la population que regroupe l’Arène, vous ne devez pas vous ennuyer. Je pense que si j’étais barman si j’aurais pas préféré m’installer dans un endroit plus calme, comme Fort Hope par exemple. » Elle plongea son regard dans le sien avec un petit air de défis, en espérant que cela donnerait envie de parler à l’homme. « Mais peut être êtes-vous plus un homme d’actions qu’un homme à se contenter de la routine ? »

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De toutes les boissons qu’il pouvait lui servir, il avait fallu qu’il lui donne la pire qu’il soit pour elle. Non pas que Deena ait de préjugés sur ce que ses frères appelaient du « pisse mémé », privée de gout, ce n’était qu’un liquide comme un autre pour elle, mais elle était incapable de savoir si elle se brulait ou pas. Elle resta une seconde interdite devant la tasse fumante n’osant pas la toucher. « On peut dire que vous savez vous amusez vous. » Pique désuète pour tromper le malaise quant au choix du breuvage. Elle se basa sur lui pour savoir quand prendre sa tisane pour éviter des cloques. L’ainée des Cornwell n’était peut-être pas la meilleure pour deviner les sentiments des gens, mais elle vivait suffisamment dans un agacement constant pour ne rien louper des traits de mauvaises humeurs, mal dissimulée, du barman. Non elle ne le prenait pas encore pour une personne stupide, mais elle ne doutait pas que cela viendrait vite, comme pour tout le monde. Cela pouvait paraitre prétentieux de sa part, mais dans son monde, il y avait les gens comme elle, son oncle, son père, et, en bas de l’échelle, les autres. Dans cette catégorie de personnes s’étouffant dans une moralité ridicule pour ne pas écouter leurs envies animales, elle avait du mal à y voir de l’intelligence. Elle le regarda avec un amusement non feint retourner s’affairer et elle prit tout son temps pour finir d’ingurgiter le liquide qu’il lui avait servit avant de reprendre la parole. Son père disait toujours : "celui qui sait manier le silence aussi bien que des viscères est le maitre du jeu". « C’est assez étrange que vous pensiez que je puisse vouloir quelque chose de vous non ? A ma connaissance vous êtes celui qui gère ce lieu, donc, d’après vous je serais ici pour autre chose que profiter de cet endroit et faire connaissance avec vous ? C’est un point de vue très intéressant je trouve. »  Il se méfiait, trop pour une personne qui n’avait rien à cacher. « Faites vous d’autres prestations dont on ne m’aurait pas parlés ? »  Comme de l’espionnage, pensa t’elle, ou peut être gigolo aussi, les Vestales étaient toujours à glousser autour de lui et vanter ses moindres faits et gestes. Certes, c’était un bel homme, mais Deena était au-dessus de ses considérations dans l’instant. De bonnes grâces elle ajouta : « Deborah Traeger dont la malheureuse existence se cantonne à être l’épouse d’un champion et la mère de son fils. J’espérais profiter de ce moment sans mari ni bébé pour faire connaissance avec un nouveau visage qui n’est pas un abruti voulant jouer à la bagarre dans un costume de romain. » Elle se leva avec précaution avant d’ajouter : « Puis je vous retourner la question ou dois-je vous demander combien je vous dois avant de quitter les lieux? ».

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Deena continua de sourire comme son personnage l’obligeait à le faire. Mais derrière son masque de dinde, elle l’observait comme pour deviner ce qui se cachait derrière ce changement d’attitude. Était-il, comme les autres, assez idiot pour donner du respect à une pauvre chose seulement parce qu’elle appartenait à un homme censément puissant ? Quand un joueur de poker change de tactique, c’est souvent qu’il a eu une nouvelle information, que cela soit sur sa main ou sur celles des autres. Elle l’écouta donc avec d’autant plus d’attention et en essayant de passer outre le fait que, pour elle, toutes les boissons se valaient. Nonobstant son pseudo départ, c’est avec une bonne grâce toute feinte, elle revint à sa place. « Je ne veux pas de traitement de faveur, c’est épuisant de n’être que l’épouse de Declan. » Et les mots étaient faibles tant l’humour potache et sans fin du champion lui tapaient sur les nerfs. « Je m’en voudrais de ruiner votre commerce, alors disons plutôt que c’est moi qui vous invite, sur les deniers de mon époux, bien évidement. » Deena n’escomptait extorquer plus d’informations que nécessaire avec de l’alcool à un barman. Aux jeux de « faire parler les gens en leur servant un verre », il devait forcement être meilleur qu’elle. Sa politique étant de ne jamais se lancer dans une bataille qu’elle n’était pas sûre de gagner. Elle ne comptait, donc, pas s’aventurer sur ce chemin-là avec lui et avaler du tord-boyaux sur tord-boyaux. « Compte tenu du fait que c’est mon époux qui régale, n’auriez vous pas quelque chose de plus festif, dirons-nous, que votre simple whisky ? » Cette petite phrase était minaudée avec perfection et accompagnée d’un sourire entendu. Ici, elle était la parfaite potiche et personne ne se doutait de l’existence du monstre derrière cette façade sans intérêt. Pour pécher au gros, il fallait être généreux dans les appâts et parfois, accepter de lancer plus de viande que l’on pouvait espérer en récupérer. Avec une mine contrite, une fois de plus, exécutée à la perfection, elle ajouta « C’est vrai que mon époux ne s’amuse pas vraiment, depuis que lui et Robin ont pris de la distance, j’ai l’impression qu’il boude tous les plaisirs de la vie. Cela m’étonnerait que vous l’ayez déjà vu dans votre établissement contrairement aux autres champions. » L’hameçon avait été lancé, bien évidemment, elle se fichait royalement que l’on parle de Declan, son véritable point d’intérêt avait les yeux noirs et des boucles de la même couleur.

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